DICTIONNAIRE HISTORIQUE
DE
L'ANCIEN LANGAGE FRANÇOIS
NIORT. — TYPOGRAPHIE DE L. FAVRE.
DICTIONNAIRE HISTORIûnE
L'ANCIEN LANGAGE FRANÇOIS
GLOSSAIRE DE LA LANGUE FRANÇOISE
DEPUIS SON ORIGINE JUSQU'AU SIÈCLE DE LOUIS XIV
Par LA ÇURNE DE SAINTE-PALAYE
MEMBRE DE L'ACADÉMa DES INSCRIPTIOKS ET DE L' ACADÉMIE FRANÇOISE
Publié par les soins de L. FAVRE, membre de la Société de l'Histoire de France,
avec le concours de M. PAJOT, Archiviste-paléographe,
CONTENANT :
SIGNIFICATION PRIMITIVE ET SECONDAIRE DES VIEUX MOTS
Vieux mots employés dans les chants des Trouvères,
Acceptions métaphoriques ou figurées des vieux mots français. — Mots dont la signification est inconnue.
ETYMOLOGIE DES VIEUX MOTS
Orthographe des vieux mots. — Constructions h-régulières de tours de phrases de l'ancienne langue.
Abréviations ; études sur les équivoques qu'elles présentent dans les anciens auteurs.
Ponctuation ; difficultés qu'elle présente.
Proverbes qui se trouvent dans nos poêles des XII^, XlIIe et XIV*- siècles.
Noms propres et noms de lieux corrompus et défigurés par les anciens auteurs.
Mots empruntés aux langues étrangères
Usages anciens.
SUIVI DES
CDRIOSITEZ FRAiÇOlSES. pour supplément aux Dictionnaires
Ou Recueil de plusieurs belles propriété^, avec une infinité de proverbes et quolibets pour l'application de toutes
sortes de livres, par Antouin OUDIN.
TOME SECOND
NIORT
L. FAVRE, éditeur du GLOSSARIUM de Du Cange,
Rue Saint-Jean, 6.
Te
Si
DICTIONNAIRE HISTORIQUE
L'ANCIEN LANGAGE FRANÇOIS
AP
Ap, préposition. Avec. On observe que les lettres
p e\ b étant de même organe, on a pu prononcer et
écrire indifféremment «p ou ab; préposition qui,
dans le langage méridional de la France, paroil être
une abréviation de l'adjectif ambe, pris dans le sens
conjonclif de cette même préposition ap ou ab, avec.
(Voy. Ambe ci-dessus.)
Aut Apostols cumtet (1)
E dis c'ap Deu parlet.
Fragmcnl du MS. de S' Martial de Limoges, fol. 50, Rv
Molt lo laudaven (2) e amie e paront
C'ab (3) Damnedeu se ténia (4) forment.
Vie ae Boêce, frag:m. MS. de S' Benoil-sur-Loire. p. 273.
E (5) sa ma dextra la Domna u libre ten (G),
Tôt aquel libres ara de fog (7) ardent.
Zo's (8) la jiisticia al Rei omnipotent ;
Si l'om o forfai, e pois no s'en repent...
Ab aquel fog s'en pren so vengament.
Cel bonai vai (9) qui amor ab lei pren.
Ibid. p. 275.
Que le p ou le b, ait été changé en v, autre lettre
de même organe, il n'en faut point d'autre preuve
que la préposition composée avoec. (Voy. Avoec.)
C'est proprement à l'oubli et à l'ignorance de la
prononciation du v toujours écrit u, et au retran-
chement de ce même u prononcé v, que l'on doit
attribuer l'origine d'au et À, préposition qui dans la
signification d'avec, paroit avoir la même étymolo-
gie qu ap ou ab. (Toy. Au ci-après.)
TARIAiNTES :
AP. Fragment du MS. de S' Mailial de Limoges, fol. 50, R».
Ab. Vie de Boèce, Frag. MS. p. 270, passim.
Apaer, verbe. Pacifier, accommoder, etc.
Apaiser. Payer, satisfaire, contenter, soulager, etc.
Il est évident que le principe de la formation des
verbes apaier, apaiser, est le substantif latin pax ;
mais en remontant à l'origine la plus vraisemblable
de ce même substantif ;ja.i', pacis, dérivé de l'ancien
verbe pacere ou pagere, le même que pangere, au
supin pactum, on croit apercevoir une analogie
marquée entre les verbes françois apactir, apaier,
apaiser. (Voy. Appactir.) L'ordre de la société géné-
rale, ou particulière, est établi sur des pactes, sur
des obligations fixes et réciproques : ainsi, pacifier
une ville, Vapaieren ancien langage, c'est en fixer
l'état par le rétablissement de ce même ordre.
AP
. . . Artus remest en Bourgoigne :
Tout river iUec séjourna ;
Les citez prist et apaia.
Rom. de Brut, MS. fol. 99, R' col. 2.
Lorsqu'il s'agissoit de particuliers désunis par
l'intérêt, ou par quelqu'autre passion, les apaier
c'étoit faire la paix entre eux, les lier, les obliger
par un jugement, un accommodement, etc. en
général, par un pacte qui fixoit leurs prétentions ou
îeurs droits respectifs. « Comme conlens fut entre
« Jeanne comtesse de Flandres... etJean deNéelle...
« li Rois fit la Comtesse semondre par-devant lui,
« par deux Chevaliers. La Comtesse comparant
« à jour, proposa quellen'avoitpasété suffisament
« semonse par deux Chevaliers; quar elle devoit
« estre semonse par ses Pers, les parties eux (10)
« appayant en jugement. » (Daniel, Mil. Fr. T. \,
p. 181 ; tit. de 1324.) Il seroit inutile de multiplier
les preuves de cette acception du verbe apaier,
pacifier un différent, l'accommoder, le juger, etc.
On ajoutera seulement qu'il étoit quelquefois réci-
proque dans le sens d'accommoder.
Si s'est au vilain apaié.
Bestiaire. MS. du R. n" 7989, fol. 164 ; fable xvn.
Il existe entre le Ciel et la Terre un pacte d'al-
liance qui se renouvelle autant de fois que l'homme
fait sa paix avec Dieu, en satisfaisant à sa justice par
l'humble et douloureux repentir de son audace ou
de sa foiblesse. On disoit en ce sens, apaier Dieu,
apaer le Seigneur. >■ Pur co que li Reis Roboam eli
» suen se humilièrent devant nostre Seignur,
« alches (il) le apaèrent de sun maltalent; si que il
» ne's volt del tut destruire. « (Livres des Rois, ms.
desCordel. fol. 104, V° col. 1.)
Qui ci corrouce Deu, ci Testuet apayer.
Fabl. MS. du R. n» 7615, T. Il, fol. 144. R* col. 2.
Et preslz de Dieu prier soyez ;
Ainsi ramez et appayez, etc.
J. de Meun, Test, vers 1657 et 1658.
En satisfaisant à une obligation contractée par un
pacte civil, on procure la paix, la tranquillité de la
personne que ce pacte intéresse. On l'apaise, pour
ainsi dire, et elle se tient apaiée. De là l'acception
des verbes apayer, payer.
(1) Conta, raconta. - (2) Louoient. — (3) De ce qu'avec, etc. — (4) Se tenolt. - (5) En sa main, etc. — (6) Tient. —
(7) Feu. - (8) C'est. - (9) Il en va bien à celui. - (10) Eux; c'est-à-dire les Pairs. - (11) Quelque peu, un peu.
II. 1
AP
- 2 -
AP
En tes ditez, qui bien entendent,
Pevenl veer qu'à trois fins tendent...
La premier e.st de bien paier
Pour faire ses gens upaier.
Geufioi de Taris, U la suite du R. de Fauvcl, MS. du R. fol. 4G.
El de leurs gaiges si paiez
Qu'ilz en soient si appuie-:, etc.
Gace de la Digne, des Déduits, WS. fol. 153, V*.
On disoit, se tenir apaië ou apaisé, dans le même
sens. « Nous avons eu el receu trois mille lloriiis
« d'or... desiiuels nous nous tenons bien upaije:i et
« les en (|uilons du tout. ■> (Oïd. T. 111, p. 3;{2
et 333.) « Cuiivenances tenir dusqu'à mil livrées de
« terre dont elc se tendra apaiée avec la conté de
« S. l'ol. " (Ducliesiie, Hist. de la M. de Cliàlillon,
pr. p. /i,"); til. de l'23tj. — Yoy. Apaiser ci-dessous.)
L'idée particulière de celle espèce de satisfaction
étant généralisée, le vei'be apaer ou apaier,
abstraction laite de toute idée de pacte, signifioit
l'état paisible dont on nous fait jouir en satisfaisant
un besoin physique ou moral, réel ou idéal ; en sou-
lageant les douleurs du corps; en contentant les
passions de l'âme, du cœur ou de l'esprit.
. . . Par les mires sont li navré upaié.
\'ab\. MS. du R. n- 7615, ï. 1, fol. 63, V' col 2.
. . . Por Dieu, çaienz vos traiez
Et mon desirrer m'o/inic:.
Aleïaudre et Arislote, MS. de S. Gcrm. fol. 73, V col. I.
Jà por regarder son vis
Apaicz ne me tenroie,
S'auire cose n'en avoie.
Chans. du Comte Thibaut, MS. p. 154.
Ne se tient de riens appuyé
Le desloyal, le renoyé :
N'est riens quiluy puisse souffire.
Rom. de la Rose, vers 20084-2008C.
... Je me tieg apaiés del atendre,
Puiske chascuns vos aime ensi sans prendre.
Ane. Poêt. fr.MSS. av. 13UU, T. UI, p. 997.
Les foulz sont apaié
De ce de coi li sages est honnis, etc.
Ane. Poës. 1>>. MS. du Valic. n- 1J2"2, fol. 162, R° col. 1.
On trouveroit inutile un plus long détail des
acceptions particulières du verbe upaier, soulager,
tranquilliser, etc. puisque toutes se réunissent d'ans
l'acception générale à'upaler, satisfaire. (Yoy.
Apaiemekt et Apaier ci-dessous.)
VARIANTES :
APAER. L. des Rois, MS.desCordel. fol. 104. - D. Morice,
preuv. de IHist. de Bretagne, T. I, col. 959; tit. de 1254.
Apaier. L. des Rois, MS. des Cordel. fol. 25. - Geofroi de
Paris, à la s. du Rom. de Fauvel. — Athis, MS. fol. 114,
V" col. 1, etc. - Borel, Dict.
Ap.mier. D. Carpent. S. G. 1. de Du Gange, au mot Apacare.
Apayeu. J. de Meun, Cod. -.'ers 572. - Fabl. MS. du R.
n» 7218, loi. 2(i6, R» col. 2.
Apoier. D. Carpent. S. G. 1. de Du Gange, au mot Apacare.
Appayer. J. de Meun, Test, vers 1545. - Id. ibid. vers 1658.
Apai, subst. masc. Amorce. L'origine de l'ancien
mol apai semble être la même que celle d'apast.
(Voy. Apasï.) On a dit figurément :
Oel riant et gai
Garni d'amourous apai.
Ane. Poei. fr. MSS. avant 1300, T. III, p. 1205.
Apaicmont, subst. luasc. Action d'apaiser,
expiation, satisfaction. Dans une signification rela-
tive à celle du verbe npaer, apaièi', on nommoit
apnirmcus : \° les expiations par lesquelles on
(ijxiisdit la Divinité. « Les offrandes et les sacrifises
« et les upuieinen% qui se faisoient à Deu au
« temple. » (Livres des iUachabées, ms. des Cordel.
fol. 15G, R-col.S.)
2" Les complaisances dont une maîtresse paye et
satisfait son amant.
Fausse piliez est as nices chetis
Apaieinots, e li sage enragié
En sont : partant vault fausse piliez pis, etc.
Ane. Poës. fr. MS. du Vatic. n- 1522, fol. 1G2, R- col. 1.
Apaier, verbe. Amorcer. Attirer en présentant
un appât : délinilion conforme h notre première
conjecture sur l'origine du substantif apai. (Voy.
Apai ci-dessus.)
Chesl goupil qui tant set barat...
A cliascun qui vit charneument,
Se fait tout mort chertainement
Pour chou que plus près les apaie.
D. Carpentier, S. Gl. lat. de Du Gange, au mot .\pacare.
Quoiqu'on ait soupçonné avec quelque vraisem-
blance, une analogie entre apast et apai, il seroit
possible qu'ff/;fli et apaiement fussent de même
origine, et que dans un sens relatif à celui
iV apaiement, satisfaction, l'on eût désigné par œil
iraiiiorous apai, un œil dont l'expression vive et
leiidrc satisfait un désir amoureux. Alors le verbe
apaier, dans les vers qu'on a cités, seroit le même
qu'apaer, apaier, satisfaire. 11 ne signifieroit
amorcer qu'autant qu'on satisfait l'homme charnel,
en lui présentant l'amorce des plaisirs. (Voy. Apaer.)
Apaisement (l),s;/&si. masc. Pacification; rem-
boursement, dédommagement, elc. satisfaction. On
a dit et l'on dit encore apaiser dans le sens de paci-
fier. De là, le substantif apaisement a signifié paci-
fication. •< L'Empereur, le Roy d'Angleterre et le
« Duc de Bourgogne convinrent ensemble à Calais,
« pour traicler de Yappaisement de France et
« d'Angleterre. » (Hist. chron. 1400. — l-'i67; an.
141G.) '< Accord et appaisement des divisions qui,
« elc. •' (Preuves sur le meurtre du D. de Bourgo-
gne, page 295.)
11 semble qu'en particularisant cette acception,
l'on a nommé apaisement, acte d'apaisement, l'acte
par lequel on pacifioit, on apaisoit une contestation
née ou à naître sur la nécessité des réparations et
améliorations à faire par l'acquéreur d'un héritage
dont il doit prévoir le retrait; sur l'obligation d'un
dédommagement, d'une indemnité, etc. « L'achep-
« leur devra, pendant l'an accordé par la Coustume
« pour user du retrait lignager, conserver et main-
« tenir le bien vendu en aussi bon estât comme il
« estoit au jour de la vente... et s'il y a fait aucunes
« mises ou impenses nécessaires... elles luy seront
« resliluées par ledit lignager, sans que néantmoius
« luy soit permis de faire' démolition, ny édifices
(1) Ce mot, qu'on emploie encore fréquemment et qui date au moins du xv« siècle, ne se trouve pas au Dictionnaire de
l'Académie, (.n. e.)
AP
3 -
AP
« nouveaux que par ordonnance de Justice, et
« après appaiscment pris de la nécessite ou utilité
« évidente. » (Coût, de Cliimay, nouv. Coût. gén.
T. II, p. "II').) « Les censiers avant pouvoir préten-
« dre quittance à leurs maistres pour cause des
• pertes qu'ils auroient supportées en leurs adves-
« tures... seront tenus de monstrer leurs pertes et
« dommages à leurs maistres... et en cas de refus
. ou déUiy, les faire visiter par gens de Loy et
« laboureurs à cecognoissans... pour par ce moyen
« en appointer amiàblement. Et s'ils ne s'accor-
« dent, s'adresseront à notre Cour... par requeste,
« à laquelle joindans les actes des (ippaiscmens et
« refus cy-dessus, ils contendront ;\ telle modéra-
« tion que de raison. » iCout. de Haiuaut, ibid.
page 13i, col. 2.)
C'est dans le sens d'apaiser, payer, rembourser,
dédommager, etc. qu'on lit : « diront vérités de
« toutes les restitucionset apaisemenx- qu'il auront
« fait, ou fait faire de fait, ou de promesse. » (Ord.
T. I, page 544.)
La signification A' apaisement en cet autre pas-
sage, semble relative à celle d'apaiser une demande,
satisfaire à une question, y répondre. « Pourremé-
« dier et pourveoir aux abus et larcins que l'on
« commet journalièrement par tous nos bois et
« ceux de nos vassaux, nous avons consenty... que
« l'on puisse faire Visitation... en toutes maisons de
« ceux qui seront suspectez desdits larcins ; et si
« on y trouvoit bois verd ou autre, et que les resi-
>. dcns esdites maisons ne voulussent donner appai-
" sèment d'où ledit bois trouvé procéderoit, etc. »
(Coût, de Ilainaut, nouv. Coût. gén. T. II, p. 148.)
En termes de procédure, l'apaisement sur lequel
un défendeur étoit admis à requérir le profit d'un
défaut contre le demandeur qui ne comparoissoit
pas au jour assigné, étoit probablement l'acte qui
conslaloit que le défendeur ayant satisfait îi l'ajour-
nement , devoit être tranquillisé par absolution
d'instance. « Si... le demandeur est défaillant de
« comparoir au jour assigné, le dePfendeur devra...
« prolester d'iceluy défaut, et en la journée ensui-
« vante, en requérir le profit, à qiioy il sera admis
« sur appaisement prins tant du registre que des
« exploits du Sergeant; et emportera la contumace
« du demandeur congé de Court et absolution d'ins-
« tance. » (Coût, de Hainaut, nouv. Coût. gén. T. II,
p. 113.) Peut-être aussi que « prendre appaisement
<i tant du registre que des exploits du Sergeant. »
c'étoit les vérifier, satisfaire à une formalité en les
vérifiant. Quelque variées que puissent être les
acceptions particulières du substantif fl/w/srmmf,
il suffit ici de marquer celles dont l'analogie paroit
moins sensible avec les acceptions du verbe dont il
est formé.
On pouvoit « faire appaisement de l'amende du
« poing coupé, » en satisfaisant à la Loi qui pro-
nonçoit cette peine contre celui qui frappoit un
Serg'ent; ou plutôt en modérant cette peine, en la
commuant en une peine pécuniaire dont on se con-
tentoit par humanité. « Si sur calenge faite par
« Sergent, le calengé ou autres assistans... touche
« par' main mise ledit Sergent, celuy ou ceux
« encherront en l'amende du poing couppé, dont
« le Seigneur ou maistre du Sergent pourra faire
« Vappaisement ; et si la poursuyie s'en fait par
« noz Officiers, elle se fera en nosfre Court à Mons,
« veu que c'est cas de hauteur. » (Coût, de Hainaut,
Coût. gén. T. I, p. 793. — Voy. Apaiser.)
TARUNTES :
AP.USEMEXT. Ord. T. I, p. 54i.
Ap.wsemext. Gloss. fr. lat. MS. du R. n" 7684. - D. Car-
pentier, Suppl. Gloss. lat. de Du Gange, au mot Expiare.
Appaisem.\xt. Monet. Dict.
Appaisement. Percef. Vol. V, fol. 106, R" col. 1. —
Cotgrave, Oudin, Rob. Estienne et Nicot, Dict.
Apaisenter, verbe. Etre apaisé. Apaiser, paci-
fier. La signification de ce verbe est neutre dans le
passage suivant : « Deus... à poines encomenzat à
« apaisenteir al tens Abraham son amin. » (S' Bern.
Serm. fr. jis. p, 16G.) 11 semble que plus ordinaire-
ment elle étoit active. Dans le sens d'apaiser, paci-
fier, on a dit : « Despoz que Criz... fut devenuz
" moyeneres de Deu et des homes, et qu'il apaisen-
« tat parmei son sanc celés choses ki estoient en
« Ciel et celés qui estoient sor terre, etc. » (S" Bern.
Serm. fr. ms. p. 259.)
C'est encore dans le sens d'apaiser, qn' apaisanter
signitîoit disposer Dieu ou l'homme à pardonner,
en satisfaisant à la Justice divine et humaine.
« Pues que nostre Sires ne welt mies ma mort... ju
>■ volentiers... li offre ma vie. Cist est li sacrifices
« ki apaisantet nostre Signor. » (S' Bern. Serm. fr.
MS. p. 269.) « Petiz enfès est ki legierement puet
« eslre apaisantei:> ; car . . . li enfès paVdonet legiére-
« ment. » (Id. ibid. p. 19G. — Voy. Apaiser et Apaisir.)
VARIANTES :
APAISENTER. S> Bern. Serm. fr. MSS. p. 259.
Apaisanter. Id. ibid. p. 269. - G. .Machaut, MS. fol. 208.
Apaisexteir. S' Bern. Serm. fr. MS. p. 166.
Apaisenteur , suhst. masc. Pacificateur. La
signification à'apaisenteur est la même que celle
à'apaiseur. (Voy. D. Carpentier, Suppl. Gloss. lat.
de Du Cange, au mot Paciarii.) « Arbitres et amia-
« blés app'aisen tiers, etc. « (Lett. de grâce, an 1427,
citées par D. Carpentier, (//)/ supra. — Voy.APAiSEUR
et Apaisiteur ci-dessous.)
VARIANTES :
APAISENTEUR. D. Carpentier, Suppl. Gloss. lat. de Du
Cange, tome IV, col. 36.
Appaisenteur, Appaisentier. Id. ibid. T. III, col. 117.
Apaiser, verbe. Procurer la paix, tranquilliser ;
satisfaire, payer, rembourser, dédommager, indem-
niser, soulager, etc. Le verbe apaiser, de même
origine que îe verbe apaier, avoil les mêmes signi-
fications. C'est à l'idée générale de pacte que
paroissoient être liées les idées signifiées par ce
verbe, lorsqu'on dit apaiser les troubles, les divi-
sions d'une société générale ou particulière, apaiser
la colère de Dieu , ou des hommes, etc. Ces accep-
tions et autres ne sont pas moins anciennes dans
notre langue que celles du verbe apaier.
On a déjà observé que satisfaire à une obligatioa
AP
— 4 —
AP
contractée par un pacte , c'est procurer la paix , la
tranquillité de la personne envers laquelle on est
obligé. Elle s'appaise, elle se tient appaisée, lors-
qu'on satisfait à celte même obligation. (Voy. Ai-aer.)
De là, se tenir appaisé, ou s'âppaiser, signifioit,
1" être satisfait, se contenter du payement d'une
rente : » Convenances tenir dusqu'ù mil livres de
« rente dont elle se tenra appaisé avec le fief de
« Saiut-Pol. » (Ducliesne, Ilisl. généal. de la M. de
Chàlillon, pr. p. 4G; til. de l'23G.)
2° Se contenter, être satisfait d'un dédommage-
ment, du remboursement d'une créance; se dédom-
mager, s'indemniser, se rembourser. « Lesdeffenses
« données par les Maîtres des foires du temps passé,
« contre plusieurs pays... seront suspendues jus-
« ques à quatre ans, dedans lesquiex la Justice et
-' les Créanciers se puissent apaisier ; et iceux
" passez, se apaisiez ne sont, les deffenses vaillent
« comme devant. » (Ord. T. I, p. 795.)
3° Se contenter, être satisfait d'une caution qui
tranquillise. » Un nouveau Crand-bailly de Ilainaut,
« sur remonstrance que luy feroit le Bailly précé-
« dent ou ses hoirs, se devra appaiser des cautions
« de chacun Sergeant... si elles sont suffisantes ou
« non ; et oîi elles ne seroient suffisantes par pleige
« ny autrement, pourra demander nouvelle cau-
« tion. » (Coul. de Ilainaut, nouv. Coût. gén. T. II,
page 110, col. 2.}
4° Dans un sens plus étendu, se contenter, être
satisfait d'un état que la confiance en Dieu, la
soumission à notre sort, ou quelqu'autre chose rend
paisible et tranquille. <> Le vray Dieu tout-puissant
>' est tel que devant luy toute chose ne luy est
« impossible ; si m' appaisé bien en ses œuvres qui
-' tant sont merveilleuses. » (Percef. Vol. VI, f- 128.)
Qui ne peut, ne peut ; si s'appaise.
Poès. de Charles D. d'Orléans, p. 92, col. 3.
C'est par une suite de la même extension, qu'rt-
paisev désignoit l'état paisible que procurent en
général les besoins et les désirs satisfaits :
Moult font femmes à Dieu granl honte,
Comme foies et desvoyées,
Quant ne se tiennent appaisécs
De la beaulté que Dieu leur donne.
Rom. de la Rose, vers 9461-946-S.
L'état paisible que procure le soulagement d'un
mal, la guérison d'une blessure :
Moult aléja sa maladie
La coucha por miex aaisier,
Et por les plaies apaisier.
Fabl. MS. du R. n- 7218, fol. 292, R" col. t.
L'état paisible que procure la satisfaction d'ap-
prendre des nouvelles qui tranquillisent sur !e sort
d'une personne à qui le cœur s'intéresse : « Sire,
« dist la Royne, appaisez-moy de mon filz, ou
«jamais je n'auray liesse. » (Percef. Vol. II, f° 150.)
L'état paisible que procure la satisfaction de connoi-
tre la cause d'un elTel qui excite la curiosité de
l'esprit, et qui en trouble la tranquillité :
.... Une fois se pourpensa
Que le Vilain apeseroit
De la demande qu'il fesoit.
Fabl. as. du R. n- 7615, T. I, fol. 87, V col. 1.
L'état paisible que procure à un coupable la cer-
titude, ou l'espérance d'un pardon qui le tranquillise :
Te proierai de cuer vrai,
Dame ; vers ton fil tous fais xa'apais,
U damnés serai.
Ane. PoSs. fr. MS. du Valic. n° 1490, fol. 127, V.
On conçoit que la signification du verbe apaiser
pouvoilêlre aussi variée que le sont les obligations,
les besoins et les désirs auxquels on peut satisfaire.
(Voy. Ai'AisEME.NT et Ai'AisENTER ci-dcssus.)
CONJIG.
Apais (f), subj. prés. T'apaises. (Rom. de la
Rose, vers 7429.)
VARI.^NTES :
APAISER. Orth. subsist. - Ane. Poës. fr. MS. du Vatican,
n» 1490, fol. 127, V.
Apaisier. Duchesne, Ilist. srénéal. de la M. de Béthune,
p. 145. - Fabl. MS. du R. n» 7218, fol. 292, R» col. 1.
Apaysier. Gloss. fr. lat. MS. du R. n» 7684. - Voy. D.
Carpentier, Suppl. Gloss. lat. de Du Gange, au mot Expiare.
Apeser. Bestiaire, MS. du R. n" 7989, fol. 173 ; fable lui.
Appaiser. Duchesne, H. gén. de la M. de Chàtillon, pr. p.
46. - Percef. Vol. Il, fol. 150. - Cotgrave, Rob. Estienne,
Nicot et Monet. Dict.
Apaiseur, subst. masc. Pacificateur. Celui qui
apaise, qui pacifie les troubles , les dissensions, les
différens d'une société en général. Dans la signifi-
cation de pacificateur d'un différent entre particu-
liers, on distinguoit l'arbitre et l'arbitrateur de
Vaniiable apaiseur ou apaisenteur , parce que
« amiable compositeur on appaiseur est celuy qui
« du consentement des parties, les met en accord;
« c'est-à-dire que chacune partie sçait bien qu'avoir
" en deveroit avant l'édict de famiable composi-
« tion. » (Bouleiller, Som. rur. p. 694.) « Dit,
« ordenance et appointenient de nous arbitres
« dessus nommés, comme arbitres, arbitraleurs,
« ou amiables appaiseurs, etc. » (D. Carpentier,
Suppl. Gloss. lat. de Du Gange, T. III, p. 117; tit.
de 1404. — Voy. Apaisenteur ci-dessus.)
variantes :
APAISEUR. Cotgrave, Dict.
Appaiseur. Cotgrave, Nicot et Monet, Dict .
Apaisir, verbe. Apaiser. On procure la paix en
faisant cesser la guerre. De là, on a dit :
La guerre n'a pas apaisie ;
Toute la Conté a saisie, etc.
G. Guiart, MS. fol. 217. Rv
Apaisiteur, substantif masculin. Pacificateur.
La signification d'apaisiteur étoit relative à l'ac-
ception particulière à'apaiseur, lorsqu'on disoit :
« Fu rapporté par arbitres ou appaisiteurs, etc. »
("D. Carpentier, ubi supra; tit. de 1404. — Voyez
Apaiseur ci-dessus.)
variantes :
APAISITEUR, App.\isiteur. D. Carpentier, Suppl. Gloss.
lat. de Du Gange, au mot Paciarii.
Apalir, verbe. Etre pâle, devenir pâle; être
ému, consterné, etc. Changer de couleur, se faner,
se flétrir, etc. Languir, s'àffoiblir. On ne voit pas
que dans notre ancienne langue, la préposition à ou
en, réunie au verbe simple pâlir, ait rien ajouté à
la signification de ce verbe qui subsiste.
AP
— 5 —
AP
Pensser, veiller, soupir, sangloz,
Et soupirers m'avoient toz
Fait pâlir et descoulorer.
Ovide, de Arte, MS. de S' Germ. fol. 96, R* col. 3.
Et jà avoit apalie la bouche
Pour le grant grief qui si au cuer li touche.
Froi^sart, Poès. MS. p. 73, col. 2,
... Tu qui d'amor es à niestre,
Dois enpalir et maigres estre.
C'est la coulor qui mielz avient
A celui qui amors maintient.
Ovide, de Arle, MS. de S' Germ. fol. 95, R" col. 3, et V" col.l.
C'est la traduction du vers latin :
Palleat omnis amans ; hic est color aptus amanti.
Que l'œil compare deux beautés dont l'une soit
plus vive, plus animée que l'autre, celle qui le sera
moins, paroitra devenir pâle. Il semble qu'on ait
désigné l'effet de celle comparaison , lorsqu'on a
dit : » Je fais double que la beaulté de vostre Dame
« ne vous apallisse en la veue de la mienne qui
<• toutes passe. « (Percef. Vol. V, fol. 21, V» col. 2.)
On sait que la pâleur est un effet ordinaire de ces
émotions de l'âme qui font refluer le sang avec pré-
cipitation vers le cœur. De là, le verbe upalir aura
signifié l'émotion excitée dans l'âme d'un Chevalier
amoureux, par la beauté d'une femme qui dans un
Lai où elle le compare au cèdre, dit que le cèdre en
fut apalij. " Elle te compare là au cèdre qui est l'ung
« des plus haulx arbres du monde ; et par ce cèdre
« qui de sa beaulté fut appaUj, elle veult dire que
« quant tu veiz sa beaulté, tu en fuz moult esmer-
« veillé. » (Percef. Vol. 111, fol. 36, \'°col. 1.)
Il pareil que ce même verbe signifioil la pâleur
d'un ennemi mort ou consterné , lorsqu'on disoit
par métonymie, le camp jut appalij. « Tant fis que
« le camp fut appalij pour avoir la veue munde :
u c'est-à-dire que quant les trois Chevaliers le ap-
« pellèrenl de la jouste, tu les feiz Irébuscher par
« terre, afin qu'ils ne te donnassent empeschement
« à regarder sa beaulté. " (Percef. ubi supra.)
L'idée particulière du changement de couleur
signifié par le verbe pâlir ou apâlir, élant généra-
lisée, on disoit qu'une fleur éloil apalie, qu'une
feuille rt^jfl/issoi/, etc. lorsqu'en se fanant, en se
flétrissant, elle changeoit de couleur. (Voy. Frois-
sart, Poës. mss. p. 26, col. 2. — Eust. Desch. Poës.
Mss. p. 202, col. 4, etc.)
Peut-être aussi que ce verbe signifioil se faner, se
flétrir, comme il a signifié languir, s'affoiblir, parce
que la pâleur est un signe de foiblesse et de langueur.
Un peu de mal ou fièvre aguë
Qui de legier te santé mue ,
Et fait ton visage pâlir
Et tes membres si apdlir
Qu'a peines te peus-tu aidier.
D. Carpentier, Suppl, Gloss. lat. de Du Cange, au mot Apalus.
VARIANTES :
APALIR. Eust. Desch. Poës. MSS. p. 202, col. 4. - Rom.
du Riche homme et du Ladre, MS. etc.
Apallir. Percef. Vol. V, fol. 21, V» col. 2.
Appalir. Ibid. Vol. III, fol. 36, V° col. 1. - Du BeUai,
Mém. T. VI, p. 304.
Enpalir. Ovide, de Arte, MS. de S' Germ. fol. 95, R" col. 3.
Pâlir. Orth. subsist. - Id. ibid. fol. 96, R» col. 3. - Rom.
du Riche homme et du Ladre, MS. etc.
Apan, subst. masc. Empan. On observe qu'a/)«n
et empan sont des variations de l'orthographe
espan. (Voy. Espan.) « Courtelas long de deux bras-
« ses (1) et large d'un grand apan. » (D. Florès de
Grèce, fol. 157, R°.)
ApapeIardir,w?'/)C.Fairerhypocrite. Significa-
tion analogue à celle de notre ancien mol papelard.
James n'apapelardirai :
Mais fi des papelars dirai.
Hist. de S" Léocade, MS. de S. Germ. fol. 31, R° col. 3.
A-par, prép. Par ; moyennant, au moyen , etc.
On sait que la préposition par, en latin per, désigne
une idée de mouvement progressif, une idée de
passage dans les expressions par terre, par mer, etc.
En comparant un espace de temps à un espace de
lieu, on a dit et l'on dit encore par un temps, par
un tel jour, etc. C'est probablement en cette signi-
fication qu'avec ellipse du mol temps, on disoit que
deux choses se faisoient à-per-mesmes ou à-per-
mismcs, lorsqu'elles se passoient dans le même
temps, par le même temps. « A-per-mesmes ke vos
« oyste ceste chose anoncier . . . par droit rendisles
« grâces, etc. » (S' Bern. Serm. fr. mss. p. 112.)
« Cav à-per-mismes que li soels (2) fut brisiez, si
« vint à-per-mêmes a[wès li amers deparleraenz (3)
« elli triste discorde. » (Id. ibid. p. 137.) « Li mes-
" saige célesliien se hastent, et à-per-mismes qu'ils
« virent la misère des hom ... si ploreivent amei-
« remenl. » (Id. ibid. p. 376.)
Dans tout espace de temps, il existe un milieu
par lequel les choses succèdent plus ou moins
immédiatement les unes aux autres. De là, ces
expressions au-par-mé , à-par-main , en latin per
médium, per medianum tempus, prises dans le
sens oîi nous dirions tandis, tout de suite, bientôt,
dans peu de temps, etc. Le peuple de Normandie
dit encore moyennant que, pour tandis que. « Le
« Mareschal . . . jettera le gand au milieu des lices.
« Alors part à pied, ou monte à cheval qui voudra ;
" car en gages de querelle, se il n'est emprins, face
« chascun le mieux qu'il pourra: et au-par-7né que
« les combaleurs feront, les Conseilleurs d'honneur
« sailliront hors delà prochaine lisse voir comment
« la chose se passera. » (Oi-d. de Philippe-le-Bel sur
les Duels. — Voy. Du Cange , Gloss. lat. au mot
Duellum.) Une preuve que l'origine et la significa-
tion de mé sont les mêmes que celles de ??u dans
parmi, en latin yjcr médium, c'est qu'au féminin
on disoit )?;t'V, en latin ?»erf?rt. De medianum, ce
qui est au milieu, s'est formé par contraction l'ad-
jectif moyen, qu'anciennement on écrivoit meien,
mein, main.
Ne fust por ma chose haster
Por aler au marchié demain,
Tu le compraisses à-par-main.
Comparaisse, fet Anieuse ?
(l) Mesure de longueur qu'on prend de l'extrémité du pouce à celle du petit doigt, quand la main est ouverte le plus
possible. Ce mot, d'origine germanique, vient de spannen. (N. E.) — (2) Scel, sceau. — (3) Division.
AP
— 6 —
AP
Par mon chief, je vous en di beuse ;
Quant vous volez, si commenciez.
Fal)l. JIS. (lu R. n- lUS, fol. 49, V col. 2.
Se Dex ne li ajue, il est mors ù-pcr-main.
Ane. PoC'l. Fr. MSS. avant 1300, T. IV, p. 1349.
Araors m'ont si par tôt le cors saisi,
Que rt par-mniii iert ma joie finie.
Se vos n'avés pitié de vostre ami.
Id. T. Il, p. 947.
Peut-être la préposition par n'a-l-elle marqué les
causes et les moyens par lesquels on ao:it, que parce
qu'agir, c'est en quelque manière passer des moyens
ou des causes aux elTets. Le moyen étoit exprimé
par l'adjecUf mU lorsqu'on disoiL parmi un subside,
parmi payant, etc. 11 n'étoit que désigné, lorsque
pour sii^iiilier à peu de chose près, à peu près, on
disoil à-jiar-un-pou, et simplement 7Jfl>'ywî{; façons
de parler dans lesquelles l'acception âe. par, à-par,
semble être analogue à celle de parmi, c'est-à-dire,
moyennant, au moyen. (Voy. PAniii.) Ainsi l'expres-
sion à-par-iin-jxni siguirieroil: 1° moyennant quel-
ques personnes de plus: « Moult de Evesques et de
« Prélats, et à-par-un-peu tous les Barons , etc. »
(Cbron. fr. de G. de A'angis, Jis. an. 1190.) 2» Moyen-
nant quelque chose de plus: « A-par-un-pou avoil
B toute Normandie acquise, fors Rouen. » (Ibid.
an. \'H)i.) 3° Moyennant quelque temps de plus :
« Autant de temps à-par-unpou avoit-elle esté
« tenue des nostres, comme elle avoit esté tenue
« des Sarazins. » (Ibid. an. 1187.)
Lorsque les moyens et la puissance, la faculté
d'agir et de produire un effet en général , étoient
propres à un Etre et dans sa nature, on disoit qu'il
agissoit à-par-soi, par soi, dans le sens oîi l'on dit
soi-même, de soi, de soi-même. (Voy. Par.) « Je
« vouldroye que Lyonnel . . . fust apporté ça-siis ,
« s'il ne povoit ft-yw/r-soy venir. » (Lanc. à\x Lac,
T. II, fol. 130, li" col. 2.)
En agissant à-par-soi ou par-soi, en lalin per se,
on agit seul et pour ainsi dire à part. On soupçonne
donc que cette idée particulière étant généralisée,
l'expression à-par-soi aura signifié tout seul, sépa-
rément; et que la signification de par étant deve-
nue la même que celle du substantif ;jarf, on aura
substitué le substantif à la préposition , laquelle
étant précédée de l'a, paroissoit elle-même être un
substantif. « Pour ce mesme effait vous pouvez
« pareillement user del'orpigmenttout à-/;flr^sol/,
« et du poivre aussy sans orpigment. >> (Fouilloux,
Fauconnerie, fol. 49.) « Tous ensamble et chacun
« à-par-soi, etc. » (Beaum. Coût, de Beauvoisis, p. 2.)
En tout temps fait bon couchier ô-par-smj.
Eusl. Desch. Pocs. MSS. p. 271, col. 1.
Telle pourroit être l'ancienne origine de notre
expression à part, à-part-soi. Quoi qu'il en soit, la
préposition à étant supprimée, par soi signifioit en
particulier, seulement, séparément. (Voyez Appar
et Par ci-après.)
VARIANTES :
A-PAR. Beaumanoir, Coût, de Beauvoisis , p. 2. — Fabl.
MS. du R. n» 72-18, fol. 11. - Eust. Desch. Poës. MSS. fol. 359.
A-PART. Le .Touvencel, MS. p. 509. - Fouilloux, Faucon-
nerie, fol. 49 R». - Du Bellay, Mém. L. VII, fol. 198, R" etc.
A-PER. S' Bern. Serm. fr. MSS. p. 27, 112, 150, passim.
Au-PAR. Du Gange, Gloss. lat. au mot Duellum, col. 1688.
Aparageor, subst. masc. Qui tient en parage.
On observera que dans les principes de l'ancien
Droit féodal, lorsque des puînés ne dévoient pas à
leur aine l'hommage de la portion héréditaire d'un
fief partagé entre eux suivant les Coutumes, l'ainé
et les puinés étoient pairs es parties de ce même
fief; ils étoient égaux en noblesse féodale. De là, le
mot aparageor qui désignoit et les parageaux , les
puînés tenans en parage de leur aîné, elle /j^mgrewr
ou l'aîné sous l'hommage duquel ils étoient garan-
tis en parage. « Nus hons qui tient en parage , ne
« fet aide à son aparageor, se il ne le fel au Chief-
« seigneur; et se aucuns est qui ait aparageors qui
« tiennent de lui en parage, il ne lor puet terme
c< mettre hors du parage. -> (Ord. T. I, p. 139.) « Se
« li Vavasor avoient aparageors qu'il deussent met-
« Ire en l'aide, il leur doit mettre jor que il auront
« lors aparageors ; et li Vavassor doit dire as autres
« aparageors que eus viegnent à tel jour voir fère
« l'aide. » (Ibid. p. 138. — Voy. Parageau, Parager,
Paragecr ci-après.)
Aparager, verbe. Comparer, égaler. Doter,
maiier. Oiî ne croit point que le partage d'un fief
héréditaire entre un aîné et ses puînés , ait été
nommé parage, par la seule raison qu'ils étoient
pairs en lignage. Il n'y auroit donc eu nulle dis-
tinction réelle à faire enire le parage et le frérage,
dans les cas où le frérage étoit aussi le partage
coutumier qu'un frèi'e aine et ses puînés, pairs en
lignage, faisoient d'un fief dont l'hommage étoit
indivisible. On sait pourtant qu'ils difïéroient; mais
la différence consiste en ce que les puinés tenans
en frérage, faisoient à l'aîné un hommage dont les
puinés tenans en parage, étoient affranchis. L'af-
franchissement de cet hommage semble donc cons-
tituer essentiellement le ;jrtm^e qu'on peut définir
égalité de noblesse féodale. (Voyez Aparageor ci-
dessus et Parage ci-après.)
Il est possible que cette idée particulière d'égalité
qui n'existoit jamais qu'entre Nobles de même
lignage, étant généralisée, le molparage aitsignifié
noblesse, parenté, etc. égalité entres nobles, entre
parens ; égalité entre personnes de même mérite,
de même état, de même fortune. De là, on aura dit
s'aparager on s'emparager, pour s'égaler, aller de
pair avec la noblesse , en s'alliant ou en vivant
noblement.
. . . Tant se veulent enhaucier
Et en tel lieu aparar/ier
Qui n'avient pas à leur corsage,
En-seur que tout (1) à leur parage.
Fabl. MSS. du R. n- 7615, T. I, fol. 78, R' col. 1.
Quant li hom possède muison.
Qu'il est auques souraagiés
Rioes d'avoir, emparagiés ;
Et s'ait le cuer plain de noblèce
Et qu'il ait kier feste et léèce,
(1) Sur-tout.
AP
— 7
AP
Li enviex par moquerie
Dit lues que c'est redoterie.
Ane. Poêl. fr. MSS. avant 1300, T. IV, p. 1315.
C'est relativement à l'espèce àe pavage ou d'éga-
lité qui existe entre parens, qu'on a dit :
. . . Maie chose est envie.
A traïson de paraige
S'apai-aiye ;
Car nul temps ne prant déduit
Fors en haineux ouvraige.
Eusl. Desch. Poès. SISS. p. 295, col. 3.
On s'aparageoit en se comparant à un homme de
mérite, en croyant aller de pair avec lui et l'égaler.
Dont Aiax à moi s'aparage.
Ovide, MS. Voy. Borel, Dicl.
En terme de Coutumes, apparager suffisamment
ou deucment une fille, Yemparager noblement,
c'étoil égaler, proportionner la dot d'une fille h son
état, la doter et marier à une personne qui lui étoit
paire et noble comme elle. (Du Cange , Gloss. lat.
T. V, col. 157. — Laurière, Gloss. du Dr. fr. — Cot-
grave, Dict.) « Le Seigneur noble peut doubler ses
« devoirs sur ses hommes . . . pour le mariage de
« sa fille aisnée, emparagée noblement. » (Coût.
d'Anjou, Coût. gén. T. II, p. 72.) En général, fl??ijyfl-
rager ou emparager une fille, c'étoit la marier h
un homme égal à elle par la naissance, l'état et la
fortune. (Oudin et Monet, Dicl.)
VARIANTES :
APARAGER. Borel, Dict. - Dict. de Trévoux.
A.MP.^RAGER. Monet, Dict.
Aparagier. Fabl. MS. du R. n» 7615, T. I, fol. 78, R» col. 1.
Aparaiger. Eust. Desch. Poës. MSS. p. 295, col. 3.
Apparager. Cotgrave, Dict. — Laurière, Gloss. du Dr. fr.
Emparager. Coût. gén. T. II, p. 72.
Emparagier. Ane. Poët. fr. MSS. avant 1300, T. IV, p. 1315.
Apareill, subst. masc. Préparatif, viandes,
tables, etc. Préparatif, engins, armes, etc. Préparatif,
charrue, paire de bœufs, etc. Il est probable que le
verbe appareiller a signifié en général préparer,
dans un sens analogue à celui de comparer, égaler;
et que par la même analogie, le substantif appareil
signifioit: 1° les préparatifs d'un repas, d'un festin,
comme les viandes, les tables, etc. « Moult fut grande
« la teste au chastel, quant les Chevaliers furent
« desarmés; car ilz estoient assis à l'entour de
« Y appareil. » (Percef. Vol. IV, fol. 43, R° col. 1. —
Rob. Eslienne et Nicot, Dict.)
2° Les préparatifs d'un triomphe, d'un arc de
triomphe. « L'ng haubert, ung hault appareil asseré,
« une hasche. . . et ainsi de tout appareil requis à
« un arc triumphal ou trophée. » (Rabelais, T. II,
p. 223. — Rob. Estienne et Nicol, Dict.)
3° Les préparatifs d'une guerre, d'un assaut, d'un
combat, engins, armes, etc. « Quant li Empereres
« Challes sot que il faisoit tel apareil, il manda ses
« Barons, etc. « (Chron. S' Denys, Roc. des Hist. de
Fr. T. V, p. 273.) « Feit commencer à faire plusieurs
<• apparaux pour iceux prendre el subjuguer, mais
« quand les assiégez apperceurent le&âii&apparaux,
« ils commencèrent à parlementer. » (Jlonstrelet,
Vol. I, fol. 253.) « Le haut appareil éloit une armure
« complette, l'armure de toutes pièces de l'homme
« d'armes, avec la grande pièces ou plastron. »
(Voy. Mcot, Dicl. — Rabelais, T. II, page 244. — S'
Julien, îlesl. hist. p. i42, etc.)
4° Les préparatifs pour le labourage, une charrue,
une paire de bœufs, etc. « Chacun des supplians
« ayans son appareil ou charrue de beufs pour
« labourer... et quant furent chacun en son appareil
« pour ilec labourer, etc. >• (Lett. de grâce, an. 1466.
— Voy. D. Carpentier, Sup. Gloss. lat. de Du Cange.
au mot Apparamenta, col. 242.)
On pourroit aussi rapporter la signification à'ap-
pareil, charrue attelée d'une paire de bœ'ufs, a celle
de notre verbe appareiller, joindre à une chose une
autre chose qui lui soit pareille.
En termes d'Architecture, appareiller signifie en-
core préparer la pierre, les matériaux pour la cons-
truction d'une maison^ d'un édifice; proportionner
la mesure, la forme de ces matériaux à la place où ils
doivent être posés. On a dit dans un sens analogue:
Géométrie est ars bien autentiques
De mesurer et de faire apparaulx,
Pour maisonner, forgier choses antiques,
Compasser tours, églises et chasteauLx.
Eust. Desch. Poés. MSS. p. 348, col. 1.
Il semble même qu'on ait désigné par le mot
appareil, celle justesse de proportion dans l'assem-
blage des matériaux, et l'effet qui en résulte pour
la beauté d'un édifice, lorsqu'on a dit :
On faisoit celle sainte abbaye
Qui en sus la montagne est hautement dressie
De très- grand apparuil, par merveilleuse estude, etc.
Ger. de Roussillon, MS. p. 177.
L'orthographe apparat est sans doute une altéra-
tion d'upparoi. (Ibid. Variantes du jis. de la Cathéd. de
Sens. — Voyez Aparoi.) Enfin l'acception particulière
dans laquelle on prend encore aujourd'hui le pluriel
apparaux, n'est pas moins relative que les autres à
l'acception générale d'appareil, préparatif. (Voyez
Apakeillement ci-dessous.)
VARIANTES :
APAREILL. Ch. S' Denys, Rec. des H. de Fr. T. V. p. 273.
Apparaulx (plur.). Eust. Desch. Poës. MSS. p. 348, coL 1.
Apparaux (plur.). Monstrelet, Vol. I, foL 253, R».
Appareil. Orth. subsist. - Percef. Vol. IV, f° 43, R" col. 1,
etc. — Rob Estienne, Nicot et Monet, Dict.
Apparoil. Ger. de RoussiUon, JIS. p. 177.
Apareillé, participe masc. et fém. Préparé,
disposé; préparée, disposée. Les significations du
participe apareillé, quelque multipliées qu'elles
puissent être, sont toutes analogues à celles du
verbe apareiller. On se bornera donc ici à une
remarque sur l'espèce de formule que le roi d'An-
gleterre, Edouard I", et Jean I", duc de Bretagne,
ont employée dans l'inscription de lettres écrites au
roi de France. C'étoit peut-être comme vassaux
qu'ils se disoient apareillés à son service (1), à son
(1) Joinville emploie aussi cette expression au commencement de son livre, et d'une lettre datée de 1315, s'adressant
dans l'un et l'autre cas au roi Louis X: « .^. son bon signour Looys, fils dou roy de France, par la grâce de Dieu roy de
Navarre, de Champaigne et de Brie conte palazin, Jehans, sires de Joinville, ses senecbau.\ de Champaigne, salut et
amour et honneur, et son sei-vise appareillié. ï M. de Wîiilly traduit; et son service disposé, (n. e.)
AP
AP
plaisir, etc. ° A très-haut Prince et Seigiior Pliilipe...
« Rey de France, Edward... Rei de Englelerre,
« Sei£!;nor de Irelaunde, Duc de Guyene, saluz ; e se
o apàraillé h son jilesir. » (Rymer, T. I, part, ii,
p. 168; lit. de 1-278.) - A son 'très-liault Seigneur
« Louis... Roy de I-'rance, .Jelum Duc de Bretaigne,
« salus; et soit (1) appareillé à son service en toute
<■ chose. » (D. Morice, preuv. de l'Hist. de Bretagne,
T. I, col. 998; tit. de 1265.)
Ce même duc de Bretagne et Jean son fils aîné
qui épousa Béalrix fille de Henri III roi d'Angle-
terre, devinrent les vassaux de ce Prince, par la
restitution qu'il leur fit du Comté de Richemont, à
la charge de l'hommage et du service féodal. Ainsi
leurs femmes Blanche et Béatrix semhleroient avoir
affecté de se reconnoître vassales du roi d'Angle-
terre, lorsqu'en lui écrivant, elles se disoient apa-
reillies à faire sa volonté. « A son très-haut et
« très-cher Seignor Henri... Roe d'Englcterre
« Blanche, Duchesse de Brelangne, salit et révé-
« rence cum à son Seignor, e soc apparellic alTerre
« sa volenté en totes choses. » (Rymer, T. I. part, n,
p. 53, col. 1 ; til. de 1200. — Id. ibid. p. 102, col. 2;
tit. de 1205.) Il faut lire soi upparellie, etc. au lieu
de foi apparellie, etc. (D. Morice, preuv. de l'Hist.
de Bretagne, T. I, col. 997.) >■ A très-haut Seignor e
" à son très-chere pière... Henri... Roe d'Engle-
« terre... Béatrice sa dévote file, feme à Monsor
« Jehan de Bretaigne, salut e amor cum à son
« cher Seignor, a (2) soe aparellie à fère sa volenté
K en lolesdioses. » (Rymer, T. I, part, n, page 71,
col. 2; lit. de 1262.)
Quel qu'ait été l'usage de cette espèce de formule,
soi apareillé etc. on a pu l'adopter comme une
reconnoissance spéciale de vasselage. « A haut home
« e noble moun Seiguur le Roy d'Englelerre, Jo
« Giies de iNueville, voz orbs (3), saluz e îoial amour,
« e aparailez à tote vos volenté faire. " (Rymer,
T. I, part, u, p. 170, col. 1 ; tit. de 1278.) « L'accepta
" pour son Seigneur, en luy offrant d'estre apareillé
« de faire tout ce qu'il luy seroit possible. » (Nuits
de Straparole, T. I, p. 209. — Yoy. Apareiller.)
VARIANTES :
APAREILLÉ. Gloss. sur les Coût, de Beauvoisis, p. 478.
Aparailé. Rymer, t. I, part, ii, p. 176, col. 1; tit. de 1278.
Aparaillik. Id. ibid. p. 17i, col. 1 ; tit. de 1278.
Apareillié. Estrubert, Fabl. MS. du R. n» 7996, p. 3.
Apariliet. S' Bern. Serm. fr. MSS. p. 97.
Apparill. Livres des Machabées, MS. des Cordel. fol. 173.
Apareillié Prov. du Vilain, MS. de S' Germ. fol. 75, V».
Aparellie. Rymer, T. I, part, n, p. 71, col. 2; tit. de 1262.
Appareillie. Rom. de la Ro.se, vers 3804.
Apparellie. Rymer, T. I, part, ii, p. 102; tit. de 1265.
Apparillie. S' Bern. Serm. fr. MSS. p. 376.
Apai'eillenient, sithst. m. Action de préparer,
préparation, préparatif. C'est dans un sens analogue
a celui d'apaieiller, préparer, qu'on a dit : « Long
« appareillemcnt de bataille fait victoire avoir. »
(Le Chev" de la Tour, instruction à ses filles, f° 78.)
On emploie les choses, les moyens convenables
pour se préparer à ce qu'on veut, à ce qu'on doit
faire. De là, le mot apareillement a signifié, 1° pré-
paratif, chose convenable pour une noce: « Parceu
« mismes pues-tu awertement aparzoivre ke si soit
« li apparillement des noces. » (S" Bern. Serm. fr.
MSS. p. 239.) 2° Préparatif au combat dans les vers
suivans :
Son bon cheval a demandé.
Or verrai, dist-il, qui vendra,
Et or verrai qui me suivra.
Ne fist autre uppareillemeiit.
Rom. de Rou, MS. p. 299.
3° Préparatif, chose convenable pour l'ajustement,
la parure d'une femme :
Si ai tôt YapareiUnment
Dont feme fait forniement.
Fabl. MS. de S' Germ, fol. «, V- col. 3.
4° Préparatif, chose convenable au dessein de
plaire. C'est l'amour qui parle dans ces vers:
Nus hom n'ert jà de ma mesnie
Qui ne soit plains de cortoisie.
Ce sont li appareillement
Desquels j'appareille ma gent.
Fabl. MS. du R. n- 1218, fol. 362, R* col. 2.
Qu'il suffise d'avoir indiqué le développement des
idées particulières qui peuvent avoir été comprises
dans l'idée générale A' apareillement, apareil prépa-
ratif. (Voy. Apareill et Apareiller.)
variantes :
APAREILLEMENT. Fabl. MS. du R. n» 7218, foL 281, V».
Aparillemext. S' Bern. Serm. fr. MSS. p. 32.
Apparaillement. Liv. des Machabées, MS. des C. f° 168.
Appareillement. Rom. de Rou, MS. p. 229. — Fabl. MS.
du R. n» 7218, foL 362, R» col. 2. - Cotgrave, Dict.
Apparillement. S' Bern. Serm. MSS. p. 31, etc.
Apareiller, verbe. Etre pareil, être égal, être
semblable. Comparer, égaler, rendre pareil, rendre
semblable, peindre. Réparer, raccommoder, panser,
Préparer, accommoder, parer, ajuster, habiller,
armer, disposer. On croit que l'adjectif latin ;jfl77Zis,
en frangois pareil, comparable, égal, semblable, est
l'origine du verbe apariller, apareiller, dans la
signification de ressembler, être pareil.
... De serur et de raoiUier
Ne puet amours apareiller...
Car en l'un n'a fors seul nature ;
Nia point d'autre conjointure.
L'autre est nature et si est lois, etc.
Alliis, MS. fol. 23, V» col. 1 ; Var. du MS. du Roi.
C'esll'unique preuve qu'on ail de la signification
neutre du verbe apareiller. Dans le ms. en marge
duquel sont les variantes du ms. du Roi, on lit :
.... De serur et de moillier
Ne peut nuns bons apparillier, etc.
Alors il signifie comparer , faire comparaison ,
égaler ; il étoit actif en ce sens et plus souvent
réciproque.
Lors te viendra à remembrance
Et sa façon et sa semblance
A qui nulluy ne s'appareille.
Rom. de la Rose, vers 2458-2460.
Encore i a autre merveille
A cui nulle ne s'apareille
Fabl. MS. du R. n- 7615, T. II, fol. U8, V col. 1.
1) Corr. soi. - (2) Corr. e, et. - (3) On croit qu'il faut lire Chrs, abréviation de Chivalers, Chevalier.
AP
-.9 —
AP
Clos de girofle, lis et rose
Où toute doucor se repose,
A vous, Dame, ne s'aparaille.
Fabl. MS. du R. n" 7218, fol. 217, V col. 1.
Quelque variées que soient les acceptions de ce
verbe, il seroit possible que toutes ne fussent que
des modifications de racccption génévn]eapareiller,
comparer, égaler, rendre semblable. La peinture
ayant ordinairement pour objet la ressemblance, il
paroit assez naturel qvi' apareiller ait signifié
peindre.
Geste chievre que ci véez.
Pour combien vous la me peindrez '!...
Amis, trois francs de les deniers
M'en donras, et je volentiers
La te paindré, et bien et bel...
Li maislres la chievre. apareille
Inde, jaune, vert et vermeille, etc.
Estrub. Fabl. MS. du R. n" 7996, p. i.
On réalise cette ressemblance avec les couleurs,
le vernis, etc. De là, on aura dit :
A un huis est arestez
Où ot peint un viez crucefiz
Et apareilUé de vernis.
Estruberl, fabl. MS. du R. n- 7996, p. 3.
En réparant une vieille cbose, une chose usée,
en la raccommodant, on lui donne une forme
pareille, une forme semblable à celle qu'elle avoit
étant neuve; on la rend d'une utilité égale. C'est
Srobableinent ce que signifioit le verbe apareiller
ans le sens de réparer, raccommoder. « Les
« Chausseliers... n'auront pour la façon d'une paire
« de chausses î» homme que six deniers, et à femmes
« et enfans quatre deniers, et non plus. Ceux qui
« les appareillent, ne prendront pour mettre un
« avant-pied en une chausse, que deux deniers. »
(Ord. T. Il, p. 372.) « Bourreliers n'auront, ne
« prendront d'une selle de limons que douze sols
« de la meilleure,... du collier de limons, garni de
« brasseures, d'astellets, douze sols et pren-
« dront d'appareiller aucunes des choses dessus
« dites, etc. » (Ibid. p. 37. — Voy. Rapareiller.)
Celte analogie étant reconnue, l'on voit comment
les significations parliculières des verbes par
lesquels on exprime diverses façons de réparer les
choses, pourroient être rapportées à la signification
générale à' apareiller. Par exemple, panser un
blessé, lui mettre un appareil, c'est employer les
médicamens propres à le rétablir dans un état
pareil à celui où il étoit avant sa blessure.
« Ordonna faire appareiller les blécez. » (Saintré,
page 603.)
Confortez-vous d'autre manière :
Faites vos mors mètre en litière,
Et vos navrez appariUier.
Alhis, MS. fol, 52, R' col. 1.
On conçoit une espèce de comparaison, d'égalité,
de proportion, de convenance nécessaire entre les
choses qu'on prépare et l'objet pour lequel elles
sont préparées ; entre un besoin et le moyen par
lequel on en prépare la satisfaction; entre la réso-
lution, le projet de faire une chose, et les moyens
par lesquels on s'y prépare; entre la volonté et la
faculté d'agir, etc. Il est donc possible que par une
II.
même analogie d'idées, le verbe apareiller ait
signifié préparer la voile à recevoir le vent, prépa-
rer un vaisseau à faire voiles :
Et ses Barons et ses Parens
S'aparlièrent isnellement.
Lors nez ont tost appnreillies.
Rom. de Brul, MS. fol. 70, R' col. 1.
Préparer une somme d'argent pour le prix d'une
chose, et la payer en deniers comptans : « Acheta
« le Roy d'Angleterre, le Connestable de France et le
« Comte de tancarville, de Monseigneur Thomas
« de Holande et de ses compaignons, et en paya
« vingt mille Nobles tous appareillés. » (Froissart,
Vol. I, page 145.)
Préparer des viandes, les accommoder, en pro-
portionner la qualité et la quantité au besoin et au
goût des convives; préparer un festin ; préparer à
manger, etc. « En ces festivalz jors... appariUier
« les délicieuses viandes, etc. « (S* Bern. Serm. fr.
Mss. p. 24. — Voy. Rob. Estienne et Nicot, Dict.)
S'il faut aparlier à mangier.
Eust. Dcsch. Poè's. MSS. p. 500, col. i.
L'an aparoille\e maingier.
Et cil n'an fist onques dangier.
Fabl. MS. du R. n' '7615, T. II, fol 149, V- col. 2.
Préparer, accommoder un hôtel, pour recevoir
convenablement la personne qui doit l'occuper :
L'ostel apparechier et prendre
U ilh voloit primes descendre, etc.
Lus IV Filles le Roy. MS. de Turin, fol. 39, R- col. 2.
Préparer la réception d'une personne, la recevoir
avec les, égards convenables, en la faisant servir
par des Écûyers, etc. « Quant ilz furent emmy la
« Court, ilz furent appareiller de deux Escuyers
« qui misrent jus la Damoiselle, et tindrenl aux
« Chevaliers leurs estriers, etc. » (Percef. Vol. I,
fol. 35, R" col. -1.)
Préparer les choses dont on a besoin pour se
vêtir, se coucher, etc. « Por-kai apparailles-ln ta
« vesture par si grant cuvise ? » (S' Bernard,
Serm. fr. mss. p. 24.) « Ses gens ne lui avoient riens
«' appareillé, comme de robbes, lit, cousche, ne
« autre bien. » (Joinville, p. 79.)
Préparer à une personne le moyen de paroitre ce
qu'elle est, lui préparer le moyen de plaire, la
parer, l'ajuster d'une manière convenable : « Faistes
« vostre fil apareiller comme fil d'Emperour. «
(Rom. de Dolopathos, ms. du R. n» 7534, fol. 294.)
La Dame sa fille apareille ;
Moult fut gente, clere et vermeille.
Fors la malne ; li Quens Va prise
Par la main et lez lui assise.
Moult li fu sa biautè loèe, etc.
Fabl. MS. du R. n" 7615, T. II, fol. 174, V' col. 1.
Le sens ironique dans lequel nous employons les
verbes s'ajuster, s'accommoder, en parlant d'un
homme qui s'est incommodé par un excès de vin,
étoit quelquefois celui du verbe apareiller. « Des
« vins avoyent-ilz assez à foison; mais ils estoyent
« si chaux et si fors que... ceux... qui grand'foison
o d'eaue au boire n'y metloienl, s'en trouvoient
« tellement appareillés qu'ils ne se pouvoyent
« aider au matin. » (Froissart, Vol. III, p. 204.)
On conclura d'après notre observation sur l'ori-
AP
-10 —
AV
grine de l'acception générale du verbe apareiller,
s'aparciller, piépurcr, se préparer, qu'il pouvoit
avoir la signification de tout verbe par lequel on
désigne un moyen de se préparer à une chose.
« En toutes besongnes, avant que l'en les com-
« nience, on se doit appareiller... àgrant diligence
« et à grant délibération. » S'il falloit s'habiller,
s'armei', etc. le verbe s'rt/jare/Z/n'signifioil s'armer,
s'habiller, etc. (Voy. Ai'areill et Ap.\iieillement.)
« Commanda Jonalhas as suens que il veillassent,
« et eslre apparill por combattre. » (Livres des
Machabées, ms. des Cordel. fol. 173. — Voy. Nicot,
Dict.) « Quand il eut un petit reposé sur son licl,
« il se leva et appareilla ; et quand il fut appareillé,
« il m;mda en sa chambre, etc. " (Froissart,
Vol. III, page 'iOO.)
Lors te fauldra appareitler,
Vestir, chausser et alourner, etc.
Rom. de la Rose, vers 2533 el 2534.
Enfin, être apareillé, préparé à une chose, y être
disposé, c'est avoir de l'inclination à faire cette
chose, en avoir la volonté et la faculté dans une
proportion qui la rende possible ou naturelle.
« Aparillie~~i est mes cuers... as aversitez, aparilUe:^
« as propéritez ; aparllliez est as humles choses ;
« aparilliez est à hallesce ; aparilliez est à lot ceu
« ke tu me comanderas. « (S' Bernard, Serm. fr.
Mss. p. 2!)6.) « Je suis... dattres (1).... à justise et à
« vériteit cui vos véez estre si aparillie por faire
« veniance. (S' Bernard, Serm. fr. mss. p. 37G.)
« Li fil Adam estoient molt aparilliet à non-greit-
» sachance {'2). » (Id. ibid. p. 11.)
Se l'ire jalousie engaigne,
Elle est moult fiére el moult estrangne
El de tencer appareUlie, etc.
Rom. de la Rose, vers 3802-3804.
On terminera cet article, en observant que les
significations d'apareiller, et â'aparier étoient quel-
quefois les mêmes. (Voy. Aparier ci-dessous.)
CONJLG.
Aparaut (s'), subj. prés. Qu'il se prépare. (Fabl.
MS. du R. n* 7G15, T. l, fol. 102, V col. 1.)
Aparelt, subj. prés. Qu'il prépare. (Fabl. ms. de
S'Germ. fol. 37, R° col. 2.)
Apparaillet, ind. prés. Il prépare. (S'Bern. S. F.)
AppariUieret, ind. imp. Préparoit. (Id. ibid.)
VARIANTES ".
APAREILLER. Rom. de Dolopathos, fol. 294. - Fabl. MS.
du R. n» 7-218, fol. 112. - Fabl. MS. du R. n» 7615, T. II, f° 148,
V» col. 1. - Clém. Marot, p. 408, etc.
Aparailler. Fabl. MS. du R. n" 7218, fol. 217, V col. 1. -
Rymer, T. I, part, ii, p. 168, col. 2 ; lit. de 1278.
Apareller. Vie du monde, MS. de N. D. n» 2, fol. 14, Y»
col. 1. - Fabl. MS. du R. n" 7615, T. I, fol. 113, R° col. 1.
Apariller. Atliis, MS. fol. 55, R» col. 1.
Aparillier. S' Rern. Serm. fr. MSS. page 296. — Rom. de
Dolopathos, MS. du R. n» 7534, fol. 294, V» col. 1.
Aparlier. Rom. de Brut, MS. fol. 70, R». — Gloss. sur les
Coût, de Beauvcisis, p. 478. - Eust. Desch. Poës. MSS. p. 500.
Aparoillf.r. S' Bern. Serm. fr. MSS. p. 24. — Ane. Poët.
fr. MSS. avant 1300, T. I, p. 104. - Fabl. MS. du R. n» 7615,
T. II, fol. 149, V» col. 2.
Apparailler. S> Bern. Serm. fr. MSS. p. 24 et 94.
Appabechier. Les iv filles le Roy, MS. de Turin, fol. 39.
Appareiller. Orth. subsist. — Rom. de la Rose, vers 2533.
— Gloss. sur les Coût, de Beauvoisis. — Joinville, p. 79. —
Ord. T. II, page 371. - Froissart, Vol. III, page 200. - Rob.
Estienne, Nicot et Monet, Dict.
Appareillier. Rom. de Dolopathos, MS. du R. n» 7534,
fol. 294. - Rom. de la Rose, vers 16979 - Ord. T. I, p. 314.
Appareller. Fabl. MS. du R. n» 7615, T. II, fol. 211, R»
col. 1. - Ord. T. I, p. 314.
Apparillier. S' Bern. Serm. fr. MSS. p. 24. - Athis, MS.
fol. 23, V» col, 1.
Apperieillier. Beaumanoir, Coût, de Beauvoisis, p. 244.
Apperiller. Britlon, des Loix d'Angleterre, fol. 60, V".
Aparenter, verbe. Avoir pour parent. Traiter
de parent, cousiner, reconnoitre pour parent.
Traiter comme parent, accueillir, obliger, aider,
secourir, soutenir, fortifier. On devientle parent de
ceux ;\ qui on s'allie; on les a pour parens. De là,
l'acception du verbe réciproque s'apparenter, qui
subsiste. Mais on ne dit plus en parlant des person-
nes à qui on s'allie, à t]ui on est allié, qu'on les
apparente. (Monet, Dict.) La signification du verbe
apparenter, traiter de parent, cousiner, reconnoitre
pour parent, est plus ancienne dans notre langue.
Povres parens nus n'aparente.
Fabl. MS. du R. n' 7615, T. I, fol. 72, R' col. 2.
Tant ai de sa manière aprise dès piéga,
C'oume de laschelé jà n'aparentera.
Buenon de Comniarchies, MS. de Gaignat, fol. 198, V* col. 1.
On lit que Henri IV « étoit fort respectueux
« envers ses prochains.... n'y ayant Prince ni Gen-
« tilhomme de quelque loin qui lui pût appartenir,
« qu'il n'apparentât. » (Mém. de Sully, T. XII,
p. 130.) Après sa mort, la politique de Marie de
Médicis dédaigna le cousinage. « Pour faire anéan-
« tir toutes les civililez, familiaritez et courtoisies
" de tout temps pratiquées au royaume, le Roi son
« fils, ni ses autres enfans n'aparentoient en
« saluant qui que ce soitdans le royaume intro-
« duisant de plus en plus un tel mépris des Gentils-
«■ hommes d'illustre extraction, et une si grande
« indifférence entr'eux et toutes sortes de gens de
" néant qui avoientaccèsà la faveur, qu'ils vivoient
<> comme pairs et compagnons ensemble. » (Ibid.
page 98.)
Ce verbe aparenter n'est pas moins ancien dans
le sens de traiter, accueillir comme parent, en obli-
geant, aidant, etc. Peut-être même a-t-il dans le
premier vers qu'on a cité, la même signification que
dans les vers suivans :
Fox est qui aparente
Ne parent ne parente
De quoi il ait villance.
Mais loinz de lui le meta,
N'onques ne li promette
Chose où il ait fiance.
Prov. du Vilain, MS. de S. Germ. fol. 74, V col. 2.
Il est naturel de s'aider entre parens ; c'étoit une
espèce de loi dans les principes du système féodal
et de la chevalerie. On se fortifioit donc en s'appa-
rentant, en s'alliant à une famille nombreuse et
puissante, à une famille dont on avoit droit d'espé-
rer l'aide, le secours dans une entreprise, une
(1) Débiteur, redevable. - (2) Ingratitude.
AP
— n
AP
guerre, une querelle. Cette idée particulière de se-
cours étant généralisée, l'on aura dit, par extension,
qu'un ennemi étoit mal apparenté, lorsqu'il n'étoit
pas en force, en nombre suffisant pour soutenir un
siège, un combat, etc. « Les Espaignols de la Ceri-
« gnolle, congnoissans que trop mal apparentes
« estoienl pour attendre le siège des François, etc. »
(J. d'Auton, Annal, de Louis XII, an. 1502, p. 41.)
« Tousjours estoient en picque, etlfi où les François
« les trouvoient mal apparente--, , très-mauvaise
« compaignée leur faisoient, et eulx de même aux
« François. » (Id. ibid. an. i50G-ir,07, p. 188. —
Voy. EsiPARENTER ct Pare.nter ci-après.)
VARIANTES :
APARENTER. Mém. de SuUy, T. XII, page 98.
App.\ranter. Monet, Dict.
Apparenter. J. d'Auton, Annal, de Louis XII, an. 1502. —
pages 17, 41, etc. — Mém. de Sully, T. I, page 94.
Apariage, suhst. masc. Apanage. Dot. On adou-
cit la rigueur nécessaire des Lois qui proscrivent
l'égalité" si naturelle entre frères et sœurs dans le
droit de succéder à leur père, en pourvoyant à la
subsistance de ceux qu'elles excluent ; en égalant,
en proportionnant ù l'état qu'ils doivent avoir dans
la société, les fonds en terre ou en argent, qui leur
tiennent lieu de partage et de patrimoine. C'est
relativement à cette idée de proportion, d'égalité,
qn'apariage a signifié la même chose qu'apanage.
(Voy. ArPANAGE ci-dessous.) « Jà soit ce que nous
<■ sachions certainement... que... le Seigneur de
« Beaujeu et ses prédécesseurs Seigneurs dudit
« lieu, aient tousjours tenu et doivent tenir en foy
« et hommage de nous et de noz prédécesseurs Roys
« de France, h cause de la Corone de France, toute
« la terre et baronie de Beaujeu et aussi eux et
<■ leurs dictes terrez et baronie... et subgès de leur
« dicte terre et baronie aient ressorti et doienl de
« tout temps ressortir îi nous et à nos prédeces-
« seurs ne que ladicle foy, hommage et ressort
« aient esté, ne puissent ou "doïenl estre séparés en
« tout ne en partie,... soit à cause de partaige,
• appariage, ou doaire qui ait esté ou soit faitou
« constitué, etc Que jamais ledit fief et ressort
« puissent estre séparés de la Corone de France, en
« tout ne en partie, à perpétuité, ù vie ne à temps,
« soit à cause de partaige, d'appanage, de doaire,
« de donacion , vendicion , transport ou alienacion
« que l'en face, ou constitue à Royne de France, à
« enfans , frère ou neveu de Roy de France , etc. »
(Ord. T. V, p. 112 et 113.)
La dot des filles étant une espèce d'apanage qui
doit être proportionné à leur état et à leur naissance,
il est possible qu'on ait désigné celle dot par le mot
apariage. Charles VI, par le contrat de mariage de
sa fille Isabelle de France avec Richard II, roi
■ d'Angleterre, s'oblige îi payer « la somme de sept
« cens mille francs d'or... lesquels... il donne et
« octroyé à sadile fille pour et en lieu de tous par-
« tages, apariages, successions de père et de mère.
c. et autres droicts quelconques qu'elle, ses enfans
» et les descendans d'eux... pourroient demander,
« reclamer et avoir en meubles ou héritages, au
« royaume de France, ou autre part. » (Godefroy,
Annot. sur l'IIist. de Charles VI, p. 581.) On remar-
quera que la signification du mot simple pariage est
très ditTérente de celle du composé apariage. (Voy.
Appariation ci-dessous.)
VARIANTES :
APARIAGE. Godef., Annot. surTHist. de Charles VI, p. 581.
Appari.\ge. Ord. T. V, p. 113.
Aparier, verbe. Unir, joindre, conjoindre, ac-
coupler. Rendre pareil, égaler, comparer. On sait
que les êtres mâles et femelles qui produisent leur
semblable et se perpétuent en s'uuissanl l'un à
l'autre, sont d'espèce pareille. De là, le verbe
apairer, ou aparier, formé de pair, paire, en latin
par, a signifié joindre le pair au pair, joindre
l'homme à la femme, joindre le mâle à la femelle;
en général, les unir, les conjoindre, les accoupler.
(Voy. Nicot et Monet, Dict.)
Par foi, vous estes tout d'un grant ;
Ce seroit une belle paire.
Et Diex doinst qu'amours vous apaire.
Froissant, rocs. MSS. p. 134, col. 2.
Bien seras çains, se te maries,
Se vers autrui ne te desçains
K'à celi à cui Vaparies.
Miserere du Red. de Moliens, MS. de Gaignat. fol. 212, R* col. S.
. . . Puisque Sainte Yglise apaire
Deus gens, ce n'est mie à refaire.
Fabl. MS. du R. n' 7218, fol. 250, V" col. î.
On a désigné l'union, le commerce d'un mari avec
une autre femme que la sienne, en disant qu'il
apairoit une autre femme. Les hommes sont si
constans dans leurs préjugés, qu'on peut dire encore
avec un de nos anciens Poêles :
S'uns horas autre famé apaire,
Petit (1) en voi blastengier (2)
Sa mouiller (3) : mes à tout dis
Est li preudoms escharnis (4)
Puisque sa lame folie (5).
Abc. Poês. fr. MS. du Vatic. n- 1522, fol. 158, R- col. 1.
Lorsque le bonheur d'aimer et d'être aimé éloit
<c la pasture et l'embrasement aux jeunes Cheva-
« liers, pour estre preux, hardis, larges, courtois
« et gais, '• il paroissoit bien naturel de favoriser
l'amour, ce principe général de leurs vertus guerriè-
res et sociales. On le voyoit souvent naître à table et
s'exalter avec cette gaieté franche et honnête qu'ins-
piroit à chaque Chevalier le plaisir « d'avoir une
Dame h son escuelle et de lui être aparié, » c'est-à-
dire uni pour manger avec elle et la servir. « Beaulz
•> Seigneurs, aura chascun une mienne niepce à
« son escuelle à ce soupper... car c'est la pasture
« et l'embrasement, etc. » (Percef. Vol. 1, fol. 125,
V° col. 2.) « Sire, dist la damoiselle,.... ores vous
« séez plus près de moy, si me livrerez ce qu'il me
" faudra... et la Royue d'Escosse sera près de vous,
« et le Roy après, qui la servira à son vouloir, et
« Lys'ine près de luy, mais le Tors sera à sa dextre
« qui la servira ; si serons appariez.... Regardez le
(1) Peu. — (2) Mésestimer, mépriser. — (3) Femme ; en latin muHer. — (4) Ridiculisé. — (5) Fait une folie, est infidèle.
AP
— 12 —
AP
1 Roy Alexandre, il ne lairroit pas une miette de
« pain devant la Damoisellle avec qui il mangue. »
(Ibid. fol. l'i'i, Vcol. 1 et 2.)
En particularisant l'acception générale du verbe
aparier, joindre le pair au pair,'joindre le mâle à
la femelle, les unir, les accoupler, on dit encore que
les pigeons, les tourterelles, les perdrix s'apparient.
Plus anciennement ce verbe, le même qu'apairei;
désignoit l'accouplement de toute espèce d'oiseaux.
(Voy. Ari'AiiiATio.N et ArrAniRMENT ci-dessous.) « Au
« tempsquelesoiseauxsonten amouvei s' apparient
" pour faire génération. » (Nicot, Dict.)
Quant li beax Esté repaire,
Qu'arbre sont flori,
Que chascun oiseaux s'ajjaire
Por ii temps joli, etc.
Anu. Poël. fr. MSS. avant 1300, T. I, p. 465.
Il y a une telle analogie entre les verbes apareiller
et aparier, qu'on a pu dire : « Quand la tourterelle
" a perdu sa compagne, elle ne s'appareille jamais
« avec une autre. »"(Dict. de Trévoux.) On ajoutera
que l'un et l'autre ont signifié rendre pareil, égaler,
comparer. (Voy. Nicot ef Monet, Dict.)
Si l'en remonstre une autre père ;
Et li Chapelains les apère.
Si les truéve quarrés et drois.
Fabl. MS. du R. n" 7218, fol. 235, V col. 2.
La douceur attrayante d'une femme l'a fait com-
parer à l'abeille.
Trop bien vous puis apparer, sans mesdire,
A la mouche qui porte miel et cire :
Le miel est doulz et le sire à lui tire.
G. Macbaul, MS. fol. 197, R' col. 1.
Encore aujourd'hui, apparier et appareiller signi-
fient joindre à une chose, une autre chose qui lui
soit pareille. (Voy. Apareiller ci-dessus.)
VARIANTES :
APARIER. Miserere du Recl. de Moliens, MS. de G. fol. 212.
Apairer. Ane. Poës. fr. MS. du Valic. n« 1490, fol. 162, R".
- Froissart, Poës. MSS. p. 134, col. 2.
Aperer. Fabl. MS. du R. n» 7218, fol. 235, V" col. 2.
Apparer. G. Machaut, MS. foi. 197, R» col. 1.
Apparier. Peroef. Vol. 1, fol. 122, V° col. 1.
Aparir, verbe. Accoupler. Satisfaire , contenter
également. Le premier sens est le même que celui
du verbe aparier, s'aparier, accoupler, s'accoupler.
Les oyseaulx , au printemps de may,
S'appurisseiit et font leur glay.
Eust. Desch. Poés. MSS. p. 477, col. 4.
Si le verbe aparir au second sens n'est pas une
altération d'orthographe du verbe apaer, apaier,
contenter, satisfaire, on peut dire que dans un sens
analogue à celui d'aparier, égaler, il a signifié sa-
tisfaire, contenter également, lorsqu'en parlant de
l'acceptation d'une trêve, on a dit:
Donnée en fu la seurté ;
Si que ambes-deux les parties
S'en tinrent très bien aparien.
Cléomadès, MS. de Gaignat, fol. 2, V* col. 2.
VARIANTES '.
APARIR. Cléomadès, MS. de Gaignat, fol. 2, V» col. 2.
Apparir. Eust. Desch. Poës. MSS. p. 477, col. 4.
Aparlement, subst. inasc. Pourparler, paroles,
etc. Significations analogues à celles du mot simple
parlement, en latin cnlloquium , eloquium. (Pseau-
tier, MS. du R. n° 7837, fol. 17ô. — Voy. Parlement.)
Aparier, verbe. Parler. Anciennement, aparier
une personne, s'aparier à elle, l' aparier d'une chose,
c'étoil lui parler, lui transmettre ses sentimens,
ses idées par l'organe de la voix. (Voy. Aparoler ci-
dessous.) « Il Vapavlerent de faire pais. » (Chron.
d'Outremer, ms. de Berne, n» 113, fol. 130, V°col. 3.)
« Auquel Mareschal le suppliant s'apparia et lui
" dist, etc. » (D. Carpentier, Suppl. Gloss. lat. de
Du Gange, au mot Arrationare ; lit. de 1451.)
.... Tuit cil de sa contrée
L'aiment et plus fier s'en font ;
Ne jai n'en iert apairlée ;
.Tai tant hardi ne seront.
CUans. fr. MS. do Berne, n' 389, pari, il, fol. 2, R».
. . . Feist bien as povres, et bel les aparloit.
Doctrinal, MS. de S' Germ. fol. 102, R- col. ï.
Quand ne vous plait ke je sois escoutés,
■frop sui de vous cruelment apartés.
Ane. PoÈt. fr. MS. avant 1300, T. IH, p. 1109.
Les messagiers a honnorés
Et festiés et apartés.
Cléomadès, MS. de Gaignat, fol. 60, V* col. 3.
On dit aujourd'hui parler à une personne ; mais
V aparier est plus rapide. Lorsque le rapport indiqué
par la préposition initiale et inséparable A' aparier,
étoit vague et incertain, ce verbe paroissoit être
neutre et ne rien signifier de plus que noire verbe
simple parler.
Se plus i ot, plus n'en dirai ;
Car d'autre chose aparterai.
cléomadès, MS. de Gaignat, fol. 63, V* col. 2.
Ains de tel trayson n'oy aparter nus.
Berte as grans pies, MS. de Gaignat, fol. 124, V" col. 1.
VARIANTES :
APARLER. Ane. Poët. fr. MSS. avant 1300, T. I, p. 423. -
Cléomadès, MS. de Gaignat, fol. 62. — Enfance d'Olivier le D.
MS. de Gaignat, fol. 86. - Le Jouv. MS. p. 235, etc.
Apairler. Chans. fr. MS. de Berne, n" 389, part. II, fol. 41.
Aparller, Apparler. d. Carpentier, Suppl. Gloss. lat. de
Du Cange, au mot Arrationare.
A-par-main, express, adverb. Tout de suite,
bientôt, dans peu de temps, etc. En latin, per me-
dianum (1); suppl. tempus. (Voy. A-par et Au-par-mé.)
VARIANTES :
A-PAR-MAIN. Fabl. MS. du R. n» 7218, fol 49, V col. 2.
A-PER-MAIN. Ane. Poët. fr. MSS. avant 1300, T. IV, p. 1349.
A-par-mesmes, express, adverb. Dans le
même temps.
VARIANTES :
A-PAR-MESMES. S' Bern. Serm. fr. MSS. p. 178, passim.
A-PER-MEMES. Id. ibid. p. 186.
A-PER-MiSMES. Id. ibid. p. 381.
Aparoi, subst. masc. Préparatif. Parure ou ap-
parence. Paroi, porte, fenêtre, etc. Il semble que
dans un sens analogue à celui du verbe apareiller,
ajuster, préparer en général , on a dit que les pen-
nons, les plumes ajustées aux côtés d'une flèche
pour la diriger en l'air, en font les apparais.
(1) Ou plutôt per manè; de même demain est de manè. (n. e.)
AP
— 13 —
AP
. Hai ! Amors, devant tes elz
Ne pwet garir joenes ne vielz...
Contre ton dart n'a nul essoine...
Li fers navre à l'esgarder ;
La flèche coule el pensser ;
Li penon font les apparais, etc.
firime el Tysbé, MS. de S. Germ. fol. 98, R° col. 1.
On sépare, on s'ajuste d'une façon proportionnée
à l'idée qu'on veut que les personnes prennent de
nous en jugeant par l'apparence. Ainsi la significa-
tion d'aparoi peut être relative à celle d'aparoir ou
d'apareiller dans les vers suivans :
Les bestes si sont sans Pastor ;
Nul n'i pense qu'à bel ator
Et biau apurai par dehors,
Et l'ame lessent por le cors.
Hist. de Fr. à la suite du Rom. de Fauvel, MS. du R. n' 6812, fol. 67.
Enfin, le mot aparoi qui dans le sens de prépa-
ralif a signifié les matériaux convenables et propres
à la construction d'un édifice, d'une maison, auroit
pu signifier par la même raison d'analogie, les
choses convenables et propres à la distribution, à
la commodité, à la sûreté d'un logement, cloison,
porte, fenêtre, etc. » Il convint abatre les apparoir
« de la chambre où se tenoit le Roy; et estoit tel le
« vent que onques n'y oza demourer en celle cham-
« bre personne, de paeur que le vent ne le gectast
« en mer. « (Joinville, p. 113. — Voyez Ap.^reill.)
Quelles que soient en cet endroit l'origine et l'ac-
ception d'aparoi, il signifie paroi, muraille, dans
les passages suivans. •< Getta le voirre contre le mur
« ou apparoy de la maison. •> (D. Carpentier, Sup.
Gloss. lat. de Du Gange, au mot Paries; — Lett. de
grâce, an 1454.) « Se tenoit musse... contre le
« torchis ou apparoy de son hostel. » (Id. ibid. Lett.
de grâce, an 1468. — Voy. Appare ci-dessous.)
VARIANTES :
APAROI. Hist. de Fr. à la suite du Rom. de Fauvel, MS.
du R. n° 6812, fol. 67, V» col. 3.
Appaboi. Pirame et Tysbé, MS. de S" Germ. fol. 98, R"
col. 1. - Joinville, p. 113.
Apparût (corr. Apparoi.) Ger. de Roussillon, MS. p. 177.
Apparoy. D. Carpentier. S, G. lat. de Du C. au mot Paries.
Aparoler, verbe. Pailer. G'est le verbe simple
paroler qui, précédé de l'a, préposition initiale et
inséparable , acquéroit une signification active ,
comme «jyaj'/er contraclion A'aparoler.{^. Aparler.)
Quant li Prestres entent et ot
C'on dist de lui itel parole,
Doucement .\loul aparole.
Fabl. .MS. du R. n» 7218, fol. 148, R* col. î.
Cortois set bien, s'on X'aparole,
Rendre raison de quanqu'il ot ;
Jà ne dira un vdain mot.
Diz d'amurs fines, MS. de Turin, fol. 14, R' col. 1.
A-par-soi, express, adv. Tout seul, séparément,
à part. On croit avoir suffisamment expliqué ailleurs
comment l'expression à-par-soi, à-part-soy, ou par-
soi, en latin per se, c'est-à-dire soi-même, de soi,
de soi-même, aura signifié tout seul, à part, sépa-
rément. (Voy. A-PAR ci-dessus, et Appar ci-dessous.)
VARIANTES :
A-PAR-SOI. Reaumanoir, Coût, de Reauvoisis, p. 2.
A-PAR-soY. Eust. Desch. Poës. MSS. p. 371, col. 1, etc.
A-PABT-SOY. Fouilloux, Fauconnerie, fol. 49, R».
Apartenance, subst. fém. Appartenance. Pro-
priété. Parenté. On observe que la signification
d'appartenance est plus générale que celle d'appen-
dance, puisque appendre n'est qu'un moyen parti-
culier par lequel une chose tient à une autre.
L'idée particulière d'appendance étant donc com-
prise dans l'idée générale d'appartenance, il est
possible que ces deux mots réunis n'aient signifié
rien de plus que le mot seul appartenance. " Nus
« avons rendu à nostre cher le Duc de Bretagne...
« la cunté de Richemund ave totes les upurtenan-
« ces... lequel cunté ove lesquèles apurtenances,
« les auncestres meimesceluy Duc autrefi Is lindrent,
« etc. » (D. Morice, Preuv. de l'Hist. de Bret. T. I,
col. 1013 ; tit. de 1268.) On décomposoit en quelque
façon, l'idée générale d'appartenance, lorsqu'on
disoit : « Laquelle maison dessusdite, si comme elle
« se comporte , o Loutes ses appartenances et
« appendances, le devant dit Jehan Arrode, etc. »
(Ilist. de la ville de Paris, T III, p. 297; til.de 1302.)
" Que nostre hostel , tout ainsi comme il se com-
« porte en long et en large, en toutes ses parties
» haut et bas, avec tous les jardins, appartenances
» et appendances d'icelui quelconques, etc. » (Ibid.
p. 483; tit. de 1364.) Si l'on eût fait réflexion que
Vappendance est une espèce d'appartenance, et que
par cette raison appartenances signifie, dans le
premier de ces trois titres, tout ce que dans les
autres peut signifier appartenances et appendances,
on auroit senti l'inutilité de réunir deux termes
dont l'un signifie en particulier ce que l'autre signi-
fie en général. Peut-être aussi les a-t-on employés
comme termes synonymes 'f Au moins est-il certain
que l'idée particulière d'appartenir â une chose en
y appendant, étant généralisée, l'acception d'appen-
dances peut avoir été la même que celle d'appen-
ditiœ , qui dans un titre latin équivaut seul aux
termes réunis pertinentiœ et appenditiœ, en fran-
çois appartenances et appendances. « Domum
« nostram... unà cum suis appenditiis et adjacentiis
« quibuscumque dedimus.... Concedimus insuper...
« quod prœnominata domus cum suis pertinentiis,
« appenditiis et adjacentiis supradictis, etc. » (Hist.
de la ville de Paris, T. III, p. 484 ; lit. de 1368.)
Il semble donc qu'on se soit trompé, lorsqu'on a
dit en général : » Les appartenances sont les pri-
« mordiales consistances de la seigneurie, en hom-
" mes, terres labourables, prez, bois, cens, rentes,
« coutumes, droitures, péages, etc. Les appendances
« sont au contraire tout ce qui a été nouvellement
« attaché à la seigneurie, tant en domaine qu'en
« mouvances. » (Brussel, Usage des Fiefs, T. I,
p. 17.) Quand cette distinction seroit vraie, relati-
vement à quelques titres, à quelques coutumes où
ces deux mots auroient une signification aussi
différente, oii appartenance désigneroit des objets
évidemment distincts de ceux que désigneroit
appendance, elle deviendroit fausse, en devenant
générale. Les lois Anglo-Normandes, qui sont nos
anciennes lois, distinguent à la vérité « les choses
« regardants des choses appendants à manor, à
AP
— 1-:
« terres, etc. ■> (Voy. Tenurcs de Littleton, fol. 41.)
Mais on n'en conclura pas que, selon ces mêmes
lois, « tout ce qui entre dans la constitution pri-
« mordiale du tlef, le regarde ; que tout ce qui a été
« attaché ù une Icrre, depuis son érection en fief,
« en dépend. « (Voy. Hoiiard, anc. Loix des Fran-
çois, T. I, p. 2GI.) Ce seroit dire que la distinction
des choses rcfjanlants et des choses appendants
n'est autre que celle qu'on a peut-être imaginée
entre appartenances et appendances ; et ce seroit
se méprendre.
« Les choses regardants al manor, ou al terres
« et teuements, ne sont point tout ce que Brussel
« nomme appartenances , puisque nul chose est
« nosmé regardant à un manor, etc. fors que
« villeine. » (Voy. Tenures de Littleton, fol. -iL)
Ce mot regardant ne désigne donc que le villain, et
le désigne comme un serf que l'impossibilité de
s'éloigner de la terre i> laquelle il est attaché, force
à teni'r ses regards tournés vers un maître qui veut
être obéi au premier signal. D'ailleurs, lorsqu'on
lit, (id. ibid.) que « certèines auters choses, come
« advowson, common de pasture, etc. sont nosmés
« appendants al manor, etc. » on voit que les
choses appendants étant des droits honorifiques et
utiles, sont des choses incorporelles, et par consé-
quent de la nature de celles que Britton nomme
appartenances. « Ore fait à dire de disseisines de
« choses nent corporelles, si come des apurte-
« naunces... ascuns apurtenannces sont fraunches,
« si come à regard des personnes et des tenementz
« à quex ils sont dues : enserves quant à regard
« des tenementz dont ilz issent En plusurs
« manères purra un home enserversont tenement,
« si come cascun à graunter î'i autre que rien n'ad,
« que il eyt lyens droit de pescher, ou de laver, ou
« de carier, et par autres servages que purrount
« estre sauns nombre, solonc ceo que ilz sount
« simples ou compountz de autres apnrtenatl)ices :
« car il y ad apurtenaunces.. et si nà apurtenannces
« des apurtenaunces. » (Britton, des Loix d'Angle-
terre, fol. 139.) Ainsi la distinction des choses regar-
dants et des choses appendants, par laquelle on ne
peut justifier celle (Y appartenances et d'appendan-
ces, est une nouvelle preuve que ces deux mots
employés indifféremment ont eu même signification,
soit qu'on la restreignît aux choses incorporelles,
soit qu'on retendit aux corporelles.
Ces mêmes choses étant vues relativement aux
personnes à qui elles appartiennent comme leur
bien propre, le mot appartenance, qui ne subsiste
plus qu'au premier sens, signifioit propriété. (Voy
Rob. Estienne, Nicot et Monet, Dict.) En supposant
avec les Etymologistes latins, que propè soit l'ori-
gine de proprium, supposition d'autant plus vrai-
semblable que par une façon de voir très-naturelle,
rien ne nous est plus proche que ce qui nous est
propre, l'idée de propriété seroit analogue à celle
de proximité et même î» celle d'appartenance, puis-
qu'entre les choses et les personnes appartenantes
les unes aux autres, il y a nécessairement une
proximité réelle ou idéale.
Quoi qu'il en soit, le mot appartenance, comme
terme collectif des personnes à qui l'on tient par la
proximité du sang, signifioit parenté. (Nicot, Dict.)
Mollit en fil grant le pleur en France
De ceus de leur apartenance.
G. Guiarl, MS. M. 37, V.
VARIANTES :
AP.\.RTE.\ANCE. G. Guiart, MS. fol. 37, V».
Aportenaunce. Rymer, T. I, part, ii, p. 109, col. 1.
AppunTENANCE. Id. ibid.
Apurtenance. Id. ibid. p. H4, col. 2. — Livres des Rois,
MS. des Cordel. fol. 8.5, R» col. 1.
Apurten'aUiVce. Britton, des Loi.x d'Angleterre, fol. 139, R*.
Apurtenauxse. Rymer, T. I, part, ii, p. 109, col. 1.
Apaptenant, participe. Qui appartient comme
mari et femme, comme parent, ami, serviteur, etc.
Les hommes que rapprochent diverses relations
physiques ou morales, tiennent les uns aux autres
par ces relations. De là, on a dit, 1° en parlant d'un
mari et d'une femme, qu'ils étoient apartenants :
Cil Rois bastars,
Guillaumes ki ne fu couars,...
Funda S' Estievene à Kaan ;
Et sa feme, par karité,
I funda Sainte Trinité.
Mehaus (1) ot non ; et pour itant
Qu'il estoient apartemint,
Fist li Dus ces deux abeïes,
Ki seront à tousjors siervies.
Par le conseil de l'Apostole
Qui leur commanda par estole.
Pour cou que SIehaus, ki l'avoit
Auques priés, li apartenoit.
Ph. Mouskes, MS. p. 459 et 460.
2° En parlant de personnes entre lesquelles il y
avoit relation de parenté, qu'elles étoient aparte-
nantes. « Celui qui le fié a et tient, estoit apartenant
■> à celui de par qui le fié est escheu. » (Assis, de
Jérus. chap. clxv, p. 115.)
Cil ert amis Buenon et ses apartenan.i.
Biienon de Commarchies, MS. de Gaignal. fol. 193, R' col. 1.
Li Dux Fagons fu Chevaliers vaillans...
Armes ot bleues, si ot d'or trois croissans ;
Tes armes ot li Quens Hues dou Mans ;
Mais que labiaus de gueules biens seans
Y ot ; car l'uus ert l'autre apartcnans.
Enfance d'Ogier le Danois, MS. de Gaignat, fol 101, V- col. 2.
Enfin, quelle que fût l'espèce de relation par
laquelle un homme tenoil à un autre, comme rela-
tion d'amitié, de services, etc. on disoit qu'il lui
étoit apartenant. « Hieu {-2) ocist tuz ces ki aparte-
« nant furent à Achab en Jesrael, les mielz vaillanz,
« e ses privez, e ses pruveires. » (Livres des Rois,
MS. des Cordel. fol. 13i, V° col. 2.)
Ne m'ont leissié soror, ne frère.
Ami, parent, ne apertinant.
Rom. de la guerre de Troycs, MS. Voy. Du Cange, Gloss. lat. T. V, col. 416.
VARIANTE :
APARTENANT. Anc. Poët. fr, MSS. av. 1300, T. IV, p. 1371 .
Aparten.\ns. Enfance d'Ogier le Danois, MS. de Gaignat,
fol. 101, V- col. 2.
Apertement. (Cor. ApiHenant.) Athis, MS. fol. 85, a.'.
1) Matheculdis se transforme au moyen-âge en Maheu, Mahaut, etc.; c'est le nom Matliilde. (n. e.) - (2) Jehu.
ÀP
— 15 —
AP
Apektinant. Rom. de la guerre de Troyes, MS. — Voyez
Du Gange, Gloss. lat. T. V, col. 416.
Apurtenant. Livres des Rois, WS. des Cordel. fol. 134.
Apartenir, verbe. Etre attenant, être proche.
Approcher, être comparable. 11 semble qu'où ait
dit au premier sens : « Mesons qui appartcnoient
« à ladite église.... et une meson asise à porte
« Garnaul. » (Hist. généal. de la M. de Chastillon,
pr. p. 61 ; tit. de 1273.) « Le cemetiere de celle
« église et la meson qmapcn-tient-àu presbitoière. »
(Ibid. p. 63; tit. de 1274.) On disoil, en parlant de
personnes ou de choses qui n'étoient pas compara-
bles, qui n'approchoienl point l'une de l'autre,
qu'elles ne pouvoient s'appartenir.
Nul ne s'i puet à vous appartenir.
Eust. Desch. Poës. MSS. p. 225, eo!. i.
Fleiir ne se peut à fueille appartenir.
Id. ibid. p. 203, col. 2.
Nulle joie ne s'apartient
Au cuer qui bonne amour maintient.
Fabl. MS. du R. n» 7615, T. Il, fol. 137, R'col. 1.
Les autres significations du verbe appartenir,
aussi anciennes que notre langue, n'ont point varié.
Etre parent de quelqu'un , lui être proche , c'est
encore lui appartenir. « Nous vodrions que vos
«' eussiés bien et honor, por ce que vous m'aperte-
« nés de si près, etc. » (Assis, de Jérus. chap. cccv,
p. 206. — Ibid. chap. clxv, p. 115.) Enfin, plus on y
réfléchit, plus on se persuade qu'entre les idées
à' appartenance et de proximité, le rapport est le
même que celui de la cause à l'effet ; que tout ce
qui est propre, relatif, convenable aux personnes
ou aux choses, a été vu comme étant proche d'elles,
lorsqu'on a dit : « Donanz . . . ceu qu'ù unchascun
« apartenivet ; à Deu l'onor et à l'ome la pitiet. »
(S' Bern. Serm. fr. mss. p. 385.) « A Père aparlignet
» k'il anzois ait pitiet k'iror. » (Id. ibid. p. 157 et
148.) « Mainte gent . . . oyent la parole de Deu assi
« cum il ois n'en apartignet de niant ceu c'undist. «
(Id. ibid. p. 272.) « Juront ces choses à tenir tant
« come a chescun apertendra, etc. « (Rymer, T. I,
part, n, p. 46, tit. de 1259.) « Quand il fera aucunes
« choses là où il appartendra liardiement , que il
« le fâche sagement. » (Beaumanoir, Coût. deBeau-
voisis, p. 8. — Voy. Ai'arten.\nce ci-dessus.)
CONJUG.
Apartenist, subj. imp. Appartînt. (Cléomadès.)
Apartenivet, ind. imp. Apparlenoit. (S' Bern. S.)
Apartent, ind. prés. Appartient. (Ilist. généal. de
la M. de Chastillon, pr. p. 61 ; tit. de 1268.)
Apartièncnt, ind. prés. Appartiennent. (S" Bern.]
Apartignent, ind. prés. Appartiennent. (Id. ibid.)
Apartignet, indic. prés. Appartient. (Id. ibid.
p. 157.) Subj. prés. Qu'il appartienne. (Id. ibid.)
Apartigniens, subj. prés. Que nous appartenions.
(Id. ibid. p. 119.)
Apertendra, ind. futur. Appartiendra. (Rymer.)
Appartendra, ind. f. Appartiendra. (Beaumanoir.)
Appartenist, subj. imp. Appartînt. (Ord. T. I.)
Appartinra, ind. futur. Appartiendra. (Ibid.)
VARIANTES :
APPARTENIR. S» Bern. Serm. fr. MSS. p. 107. - Assis, d»
Jérus. chap clxv, p. 115, etc.
Apertenir. Assis, de Jérus. chap. cccv, p. 206.
Appartenir. Hist. généal. de la M. de Chastillon, pr. p. 61 ;
tit. de 1273 ; - Rob. Estienne, Nicot et Monet. Dict.
Appertenir. Modus et Racio, MS. fol. 7, R». - Rabelais,
anc. Prolog. T. IV, p. 17, note 32.
Apurtenir. Brilton, des Loi-\ d'Angleterre, fol, 139, V».
Apartir, verbe. Partager, donner part. Partir,
se séparer. Le rapport de l'action signifiée par un
verbe neutre, comme parler, paroler, etc. étant
désigné par la préposition initiale et inséparable a,
dont le sens est relatif à la préposition latine ad,
on disoit aparter une personne, Vaparoler, etc.
Donner à quelqu'un ;;«?■; à une chose, la partager
avec lui, c'étoit l'y apartir, comme Charles V apar-
tit à ses cendres le Connétable du Guesclin avec
lequel il partagea sa sépulture, en le faisant enter-
rer à Saiiit-Denys, auprès du tombeau qu'il s'étoit
fait préparer. « La mort empescbée de treuver
« successeur à tant de vaillances, luy fit mériter le
« plus honorable prix que sceptre donnast jamais
» à sujet : le jeune Charles à la teste du convoy,
« couvert de ses lauriers, suyvre son corps, et pour
« tiltre solemnel des obligations qu'il avoit à sa
« loyauté Vappartir à ses cendres. » (Hist. de B. du
Guesclin, par Ménard; épit. à la Nobl. Fr.) On sait
qu'à la mort de Turenne , Louis le Grand imita
Charles le Sage.
11 semble qu'au second sens du verbe a;;a?'/n-, l'a
initial soit de même signification que ab, préposi-
tion latine que souvent en françois on rend par de.
Ainsi l'expression apartir son cœur, signifieroit se
départir, se séparer de son cœur, dans ces vers oîi
le Poêle dit qu'une pareille départie ou séparation
lui seroit plus chère qu'une vie sans amour.
. . . Mis en amour mon vivre ay
D'une volenté si très-vraie,
Que jà, pour nul mal que j'en traye,
Ne pour nul bien, n'en partiray ;
Plus chier mon cuer apartiraij.
Et quant mes cuers en partiroit,
Hélas ! li las, quel part iroit?
Certes il le faudroit partir,
Se de lui se véoit partir.
G. Machaut, Poês. MSS. fol. 21, R- col. 3.
VARIANTES '.
APARTIR. G. Machaut, Poës. MSS. fol. 21, R» col. 2.
Appartir. Hist. de B. du Guesclin, par Ménard.
Apas, subst. masc. Pas. Mouvement progressif
qui se l'ait en étendant, en avançant une jambe ou
un pied devant l'autre. De là, on aura nommé pas,
apas, l'espace parcouru et mesuré par ce mouve-
ment. (Voy. Pas ci-après.)
.... Un petit en sus alai,
Environ x ou xi apas,
Par quoi ne les oisse pas.
Froissart, PoSs. MSS. p. 384, col. 1.
On gardoit sans doute une certaine proportion
relative à la mesure de ce mouvement, en posant
des pierres d'espace en espace, pour faciliter le
passage d'un fossé, d'un mauvais chemin; et ces
pierres ainsi disposées s'appeloientja/e/ré's d'appas,
ou simplement appas. « On publie par chacun an
AP
— 16 -
AP
« les bancqs de mars, afin que chacun ait nettoyer
« les rivières et cours d'eaux, réédificr les chaùs-
« séesetchemin.cliacun à l'encontreson héritage....
« à faute de quoy faire ... les deffaillans succom-
« bent eu amende, scavoir pour les cours d'eaues
u qui se trouveront au devant d'une pièce de terre,
« de cinq gros ; et pour les j)icm's d'appas, de trois
« gros. " (Coût, de Ricliebourg S' Vaast, au nouv.
Coût. gén. T. I, p. 450.) " L'on ne peut faire fouir
« en manière (|uelconque sur les chemins, ny don-
« ner em[)esclienient au cours des eaux .... sinon
n pour la réparation des chemins et remettre les
« pierres et appas en lieu et place ordinaire. »
(Ibid. p. 450.) 11 est vraisemblable que c'est par la
même raison de proportion, qu apas a signifié pas,
degré. On a dit figurément, en exhortant unejeune
personne à monter au dernier degré de la perfec-
tion :
Qu'elle monte au septime apas,
Et que de la ne parle pas.
Froissart, Poês. MSS. p. 43, col. î.
VARIANTES :
APAS. Froissart, Poës. MSS. p. 34, col. 1, etc.
Appas. Nouv. Coût. gén. ï. I, p. 450, col. 2.
Apasser, verbe. Passer. La préposition initiale
dans apas et apasser, semble relative au lieu où
l'on est et au lieu oîi l'on passe.
Tuit cil de la cité s'amassent ;
"Vers l'ost le Roy le pont apassent
Pour leur contrée chalengier.
G. Guiart, MS. fol. 84, V.
Apatissement, siibst. masc. Contribution. Les
citoyens dont la vie et la propriété sont à la discré-
tion de l'Ennemi , n'obtiennent souvent qu'avec
peine, la liberté de vivre misérables, en s'obligeant
par des pactes, à payer des contributions ruineuses.
Delà, le mot apatissement dont l'origine est la
même que celle â'appaclis (i), a signifié contribution.
« Prendrons Iribuz el appatissemens sur nos adver-
« saires le plus que nous pouvrons; el sur ceulx
« de noslre party, ferons aucune cueillette la moin-
« dre et la plus douce que nous pouvrons. » (Le
Jouvencel, m. p. 78. — Voy. Apatissube ci-dessous.)
VARIANTES :
APATISSEMENT. Le Jouvencel, impr. fol. 31, R".
Appatissement. Ibid. MS. p. 78.
Apatissure, subst. fém. Pacte qui fixe une
contribution. Cette définition du moi apatissure, en
indique l'étymologie. « Tanneguy, bastard de Cois-
« menet, autrement dit le Borgne apalissa
« la Villeneuve S. George ; ains la ville et tout le
« pays entièrement . . . Après \equel\es apatissures
« faiz et après les deniers par luy receus , non
« contant de ce, bouta les feux tant en ladite
« ville, etc. » (Preuv. sur le meurtre du Duc de
Bourgogne, p. 308 et 309. — Voy. Apatissement ci-
dessus et ArPACTis ci-dessous.)
Apatrié, participe. Qui a un pays pour patrie.
On observera que le mot patrie ne se trouve point
dans le dictionnaire de Robert Estienne, imprimé
en 1539; que lors de la publication du dictionnaire
de Nicot, en 1C06, patrie étoit francisée du latin
patria, qu'on disoil pays de naissance. Ce n'est
donc qu'au xvii' siècle que l'usage du mot patrie
prévalant sur celui de pays, est devenu aussi com-
mun qu'il étoit rare dans le xvr siècle. Joachim du
Bellay, disoit indifléremment pays ou patrie. (Voy.
lUust. delaLang. Fr. fol. 1. — Id. ibid. fol. 6.)
Mais on le biftmoit d'affecter l'usage d'un mot
« obliquement entré et venu en France nouvelle-
>■ ment, et dont les anciens Poètes et Prosateurs
« françois n'avoient voulu user, craignant l'escor-
« chérie du latin. « (Voy. Quintil. Censeur, p. 191.
— Ménage, Observ. sur'la Lang. fr. p. 408.) Quoi-
que le mot patrie fût alors peu usité, il n'étoit pas
nouveau, puisque .lean Chartier (Hist. de Charles
VII, p. 147) s'en étoit servi longtemps avant Joachim
du Bellay, et que le participe apatrié, formé de
patrie, se trouve dans le livre du Jouvencel, dont
l'auteur étoit contemporain de Jean Chartier, histo-
rien du XV siècle. « Il faut faire chose qui soit au
« bien du Royaulme et y pourveoir. Vous y avez
" tous vos pères, vos mères, vos parens, et le lieu
« de vostre nativité ; vous y estes apatriez naturel-
« lement. » (Le Jouvencel, ms. p. 442. — Voy. Patrie.)
Apavit, subst. masc. Espèce de tenement. Espèce
de droit seigneurial et domanial. Ferme de ces
mêmes droits. Dans les constitutions canoniques et
synodales de l'église de Nicosie, la signification
à'apaltus et à'appaltum est la même que celle
à'apaut, dans les Assises de Jérusalem. Quelques
Etymologistes croient que ces mots appaltum et
apallus, en françois apaitt, sont des allérations du
com\)Osé appactîim, pacte. (Voy. Du Gange, Gloss.
lat. T. I, col. 541. — D. Carpentier, Suppl. Gloss.
lat. de Du Gange, T. I, col. 241. — Ménage, Orig.
de la Ling. liai. p. 53 et 54.) 11 est vrai que dans
ces mêmes constitutions on lit une fois appactis
pour appaltis et apattibus. Mais quelle raison d'é-
crire une seule fois fl;j/}flc/!(??i et d'altérer un mot
qu'on suppose être le véritable, en l'écrivant plu-
sieurs fois appaltum et apaltus? (Voyez Labbe,
Goncil. T. XI, col. 2412. — Id. ibid. col. 2395, 2399,
2417et243G.) Peut-être seroil-il plus rai.sonnable
de ne voir dans l'orthographe appftc/;/?» que l'alté-
ration d'un mot propre au langage d'une nation
avec laquelle les Croisades nous avoient mis en
relation d'intérêts politiques et de commerce. Il est
possible que les Italiens doivent à des relations
semblables avec la même Nation, les mots appalto,
appattatore , appaltone, etc. Quant au françois
apaut, la conjecture qu'on hasarde, paroit d'autant
plus vraisemblable qu'on ne trouve ce mot que
(1) On lit dans Froissart, tome 3, cap. iO\, page 276, édition 1560: « Encore avez vous bien oui conter Geoffroi
Teste-Noire Breton qui le tenoit à ta garnison et fort chatel de Ventadour en Limosin. Ce Geoffroi ne s'en fut jamais parti
pour nul avoir. Car il tenoit ledit chatel de Ventadour comme sien et son propre héritage, et avoit mis tout le pays a
certains pactis, et parmi toutes ces pactions touttes gens labouroient en pai.\ dessous lui et demeuroient. » (n. e.)
AP
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AP
dans les Assises de Jérusalem, où il semble désigner
une espèce de tenement de la nature du caseau, en
latin casale, un tenement sujet à la taille serve ou
franche, à une redevance arbitraire ou convention-
nelle, soit en argent, soit en grains. « Alors , de-
« meurerdans la terre d'un Seigneur par apaiit ou
« sodées, signifieroit être à la solde, aux gages
« d'un Seigneur, ou être son tenant. Se aucun vilain
« s'en part, ou fuit de la terre de son Seignor et
« vait en autre terre, et y demore auci com par
« apaut ou sodées dou Seignor, il doit torner en la
« terre de son Seignor, se il est , etc. » (Assis, de
Jérus. chap. cclxxvu, p. 183.)
De là. on auia nommé apaus, les droits que les
Seigneurs tiroient de ces mêmes tenemens, par
extension toute espèce de droit seigneurial et do-
manial. « L'oflice des Enquestes sera de tout abatue,
« et... tous les droictures et apaus que les Maistres
« des Enquestes et autres ont mis et usé, sans
« Tassent des homes. » (Assis, de Jérus. chap. cccxiv,
page. 214.)
La difficulté de percevoir en détail ces mêmes
droits, obligeant à les affermer, on en désignoit la
ferme par le mot apaut. « Des dons, et ventes, et
« eschanges, et apaus qui touchent en la haute
« Court et en la segrete, lesquels ont deniers donés,
* doivent recouvrer lors deniers et rendre le surplus
« qu'ils auront reçu , acuillant etc. » (Assis, de
Jérus. chap. cccvni, p. 209. — Voy. Apauteor.)
VARIANTES :
APAUT. Assis de Jérus. chap. ccLxxvii, p. 185.
Apau. Ibid. chap. cclxxxix, p. 192.
Apauteor, subst. masculin. Fermier de droits
seigneuriaux et domaniaux. Une preuve assez vrai-
semblable (|ue Vapaut étoit une espèce de tenement
de la nature du caseau, pour lequel il étoit dû
certain droit que le même mot aura désigné, c'est
que dans les Assises de Jérusalem, la signification
d'apeauteor est la même que celle d'apallatores
casalium aut rcddituum, dans les Constitutions de
l'église de Nicosie. « De tous les propres apaus dou
« Roy, que l'on ne puisse eslre de trop engigné et
« que il sache lor value de tout le gain que les
• apauteors gaigneront en chascun apau, le Se-
« neschal doi"t avoir deux caroubles franchement. »
(Assis, de Jérus. chap. cclxxxix. page 192. — Voyez
Apaut ci-dessus, et Apauter ci-dessous.)
Apauter, verbe. Affermerdes droits seigneuriaux
et domaniaux. On ne peut guère douter que la défi-
nition qu'on a donnée d'apauteor, ne soit vraie,
puisque les apauteors étoienl ceux à qui les rentes
du Roy éioient apautécs, c'est-à-dire affermées,
a Les rentes dou Roy, quels qu'elles soient dehors
« ou dedens, quant il ou celui qui tendra son leu
« vodra que elles soient apautécs, il les doit co-
« mander; et le Seneschau les doit faire crier et
« multiplier au maus que il porra. ... De tous les
« propres apaus dou Roy, que l'on ne puisse estre
« de trop engigné, etc. » (Assis, de Jérus. chap.
CCLXXXIX, p. 192. — Voy. Apauteor et Apaut.)
II.
VARIANTES :
APAUTER. Assis, de Jérus. chap. cclxxxix, p. 192.
Apautrer. (corr. Ajiauler.) Du Cange, Gl. l.T. VI, col. 361.
Apédefte, adj. et subst. masc. Ignare, ignorant.
En grec dnàiôevioç. Les deux orthographes du mot
françois sont relatives à la diverse prononciation
du mot grec que les uns prononcent apaideutos, et
les autres apaidcvtos. Rabelais, conformément à la
dernière prononciation, a introduit le mot apédefte
dans notre langue. « Par Dieu, dist Panurge à
« Gaigne-beaucoup,.... menez-nous à ces Apéde'ftes;
« car nous venons du pays des Sçavans où je n'ay
« guières gaigné Mais pourquoy, mon compère,
« mon amy, appelle-on ces gens icy ignorans ? Par
« ce, dist Gaigne-beaucoup, qu'ils ne sont et ne
« doibvent nullement estre clercs, et que céans par
« leur ordonnance tout se doibt manier par igno-
« rance,etn'y doibt avoir raison, sinonque Messieurs
« l'ont dict ; Messieurs le veulent ; Messieurs l'ont
« ordonné. >■ (Rabelais, T. V, page 70 et 75.) En
adoptant la première façon de prononcer le mot
grec, on a écrit apédeute. « Le célèbre M. Huet
« croyoit avoir survécu aux Lettres, parce que de
« son temps il se formoit une cabale d'apédeutes.
« de gens ignares et non lettrez, qui sentant leur
« incapacité, et ne pouvant se résoudre à une étude
« assidue de plusieurs années entreprenoient
« de se faire un mérite de leur incapacité, de ridi-
« enliser l'érudition, et de traiter la science de
« pédanterie. » (Voy. Huetiana, p. 2 et 3.) De là, le
suhstainiii apédeutisme encore usité pour désigner
l'ignorance qui vient du défaut d'instruction. (Dict.
de l'Acad. fr.)
VARIANTES :
APÉDEFTE. Rabelais, T. V, p. 68 et suiv. - Cotgr. Dict.
Apédeute. Huetiana, p. 2, etc.
Apelé, participe. Qui a sa peau. C'est en ce sens
que pour signifier l'état glorieux du Lazare après
sa mort, on a dit que son corps étoit apelé; participe
forzué du substantif /)e/, en latin peliis.
De ses deux lès
Fut la piaus en chaut venin frite,
Tant que il fu tous despelés...
Par-tans iert ses cors apelés,
Et mis en gloire o l'Esperite ;
Dont aura il joie partite,
Quant de sa pel iurt rempelés.
Dil de Charité, MS. de Gaignal, fol. 224, V" col. 3.
VARIANTES :
APELÉ. Dit de Charité, MS. de Gaignat, fol. 225, R» col. 1.
Appelé. Ibid. Variante du MS. de N. D.
Apert, participe. Ouvert, découvert, évident,
etc. Ouvert, franc, indiscret, impudent, effronté, etc.
Qui fait voir de l'expérience, de la force, de l'agilité,
de l'adresse, de la valeur, etc. connu par des qua-
lités naturelles et acquises. Chose évidente et connue.
La signification propre et figurée d'apert, en latin
apertus, étoit la même que celle d'aouvert. (Voyez
AouvERT ci-dessus.)
Ot vairs iex, rians et fendus,
Les bras bien fés et estendus,
AP
Blanches mains, longues et ouvertes
Aux templières (1) que vi apertes
Apparut qu'èle ol leste blonde
^^ Fabl. MS. du R. n- 72
- i8 —
AP
7218, fol. 280. V* ool. 1.
Diex ! comme est apei-le folie
Coutivér'(2),' comme une image,
Son cors. Certes, c'est Une rage;
C'est comme une mahommene. ^^^ ^^_^_ ^_ ^^^ ^
Dans les expéditions où Von employoit la force
. ouverte, comme pour mener prisonniers, ou pour
„ aucun autre cas par lequel aucun youloit aler en
. s'i justice elïorciement, on s arnioit de liaubeis et
. des armes qui avecque aparliennent ; et ces armes
„ éloicnt nommées armes apertes. Mais lorsque
« pour aller dans sa justice, il falloit passer parmi
« autre justice, on devoit les porter vestues couver-
„ tement car bien sachent tuit li Seigneur qui
.< sont sougès as Barons, que ne pueent pas donner
« conaié que l'en voit à armes aperles parmy les
« Terres pour che que de l'establissement le Roy
.< tèles ciievauclnées de foiclie et de armes son
« défendues. » (Beaumauoir, C. de Beauv., p. i'JO.)
Pour nos ancêtres qu'une confiance téméraire en
la Justice divine, a trop souvent rendus barbares et
superstitieux, révéuement d'un duel doit un juge-
ment de Dieu qui leur découvroit la vente, et que
dans celte persuasion ils nommo\en[ Loij aperte.
(Voy. Du Gange, Gloss. lat. T. IV, col. IbO et 161.)
L expression adverbiale en apert, en appert, c est-
à-dire ouvertement, à découvert, évidemment, en
évidence, étoil très-usitée. On lit en apart, en
appart. (Ord. T. 111, p. 246 et 656.)
On désignoit une personne dont 1 extérieur laissoit
voir à découvert une âme franche et vraie, en disant
fio-urémenL quelle avoit un visage apert, quelle
étoit anerte; acception encore usitée du participe
ouvert (Voy. Ouvert.) « Si avoit ung visage appert
« et esveillé. » (Percef. Vol. II, fol. IM, V° col. 1.)
S'encontrèrent un Chapelain
Seur un bai palefroi ambiant,
^per< et dehailié (3) samblant
^ Fabl. JlS. du R n" 7218, fol. 23o, R' col. 2.
Peut-être a-t-on dit en ce sens que Clovis étoit
a moult appert et de noble contenance. » (Chron.
S- Denys, fol. 9, V°.)
.... Elle est bonne et preude femme,
Sage, honneste, cointe et apperte;
Et n'est ombrage, ne couverte. , , ^„, „ , „
^ G. Machaut, MS. fcl. 203, R" col. 2.
L'extrême franchise d'une âme qui pense a dé-
couvert, est si naturellement indiscrète qu on ne
sait si l'on faisoit, il y a plusieurs siècles, l'éloge ou
la satvre du caractère François, en disant : ^ Li plus
., apèrt home sont en France. » (Voy. Ane. Poet. l-r.
Mss avant 1300, T. IV, p. 1652.) Quelquefois, ce mot
avért signilioit l'indiscrète franchise d'une jeune
Bersonne trop prompte à découvrir le secret de son
cœur Le Chevalier de la Tour étant allé faire une
première visite h la Demoiselle que son père lui
destinoit pour femme, s'alarma d'en être aime trop
franchement, trop ouvertement, et refusa de lé-
pouser. « Elle fut dit-il: bien aperte ; car elle me
« pria deux fois ou trois que je ne demeurasse point
« a la venir voir. » (Le Ch" de la Tour, Instr. à ses
tilles fol. 8. " On ne pardonne point à une pucelle
.. qu'elle, à la premier requeste, face appert octroy,
.. ne descouvre son couraige. ■> (Voy. Percef. \ ol. M,
fol. 86, V° col. 2.) .. ,
Il y a une esoèce de franchise proscrite par la
décence, à penser et faire le mal ouvertement, a
être impudent, effronté; de sorte que le mot apert.
qui désignoit en général les qualités propres a
caractériser une franchise aussi aimable que 1 autre
est odieuse, a pu désigner non-seulement 1 indis-
crétion, mais l'impudence, l'etTronterie. (^oy. Le
Ch" de la Tour, Instr. à ses filles, fol. 13, \° col. 2.)
Ou'il suffise d'avoir indiqué l'étendue de 1 ac-
ception figurée à'apert; mot dont les orthographes
aouvert et ouvert sont des altérations aussi visibles
que celles û'aspert et espert dans les passages
suivans. « Li larrecins qui n'est pas appers, mes
« toute vois il se prueve par présomptions, si est
« de chaus qui sont pris par nuit en autrui meson»
(Beaumanoir, Coût, de Beauvoisis, page Ib-i.) « Li
« aspers larrechins est chil qui est trouves sezis et
« vestus de la chose emblée ne plus espers lar-
.< recins ne puet estre que chil qui est trouves sésis
.< et vestus de la chose emblée. » (Id. ibid. p. ib4.)
Après avoir prouvé que l'orthographe espert etoit
quelquefois une altération d'apert, évident; on re-
marquera que plus souvent l'orthographe apert
sembloitêtre une altération d'expert. « Noz ancestres
« ont usé de ce mot appert. . . pour expert. . . ou
« adroit aux armes. » (Froissart, Vol. 1, annot. à.)
L'ancienne Chevalerie étant une expérience, une
épreuve continuelle de force, d'agilile d adresse,
de valeur, de bravoure et d'intrépidité, le moi apert
aura signifié fort, agile, adroit vaillant, brave, in-
trénide- acceptions peu faciles à distinguer les unes
des autres. « Aucuns des Seigneurs de la compaignie
« au Duc de Bourgongne se vauldrent mettre a
I « deffence mais che leur valut moult peu ; car
« tous furent prins et menez prisonniers excepte
' « le Seit-neur de îlontagu qui estoit moult appert
« et viste : et l'espée ou poing toute nue saillit
« dehors les barrières. » (J. le Fevre de S' Remy,
Hist. de Charles VI, p. 138.) , ^ ,• • „
Il semble qu'on ait compare au vol de 1 oiseau
l'a-ilité avec laquelle un homme intrépide court à
l'ennemi et le renverse, lorsqu'on a dit :
Trop nous eussent fait de contraire
Cil Sarrasin de pute affaire,
Se ne fussent cil Daraoisel
Qui sont aussi appers qu'oissel. „<, „ wyj
^ Hist. des trois Marks, en -vers, MS. p. 468.
On recommandoit à la Noblesse l'exercice de la
AP
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AP
chasse, comme propre à former un appert homme
d'armes; et l'on disoit on parlant du Chasseur :
Telz homs (1) communément devient
Et chevauchant et bien trayant,
Bien appert et bien combatant,
Bien assaillant bestes terribles...
Pourquoy vient le hardement,
Sans craindre péril nullement :
Il s'accoustume à fort courir,
Et à grans labeurs soustenir :
Toutes telz choses sont reqises
Aux Nobles à qui sont commises
Grans seigneuries et grans terres
Pour plus vaillances avoir ez guerres.
Gace de la Bigno, des Déduits, MS. fol. 99, VS
Les qualités et les vertus qu'indiquent ces vers,
étant nécessaires aux personnes destinées par leur
naissance ii la profession des armes, il est probable
qu'un Chevalier dont la force, l'agilité, l'adresse, la
valeur et l'intrépidité avoient été éprouvées, étoit
ce qu'on nommoit un apert homme d'armes. « Si
« appela tantost le Prince un Chevalier de son
« hostel.... nommé Messire Pierre Ernaut, du pais
« de Bearn, apcrt homme d'armes, et cousin au
o Comte de Foix. » (Froissart, A'ol. III, p. 7. —
Monstrelet, Vol. II, fol. 66.) Mais il paroit très dou-
teux que dans cette expression, appert homme d'ar-
mes, le mol appert soit de même origine qu'expert.
L'un et l'autre existoient en mémetemps dans notre
ancienne langue.
à découppler sont appcrs,
Et en ce qu'ont à faire expers.
Gaco de la Bigne, des Déduits, MS. fol. 102, V*.
S'il faut en croire Le Duchat, appert en ce sens
vient à'adperitus. (Voy. Rabelais, T. IV, p. 166 et
167. note 3.) C'est le même qu apert, en latin
apertiis, suivant l'opinion de Nicot, qui dit (\\x appert
a signifié expert dans l'art militaire, dans un art
quelconque, « parce qu'à celuy qui n'ignore rien
« d'aucun art, discipline et exercice, rien ne luy en
« est clos, ains luy est le tout ouvert, cogneu et en
« main. » (Nicol, Uict. au mot Apertise.) Peut-être
auroit-il mieux raisonné sur la cause de celte
acception figurée à'appert, en latin apertus, s'il eût
dit que l'aptitude acquise ou naturelle, qui se décou-
vre et se fait voir dans un homme, ou dans un ani-
mal, pour certains exercices, a été désignée par le
mot apert, comme l'on désigne encore par le mot
ouvert, l'aptitude, l'ouverture de l'esprit pour cer-
taines sciences. Telk pouvoit être l'origine des signi-
fications û'apert, lorsqu'on disoit en "parlant d'un
homme agile, adroit, vaillant, courageux, inlrépide,
qu'il étoiî apert. (Voy. Nicot et Mônet, Dict.) Les
coups d'un homme fort et adroit, éloienl des coups
apperts ; èlveapert, avoir la jambe aperte A' aWer,
c'étoit être agile, prompt à aller, à courir. « Com-
« mencèrentà traire, à lancer et ù chacer les uns
« les autres, et donner grans coups et apperts. »
(Froissart, Vol. ï, p. 307.) <• Sire Damoysel.... les
« chausses de fer qui vous environnent les pieds et
« les jambes, vous donnent à congnoistre que...
« devez avoir... la jambe... légère et appjerte d'em-
o batre en tous jeulx, pour soustenir justice et
« droicture. » (Percef.Vol. II, fol. 119, R» col. 1 et 2.)
Trois varletz qui sont bien espars
De lièvres garder, et apers
De tost aller, et bien entendre
A leurs lévriers tantost reprendre.
Gace de la Bigne, des Déduits, MS. fol. 110, V'.
Etre apert, avoir la main aperte, c'étoit être
adroit, faire voir de l'adresse, de la dextérité, de la
grâce, en faisant une chose. « Aussi on en a la main
'< plus aperte, etc. » (Ch. de G. Phébus, ms. p. 213.)
Les uns sont hardiz et appers,
Autres couars et mal appers
Eust. Descli. Poës. MSS. p. 471, col. 1.
Gardez-vous, Dames, bien aoertes
Qu'au mengier soiez bien apertes.
C'est une chose c'om moult prise
Que là soit Dame bien aprise.
Fabl. MS. du K, n- 7218, fol. 13-2, R- col. 2.
Un cheval dans lequel on découvroit une inclina-
lion naturelle à regimber, étoit un cheval appert de
regiber.
... Se ton cheval est appert
De regiber la jambe haulte,
Chascun dira que c'est ta faulte, etc.
Contrediz de Sougecreux. fol. 141, R".
On faisoil plus souvent l'éloge des qualités que
l'on découvroit dans un cheval, un chien, etc. en
disant qu'il étoit apert. « Cheval appert (2), léger, et
« bien courant , et bien tournant à la main. »
(Froissart, Vol. IV, p. 82.)
Bien nous appert
Que cbiens sont hardiz et appert,
Et qu'ilz ont proesse et vaillance,
Et sont de grant recongnoissance.
Gace de la Bigne, des Déduits. MS. fol. 75, V».
Au reste, en faisant voir par ses actions, en dé-
couvrant certaines qualités reçues de la Nature, ou
acquises par l'expérience qui les découvre elle-
même, on se fait connoître comme possédant ces
mêmes qualités. De là, le mot apert aura signifié
1- connu pour être agile, adroit, vaillant, etc.
Ne sont mie poindre couvers.
Mais biax, et riches, et apers.
Moult est lor oevre bien veue,
Et d'ans et d'autres conneue.
Athis, MS. fol. 115, V col. 1.
2° Connu pour être expert, non-seulement dans la
science des armes, mais dans toute autre science
en général. Telle paroit être la raison de l'analogie
fiu'on remarque entre les mots apert et expert;
analogie qui les aura fait probablement employer
l'un pour l'autre, sans égard à la diflérence étymo-
logique. « Que bonnes personnes et apertes pour
« délivrer (3), soient aux requestes de la Langue
« d'oc et de la Frani;oise. » (Ord. T. I, p. 675.)
« Appelés à ce plusieurs Sages, connoissans et
« esperts en fait de monoyes. » (Ibid. p. 770.)
On croit aptircevoir l'origine delà formation et de
la signification tîu substantif aperte, dans l'ellipse
par laquelle le participe féminin aperte, désignoit
(I) L'analogie a donné le z au cas sujet de liom, comme aux noms masculins de la 2» déclinaison, (n. e.) — (2) Appert
est ici le contraire d'ombrageux, (n. e.) — (3) Expédier.
AP
— 20
AP
une chose aperte, une chose évidente, une chose
connue :
Quant vous à cui que soit parlés,
En sus de lui si vous t^nés,
Qu'à lui voslre alaine ne viegne ;
Et d'une aperte vous soviegne, etc.
Fabl. MS. du R. n- 7218, toi. 131, V' col. 2.
Une action de valeur, une action connue, ou qui
mérite de l'être. « Les Ilainuyers s'asseml)!èrent
« pour les rebouter; mais ils estoient si puissans
« ([u'ils s'en retournèrent en leur pays sans faire
« aperte qui soit à raconipter, n'escrire. » (Mons-
trelet, Vol. I, fol. 27. — Voy. Aperte ci-dessous.)
VARIANTES :
APERT. Livres des Machabées. MS. des Cordei. fol. 188
Apart. Liv. des Machabées, MS. des Cordei. fol. 188, R".
Apers (plur.) Fabl. MS. du R. n» 7218, fol. 142, V" col. 1.
Appart. Ord. T. 111, p. 246.
Appers. Eeaumanoir, Coût, de Beauvoisis, p. 164.
Appert. Marbodus, de Gemm. Art. viii, col. 1648.
ASPERS. Beaumanoir, Coût, de Beauvoisis, p. 164.
EsPERS (sing. et plur.). Id. ibid. p. 238. - Ord. T. I, p. 770.
EsPERT. Beaumanoir, Coût, de Beauvoisis, p. 192.
Aperte, subst. fém. Qualité par laquelle on se
fait connoitre. Action connue et par laquelle on se
fait connoitre. Au premier sens, les qualités dési-
gnées par le mot aperte, étoient l'expérience, la
force, l'agilité, l'adresse, la valeur, etc. (Voy.ApERT.)
Resaut en piez com hom plains d'aperlé.
Enfance d'Ogier le Danois. MS. de Gaignat, fol. 109, R" col. 2.
. . . D'armes est tex li mestiers
Que il i convient aperte,
Et de bien faire volenté.
Ciéomadès, MS. de Gaignal, fol. 62, R' col. 1.
Peut-être la beauté, dans ces vers :
Dame de grant apperteté.
Plus que palmes hauls et parens;
Dame plus noble et plus flairans,
Plus vermeille et mielx coulourée
Que pomme doulce et savourée ; etc.
G. Machaut, MS. fol. 201, V- col. 3.
Il étoit naturel que ce même mot aperte désignât
spécialementles faits d'armes, les exploits guerriers,
dans un temps où l'on n'avoit guère d'autre moyen
de se faire connoitre et de se distinguer.
Li Dus Tierris, ou poing le bran letré,
Fist celui jour mainte grant aperte :
De lui ert bien, as coups ferir, monstre.
Enfance d'Ogier le Danois, IIS. de Gaignat, fol. 104, V" col. 2.
VARIANTES :
APERTE. Ciéomadès, MS. de Gaignat, fol. 62, R» col. 1.
Apperteté. G. Machaut, MS. fol. 201, V" col. 3,
Apertelet, adj. Vaillant. Signification analogue
î» celle du participe apert, doiu'on a formé le dimi-
nutif fl7;^r/e/ci, en faveur de la rime.
Là fu li Sires de Clervaus,...
Et le Seigneur de Nantoullet
Qui est cointe et apeiielrt.
G. Machaul, MS. fol. 225, V- col. 3.
Apertement, adverbe. Ouvertement, évidem-
ment, etc. Ouvertement, fanchement. De manière
à faire connoitre certaines qualités naturelles et
acquises. Les significations de V^àyerhë apertement
sont toutes relatives ù celles du participe «joerL On
disoit au premier sens : « Pur co véez apertement
« que nient n'est arrière de ce que, etc. » (Livres
des Rois, ms. des Cordei. fol. 13i, V" col. 2.)
Diex t'a monstre, de ce n'en doutes,
En celi songe espertement,
Ce qu'est venu nouvellement.
Geofroi de Paris, ,i la suite du Rom. de Fauvel, MS. du R. n' 6812, fol. 52.
Dans le second sens, apertement signifioit ouverte-
ment, franchement. (Rob. Est., Nicot et Monot. Dict.)
Enfin, agir ou se tenir de manière à faire con-
noitre qu'on avoit certaines qualités, qu'on étoit
expert, adroit, leste, agile, prompt, etc. c'étoit se
tenir ou agir apertement. « Lors print apertement
" son cheval par le frain, et saillit en la selle. »
(Percef. Vol. II, fol. 119. — Voy. Nicot, Dict.)
Moult apartement s'arréèrent
Cil qui par raison tenu èrent
D'aler à ces tabliaus lancier.
Ciéomadès, MS. de Gaignat, fol. 67, V" col. 1.
Moult lvès-aperteme>ît s'arma
Ciéomadès, ne détria.
Ibid. fol. 38, V" col. 3.
Mestres, feites apertement ;
Car je sui ci en grant forment...
Sire, ne me puis plus haster.
Esirubert, Fabl. MS. du R. n" 7996, p. 43.
Bien doit haus hom estre jolis devant la gent,
Cointes et acesmans, se il est de jovent ;
Et doit son cors tenir bel et aperloneiit,
Et si se puet vestir et bien et richement.
Fabl. MS. du K. n" 7218, fol. 335. R- col. 2.
VARIANTES :
APERTEMENT. Livres des Rois, MS. des Cordei. fol. 134.
,\P-\RTEMENT. Cléomadès, MS. de Gaignat, fol. 67.
Apertem.\nt. Monet, Dict.
Appertrment. r.om. de la Rose, vers 22, Percef. Vol. II,
fol. 119, V° col. 1. - Nicot, Dict.
Espertement. Geofroi de Paris, à la suite du Rom. de
Fauvel, MS. du R. n» 6812, fol. 53, V" col. 3.
Apertise, subst. fém. Evidence. Franchise
indiscrète. Aclion qui découvre certaines qualités
et les fait connoitre. Qualité qui se découvre et par
laquelle on est connu. Du participe apert, évident,
s'est formé le substantif apertise, dans le sens
d'évidence. (Voy. Oudin, Dict.) C'est encore dans un
sens relatif à celui d'apert, ouvert, franc, etc. que le
mot apertise signifioit franchise indiscrète. On
craint d'être l'époux d'une Demoiselle, « pour la
« trop grande apertise et la légiéreté et la manière
■' qu'il semble à veoir en elle. " (Le Ch'' de la Tour,
Inst. à ses filles, fol. 8. — Id. ibid. fol. 13.)
En général, une action par laquelle on faisoit
connoitre son expérience, sa force, son agilité, son
adresse, sa valeur et autres qualités naturelles et
acquises, étoit une apertise; par conséquent, un
fait d'armes, un exploit militaire, étoit une apertise
ou expertise d'armes. Il paroit que l'orthographe
expetise est une faute pour expertise qu'on subsli-
tuoit quelquefois au mot apertise. (Voy. Apert.)
« Nécessité luy feist faire une moult belle fl/;/)er-
« tisse : car quant il sentit ce, il ahert les arsons
« du Chevalier h deux mains;... lors se lance... par
« derrière luy sur la crouppe de son cheval. »
(Percef. Vol. I, fol. 143.) « Un maistre Engingneur
« d'appertise... issit de son échaufaut... et tout
« chantant sur la corde... moult fit d'appertises,
« tant que la légèreté de lui et de ses œuvres fut
AP
— 21 —
AP
« moult prisée. » (Froissart, Vol. IV, p. 4.) « Entre
« les autres assaux en firent un qui dura un jour
« tout entier. Là eut mainte grand appertise faite. »
(Id. Vol. I, p. 70.) « En ce temps y eut à Bordeaux
•• sur Gironde une appertise d'armes à courir
« à tout trois lances à cheval et en férir trois coups,
« trois d'espée, et trois coups de dague, et trois
« coups de hache. Si furent les armes faites devant,
'< etc. " (Id. Vol. m, p. 159.) « Furent faites de fort
» belles apertises d'armes d'un costé et d'autre. »
(J. Charlier, Ilist. de Charles VII, p. 14.) « Le Baron
« de Biron n'avoit point faict tant à'expetises
« d'armes comme il en a fait despuis. » (Brantôme,
sur les Duels, p. 103.) Telle éloit encore la signifi-
cation particulière du mot apertise, au commence-
ment du xvu' siècle. « On l'approprioit aux faits
<c militaires; mais rien n'empeschoil que le mesme
« mot ne se pîit employer es autres arts, disciplines
« et exercices. » (Voy. Nicot, Dict.)
On désignoit aussi par le mot apertise ou exper-
tise, les qualités qui se découvrent dans une per-
sonne, et par lesquelles elle se fait connoitre, comme
l'expérience, la force, l'agilité, l'adresse, la valeur,
etc. " Le pont rompit sous luy ; mais par grand ap-
« pertise de corps il se sauva. » (Froissart, Vol. Il,
p. '203. — Voyez Cotgrave, Oudin, Borel, Mcot et
Monet, Dict.) Montaigne se plaignoit de ce que de
son temps on prodiguoit à la vaillance l'Ordre de
S" .Michel, ancienne récompense « d'une expertise
« bellique plus universelle et qui embrassas! la
« pluspart et les plus grandes parties d'un homme
« militaire. » (Essais de Montaigne, T. Il, p. 87.)
\ARIA>TES :
APERTISE. J. Charlier, Hist. de Charles VII, p. t4.
Apertisse. Ch. S' D., Reo. de.s Hist. de Fr. T. III. p. 288.
Appertese. D. Carpentier, Suppl. Gloss. lat. de Du Cange,
au mot Apparentia, 3; tit. de 1470.
.\ppertise. Froissart, Vol. I, p. 70, etc. — Borel, Oudin,
Nicot et Monet, Dict.
Appep.tisse. Percef. Vol. I, fol. 143, V" col. 2.
Expertise. Essais de Montaigne, T. il, page 87. — Cotgrave,
et Oudin, Dict.
Expetise. Brantôme, sur les Duels, p. 280.
Apesant, participe. Pesant. (Voir Apeser et
Apoiser.) L'ancienne acception figurée du participe
apesant, étoit la même que celle de pesant, onéreux,
fâcheux.
Ec-vos (1) Boeci cadegu (2) en afan,
E grant ledenas (3) qui l'estan (4) apesayit.
Fragm. de la Vie de Boèce, MS. de S. Benoit-snr-Loire, p. 271.
Apesart, suhst. ?»asc. Cauchemar. Incube. Dans
le premier sens, sorte d'oppression nommée ape-
sart, parce que lorsqu'elle se fait sentir durant le
sommeil, il semble qu'on ail un poids, un corps qui
pèse sur l'estomac. (Voy. Borel, Dict.) La fable des
Incubes est une vieille erreur populaire qui n'a
d'autre fondement que les elîets de cette oppres-
sion. Cependant, Guillaume de Paris, entre autres,
a beaucoup parlé de ces Démons imaginaires, de
ces Incubes que nos ancêtres nommoient Appesarts.
Il discute si leur prétendu commerce avec les fem-
mes est réel, et s'il peut être fécond. (Voy. Mém. de
l'Acad. desB. Lettres, T. XIII, p. G4GetG48. — Borel,
Dict. — Dict. de Trévoux, T. III, col. 938.)
VARIANTES :
APESART. Borel, Dict.
.Appesart. Raoul de Presles, Cité de Dieu, liv. xv, ch. 23.
Apeser, verbe. Faire peser. (Voir Apoiser.) Faire
qu'une chose pèse, qu'elle ait un certain poids. Par
une comparaison tirée de l'action de peser deux
choses, de manière que le poids de l'une l'emporte
sur celui de l'autre , on a dit en parlant des Clercs
dont la science indigente devoit l'emporter sur
l'opulente ignorance des Prélats :
Pour Dieu, Seigneurs Prelatz, embracez diligence ;
Car par -trop de maulx naissent de vostre négligence ;
Ayez pitié des Clercs et de leur indigence
Car ilz savent trop bien ton povoir souspeser,
Et à leurs advantaiges leurs engins apeser ;
Si ne peut-on povoir contre leurs sens peser.
J. de Meun, Cod.vers 645-68i.
Apetisement, suhst. masc. Amoindrissement.
Espèce d'impôt. La signification du substantif ape-
tisement, appel'issement, relative à celle du verbe
apetiser, appetisser, faire plus petit, faire moindre,
amoindrir, n'étoit pas moins générale. « Ne sous-
>i tiendront fait de quelconque Seigneur.... à Vape-
« ticement de la chevance du Roy. » (Ord. T. V,
p. 540. — Voy. Apetiser.) Il semble que parce que
la vente du vin en détail se l'ait à la petite mesure
dans plusieurs villes du Royaume, on ait nommé
appetissement de mesure, et tout simplement appe-
tissement, une espèce d'impôt sur la vente du vin
en détail. (Voy. d'Argentré. Coût, de Bretagne, page
1327, note. — Cotgrave, Dict. — Dict. de Trévoux.)
VARIAJiTES :
APETISEMENT. Règle de S- Benoît, chap. ii.
Apeticement. Ord. T. V, p. 540.
Appetissem.^nt. Monet, Dict.
Appetissement. Cotg. Oudin, Rob. Estienne et Nicot, Dict.
Apetiser, verbe. Amoindrir, diminuer, abréger,
accourcir, etc. On a cherche l'origine de l'adjectif
petit, d'où s'est formé le verbe apetiser, apetisser,
dAns, putitus (5), diminutifdumot;jH/Hsqui nesigni-
fioit petit, petit enfant, qu'en présentant à l'esprit
l'image d'une partie naturelle que voile la pudeur ;
putaen latin, en italien potta. (Voy. Petit.) Mais
croira-t-on qu'il y ait une analogie entre cette
acception particulière ûepulitus et l'acception géné-
rale de petit ; que l'une puisse être une extension
de l'autre? Quel que soit le principe de cette exten-
sion, le verbe apetiser ou apetisser, dans un sens
relatif à celui de l'adjectif petit, signilioit en général
faire plus petite l'étendue, la ((uanlité d'une chose
physique ou morale, la faire moindre, l'amoindrir,
la diminuer. (Voy. Ord. T. III, p. 229, 443, 503 et
521. — Hist. de B. du Guesclin, par Ménard, p. 512,
(!) Voilà. — (2) Chû, tombé. — (3) Opprobres. — (4) Etoient. — (5) Nonius cite le vieux mot latin pe(t/i(s, qu'il rend par
tenuis et e.cilis, et qui se trouvait dans Plaute et dans Lucilius ; Mabillon donne à l'an 775 pitito vitlare. Diplom., p. 498. (n. e.)
AP
22 —
AP
etc. — Cotgrave, Oudin, Rob. Estienne, Nicot et
Monet, Dict.)
Povres homz qui est trez en cort de Sainte Eglise,
Est ausi atachiez, cora chiens à terre glise.
Ce petit que il a, chacun li npalise.
Ce sont gens sans pitié et plain de covoitise.
F»bl. MS. du R. n- 7G15, T. II, fol. 141, R° col. 1.
On conçoit que tout verbe qui désigne une façon
d'amoindrir les choses, de les diminuer, peut être
l'explication du verbe apetissri', comme accourcir,
abréger, etc. « Se la matière est longue ou obscure,
« l'on la doit npcticcr h. mots briefs et entendibles. »
(Fabri, Art de Rétbor. L. I, fol. 3!).) On regrettoit
l'âge d'or, lorsqu'on parlant de .lupiter, on disoit :
Moult eut en luy mol justicier ;
Il fist printemps appelicier, etc.
Uom. de la Rose, Terâ 21097 el 21098.
Dans ces vers, la signification d'apetisser étoit
neutre, comme lorsqu'en parlant d'un homme gé-
néreux et libéral sans diminuer sa fortune, sans
l'endommager, on disoit figurément : » Li saiges
« larges... despent... ce que il peut souffrir sans
« apcticic)'.... Doncques li loons-nous que il soit
« large, etc. » (Beaumanoir, C. de Beauv., p. 9.)
Ce verbe actif et neutre étoit aussi réciproque,
comme il Test encore aujourd'hui sous l'orthographe
apetissev. « Prenés un pot de terre neuve... rempli
« d'eaue bien clère ; puis mettes la poulrlre dedens,
« et... soit tant bouUi que elle s'apelice de la
« moitié. » (Modus et Racio, ms. fol. 130.) « Largesse
« maintenir sans soy fl/;c</c/ej", etc. » (Beaumanoir,
tibi supra.)
VARIANTES '
APETISER. Fabl. MS. du R. n» 7218, fol. 206, R" col. 1. -
Eust. Desch. Poës. MSS. p. 385, col. 3.
Apeticer. Beaumanoir, Coût, de Beauvoisis, p. 10. — G.
Guiart, JIS. fol. 67, V». - Modus et Racio, MS. fol. 1.30, R».
Apeticuer. Chron. S' D. Reo. des H. de Fr. T. III, p. 238.
Apeticier. Beaumanoir, Coût, de Beauvoisis, p. 9. — Hist.
de B. du Guesclin, par Ménard, p. i5I2.
Apetisier. Fabl. ilS. du R. n» 7218, fol. 167, R» col. 2.
Apetisser. Orth. subsist. - Ord. T. III, p. .503.
Apetissier. Psautier, MS. du R. n° 7837, fol. 12, V» col. 2.
Appeticer. Ord. T. III, p. 229.
Appeticier. Ibid. p. 443 et 521.
Appetisser. Gace de la Bigne, des Déduits, MS. fol. 116,
R". - Percef. Vol. I, fol. 58, R» col. 1. - Cotgrave, Oudin.
Rûb. Estienne, Nicot et Monet, Trévoux, Dict.
Apie, subst. fém. Douceur. La douceur de la
langue latine étant comparée à la douceur du miel
de l'abeille, on a dit que César « composa un œuvre
« très-élégant, de la raison et manière de bien
« purement et nettement parler, dédiant cest œuvre
« et l'envoyant à Cicero, comme prince et inventeur
« de l'élégant et apie de la langue latine. >• (L'amant
ressusc. p. 263.) La signification figurée de ce mot
apie, formé du latin apis, en françois abeille,
semble caractériser l'atTectation érudite d'un Ecri-
vain du XVI' siècle.
Apiécer, verbe. Assembler les pièces, les parties
d'un tout. Dans une signification particulière ,
assembler les parties d'un pourpoint, faire un pour-
point, le coudre après l'avoir taillé. « Xe fut trouvé
« en la maison du... cousturier, tant seulement que
« ung pourpoint taillé , encores à apiécer et à
<■ quouldre. » (D. Carpentier, Suppl. Gloss. lat. de
Du Cange, au mot Appire ; tit. de 1403.)
Apier , subst. masc. Place où l'on met des
abeilles. En latin apiarium. (Voy. Cotgrave, Dict.)
. Apigi-atis, subst. masc. Grapilleur. Telle paroit
être la signification d'apigratis, sobriquet d'un
cuisinier, dans Rabelais, (T. IV, p. 170.)
Apiler, verbe. Mettre en pile, en masse. (Cot-
grace, Dict.) C'est relativement à la signification
propre du substantif pile, en latin pila, d'où s'est
formé le verbe réciproque s'apiler, ou s'appiler,
qu'on a dit dans un sens métaphorique : « La société
«' des hommes se tient et se coust à quelque prix
« que ce soit. En quelque assiette qu'on les couche,
« ils s'appilentei se rangent en se remuant et s'en-
« tassant, comme des corps mal unis qu'on empoche
« sans ordre, trouvent d'eux-mesmes la façon de
« se joindre et s'emplacer les uns parmy les autres,
« souvent mieux que l'art ne les eust sceu disposer. »
(Essais de Montaigne, T. III, p. 307.) On disoit en
parlant d'un homme dont le corps étoit ramassé,
par conséquent robuste et fort, qu'il étoit apilé.
<> Il esloit demeuré petit, mais fort et apilé, les
« épaules grosses. » (Mém. de Montluc, T. I, p. 570.)
Dans un sens plus figuré, sappiler c'étoit se forti-
fier en ramassant toutes les forces de son âme, s'en
faire un appui, comme d'un pilier, d'une digue
contre la violence des passions. « Regardez dans
« vous , reconnoissez-vous , tenez-vous à vous :
« vostre esprit et vostre volenté qui se consomme
« ailleurs, ramenez-la en soy : vous vous escoulez,
« vous vous respandez : appilovous, soustenez-
« vous : on vous trahit, on vous dissipe, on vous
« desrobe. •> (Essais de Montaigne, T. III, p. 391.)
VARIANTES :
APILER. Mém. de Montluc, T. I, p. 570. - Cotgrave, Dict.
.Vppiler. Essais de Montaigne, T. III, p. 356. — Cotg. Dict.
Apilletter, verbe. Rendre aigu. Il semble qu'un
fer apiletté étoit un fer aigu comme celui d'une
espèce de javelot qu'on nommoit pile, pilète; d'où
le verbe apiletter, dans la signification d'aiguiser,
rendre aigu. (Voy. Pile.) « Une sayette ou volet, où
" avoit ou bout ung fer apilletié, etc. » (Lett. de
grâce, an. 1 i76. — Voy. D. Carpentier, Sup. Gloss.
lat. de Du Cange, au mot Pilatus.)
Apincer, verbe. Pincer. On a dit figurément :
Luxure emboe tout et en riens ne la rainco;
Car en tous les estatz mort, acroiche, ou apince :
D'un Duc fait ung villain, et d'un villain ung Prince.
J. de Meun, Cod. vers 1781-1783 .
Apinianlx, subst. masc. pluriel. Bateleurs,
farceurs. On a conjecturé avec assez de vraisem-
blance, que les apinïaulx dont le Cartulaire de
l'abbaye de Lagny fait mention, étoient des bate-
leurs, des farceurs ù qui l'on permettoit d'amuser
le public dans les foires, en exigeant d'eux un tribut
que sans doute on comprenoit dans la ferme des
droits quisepercevoient durant les foires, u Ce sont
« aucunes fermes qui estoient de prouffit à l'abbaye
AP
— 23 -
AP
« de Laigny, es foires de Champaigne el Brye....
« Cil d'apiniaulx et autres menues trueues, lxx
« livres. » (D. Carpentier, Suppl. Ciloss. lat. de Du
Gange, au mot Apinarii.) Celte conjecture est fondée
sur la possibilité que le mot franrois apiniaulx soit
dérivé du latin apinarii, qui désignoit l'espèce vile
et méprisable de ces hommes qu'on appelle au-
jourd'hui bateleurs, farceurs, saltimbanques. On
croit apinarii formé à'apinœ. (Voy. D. Cange Gloss.
lat. T. I, col. 551 et 552.)
Apiter, verhe. Etre ému de pitié. Ce verbe dont
la signification intéresse l'humanité, est encore
usité parmi le peuple en province, où l'on dit apiter,
s'apiter. « Le Uuc se appitoija, si que l'en luy véoit
« les larmes aux yeux. » (Monstrelet, Vol. III, f° 118.)
Quelquefois la signification de ce verbe réciproque
étoit neutre.
Le cueur lors luy appilo'ia.
Vigil. de Charles VII, p. 157.
Dans le temps où nos ancêtres s'amusoient dévo-
tement à voir jouer nos mystères, celui de la Passion
de Nolre-Seigiieur étoit sans doute fait pour émou-
voir la pitié. Aussi lisons-nous qu'à l'entrée des rois
de France et d'Angleterre dans l'aris, le 1 " décembre
1420, « n'estoil homme... à cui le cueur ne apiteasi,
« en voyant le mystère de la passion Nostre-Sei-
« gneur au vif, selon que elle estoit tigurée autour
« du cueur de Rostre-Dame de Paris. » (Journ. de
Paris, sous Charles VI et Charles VII, p. 72.)
VARIANTES :
APITER. D. Carpentier, S. Gl. 1. du Du C. au mot rielosiis.
Apitèer. Journ. de Paris, sous Charles VI et Charles Vil,
p. 72.
Apitoyer. Colgrave, Dict.
Appitoïer. Vigil. de Charles VII, p. 157.
Appitoyer. Monstrelet, Vol. III, fol. 118, V°.
Aplaider, verbe. Obtenir, ou demander. Il
semble que dans un sens analogue à celui du mol
latin placitum, dont on a formé le françois plaiel,
plaid, aplaider une femme à un homme, signifioil
lui obtenir une femme en mariage, la demander
pour lui à des conditions qui plaisent aux parties
que ce mariage intéresse.
Ses parages par force
De la prison d'Aniurs renforce.
Si porchacent tant et li aident
C'une autre feme li aplaidenl.
l'rison d'Amour, MS. de Turin, fol. 30, V° col. 1.
Apleit, sitbst. mase. Ilarnois. Joug. Filet pour
la pèche. On croit (\uap])lect, ajiploil ou apleit est
un mot formé du latin appiieitum, comme A'impli-
citiim s'est formé emploicte, et eiploict û'expli-
cituni; que dans le sens étymologique, il signifie
chose pliée, appliquée, employée a certain usage,
et que relativement à cette acception générale, on a
nommé spécialement apleit, le harnois d'une bête
de somme, d'un cheval de charrue, etc. » Des for-
« faitures que les Sergans prendront... de ce qui
« sera porté à somme, auront la somme et les bas
« etaplail, aulrement harnois. » (Ord. T. VI, p. 228.)
Un jour com autrefoiz li païsant ala
A l'ore de disner, à l'ostex repaira;
A la charue apleiz, soc et coutre lessa.
Rom. deRou, MS. p. 51.
Dans la Bresse, on nomme encore applis, >> les
« cordages et autres choses semblables que le pro-
« priélaire fournit à son métayer, lorsqu'il entre
« dans sa terre. » (Laur. Gl. du Dr. fr.) (Juelquefois
V apleit étoit le joug, la pièce de bois traversant
par-dessus la tête des bceufs qu'on attèle. « Icellui
« Messent donna d'un applect à beufs dont on lye
« ou attelé les beufs. » (D. Carpentier, Suppl. Gloss.
lat. de Du Cange, au mot Aploidum; tit. de 1452.)
La signification A' apleit, filet pour la pêche, est
encore familière aux pêcheurs, sur les côtes de
Normandie. « Comme Jehan Mignot et Jehan Colin
« se feussent accompaigniez pour estre à un [iroffit
« à peschier, advinl que Yapploit ou harnois
« dudit Colin fut plus grevé. » (D. Capentier, iibi
supra; tit. de 1379. — Colgrave, Dict.)
Aotre opinion sur l'étymologie de ce mot et sur
l'analogie des acceptions particulières , harnois,
joug, etc. avec l'acception générale, chose pliée,
appliquée, employée à certain usage, paroit au
moins vraisemblable, \ovs,qu' applect^est rapproché
â'emploicle et cxploict. [Voy. Emploicte et Exploict.)
VARIANTES :
APLEIT. Rom. de Rou, MS. p. 51.
Aplait. Ord. T. VI, p. 228.
Apleiz (plur.). Rom. de Rou, MS. p. 51.
Aplet. Du Cange, Gloss. lat. au mot Aploidum.
Applect. D. Carpentier, S. Gl. 1. de D. C. au mot Aploidum.
Applis (plur^. Laur. Gloss. du Dr. fr.
Apploit. d. Carpentier, S. Gl. 1. de D. C. au mot Aploidum.
Apleitage, mbst. masc. Lieu où des vaisseaux
abordent pour charger ou décharger des marchan-
dises. 11 semble que la signification à'apleilage est
relative à celle de plaele ou plat te, en latin placta;
soit que ce mot signifie ballot, marchandise pliée
en ballot, soit qu'il signifie une espèce de bateau
plat, un vaisseau de transport, ou une place com-
mode pour l'embarquement, ou pour le débarque-
ment. « Si a une pièce de lière sor le Mueeze, ù on
« met faissel, se l'apièle-on apleitage.... Encor i a
« li Cuens sor Meuze une pièche de terre, c'on apele
>' apleitage; si vaut par an xx sols. » (Reg. de la
Ch. des Comptes de Lille. — Voyez D. Carpentier,
Suppl. Gloss. lat. de Du Cange, aux mots Placta,
Placlata, etc.)
Aplenner, verbe. Venir en foule. Signification
analogue h celle du verbe affouler (Voy. Affoiler.)
qu'on croit être dérivé d'un mot dont le sens est
le même que celui de l'adjectif latin pleniis, en
françois plein, d'où le verbe aplenner.
Tous ensemble el cellier aplcnnciit,
Duquel les huis verrouilliez tennent.
G. Guiart, MS. fol. 80, R'.
Aplier, verbe. Plier. (Voyez Plier.) Ce verbe,
composé, de même origine qu'aploier, est une
preuve que le verbe simple plier n'est pas moins
ancien que ploier dans notre langue. Au figuré,
s' aplier signifioitse plier à une chose, s'y soumettre.
AP
— 24 -
AP
Sens solais, sens déport,
Me fait fine amor chanteir;
Et veult ke je soutire et port
Tous mais, sens gueridoneir.
Je seux sil ke s'i np/;>.
Clians. fr. MS. Je Berne, n- 389, part. II, fol. il, V'.
Aploier, verbe. Appliquer. Plier. (Voy. Ploier.)
L'origine de ce verbe aploier est la même que celle
du verbe appliquer, en latin applicare. C'étoit aussi
la même signification, lorsqu'on disoit:
Se Diex me voie,
Tiex fet semblent qu'à Dieu s'aploie,
Que c'est l'éve qui pas ne cort.
FaW. MS. du R. n- 7615, T. I, fol. 101, R* col. 1.
Cil qui ne quiert esongne,
Doit bien à sa besongne
Soi meisme aploiicr.
Prov. du Vilain, MS. de Gaijnat, fol. 276, R" col. 1.
On croit que dans le sens étymologique, i aploier,
s'apiiliquer, c'est se faire un pli, former son corps
ou son esprit ii l'habitude de se plier à certains
mouvemens, à certaines inclinations, comme une
étoffe se plie à la l'orme ([u'on veut lui faire prendre.
Au reste, s'aploier signilloit se plier, plier le corps
en signe de soumission :
Et quant on escrie monjoie,
N'i ot llamen qui ne s'apploie...
Cis molt esniaia les llamens.
Ph. Mou^kes, MS. — D. Carpentier, S. Gl. 1. de Du C. au mot Àplegiare.
Figurément, se plier, plier son esprit, sa raison à
croire une chose, ou à la faire : « Moult est granz
« merveille cornent li humains cuers se polt onkes
« aploier à... croire ke Deus fust hom et ke virgine
« permanust cèle k'enfant avoitporteitetenfantèit. »
(S' Bern. Serm. fr. mss. p. 81.)
Bien fait à desplaire,
Puisk'elle s'est aploïe
Del tout à ma faire.
Clans, fr. MS. de Berne, n' 389, part, il, fol. 37, V'.
Dans cet autre passage, se plier, plier sa volonté
au désir de quelqu'un, incliner à lui faire une grâce.
Je vous requier, dist-èle, Sire,
C'a ce vous voelliés aploier
Que vous me voelliés otroier, etc.
D. Carpenlier, Suppl. Gloss. lat. de Du Gange, au mot Aplegiare.
Enfin, aploier l'homme aux choses raisonnables,
c'étoit plier ses passions au joug de la raison et du
devoir.
Ma Dame est tant douce à regarder,
Que mauvetiés ne pouroit demourer
En cuer d'ome qui le voie.
Coument donc li fausseroie,
Qui mieus doit s'onneur garder.
En tant qu'amours m'i aploic,
Qui fet tant vice eschiver et redouter?
Ane. Poël. fr. MSS. avant 1300, T. IV, p. 1398.
VARIANTES :
APLOIER. S' Bernard, Serm. fr. MSS, p. 81. - Fabl. MS
du R. n» 7989, fol. 64, V» col. 2, etc.
Aploiier. Prov. du Vilain, MS. de Gaignat, fol. 276, R".
Apploier. D. Carpentier, S. Gl. 1. de D. C. au mot Apleyian'.
Aplomber (s'), verbe. Tomber à plomb. Tomber
perpendiculairement. (Cotgrave et Oudin, Dict. —
Voy. Plomber ci-après.)
Aplommer, verbe. Etre amassé, s'amasser.
Tomber en masse. Etre assommant, accablant. Etre
accablé, accabler de sommeil. Enduire, revêtir de
plomb. Il est évident que par une comparaison tirée
des effets de la pesanteur d'une masse de plornb, le
verbe aplommer, de même origine qu'aplomher. a
signifié 1° s'amasser pour tomber sur un ennemi et
l'accabler.
Endroit ceus qui viennent serre?.
Et armez d'armeures chiéres.
En a es chans deux granz et fières.
Où grant flo de flamens aplomme.
G. Guiarl, MS. fol. 264, V'.
2° Tomber en grande quantité, et pour ainsi dire
en masse :
La gresle ne verrez jà
Si dru, com sajettes et dars
Aplonincrciit de toutes pars.
G. Macliaut. MS. fol. 220, V col. 3.
3° Etre assommant par son poids, être accablant :
Noslre fais apoise et aplomme.
Miserere du Recl. de Molicns. MS. de Gaignaf . fol. 203, V" col. 1.
4° Etre accablé, accabler de sommeil. Le verbe
aplommer en ce sens étoit neutre et actif, et l'on
disoit aplommer de sommeil, ou tout simplement
applommer. (Voy. Borel, Cotgrave, Oudin, Rob.
Estienne, Nicot et Monet, Dict.)
Je n'ose
Parler haut ; je croy qu'il repose.
Il est un petit aplomme.
Hélas? il est si assomé, etc.
Farce de Pathelin, p. 36.
On voit que les acceptions figurées d'aplommer
ont précédé dans notre ancienne langue, l'acception
propre enduire, revêtir de plomb. On ne trouve
applommer en ce sens que dans Monet, Dict. (Voy.
Plommer ci-après.)
VARIANTES :
APLOMMER. G. Guiart, fol. 264. - Farce de Pathelin, p. 36.
Aplomer. Borel, Dict.
Aplonmer. g. Machaut, JIS. fol. 220, V° col. 3.
Applomer. Oudin, Dict.
Applommer. Cotgr. Rob. Estienne, Nicot et Monet, Dict.
Apluvoir, verbe. Tomber du ciel en pluie. Tom-
ber comme une pluie. Affluer, abonder. (Voy.
Pllvoir.) Le verbe latin appluere,en (rançois apleu-
voir, semble avoir été formé à l'imitation d'fl/'//îier(?,
pour peindre la fluidité des nuages qui tombent en
pluie, la fluidité de l'eau qui tombe du ciel. C'est la
signification û'apleiivoir dans ces vers :
Salemons qui bien fait à croire,
Il conmenda son flU à boire
L'yaue qui de son puis venist ;
Et avoec, à ce se tenist.
Que entresait (1) l'yaue beust,
Qui en sa citerne aplcusl.
Alars de Canibray, MS. de Gaignat, fol. 144. R* col. 1 et 2.
Par un abus semblable à celui que nous faisons
de l'expression propre tomber du ciel ou des nues,
le verbe apleuvoir signifioit paroitre dans un lieu,
y arriver sans être connu ni attendu.
.... Lor est puis apleuz
Un Chevaliers qui fu perduz.
Farton. de Blois. MS. de S. Gêna. fol. 133. R- col. 3.
(1) de suite, sur-le-champ ; en provençal, atrasag. (N. E.)
AP
— 25 —
AP
Les nuages pluvieux qui flottent dans l'air, sont
une image naturelle des flots qui, lorsque la mer
monte, s'élèvent et retombent en pluie sur le rivage
où ils se brisent. De là, on aura désigné le flux de
la mer, en disant que la mer ou le flot apleul.
. . . Est, pour peur de marée,
Chascune aus deux bouz aancrée ;
Si que flot qui doie aploitvoir,
Ne les a povoir de movoir.
G. Guiart,MS. fol. 312, R-.
Passèrent couart et liardi,...
Tout droit la seconde semaine
De Juignet, outre la rivière
Dont ge vous ai parlé derrière,
Où la mer estoit apleue.
Id. fol. 283, R-.
C'est encore relativement à l'idée d'une pluie qui
tombe en abondance, qn'apleuvoir signifioit les
flots, l'affluence du monde qui abonde dans un lieu,
en y tombant comme la pluie, •■ Cume Absalon fist
« le sacrelise, ces ki od lui furent firent cunjureisun
« encuntre David, e li poplesapluveitde tûtes parz,
« e fud e se teneit od Absalon. » (Livres des Rois,
Ms. des Cordel. fol. 59, R° col. 2.)
Li villains des villes aplovoient.
Rom. de Rou, MS. p. 319.
Ileuc viennent, ileuc apleuvent ;
Depuis vers S' Orner s'esmeuvent.
G. Guiart, MS. fol. 27i. R'.
Il semble que dans les vers suivans on ait écrit
aparleuvent à cause de la mesure.
Mansiaus, Berruiers, Orlenois
A granz compaignies aparleuvent ;
Les oz Loys de Chinon meuvent.
Id. fol. Hi, R'.
VARIANTES :
APLUVOIR. Livres des Rois, MS. des Cordel. fol. 59.
Aparlkuvoih. g. Guiart, MS. fol. 114, R°.
Aj>leuvoir. Id. fol. 65, R».
Aplovoir. Ch. S' Denys, Rec. des H. de Fr. T. VII, p. 127.
APLOuvoiR. G. Guiart, MS. fol. 312, R». - J. Le Febvre de
S' Remy, Hist. de Charles VI, p. 98.
Apocalipse, suhst. fém. Apocalypse. On jugera
sans doute qu'Adam de Cambray, Premier Président
du Parlement de Paris, ne respéctoit pas assez l'au-
teur mystérieux de VApocalijpse, lorsque pour dési-
gner ces Jurisconsultes ignorans et décisifs, à qui
l'origine obscure des Droits coutumiers et de nos
anciens usages semble avoir été révélée, il disoit
« avoir veu que gens coustumiers et non clercs, en
« parloient comme S' Jehan de l'Apocalipse. » (Voy.
D. Carpentier, Suppl. Gloss. lat. de Du Cange, au
mot Apocalijpsis.) Rabelais paroit avoir abuse de la
même comparaison, en dé\]gur3inl\e mol Apocalipse.
Le Frère Jean des Entommeures, supposant que
Gymnaste parle de ce qu'il n'entend pas, de ce qu'il
ignore, lui dit : « Voire, voire, vous en parlez
« comme Sainct Jean de la Palisse. - (Habelais,
T. IV, p. 7i et 75.) On croit que la Palisse est l'allé-
ration du mot Apocalipse, ou Apocalice, précédé de
l'article. 11 est possible qu'on ait écrit apocalice;
mais cette orthographe citée par Le Duchat {ubi
supra, note 9), ne se trouve point dans Froissart
(Vol. II, chap. cLNxin,édil. de Le Sauvage.) C'est pro-
bablement au chap. axxm du Vol. Il d'une édition
peu connue que renvoie la note de Le Duchat.
L'auteur du Roman de la Rose, après avoir per-
sonnifié V Abstinence-contrainte , la compare au
cheval de V Apocalipse, au pallidus equus qui dans
V Apocalypse porte la mort.
Tantost Abstinence-contrainte
Vest une robe cameline
Et s'aourne comme béguyne...
De belle taille est à devys;
Mais ung pou fut pale de vis ;
Et ressarabloit la pute lice
Le cheval de l'Apocalipse
Qui signifie la gent maie
D'ypocrisie taincte et pale ;
Car ce cheval sur soy ne porte
Nulle couleur fors paie et morte.
Rom. de la Rose, vers 12169-1Î797.
VARIANTES :
AP0C.4.L1PSE. Rom. de la Rose, vers 12793.
Apocalice. Rabelais, T. IV, p. 74, note 9.
Apodixie, siibst. (cm. Démonstration, explica-
tion. On croit que le mot françois apodixie est une
altération du mot grec dniâiqiç, et que Y Apodixie
pour la Messe, ouvrage de Barthélémy du Poix, ou
de Beau-Poix, auteur du \\i' siècle, étoil la démons-
tration de quelque vérité relative au sacrifice de la
Messe, ou l'explication des cérémonies qu'on y
observe. (Voy. }>a Croix du Maine, Biblioth. p. 33.)
L'adjectif apodictique, terme didactique, de même
origine qu'apodixie, signifie encore évident, dé-
monstratif.
Apodytère, subst. maso. Lieu où l'on se dévêt,
où l'on se déshabille. En grec dnoâvrijQioy. (Voy.
Monet, Dict.)
Apoigner, verbe. Prendre avec le poing. Pren-
dre une chose et la tenir en fermant la main, en
serrant le poing. « Bourdon apoigna ledit coustel ;
« mais ledit Piene lira si fort que il lui trancha les
« mains. » {D. Carpentier, ubi supra; tit. de 1374.
— Voy. Empoigner.) On soupçonne que ce même pré-
térit apoigna, dans un autre titre de 1389, est moins
le prétérit d'apoigner, que celui du verbe apoindre,
prendre en piquant avec la pointe d'un couteau,
d'une fourchette, etc. « Joudon appoigna dudit
« poulet en l'escuèle. » (D. Car penûer, ubi supi-a.
— Voy. Apoindre ci-dessous.)
VARIANTES :
APOIGNER. D. Carpent. S. Gl. 1. de Du C. au mot Arpagare.
Appoigner. Id. ibid. tit. de 1389.
Apoindre, verbe. Piquer, coudre. Piquer, don-
ner des éperons. Venir en piquant des deux. (Voy.
Poindre.) Le premier sens est coudre, attacher une
chose à une autre, en les piquant, en y faisant des
points. On lit qu'au moment où Adam et Eve rougi-
rent de leur nudité,
Por lor humanité repoindre,
Conmenchièrent lors à apoindre,
Et à noer et à lyer
Ensole fuelhes de figier.
Les IV filles le Roy, MS. de Turin, fol. 39, R' col. t.
AP
26 —
AP
Dans le second sens, on disoit :
Garins li Dus vint apoignant ;
Tint une lance à fier trençant.
Ph. Mouskcs, MS. p. 191.
Apoingnant vint ; à haute vois s'escrie :
Rois Anseis, li miens cors te défie.
Anscis, MS. fol. 30, V col. 2.
De là, le verbe apoindre signifioit piquer droit à
un adversaire, pour le comballre, pour le vaincre;
venir à lui eu piquant des deux, en poussant un
cheval à sa rencontre. « Si laissa courre Agravain
" qui aussi luy apoignoit. Hz s'entrefièrent des
0 glayves, si qu'ilz en font voiler les esclatz. »
(Lanc. du Lac, ï. II, fol. 70, V- col. 1.)
Normanz comparurent ;
D'un pendant (1) sortent où il furent...
Li Roiz lierait de loing les vist ;
Guert apela, si li a dit :...
II apoitujnent à nos C(jnquerre, etc.
Rom. de Rou, MS. p. 395.
Il paroit assez naturel que dans un temps où la
Noblesse combattoit ordinairement à cheval, on ait
désigné un ennemi qui venoitdansun pays pour en
faire la conquête, en disant qu'il apoingnoit à le
conquérir. Au reste, apoindre d'un lieu à un autre,
c'étoit venir d'un lieu à un autre, en piquant des
deux, en poussant son cheval, en lui appliquant aux
flancs les pointes des éperons.
A tant, ez le Barnage qui apoingnoit detriés,
L'Empereres devant, qui s'estoit avanciés.
Guiteclin de Sassoigne, MS. de Gaignal, fol. 248, R" col. i.
Cil vindrent volentiers, n'i a cil qui n'i apoingne ;
Nul n'i requiert respit, ni terme, ni aloingne.
Rom. de Rou, MS. p. 41.
Apoingnant, participe. Piquant, donnant des
éperons. Telle étoil la signification de ce participe,
formé d'après l'ancienne conjugaison du verbe
apoindre, lorsqu'on disoit venir apoignant, s'en
venir appoignant. (Ph. Mouskes, ms. p. 191. —
Percef. \ol. 1, fol. 153. — Voy. Poingnant.)
VARIANTES :
APOINGNANT. Anseis, MS. fol. 30, V° col. 2.
Apoignant. Ph. Mouskes, MS. p. 191.
Appoignant. Percef. Vol. I, fol. 153, V» col. I.
Apoiser, verbe. Peser; être pesant, fâcheux.
Fâcher. Rendre pesant, appesantir. Il est probable
que l'orlhographe apeser n'a d'autre cause que la
prononciation vicieuse de la diphthongue oi dans
apoiser ('2). (Voy. Apeser.) La préposition initiale du
verbe composé apoiser, désignoit un rapport idéal,
lorsqu'on disoit :
Nostre fais apoise et aplomme.
Recl. de Moliens, MS. de Gaignal, fol. S03, V col. 1.
Un de nos anciens Poètes, qu'une femme avoit
plaisanté sur son âge, observoit malignement qu'il
y avoit longtemps qu'elle étoit belle, et que la
durée de sa beauté en étoit nécessairement la déca-
dence. Il croyoit le prouver en disant :
Cou c'on a tant porté
Tost chiet, k'adès apoise.
Ane. Poêt. Fr. MSS. ayant 1300, T. m, p. H5J.
La préposition initiale de ce même verbe apoiser,
peser sur un corps, étoit absolument inutile, lorsque
dans le sens de poiser, peser en appuyant, on disoit
apoiser sur, etc.
Si l'adoise (3)
A l'esperon, et pas n'apoise
Sore celui ; si resvoilla.
Rom. de Perceval, MS. de Cerne, n" 354, fol. 262, R" col. 2.
C'est dans un sens analogue à celui de notre
verbe peser, être fâcheux, qu'on disoit figurément:
Ce sachez, dur m'en poise :
Mais dictes-moy comment le fait apoine.
Percef. Vol. V. fol. 112. V col. 2.
On comparoit et l'on compare encore en ce sens
une chose fâcheuse, à un poids sous lequel on
souffre.
Quelquefois le verbe apoiser, comme aparîer,
aparoler, etc. étoit actif par la force de la préposi-
tion initiale, et signifioit fâcher, faire une chose
qui poise ou pèse à quelqu'un, qui lui est fâcheuse.
(Voy. Peser et Poiser ci-après.)
Mors apoise les envoisiés (4).
Poème de la Morl, MS. de Berne, n' H3, fol. 199, V» col. 3.
Dans la signification de rendre pesant, appesan-
tir, on a dit en parlant de Dieu : « Si apoeset sor
« noz toz sa main ; car nos péchâmes tuit en Adam. »
(S' Bern. Serin, fr. ms. p. 5. — Voy. Apeser.)
VARIANTES :
APOISER. Ane. Poët. Fr. MSS. avant 1300, T. III, p. 1I5I. -
Rom. de Perceval, MS. de Berne, n» 354, fol. 262.
Apoeser. S' Bern. Serm. fr. MSS. p. 5.
Apollien, adj. Qui appartient à Apollon. Adorer
dans sa maîtresse la grâce d'Apollon réunie à la
gravité de Pallas, est une galanterie d'un Poêle du
xvr siècle.
Si je veux veoir quelque perfection ;
Je veoi en toy la grâce Appollienne,
La gravité plus que Palladienne,
Où gist l'espoir de mon intention.
Poês. de Lojs le Caron, fol. 13, V-.
Apollin (5), subst. masc. et adj. Apollon. Faux
Dieu ; Faux Prophète. Qui appartient à Apollon,
L'imagination de nos anciens Poètes, affectée du
spectacle des Cours qu'ils fréquentoient, semble
n'avoir voyagé en Enfer que pour y voir des fêtes
et des tournois, où les faux Dieux et les faux Pro-
phètes, tels qu'Apollon et Mahomet, s'ébattoient
avec les Diables. Un de ces Poètes, feignant d'arri-
ver avec des nouvelles de la Cour infernale, dit en
s'écriant :
Ha liai ! ha hai ! je suis venus.
Salus vous mande Behebus,
Et Jupiter et Apollin.
Je vieng d'Enfer le droit chemin ;
Novèles conter vous en sai...
A mengier oi à grant plenté...
(1) terrain en pente. — (2) Le premier e de pensare, après la chute de n, a donné régulièrement poiser : on s'explique
plus difficilement que ii soit resté dans penser, venu du même mot latin appliqué à une opération intellectuelle, (n. e.) —
(3) ou ucleise; touche; vient à'adeser, fait peut-être sur adhœsum. (N. E.) — (4) ceux qui se divertissent. — (.5) Ce mot se
trouve déjà dans la Chanson de Roland : « Mahummet sert e Apollin recleimet (v. 8). » (N. E.)
AP
- 27 —
AP
J'aporte d'Enfer grant pardon
De Tervagan et de Mahom, etc.
Fabl. MS. du R. n- 7-21S, fol. 242, R' col. 2, et V' col. 1.
On lit ailleurs qu'au Tornoiement-Anleclirist :
Vint Jupiter
Et tuit li bon Baron d'Enfer,
Dont il i ot dix mille et plus.
Jupiter avec Saturnus
Chevauche, et Apolin le preu, etc.
Fabl. MSS. du R. n' 7615, T. U, fol. 189, V- col. 1.
Ce nom propre à'Apollin étoit, par une espèce
d'antonomase, un nom commun aux faux Dieux,
même aux faux Prophètes. Pour nos Poètes et
Romanciers du temps des Croisades , croire à un
Dieu tel qu'Apollon, ou à un Prophète tel que Maho-
met, c'étoit une même chose. Aussi nommoienl-ils
Gent-Apollin, toute nation ennemie du Christia-
nisme, soit Payenne, soit Mahométane. On pourroit
imaginer qn' Apollin dans celte expression est adjec-
tif, si l'on ignoroit que dans notre ancienne langue,
la suppression de la préposition relative de étoil
très-ordinaire.
Moult ot en Rorame cèle nuit grant hustin,
Au deslogier de la gent Apolin.
A l'ajorner, quant la nuit ot pris fin,
Erent monté Païen et Sarrazin.
Enfance d'Ogier le Danois, MS. de Gaijnal, fol. 100, R* col. 2.
Dans un autre Roman, le fils d'un Roi Sarrazin
annonce sa conversion et celle de ses sujets , en
disant :
Ci guerpisson tuit Apolin,
Et Mahomet et Tervagant :
Ne pueent faire home garant.
Jà croi-ge bien el Creator
Qui du siècle est justiseor.
Blanchandin, MS. de S. Germ. fol. 186. V" col. 1.
Ailleurs, jurer son Apollin, c'est jurer au nom de
ses faux Dieux ou de ses faux Prophètes.
Li Soudans vient parmi la presse,
" Haut tient l'escu, la lance bes^e :
Si a juré son Apolin, etc.
l'arlon. de Blois, MS. de S. Germ. fol. 156. V' col. 2.
Il a plu à un Poète du xvr siècle, de faire Apollin
adjectif de même signification qu'/lj^oZ/ïe», dans ces
vers où, dédaignant le laurier d'Apollon, il offense
les Muses pour flatter sa maîtresse:
Je ne fay point aux Muses révérence
Pour m'enrichir du laurier Apollin ;
J'admire plus d'une toille de lin
Les blancz mouchoirs cantillez d'espérance.
Poès. de Loys le Caron, fol. 14, R°.
VAR1.\NTES :
APOLLIN. Fabl. MS. du R. n° 7218, fol. 242, R» col. 2. -
Poës de Loys le Caron, fol. 14, R".
Apolin. Enfance d'Ogier le Danois, MS de G. fol. 106, V».
Appollin. g. Machaut, Prise d'Alexandrie, MS. fol. 226.
Apollinaire, adj. et subst. Qui appartient à
Apollon. Espèce de plante, hanebane, jusquiame. Il
est vraisemblable que dans un recueil d'Epithètes,
tel que celui de M. de la Porte, auteur du xvr siècle,
la peur apollinaire est la fleur du laurier, arbre
consacré h Apollon, le Dieu des Sciences. (Voyez
Apollin et Apollinee.) Le Dieu des Sciences étoit le
Dieu de la Médecine. De là, on aura nommé apol-
//)w/?'^, la jusquiame, spécialement celle dont la
fleur et la graine sont blanches, et qui au témoi-
gnage de Galien est très-bonne en Médecine. Il la
distingue de deux autres espèces de jusquiame que
l'expérience a reconnues pour être d'un usage
dangereux La graine de l'une est noire, et celle de
l'autre est roussàtre. C'est en sous-entendant le
substantif plante ou herbe, en latin herha ou planta,
que l'adjectif (T/;o///Hfl/rc, en latin apollinaris, a si-
gnifié seul hanebane, jusquiame. {Voy. Cotgr. Dict.)
Apollinée, adj. fém. Qui appartient à Apollon.
La fleur apollinée est sans doute la même que la
fleur apollinaire. (Epilh. de M. de la Porte. — Voy.
Apollinaire ci-dessus.)
Apolloniseï*, verbe. Versifier comme Apollon.
En général versifier. On lit dans la Muse historique
de Loret, qu'Apollon, sensible ù la mort de Charles
Deys, Poète du xyu- siècle, en avoil bien grondé :
Car il aimoit ce galant homme
Plus qu'un Normand n'aime la pomme ;
D'autant qu'en son art studieux
Il apollonisoit des mieux.
Goujct, Biblioih. Fr. T. X\l, p. 291.
Apologème, subst. mase. Apologie. Du verbe
grec dTToXoyéofiae, loquor pro alicujus defensione, a
été formé le substantif apologème, de même signi-
fication qu'apologie, en grec dnoXoyia. On a imprimé
en 1577, V Apologème de Guillaume Paquelin, pour
le grand Homère, contre la repréhension du divin
Platon. (Voy. Du Verdier, Biblioth. p. 500.)
Apologiqne, adj. Apologétique. On ne voit pas
trop pourquoi ce mol apologétique a été substitué
à l'adjectif apolor/iquc, formé si naturellement du
substantif apologie. Charles Fontaine, auteur du
XVI' siècle, vanloît l'utilité des préfaces apologiques,
et croyoit en prouver la nécessité par celle de
François Aretin « sur la translation des grecques
« epistresde Phalaris. » (Voyez Quintil. censeur,
pages 227 el 228.)
Apoltronner (s'), verbe. S'accoutumer à la
paresse. On observera que le mot italien poltrone,
francisé par nos Auteurs du xvr siècle, a pu se
former de /JoZiro, autre mot dont la signification
vuls;aire et analogue à celle de fallemand polster^
oreiller, lit, coussin, couche , est attestée par des
Etymologistes Italiens et par le Dict. ilal. fr. d'Ou-
din. Il esl possible que relativement à celte étymo-
logie, le verbe latin pultronizare ou poltronizare,
d'orio'ine italienne, ait signifié dans une bulle du
Pape'^Jean XXII, datée del'an 1317, « vilampinguem
» volvere cum liberlate et sine labore deditus
« somnc, et vagalioni continuée. » (Du Gange, Gloss.
lai. T. V, col. 978 ) Cette définition du verbe latin
poltroni'Mre, seroit par la même raison celle du
verbe françois s apoltronner, proprement s'accou-
tumer au lit(I), y faire le paresseux; de là, s'accoutu-
mer à la paresse, par conséquent à l'oubli de ses
devoirs. On a dit en ce sens que s'appoiltronner
(1) On trouve encore en portuguais poUrona, grand fauteuil, en italien boldrone, couverture de lit. (N. E.)
AP
— 28 -
AP
autour d'une femme, cétoit « pour elle contaminer
« celle unicque et suprême affection que doibt
. l'homme à Dieu ; laisser les offices qu'il doibt
« naturellement à sa patrie, à la république, à ses
• amis; mettre en nonclialloir ses estudes et né-
• goces pour continuellement à sa femme com-
« plaire. » (Rabelais, T. 111, p. 191.) Un chien de
chasse accoutumé à la paresse par le défaut d'exer-
cice, étoit un chien apollronné. •• Les chiens, pour
« s'estre apoltroiinez et rendus trop gras,
« perdent le sentiment. » (Fouilloux, Vénerie, fol.
124, R°. — Voy. Apoltron.mr ci-dessous.)
VARIANTES "
APOLTRONNER (S'). Fouilloux, Vén. fol. 124, R».
Apoitronner (s'). Cotgrave, Dict.
Appoiltronner (s'). Rabelais, T. III, p. 191.
Apoltronnir, verbe. Accoutumer k la paresse,
rendre lâche, énerver. Etre accoutumé à la paresse,
devenir lâche, s'énerver. On a indiqué quelle pou-
voit être l'oriyine de ces significations figurées du
verbe apoltronnir. (Voy. Afoltronner.) Il étoit actif
au premier sens : « Toute gourmandise, yvrongne-
« rie, paillardise, et toute volupté infâme . . . apol-
" tronit et relâche le soldat. « (Sagesse de Charron,
p. 441.) Il Le mariage . . . apoltronit ou accroupit
• les bons et grands esprits. •• (Id. ibid. p. 179. —
Voy. Appaillardir ci-dessous.) Il semble qu'apol-
tronni soit neutre, lorsqu'on disoit :
. . . J'ayme mieux oysif, me sauvant de l'envie,
Traîner apoltroni le reste de ma vie.
(Euv. de Baif. Epil. au Roy, p. U.
En s' accoutumant à la paresse, on devient lâche.
De là, ce verbe a signifié devenir lâche. (Voy. Oudin.
Dict.) Un Prince « appollronni à des occupations
« lasclies et vaines, étoit un Prince énervé et devenu
« lâche par l'habitude d'une vie paresseuse et
« inutile. Il n'est rien qui puisse si justement
« dégoûter un sujet de se mettre en peine et en
« hazard pour le service de son Prince , que de le
« voir appoltronnij cependant luy-mesme à des
« occupations lasches et vaines. » (Essais de Mon-
taigne, T. II, p. G28. — Voy. Apoltrowiser.)
On terminera cet article, en remarquant que les
opinions varient sur l'origine de poltron, apoltron-
nir, etc. Saumaise, et après lui Savaron , Lindem-
brog, Bourdelot, Vossius, la font remonter à une
loi de Valentinien et Valens, contre les soldats qui
s'exemptoient lâchement du service militaire, en se
coupant le pouce ; et croient que poltron est formé
de poUice truncus.W &emh\e qu'on ait eu en vue
cette étymologie plus érudite que vraisemblable ,
lorsqu'on a dit qu'en termes de Fauconnerie, apol-
tronnir un oiseau c'étoit le rendre lâche , en lui
coupant les ongles des pouces, qui sont les doigts
de derrière. (Dict. de Trévoux. — Voy. Poltron.)
VARIANTES :
APOLTRONNIR. Oudin, Dict. - Dict. de Trévoux.
Apoltronir. Sagesse de Charron, p. 411, 576, etc.
Appoltronnir. Essais ie Montaigne, T. II, p. 6'28.
Apoltronniser, verbe. Rendre poltron, rendre
lâche. Signification figurée, de même origine que
celle du verbe apoltronnir. Mont-Bourcher pensoit
que « le moyen de rendre le François vaillant ,
» comme son naturel l'y porte assez, s'il n'avoit
« esté flyjoZ/ronH /se d'ailleurs, étoit de rétablir le
» gage de bataille en champ clos, de prescrire des
« lois au duel, et d'interdire l'usage des pistolets de
« poche, des poignards et autres armes traîtresses
•< avec lesquelles les plus gens de bien et coura-
« geux .... seront tousjôurs malmenez par les
« poltrons. » (Mont-Bourcher, des Gages de Bataille,
fol. 23, R° et V°. — Voy. Apoltronnir ci-dessus.)
Apoure (s'), verbe. Se disposer. C'est proba-
blement d'après l'infinitif aponre ou apondre, formé
du latin apponere (comme de reponere s'est formé
répondre ou réponre) qu'on a dit figurément :
Joie aurai; mes ne sai dont (1),
Se à merci ma Dame ne s'nponf.
Aiic. Poét. fr. .MSS. avant 1300, T. II, p. 637.
CONJLG.
Apont (s"), indic. prés. Se dispose. (Ane. Poël. fr.)
Aporétique, adjectif. Embarrassant, douteux-.
(Oudin, Dict.) Ce mot formé du grec Snoçoç, qui est
sans passage, en latin invius, a pu signifier au
figuré douteux, embafrassant, qui ne laisse aucun
passage, aucune voie pour arriver au point d'une
question à résoudre.
Aposer, verbe. Poser. Imposer. Disposer. On
indi([uera l'origine des acceptions usitées et Inusitées
du verbe apposer et du substantif apposition en
observant qu'ap])0ser signifie poser une chose contre
une autre chose, ajouter l'une à l'autre, poser deux
choses de manière qu'elles soient contiguës ou rela-
tives, les appliquer, les joindre par apposition.
(Monet, Dict. — Dict. de l'Acad. Fr.) La préposition
initiale et inséparable qui désigne l'idée de cette
position relative, est superflue dans les expressions,
« apposer la main à la poitrine, apposer une mar-
« que à une chose, etc. » (Rob. Estienne et Mcot,
Dict.) Plus anciennement, en parlant dune personne
à laquelle il sembloit naturel de croire, on disoit
figurément que « créance lui étoit tost apuse; n
littéralement, qu'en elle créance étoit bientôt posée,
que foi lui étoit bientôt ajoutée.
Que ma vie soit laide ou bêle,
N'est pas à mon sergant (2) repuse.
Et on a tost créance apuse
A mon ser£;ant, de ma querèle.
Miserere du'Rcc!. d» Moliens. MS. de Gaignal, fol. 222, R° col. 1.
On dit encore •< apposer une clause à un contrat. »
Peut-être » qu'apposer une peine à ceux qui rom-
« proient l'alliance, » c'étoit apposer au traité
d'alliance une clause relative aux infracteurs de ce
traité, et qui les soumettoit h une peine. Peut-être
aussi qu'en ce cas, la signification d'apposer éloil
la même que celle d'imposer à quelqu'un une peine
relative à sa faute. (Rob. Estienne et Nicot, Dict.) La
position de la main est relative à celle de la chose
(1) D'où ; en latin undé. — (2) Serviteur, domestique; en latin servtens.
AP
— 29 —
AP
qu'on saisit. Ainsi, « apposer sa main à happer des
« mouches, » c'étoit disposer sa main, se disposer
à attraper des mouches.
Mousches à las viendrent faire repos
Dedens >ing plat quel devant lui on pose;
A les happer soudain sa main appose.
'^'^ Faifeu, p. 87.
On sait qu'une inclination trop naturelle à l'homme
Sour le mal, est une disposition, un acheminement
sa perte, lorsqu'il n'est pas arrêté par cette crainte
salutaire dont on a désigné l'effet, en disant :
Paours ainsi tout son tans use
Que mors le truist en bon estai;
Que ne soit par péchié mortal
Sa vie à maie fin apuse.
Miserere du Uecl. de Moliens, MB. de Gaignat, fol. 2H , R" col. 1 .
CONJUG.
Apiis, part. Posé, disposé. (Miserere du R. de M.)
Quoiqu'on n'ait pas sous les yeux la preuve de
l'infinitif apuser, variation d'orthographe du verbe
aposcr, on croit pouvoir former cet inliiiilif d'après
le participe apus, abréviation à'apusé. L'omission
de Vé final dans les participes apus et repus, n'est
pas plus extraordinaire que dans apost et rcpost,
participes des verbes aposter et reposter, dont l'ori-
gine semble être commune aux verbes reposer et
aposer. (Voy. Apost et Aposter.) 11 n'y auroit donc
entre apus et apost qu'une différence de termi-
naison; ce qui paroit d'autant plus vraisemblable
que dans le Miserere du Recl. de Moliens, ms. de N. D.
le participe féminin reposte est synonyme de repuse
dans ce même Miserere, ms. de Gaignat, fol. "i'il.
On ajoute qn'apus étant le participe du verbe com-
posé apuser, aposer, il seroit possible que dans la
préposition depuis et la conjonction puisrjue, le mot
/)h/s(1) qu'anciennement on écrivoil7-»H('s,7;î(s, fût le
participe dont on auroit formé le verbe simple
puser, poser. En effet, lorsqu'on dit, depuis ce lieu,
depuis ce temps, il désigne ce temps, ce lieu, dans
une position plus ou moins distante d'un autre
temps, d'un autre lieu. Les causes d'après lesquelles
on agit, on parle, sont vues comme étant dans une
position relative aux effets qui succèdent, lorsqu'on
dit: puisque vous le voulez, j'agirai, je parlerai, etc
Il semble enfin que c'est en comparant les actions,
les paroles, les choses dites ou faites dans un certain
ordre successif, à des choses posées les unes avant
les autres, qu'on ait dit avec ellipse d'un nom ou
d'un pronom: faire une chose, puis une autre, dire
une chose, puis une autre, etc. Cette ellipse une
fois méconnue, l'on n'a plus vu qu'un adverbe dans
le participe puis. (Voy. Depuis, Puis et Puisqle.)
VARIANTES :
APOSER. Cotgrave et Oudin, Dict.
Apposer. Orth. subs. — Rob. Estienne, Nicot et Monet, Dict.
Apuser. Miserere du Recl. de Moliens, MS. de G. fol. 211.
Apost, partie. Apposé. On vient de remarquer,
à l'occasion du participe apus, qu'en certains par-
ticipes Vé final étant omis, on écrivoit apost pour
aposté, repost pour reposté, etc. Dans le premier
sens, le participe apost, en latin appositus, signifioit
apposé. . Deffandons par cet présent Escritde nostre
« séel et de l'aucthorité de nostre réal non que est
« dessouz apost, etc. » (La Thaumassière, Coût.
d'Orléans, p. 465; tit. de 11G8.)
Les faux cheveux et autres choses postiches que
l'Art ajoute à la Nature, pour en réparer les défauts,
étoient choses apostes, c'est-à-dire apposées, ajou-
tées. (Voyez Aposer.) En observant que ces mêmes
choses sont apposées, ajoutées pour en imposer, on
aperçoit un rapport d'idées accessoires entre la
signification de ce participe du verbe aposter et celle
d'imposer, tromper.
N'i aura chevel mort, ne autre chose aposte.
L'en porra tout veoir et devant et en coste ;
Car n'i aura là chose celée ne reposte.
Fahl. MS. du R. n" 7615, T. II, fol. 143, V* col. !.
Apostate, adj. et subst. Qui s'est éloigné d'un
lieu. Proprement, qui en est distant. Celle définition
littérale est conforme à l'élymologie d'apostate, en
grec dnoazàzrjç. Dans un sens relatif à cette même
étymologie, on a dit en parlant des courtisans qui
ne s'éloignent qu'avec peine de la Cour :
Pou en est qui de Court veulent estre apostate.
Je ne m'en merveil pas ; car chascun les y flate,
Ou ilz fiaient autruy pour que Ven n'en s'embale.
J. de Meun, Cod. -vers 841-843.
La signification de ce mot apostat ou apostate,
n'est donc odieuse qu'autantqu'il désigne figurément
un homme qui s'est éloigné des principes de la Re-
ligion et de l'honneur. Anciennement, on flélrissoit
le malhonnête homme, l'homme infidèle à ses
sermens et traître au parti dont il s'éloigne, en le
nommant apostat, comme on nomme encore « apos-
« tats, ceux qui se départent et desvoyent du tout
« de la Religion Chrestienne, ceux qui abondonnant
« l'Ordre de religion duquel ils ont faict profession,
« se rendent fugitifs de leur abbaye •• (Voy. Bou-
teiller, Soin. rur. Liv. Il, tit. xii, p. 700. — Id. ibid.
Annot. p. 76'2. — Nicot et Monet, Dict. — Dict. de
Trévoux.)
VARIANTES :
APOSTATE. J. de Meun, Cod. vers 841.
Apostat. Orth. subsist. - Bouleiller, Som. rur. p. 760.
Apostater, verbe. Apostasier. C'est relativement
au sens littéral d'a/jos/fl/c, qu'on a dit apostasier, ou
apostater de la foi, apostater d'un Ordre religieux.
(Monet, Dict. — Voyez Apostate.) On abrégeoit en
disant tout simplement apostater, parce que la signi-
fication de ce verbe étoit restreinte à la désertion
de la foi et du cloître. « Les Religieus cloistiiers,....
« s'ils desvoient du grant chemin de leur obser-
" vance régulière et prennent les sentiers et voies
« obliques. . . d'apostater, trouvent plusieurs en-
« nemis qui sont. . . ministres de la chair, ennemi
« mortel de tous humains, soient religieus ou
« autres. » (Triomphes de la noble Dame, fol. 246.
— Voy. Oudin et Nicot, Dict.)
(1) Puis vient de post : il est vrai que positum, où i est bref, devenait postum ; par la chute de la terminaison, il est
identique à post. (n. e.)
AP
3Ô
AP
Apostatiser, verbe. Apostasier. (Oudin, Dict.
— Voy. Apostater ci-dessus.)
Aposte, adverbe. A la disposition, à propos, à la
volonté, etc. 11 semble qu'on se soit figuré l'homme
dans une position de corps ou d'esprit, relative Â
celle des choses dont il peut ou veut disposer, dont
il jouit ou se propose de jouir, lorsqu'on a dit que
ces choses étoient ou se faisoient à sa poste. De là,
l'acception de l'adverbe aposte, composé de la pré-
position à réunie au mot poste. On ne trouve
l'expression à poste réunie en ce seul mot aposte
que dans Monel, Dict. (Voy. Postf, ci-après.)
Aposte, partie. Disposé. Mis hors d'une position
ordinaire. Il est possible qu'on ait voulu reprocher
à nos anciens historiens François, trop de dispo-
sition à natter la vanité nationale, lorsqu'en parlant
d'eux, on a dit qu'ils étoient « apostés de flatterie
« et de vanité, >■ peut-être disposés à la flatterie et
à la vanité. Peut-être aussi vouloit-on dire figu-
rément qu'ils étoient apostés par la vanité et la
flatterie, pour trahir la vérité historique? « Mal-
« veullance, ... ce vice par trop commun aux
« Escrivains de la nation Gallicane, faict que leurs
« histoires sont peu receues,.... principalement où
« ilz traitlent la matière de leurs adversaires : tant
« s'y exhibent-ilz apostez de flatterie et vanité. »
(Mém. d'Ol. de la Marche, Avis aux Lecteurs, p. 2.
— Voy. Aposter ci-dessous.)
En supposant que dans aposte, comme dans
aparllr, partir, se départir, l'a initial soit de même
signification que la préposition latine a ou ab, ce
même participe désignera une personne ou une
chose « mise hors de sa position ordinaire. » Si l'on
en croit Léon Trippault, (Celt-hell. p. 'îl±) c'est le
mot grec àn6»caToç, en latin depositns, rejecttts. On
ne parle de cette étymologie qu'autant qu'elle nous
rappelle qu'en Normandie on dit, en parlant d'une
personne affectée de se voir « hors de sa position
« ordinaire, » qu'il lui fait apos, qu'il lui est tout
apos : expressions dans lesquelles apos sembleroit
'être une altération du participe apost , le même
qu'aposté dont on supposera initial de même signi-
fication que la préposition latine a ou ah. (V. Apost.)
Aposteinent, siibst. masc. Action d'aposter.
On a dit que « le Capitaine Bernardo, bon Capitaine
« et bon François, avoil été tué d'un coup de pis-
« tolet à Paris, par Vapostement et pourchas du
« Duc Cosme de Florence. » (Brantôme, Cap. Fr.
T. IV, p. 39. — Voy. Aposter ci-dessous.)
Aposter, verbe. Poster. On croit que l'origine
du verbe aposter est commune au verbe aposer, et
que l'un et l'autre sont formés de l'ancien participe
apost, en latin apposittis. 11 est probable qn'apost
étant prononcé comme nous prononçons dépost,
sitppost, l'on aura, sans égard à l'étymologie, sup-
primé le t, en écrivant apos; A' où aposer, verbe de
même origine qu'aposter. (Voy. Aposer.) La signi-
fication d'aposter est aussi la même que celle
à' aposer; mais dans le sens de poser ou poster
quelqu'un en un lieu, en un passage, la préposition
initiale du verbe aposter désignoit et désigne encore
une position relative à de mauvaises fins, comme
dans ces expressions: « aposter un assassin à un
" passage, aposter des gens pour faire une insulte,
« etc. » (Nicot et Monet, Dict. — Voy. Aposte.)
VARIANTES :
APOSTER. Nicot, Dict.
Apposter. Nicot et Monet, Dict.
Apostil, subst. masc. Apostille. (Cotgrave Dict.
— Voy. Apostille ci-dessous.)
Apostille, subst. fém. Disposition. On croit voir
forigine de ce substantif dans le participe a;;os^ (1),
apposé, ajouté; signification à laquelle est relative
celle de notre mot apostille, écrit apostile ou appos-
tile dans Cotgr. Dict. (V. Apostil, Postil et Postille.)
Il semble que ce même mot apostille, pris dans un
sens différent, et pourtant analogue à celui dans
lequel on l'emploie encore, ait signifié certaines
dispositions relatives au succès d'une affaire.
.... Le chasteau de Cremonne
Estoit le plus fort des Italles,
Imprenable à toute personne...
En celluy temps aulcun noble homme
De Cremonne la bonne ville,
Avec une Dame qu'on nomme
Au pays ma Dosne Camille,
Firent si bien leur apostille,
Que sans faire aulcun desarroy
Le chasteau fut rendu au Roy.
Ainsi concludz qu'en c'este affaire
Femme a sceu plus que force faire.
J. Marot, p. U9.
VARIANTES :
APOSTILLE. Orth. subsist. - J. Marot, p. 149.
Apostile, Appostile. Cotgrave, Dict.
Apostiller, verbe. Disposer. On connoit l'origine
de l'acception encore usitée de notre verbe apos-
tiller, qu'on écrivoit apostileron appostiler. (Cotgr.
Dict.) Il n'a peut-être signifié disposer, que par un
effet de cette singularité d'expression qu'affectoient
nos Poètes du xv'et du xvi' siècle. Quoi qu'il en soit,
il semble que le poète Crétin ait désigné la France
se disposant à continuer une guerre destructive et
ruineuse dans le Milanois, lorsqu'il a dit :
Milan mauldict.
En faict et dit
As foy perverse...
Soubz ton faulx stille,
France distille
Somme d'argentz ;
Et aposlille
Manière hostille
De perdre gens.
Crétin, p. tK.
VARIANTES ".
APOSTILLER. Orth. subsist. - Crétin, p. 122.
Apostiler, Appostiler. Cotgrave, Dict.
(1) Ce sont des annotations; Du Gange propose deux étymologies : 1» Post illa varha, mots par lesquels on annonçait la
place d'une explication à mettre en marge; 2» Posta, poste; postille en serait le diminutif avec le sens de manchette,
position. (N. E.)
AP
— 31 -
AP
Apostis, subst. pluriel. Terme de marine. Les
apostis d'une galère sont deux longues pièces de
bois (i) sur lesquelles on pose les rames de la
chiourme. (Oudin, Dict.)
Il desrobe le mats, la poupe et le fanon;
Raze voiles et bancs, bancades et antenes,
Aposlis et fougons jusques à la carène.
Bergeries de R. Belleau, T. I, fol. 125.
Apostoire, subst. mnsc. etadj. Apôlre. Evêque,
Pape. Apostolique. On observera que par le chan-
gement de / en r, on a écrit Apostoire pour Apostoile.
Peut-être que Saint Sonplice V Apostoire étoit du
nombre de ceux qu'on appelle Apôtres, parce qu'ils
ont les premiers annoncé l'Evangile en quelque pays.
De Saint Souplice V Apostoire,
Laquelle ame ait repos en gloire,
Ert Waluam nouvelement venus.
Rom. de Brut, MS. fol. 75, V col. 1.
Anciennement on désignoit le Pape, l'Evéque de
Rome , en l'appelant Apostoile ou Apostoire de
Home. (Voy. Apostole ci-dessous.)
Ce est la som
De par Y Apostoire de Rom,
Qui grant pert de prévilége don.
Fabl. MS. du R. n' 7218, fol. 191, R- col. 1.
Le substantif Apostoire semble comme adjectif
avoir signifié apostolique. >< Ils s'en obligèrent es
« mains de deux Notaires apostoires, voulans et
« accordans estre incontinent excommuniez se par
« eulx etc. » (Chron. scandai, de Louis XL p. 3i. —
Voy. ArosTûLic ci-dessous.)
Apostole (2), sî(bst. musc. Qui a une mission,
Envoyé. Apôtre, l'Apôtre S" Paul. Evêque, Pape.
Lettres d'appel. On sait que du mot grec dniazoXnç,
en latin apostolits, s'est formé le fiançois apostoles
ou apostole qu'on écrivoit apostoile, par le chan-
gement du second o en la diphthongue oi dont la
prononciation vicieuse a probablement occasionné
les orthographes apostèle et apo telle. C'est par l'effet
d'une prononciation très-sourde que ce même o,
transformé en oi et en e dans apostèle et apostoile,
disparoit dans apostle. L'orthographe apostel est la
preuve d'une transposition de ïe final, très-usitée
autrefois dans les mots terminés, comme apostle,
apostre, etc. 11 faudroit ignorer que dans les prin-
cipes du mécanisme du langage, le changement de
l en r et de r en / est réciproque, pour ne pas
reconnoitre dans apostoil, apostoile et apostle, l'ori-
gine des orthographes apostoir, apostoire et apostre.
(Voy. Apostoire ci-dessus.)
Dans le sens étymologique, un Apostre est celui
qui a une mission, un Envoyé. Ainsi les Juifs nom-
moient Apostres, certains Officiers qu'ils envoyoient
dans les provinces, avec commission de veiller à
l'observation de la Loi, et de recevoir les deniers
destinés, soit à la réparation du Temple, soit au
payement du tribut qu'ils dévoient aux Empereurs.
Les Apostres, les Envoyés des synagogues furent
les modèles de ceux à qui les Eglises donnoient
commission de secourir les Fidèles et d'adoucir
leur misère par des charités proportionnées ù leurs
besoins. En disant que les uns et les autres étoient
les Apostres de l'humanité, on ne croit pas profaner
un mot spécialement consacré à désigner les Apos-
tres du ChrisUanisme. Les Apostres par excellence
sont les douze Disciples qui reçurent de Jésus-
Christ même leur mission , pour annoncer son
Evangile aux nations. S' Paul, à qui l'on contesta
cette mission divine, répondit qu'il étoiL Apostre;
non de la part des hommes, ni par aucun homme;
mais par Jésus-Christ et Dieu son père. Enfin, ce
nomd'Apostre, qui lui éloit commun avec les douze
premiers Disciples, lui est devenu si particulier que
par antonomase, l'Apostre a signifié et signifie
encore Saint Paul, l'Apostre des Gentils.
Cant j'oi de V Apostle parler,
Lor sai bien que ce est Sains Polz
Ki les bons cuers met à repoz.
Fabl. MS. dj Turin, fol. 4, R" col. 2.
On est sans doute scandalisé de voir Pantagruel
étant avec dix ou douze compagnons de ses exploits
burlesques, comparé à Jésus-Christ au milieu de ses
Apôtres. ■> Laissons ici Pantagruel avecq ses Apos-
« /o/£'s, et parlons du RoyAnarcbe et de son armée »
(Rabelais, T. II, page 232.) Peut-être a-t-on voulu
accoutumer le Peuple Vénitien à une sorte de respect
religieux pour la Noblesse, lorsque par un autre
abus du mot Apostre, une classe de Nobles a été
nommée les douze Apostres, et une autre classe les
quatre Evangelistesr Une imagination qui n'est pas
moins extraordinaire, c'est d'avoir donné ù douze
canons le nom des douze Apostres. Henri VIll, roi
d'Angleterre, allant de Calais à Thérouanne, pour
en presser le siège, fut poursuivi par le Chevalier
Bayard qui lui enleva une pièce d'artillerie, dite
Sainct-Jean. ■■ Et en avoit le Roy d'Angleterre encore
« onze autres de ceste façon, et les appelloit ses
« tlouz-e Apostres. » (Hist. du Ch" Bayard, p. 345.)
Les Espagnols, dit le P. Daniel, (Mil. Fr. T. I, p. 445.)
donnoient quelquefois par dévotion des noms de
Saints aux canons, témoins les douze Apostres que
l'Empereur Charles-Quint fit faire à Malaga pour
son expédition de Tunis. Il sembleroit, d'après de
pareilles comparaisons, que détruire les hommes
ou les convertir, c'est une même chose. Cette idée,
toute fausse qu'elle est, a dû paroitre vraie aux
Américains convertis par les Espagnols.
Quoique les anciens monumens de l'histoire
attestent que le nom d' Apostole fut dans la primitive
Eglise, commun à tous les Evêques, successeurs des
Apostres, on l'a spécialement affecté au successeur
de l'Apôtre S' Pierre, c'est-à-dire au Pape nommé
autrefois VApostole de Rome, et tout simplement
Y Apostole. (Gloss. sur les Coût, de Beauvoisis, au
mot Apostoiles. — Gloss. du Rom. de la Rose, sup.
p. 110 et 111.) « Al tens Innocent III, Apostoille de
(1) On le voit, ces pièces de bois forment bastingage. (N. e.) - (2) Il est curieux qn'apostolus soit apostole quand il
signifie pape, et apostle, apostre, quand il se rapporte aux compagnons de Jésus-Chrisl. Ce dernier cas est la règle:
epist{o)la donne épistre, capit{u)lum, chapitre. (N. E.)
AP
- 82 —
AP
« Rome, etc. » (Villehard, p. 4. — Voy. Fabl. ms. du
R. n" 7G15, T. II, fol. 1 i". - Fabl. ms. du R. n° T2\8,
f» 324. — Lanc. du Lac, T. 1, f° 13G, etc.) « Gerberz,
« grant Clercs et Philosophes. . . esleus à l'arce-
« veschie deRavane... tint l'archeveschie jusques
" à tant que li Apostres morut. Lors requist li poples
• de Home que il leur fust donez , et ensi fu
« Aposlres. " (Chron. S" Denys, Rec. des Ilist. de Fr.
T. X, p. 304.) « Se plet est devant le Doien, l'en puet
« appeller à TEvesque, et de l'Evesque à l'Arche-
« vesque, et de l'Arciievesque à YApostoile. Mes du
« Juge envoie de par l'Apostoile, etc. » (Beaumanoir,
Coût, de Beauvoisis, p. 22.)
Gentil Roys, je l'ose bien dire,
Que ceux du Réaume et de l'Empire,
Ce sunt Roys et Enipereours,
Plus de honours et de biens maours
Ont à Sainte Eglise donné
Qu'onques n'ont fait Clerc couronné.
Abbé, Prélat et Apotelle.
Géofroi do Paris, à la suite du Rora. de Fauvcl, MS. du R. n' 6812, fol. 50.
C'est avec une allusion peu respectueuse pour
l'Apostre, (lu'un de nos anciens Poètes a feint qu'un
Roi de France, nommé Philippe, prononçant en
gourmet sur l'excellence des vins, avoit nommé
Apostole, c'est-à-dire Pape, celui dont la qualité lui
sembloit n'admettre aucune comparaison avec celle
des autres vins.
Li Rois les bons vins corona,
Et à chascun son nom dona.
Vin de Cipre fist Apostoile,
Qui resplendis! comme une estoile ;
Dont fist Chardonal et Légat
Du bon gentil vin d'.\quilat.
FaW. MS. du R. n- 7218, fol. 232, V' col. 1.
On conçoit à peine comment des Chrétiens, qui
dans les siècles d'ignorance s'opiniàtroient à ne
vouloir pas distinguer le Mahométisme du Paga-
nisme, aient osé assimiler au successeur de S" Pierre,
à leur Apostole, un Calife des Sari'asins, le succes-
seur du faux prophète Mahomet qu'ils atfectoient de
confondre avec le faux dieu Apollin. « Li Soutans...
« manda al Calife de Baudas, qui Apostolcs est des
« Sarrasins... qu'il fesistansi prechierparPaienime,
« com !i Apostoles des Cresliens faisoit par Cres-
« tienté,' et si le secorust. » (Chron. d'Outremer, ms.
de Berne, n" 113, fol. IGI, R" col. 2. — Martène,
Contin. de G. de Tyr, T. V, col. 685.)
On a sans doute eu raison de réclamer contre
l'abus de ces appels qui, en étendant la juridiction
des Papes, bornoient trop celle des Evéques, et
l'auroient anéantie, si l'on avoit moins insisté sur
la nécessité des Lettres d'appel, nommées Apostoli
en latin, en françois Apostoles ou Apostres. Par ces
Lettres, qu'on appeloit aussi Lettres dimissoires ou
Lettres de renvoi, le Juge à quo certifioit de l'appel
interjeté, et renvoyoit la connoissance de l'affaire au
Juge devant le tribunal de qui l'appelant demandoit
qu'elle fût portée. On ne pouvoit être admis îi pour-
suivre cet appel sans Apostres, qui dans les causes
ecclésiastiques étoient expédiés par l'Evèque, par
son Officiai, et par le Chapitre de la cathédrale
durant la vacance du Siège. (Voy. Du Cange, Gloss.
lai. T. I, col. 506. — Nouv. Traité de Diplom. T. I,
page 253. — Laur. Gloss. du Dr. Fr. — Cotgrave et
Borel, Dict.) <i Plusieurs fois avoient été devers ledit
« Evéque h S. Mor des Fossez porter et intimiter
« certaine appellation faite par mondit Seigneur
" de Bourgogne, ses Vicaires et Officiers, pour
« requérir et obtenir les Apostres nécessaires à
« ladite appellation. » (Etat des Officiers des D. de
Bourgogne, p. 107. — Félibien, Hist. de la ville de
Paris, T. III, pr. page 404, col. 1 ; Ut. de 1381. —
Rabelais, T. III, p. 210, etc.) Les Apostres refutatoires
avoient lieu lorsque le Juge dont on appeloit, ne
vouloit pas déférer à un appel qui lui paroissoit
frivole et illusoire. » Le Pape en faveur du Roy de
« Sicile, ordonna un dixiesme.... Les Gens d'Eglise
« s'y opposèrent et l'Université, et appellèrent des
« Commissaires ordonnez, et eurent Apostres refii-
• tatoires. Mais il leur fut dit pleinement que
0 nonobstant leurs appellations et oppositions, ils
« le payeroient. » (Juvenal des Ursins, Hist. de
Charles VI, p. 94. — Voyez Dict. de Trévoux, T. I,
col. 480.) ^'on-seulement les Lettres données sur
appels interjetés de l'Evèque au Métropolitain, du
Métropolitain au Pape, du Pape au Concile, mais
encoi e celles où il s'agissoit d'appels au Roi, à un
Juge séculier, ont été nommées Apostoles ou Apos-
tres. (Voy. Du Cange, Gloss. lat. T. I, col. 566 et 567.
— Nouv. Traité de Diplom. T. I, page 253 et 254.)
Enfin, l'usage de ces Lettres a été aboli. « On n'use
» plus, même en Cour d'Eglise, à' Apostres, ou
« Lettres de renvoi que l'appellant devoit obtenir
« du Juge à quo. Mais l'appel s'interjette par un
« acte et se relève par requête ou par commission
« du Métropolitain. » (Fleury, Institut, au Dr. Eccl.
T. II, page 218.)
VARIANTES :
APOSTOLE. Martene, Contin, de G. de Tyr, T. V, col. 635.
- Chrou. S' Denys, T. X, page 304. - Ane. Poët. Fr. T. IV,
p. 1312. - Anseis, fol. .51. - Lanc. du Lac, T. I, fol. 136.
Apostel. Le Carpentier, H. de Cambray, T. II, pr. p. 29.
Apostele. Très, des Chartes, Reg. xxii, pièce 10.
Apostle. S' Bern. Serm. fr. — Rymer, T. I, p. 13. — Fabl.
MS. de Turin, fol. 4, R» col. 2. - Ph. Mouskes, .MS. p. 130.
Apostoil. 'Très, des Chartes, Inv. de P. d'Etampes, pièce 2.
Apostoile. Ane. Poët. Fr. T. IV, p. 1341. - G. Guiart, MS.
fol. 107. - Fabl. MS. du R. n» 7218, fol. 175, V» col. 2, etc.
Apostoille, Ane. Poët. Fr. T. IV, p. 165. — Villehard, p. 1.
Apostoir. Fabl. MS. du R. n» 7218, fol. 191, V» col. 1.
Apostoles. Chron. S' Denvs, T. III, p. 314. — Dits et Moral,
fol. 286. - Fabl. MS. du R. ii° 7615, T. I, fol. 65, V" col. 2.
Apostre. Hist. de Fr. à la s. du Rom. de Fauvel, fol. 82. —
Eust. Desch. p. 485. — Hist. du Ch'^ Bavard, p. 345, etc.
Apostres. Chron. S' Denys, T. X, p. 304 et 306.
Apotelle. Geofroi de P. à la s. du Rom. de Fauvel, fol. 48.
Apoustre. Joinville, p. 383.
Apoutre. D. Morice, preuv. de l'Hist. de Bret. T. I, c. 981.
Appostre. Félibien, Hist. de la Ville de Paris, T. III, pr.
p. 404. — Mém. de Rob. de la Marck, p. 197.
Apostolic, adject. et subst. Qui a rapport aux
Apôtres. Pape, Successeur des Apôtres. Dans le
premier sens, on a nommé souliers à Vapostolique,
des souliers tels qu'en portoient encore les Cor-
delieis du xvr siècle, « des souliers traversés de
« plusieurscourroies qui tenoient lieu d'empeigne, •
et dont la forme avoit rapport à la chaussure avec
laquelle les Peintres ont représenté les Apôtres.
Les Evêques de la primitive Eglise, comme suc-
AP
— 33 —
AP
cesseurs des Apôtres, s"appeloient Apostolics ou
Apostoliques. C'est par ellipse qu'Apostolic, en latin
Apostolicus , pris substantivement , désignoit un
Evèque, un successeur des Apôtres en général, en
particulier le Pape, le successeur de S" Pierre. {Voy.
Du Gange, Gl. 1. T. I, col. 568. — Dict. de Trévoux.)
Li Apostoles Innocens
Fu mors adonques à cel tans ;
AposloHc fisent d'Onorie,
Par eslection et glorie.
Ph. Mouskes, MS. p. 61i.
VARIANTES :
APOSTOLIC. Ph. Mouskes, MS. p. 614.
Apostolique. Le Duchat, sur Rabelais, T. IV^ p. 58.
Apostoliscr, verhe. Imiter les Apôtres, affecter
de leur ressembler. (Voy. Cotgrave et Oudin, Dicl.)
On a prétendu que « si l'Aulheur des Jésuites eust
« esté tant soit peu nourry en l'ancienneté de nostre
« Religion, il eust trouvé que ce n'estoit pas apos-
« toliscr, mais bien apostatiser, que luy Religieux
» voulust comme les Apostres administrer les saints
« Sacremens, mesme au milieu des villes, revestu
« d'un babiilement qui n'a rien de commun avec les
« Moines. » (Pasquier, Rech. liv. III, p. 304.)
VARIANTES ;
APOSTOLISER. Oudin, Dict.
Apostolizer. Cotgrave, Dict.
Apostolité, subst. fém. Apostolat; Papauté.
(Voyez Rom. de Brut, fol. 55. — Ph. Mouskes, ms.
p. 843.) On sait que l'Empereur Henri IV, fit déposer
le Pape Grégoire VII dans un concile :
Desposa le pape Grigorie ;
Ce nos raconte li estore.
Par oquoisson le mist en trape
Pour cou que Grigore cil Pappe
De son avoir ot acaté
Le don de V Apostolité,
Trois mile livres de deniers.
Ph. Mouskes, MS. p. 451.
Apostume, subst. viasc. (1) Aposlôme. En grec
à7xiai)],ua. 11 Semble que conformément à l'étymo-
logie, on auroit dû toujours écrire aposlcmc ;
oi'thographe très-ancienne dans notre langue, et
adoptée par quelques Auteurs, quoique de leur
temps elle fût moins usitée que celle à'apostume.
(Voy. Psautier, ms. du R. n- 7837, fol. 192, R" col. I.
— Essais de Montaigne, T. I, page 34ï>. — Nuits de
Straparole, T. I, page 219 et 352. — JNicot, Dict.) On
avoit sans doute moins égard à l'étymologie qu'à la
terminaison du mot apostume, lorsqu'on le faisoit
du genre féminin. « L'an mille cinq cens trente-
« huict, le Roy estant à Compiegne tomba malade
« d'une apostume.... dont il fut en grand danger
« de mort. » (Du Bellay, Mém. liv. vin, fol. 270. —
Rob. Estienne, Nicot et Monet, Dict. — Dict. de
Trévoux.) La comparaison de l'effet d'un deuil ou
cbagrin intérieur, à celui d'une apostume dans
l'estomac, paroitroit aujourd'hui fort dégoûtante.
Gectoit sangloux, gémissemens parfonds.
Et gros souspirs, comme s'il eust au fonds
De l'estomach venimeuse apostume.
D'extrême dueil et doulente amertume.
Crétin, p. 1U. — Id. 52.
VARIANTES :
APOSTUME. Crétin, p. 52. - Du Bellay, Mém. liv. x, f'SSO.
— Cotgrave, Rob. Estienne, Nicot et Monet, Dict. — Dict.
de Trévoux.
Aposthème. Oudin, Cur. Fr. — Dict. de Trévoux.
Apotume. Dit de Jehans li Rigolez, fol. 150, R" col. 2.
Apostume , participe. Qui a un apostème.
Proprement formé en apostème. (Voy. Apostumer.)
De là, on a dit en parlant d'une personne ayant un
apostème dans la tète, dont une blessure à la tête
s'éloil formée en apostème, que sa teste étoit apos-
tumée. (Voy. Froissart, Vol. III, p. -354.)
Apostumer, verbe. Se former en apostème, se
tourner en abcès, s'ulcérer. Il paroitroit raisonnable
qu'ayant réformé l'orthographe du substantif fl;;os-
tume, on réformât celle du verbe apostumer, et
qu'on écrivit apostémer, comme l'on écrit apostème.
Un abcès est un apostème ouvert. De là, le verbe
apostumer a non-seulement signifié se former en
apostème, mais se tourner en abcès, rendre du pus,
s'ulcérer. (Voy. Monet, Dict.)
Tu le sçais bien, France : mais je n'essaye
Icy pourtant de refraischir la playe
Qui tousjours saigne et qui ne guarit or,
Et qui pourroit apostumer encor, etc.
Bergeries de R. Belleau, T. I, fol. 105. R'.
On préfère aujourd'hui l'usage du verbe s'ulcérer
à celui à'apostumer. Mais on ne trouvera point
dans la nature la raison de cette préférence, puisque
l'idée d'ulcère n'est pas moins révoltante que celle
d'apostU7ne. (Voy. Apostume ci-dessus.)
VARIANTES :
APOSTUMER. Orth. subsist. - Bergeries de R. Belleau,
T. I, p. 105. - Fouilloux, Faucon, fol. 40 et 79. - Cotgrave,
Oudin, Rob. Estienne, Nicot et Monet, Dict.
Apostemer. Cotgrave et Oudin, Dict.
Aposthemer. Oudin, Dict.
Aposume, subs. maso. Apozème. L'orthographe
apozème, qui se trouve dans Cotgrave et Monet,
Dict. est conforme à l'origine de ce mot dérivé du
grec dnouù), en latin defervesco. L'humanité a des
obligations si réelles à la Chirurgie, qu'on s'étonne
aujourd'hui que la Médecine lui ait interdit en 1507,
le droit d'ordonner des aposumes et des clystères.
;Voy. Pasquier, Rech. liv. ix, p. 825 et 828 )
VARIANTES :
APOSUME. Pasquier, Lett. T. II. p. 551 et 556.
Aposème. Monet, Dict. — Dict. de Trévoux.
Apozime. Cotgrave et Nicot, Dict.
Apothecairaisse, subst. fém.. et adj. Femme
d'Apothicaire. Qui est fait par l'Apothicaire, qui est
relatif à l'état d'Apothicaire. Ce mot encore usité
dans les couvens, pour désigner comme substantif,
la Religieuse qui a soin de l'apothicairerie, a signifié
femme d'Apothicaire. (Dicl. de Trévoux.) « Que
« dira-on de VApotiqiiaresse? Elle contrefaict si bien
« la belle, qu'il luy semble bien qu'ouy. » (Caquets
(1) Dès le Roman de la Rose, le mot est féminin ; Furetiére et Richelet lui donnent ce genre : l'Académie (pourquoi?) l'a
fait masculin, (n. e.)
n. 5
AP
34 —
AP
de l'AcoviclK^e, p. 74.) 11 cloit adjectif, lorsque dans
le second sens on disoit médecine (ipotliccairaisse
ou (ipoticirirc'sse, etc. (Epilli. de M. de la Porte. —
Cotgnive, Dict. — Voy. Apotiiecaire ci-dessous.)
VAHIANTES :
APOTHECAIRAISSE. Cotgrave, Dict.
Apothicairesse, APOTiiicAiiESSE. Dict. de Trévoux.
APOTiCAHtESSE. Epilli. de M. de la Porte, p. 250.
Apotiquaresse. Caquets de l'Acouchée, p. 74.
Apotiiecaire, subsl.masc. Apothicaire. Lemot
grec iino»i^xij, origine du Irançois apotiiecaire qu"au-
jourd'liui l'on écrit apothicaire, sigiiilie assez géné-
ralement un lieu où sont déposées les choses qu'on
veut vendre ou conserver, un magasin, une bou-
tique, etc. \\. Ai'ûTiiEycE.) Ainsi tout homme tenant
bouli(iue ou magasin, pouvoit cire nommé Apotiie-
caire. On trouve la preuve de celte acception
générale, dans le Ciloss. lat. de Uu Gange, au mot
Apotliecarii. Mais en Irançois, le mol A})otliecuire
a signilié par excellence celui qui tient boutique de
drogues; boutique où l'ordre dans lequel on pose
les drogues médicinales, est si nécessaire pour
éviter les quiproquo qui ont donné lieu à ce pro-
verbe : « Dieu nous guarde de qui-pro-quo d'Apo-
« thicquaires! » (Apol. pour Hérodote, page 45.) Le
danger de ces quiproquo d'ApolItecaires èloit sans
doute bien plus à craindre qu'il ne l'est aujourd'hui,
lorsque Pasquier regieltoit « l'ancienneté qui faisoit
« marcher sous une mesme cadence Testât de Me-
« decin. Chirurgien et d'Apolicaire. » Il croyoilque
l'Apothicaire étant \' adopérateur du Médecin, on
éloit d'autant moins assuré de sa guérison, que
« l'exéquution de l'ordonnance du Médecin des-
« pendoit de la miséricorde d'un maistre Apoti-
« caire;... ains le plus souvent d'un vallet auquel
« il n'y avoit ny science ny conscience. » (Voyez
Pasquier, Lett. T. Il, p. 551 et 552.)
VAIllANTES :
APOTHECAIP.E. Rabelais, T. I, Prolog, p. 41. - Id. T. IV,
p. 286. - Cotgrave, Dict.
ApoTHicQUAinE. Apol. pour Hérodote, p. 45.
Apoticaire. Dialûg. de Tahureau, fol. oO, V».
Apoticquaire. Oudin, Cur. fr.
Apotikaire. Hist. de Job, en vers, MS. de Gaignat, f» 169.
Apotiquaire. Monel, Dict.
Appoticaire. Poës. de Charles, D. d'Orléans, MS. fol. 92.
Apothecairei'ie, mhst. féni. Apolhicairerie.
Etal et art de l'Apothicaire. (Cotgrave, Dict.)
Apothème, subst. viusc. Apophlhegme. En grec
d7ié<f»iy/^a. Il seroit atîieux que le fanatisme eût
consacré l'apophlliegme de M. de Montpensier, qui
croyant imiter par sa haine contre les Hérétiques,
le zèle du Koi S' Louis contre les Infidèles, disoit
« qu'il un hérétique on n'estoit nullement obligé de
" garder sa foy... 11 le pratiqua bien à l'endroit du
■< Capitaine des Marais, qu'il prit dans le chasteau
« de Rocliefort sur Loire, par honeste capitulation
" et sur sa foy; et puis le fist exécuter aussitost,
" se fondant sûr son apotireme (I) que je viens de
« dire. » (Brantôme, Cap. Fr. T. III, p. 280.)
Apotheque, sulist. /'t'/H. Boutique (2). Acte sujet
à la lormalilé du dépôt. Ce mol purement grec signifie
bouti(iue, lieu où l'on expose des marcliandises en
vente. « Il l'ault, dict Galon, que le Pere-fauiillesoit
» vendeur perpétuel. Parce moyen est impossible
« qu'enfin riche ne devienne, si tousjours dure
« V apotheque. » (Rabelais, T. 111, page 12.)
H est possible quapotheque, dans un sens relatif
à l'iicception générale du mot grec dno»i]y.tj, lieu où
sont déposées les choses dont la garde intéresse,
ait désigné certains actes juridiques, par la raison
qu'ils étoient sujets à la formalité du dépôt; c'est-
à-dire qu'une expédition de ces actes devoil être
déposée au greffe de la juridiction où ils étoient
passés. « Leftres et instrumens faicts et passez par
>' Eschevinage qui se faict en deux parties cyrogra-
« phées, ou en trois parties dont le Juge garde l'ure
" des parties; et les parties à qui touche, gardent
« les autres. Et sont telles lettres selon le Droict
« civil appellées apotheques. » (Bouleiller, Som.
rur. lit. cvn, p. C36.)
Apotliérapic, subst. Récréation. Ce mot qu'on
trouve dans Cotgrave Dict. est une altération
d'apo thérapie.
Apothérapie, subst. fém. Récréation. En grec
àno^içaniia. « Par, manière â'apothcrapic s'esba-
« toieut, etc. •> (Rabelais, T. I, p. I7(i.; C'est ainsi
qu'il faut lire dans les éditions où il y a apotliérapic.
(Id. ibid. note de Le Duchat. — Voy. Apotiiérapic.)
Appactir, verbe. Obliger à payer une contri-
bution fixée par un pacte. On se souvient encore de
ces temps malheureux où l'habitant des villes et de
la campagne, exposé à la fureur avide et meurtrière
des ennemis étrangers et domestiques qui désoloieut
la France, n'obtenoit la vie avec la liberté de faire
son commerce et de labourer la terre, qu'en se
mellant à pactis, ou en pactis; qu'en s'obligeanl à
payer les contributions fixées par des pactes, sur
lesquels étoit établie une espèce de paix ruineuse
et tyrannique. (Voyez Apaer.) Telle est l'origine du
verbe, quelquefois réciproque, appactir ou em-
pactir, et de la signification dans laquelle on a dit :
« Ne pouvant plus souffrir eslre raen^'onnez et
« apactis auxdits ennemis depuis six ou sept ans,
« etc. » (D. Carpenlier, au mol Apaluare.) « Tous
.< les villaiges d'entour Paris estoient upali% aux
« Arminaz (3). » (Journal de Paris, sous Charles VI,
p. 427.) « Ils ne pouvoyent labourer leurs terres...
« pour la dou tance des pillars, s'ils n'estoyent bien
« acconvenancés et appactis. » (Froissarl, Vol. III,
p. 258.) Peut-être faul-il lire apactis en un seul mot,
(1) Il y a là une faute d'orthographe ; apolkinip. de dnà et ziBr^^i est seulement employé en chimie et en géométrie ;
c'est la perpendiculaire menée du centre sur le côté d'un polygone régulier, ou la hauteur d'une quelconque des faces
triangulaues d'une pyramide régulière ; c'est enfin un précipité brun qui se forme peu à peu dans les dissolutions des
extraits végétaux. (N. e.) - (.2) JJoulique vient lui-même d'dnoe7,xT], par l'italien boltega, comme le rend probable l'apocope
de la. (N. E.) — (3) Armagnacs.
AP
— 35 —
AP
SiU Vieu de à pactis dans cel auL: i..,jsage. «Ceux
« de Lourde et de Malvoisin raiiçoniioycnt aussi
« bien les marchands du royaume d'Arragou el de
« Catelongne, comme ils fâisoyent les François,
« s'ils n'esloyent à 7;aci/s à eux. » (Id. ibid. p. 8.)
Au reste, on a pu dire estre à pacfis, comme l'on
disoit se mettre à pactis, estre à appactis. (Voyez
Appactis, Appactizer el Pactis.) La violence qu'un
désir lyrannique fait h notre volonté, étant com-
parée à celle que souffroient des citoyens obligés
malgré eux de s'appaclir, on aura dit figurément:
. . . Desir tient tout apastis
Mon voukiir qui est amatis.
Al. Charlier, Liv. des iv Dames, Du Gange, Gloss. lal. au mot Apatisatio.
VARIANTES :
APPACTIR. Froissart, Vol. III, p. 258.
Apactir. Id. ibid. p. 67. — D. Carpentier.au mot Apatiiare.
Apastir. Du Gange, Gloss. lat. au mol Apalisatio, col. 546.
Apatir. ,Iour. de Paris, sous Cliarles VI, p. -127.
E.MPACTIR. Froissart, Vol. III, p. 8, note margin.
Appactis, subst. masc. Contribution fixée par
un pacte. Pacte qui fixe une contribution. C'est
probablement d'après les expressions estre à pactis,
se mettre à pactis, qu'a été formé le substantif
composé appactis ou a])pactix:, ainsi que les verbes
appactixer, appaclir, s'appactir. (Voy. Pactis.) Il
semble que l'usage de ce mot ait commencé et fini
avec les malheurs de ces temps d'anarchie oi^i ceux
qui dévoient être le soutien de la I^'rance, se réunis-
soient ;'i ses ennemis pour en être le fléau. On
croiroit que la tyrannie militaire du xiv et du xv
siècle alfectoit de pallier l'odieux de ces contribu-
tions auxquelles le citoyen étoit forcé de souscrire,
en les nommant appactis, comme si elles eussent
été fixées par un pacte volontaire. « Les appactis....
« montoyent bien par an es terres dessus dites
« autant comme la rédemption des fors et des gar-
« nisons devoit monter. » (Froissart, Vol. IIT, p. 258.)
« îv'estoit année, à cause de ladite place, qu'ils
B n'eussent d'appactis sur le pais bien vingt-quatre
« mille escus. « (Juvenal des Ursins, H. de Charles
VI, page 17'2.) « Ne seront faites aucunes prises de
Cl personnes, courses, voleries, pilleries, logis,
o appatis . rançonnement de bestes ou d'autres
« biens quelconques, sur les terres, villes. ... et
o autres lieux estansdu parti et obéissance du Roy. »
(Mém. de Comines. T. III, pr. p. 180. "i Le brigandage
multiplioil ces contributions nommées appactis, h
tel e.xcès qu'un « pauvre village estoit à appatis à
« huict ou dix places. » (Œuv. d'Al. Chartier, Annot.
p. 839.) De là, on disoit en parlant d'un Capitaine ou
Soldat avec qui une ville, un pays étoit à appactis,
qu'il tenoil ce pays, celte ville en composition d'ap-
pactis, en rente d'appactis, ou tout simplement en
appactis. « Tindrent tousjours le pais en guerre et
« en composition à'appactiz. » (Froissart, Vol. IV,
p. 32.) .< Sur les marches de la duché de Luxem-
« bourg... le Signeur de Commersy... faisoit guerre
<« au premier rencontré, et prenoit el ravissoit de
« toutes pars prisonniers el butin Sur les
« marches de Mets. . . se tenoil Henry de la Tour,
« au lieu de Pierrefort et tenoil les citez de Tout et
« de Verdun en rente d'apatis et tous ses voisins
« en sujeltion. » (Mém. d'Ol. de la Marche, liv. I",
page 1j1 et 152.) « Se retrait le Roy en la cité de
» Bourges. . . . laquele cité un pauvre soudoyer
« Bourgongnon, nommé Pernet Grasset, tenoit en
« apatis, le Roy estant dedens. » (kl. ibid. p. 124.)
« Prospère Colonne, Lieutenant général du Pape,...
« tenoil tout le pays en appatis et en faisoit ce qu'il
« vouloit. » (Hist."du Ch" Bayard, p. 363. — Voyez
Apatissemext et Apatissure.)
Il semble que la signification d'appactis étoit
quelquefois celle d'apatissure, et que les Lettres
seellécs d'apacli~~^ éloient des pactes qui fixoient les
contributions au payement desquelles on s'obligeoit
sous le scel de celui qui les avoit exigées. « Les
» Bourgongnons... voulans vivre delà guerre, se
« boultoieiît avec les Anglois; et en portaiil la croix
« rouge prenoient les François et leur faisoient
« guerre: par lequel moyen regnoit contre le
« peuple et gens d'Eglise Ir'ès-innumérables et tyran-
« niques pilleries. Et combien que pour vivre en
« paix au dessouhs de ceux qui faisoient la guerre,
0 ils donnassent et promeissent du leurs très-lar-
» gement, en prenant d'iceux, ou de leurs Capi-
« Faines, saufconduits, lettres de gardes, ou seellées
« à'apacli:^, néant moins peu, ou néant leur estoit
« entretenu. » (Monstrelet, Vol. II. fol. 83. — Voyez
Appactir et Appactizer.)
variantes :
APPACTIS. Froissart, Vol. III, p 258.
Apactiz. Monstrelet, Vol. II, fol. 83, R».
Ap.\tis. Mém. d'Ol. de la Marche, liv. i, p. 124.
Appactiz. Froissart, Vol. IV, p. 32. — Monstrelet, V. II, p. 86.
Appastis. Du Gange, Gloss. lat. au mot Appatiamentum.
Appatis. Ib. ibid. au mot .ipaii.'iatin, col. 545. — Mém. de
Comines, T. III, p. 180. - Hist. du Cii"- Bayard, p. 303.
App.^tiz. D. Garpentier, S. Gl. I. de D. C. au mot Apatuare-
Appactizer, verbe. Obliger à une contribution
fixée par un pacte. Telle a été la signification du
verbe appactizer, apaticlier, ou apatisser, dont
quelques étymologistes, trompés sans doute par
les orthographes apastir el appastis qui sont des
altérations d'aj)jiactis et d'appactir, ont cru voir
l'origine d'àw?, pasl'is ou past, en latin pastus. (Voy.
Borel, Dict. — Du Cange, Gl. 1. au mot Apatisat'io.)
On l'a même défini conformément à celte fausse
étymologie. Mais il est évidemment formé de pactis,
pacte, en lartin paclum, et signifie mettre à contri-
bution , obliger au payement d'une contribution
fixée par un pacte. (Voy. Pactis.) « La plus grande
« partie des villes estoient toutes appactizées à
« eux, cl rançonnées à certaine somme d'argent et
« de fromens pour chacun mois. " (.Monstrelet.
Vol. II, fol. 183.) « Tanguy... apatissa la Villeneuve
« S" George.... et après lés deniers par lui receus,
« etc. " (Preuv. sur le meurtre du D. de Bourgogne,
page 309.) Ce même verbe est réciproque dans une
lettre o\x Juvenal des Ursins, représentant aux Etats
de Blois la misère du peuple, disoit : " Le [iauvre
« peuple de tous estats cuidant y mettre remède,
« délibéra de soy apaticher à la garnison plus pro-
« chaîne; mais tantost toutes les autres garnisons
AP
— 3G —
AP
« commenci'rent à courir villages, voulant avoir
« palis. » (Du Cange, Gloss. lat. au mot Apatisatio.
— Voy. Ai'i'ACTm.)
VARIANTES :
APPACTIZER. Monslrelet, Vol. II, fol, 18,3, R°.
Apaticher. Du Cange, Gl. lat. à Apatisatio. — Borel, Dict.
Ap.\tiser. Id. ibicl.
Ap ATissER. Preuv. sur le meurtre du D. de Bourgogne p . 309.
Appaticiier. Œuv. d'.\l. Chartier, Annot, p. 860.
Appatisser. Id. ibid. p. 839. — Le .louvencel, MS p. 335.
Appatissier. D. Carpentier, S. Gl. 1. de D. G. à Appalicire.
Appaillarder (s'I, verbe. Se livrer à une luxure
honteuse et iiilàme. (Cotgr. Dict. — V. AppAiLLAnom.)
Appaillai'dir, vcvb. Devenir paresseux et lâche.
Rendre gueux. Devenir luxurieux, impudique. On
subslituoil à l'idée d'être couché sur la paille, celle
d'être couché sur un lit, en substituant le verbe
apoltronnit; devenir paresseux et lâche, au verbe
appaillarder plus ancien dans notre langue en cette
même signification figurée. ;Voyez Apoltron.mr et
Apoltron.ner.) Longtemps avant que Charron eût dit
que le mariage apoltroiuiisoit les Savans, on s'étoit
plaint que non-seuieuieiit les Clercs, mais les Che-
valiers, en se mariant appaillarJissoieiit, qu'ils
devenoient paresseux et lâches.
Car nulz d'eulz ne puet les mestiers
Exercer, li uns de Clergie,
Li autres de Chevalerie,
Et servir aux femmes ensemble.
Ainsi chascun son l'enom amble,
Se destruit, et apaillardit .
Eust. Desch. Poës. MSS. p. o46, col. i.
C'est probablement en faisant allusion â la paille
sur laquelle couchent les gueux, tiuappaillardir a
signifié rendre gueux, réduire à la paille comme un
gueux.
Faulte d'argent et les grans prestz
Nous ont Ung peu appaillardis.
Dialog. de Mallepaye, p. 57.
On répugne à retracer l'idée du vice inhérent â la
paresse des gueux qui couchent sur la paille, en
disant qu' appui llardi7- c'est devenir luxurieux, im-
pudique. (Oudin, Dict. — Voy. Paillarder.)
VARIANTES 1
APPAII.LARDIR. Dialog, de Mallepaye, p. 57.
Apaillardir. Eust. Desch. Poës. MSS. p. 349, col. 1.
Appanage, siilist. inasc. Dot. Apanage. On peut
voir dans Ménage, Dict. étym. combien Tes opinions
ont varié sur l'origine du mot appanage. En suppo-
sant qu'il fût dérivé du substantif latin appemlagiuin
formé du verbe nppendere, l'ortliographe appcnage
que l'on croit une altération d'appanage, seroit la
vraie orthographe. Cette opinion de Spelman, pré-
férable sans doute â celle d'Antoine Loisel qui veut
qa'appennage ait été formé de penne, en latin
penna, parce que les enfans appennés commen-
çoient à voler d'eux-mêmes, ne mérite cependant
d'être remarquée qu'autant que la signification
d'apanage semble y être relative, lorsqu'on dit que
les infirmités sont les apanages, les dépendances
do la nature humaine. C'est dans le mot pain, en
latin panis, qu'on trouve l'origine aussi simple que
naturelle du mot appanage. (Voy. Du Gange, Gloss.
lat. T. I, col. ô'd. — Nicot, Dict. - Dict. de Trévoux.)
Il suffit que le pain soit une chose essentielle à
la nourriture de l'homme, pour qu'on ait nommé
pain tout ce qui est nécessaire à sa subsistance, et
appanage ce que les pères et mères donnent à leurs
. enfans, ou les frères aines à leurs puiiiés, tant pour
leur nourriture que pour leur entretien. Dans cette
signification générale, la dot des filles étoit une
espèce d'ajB/jfljîflg'e. « Père et mère, ou fun d'eux,
« entant que â luy est permis et leur est loisible,
« peuvent par contract de mariage appaner leurs
" filles et leur laisser pour leur dot de mariage et
" pour tous droicts de leurs successions , ce que
« bon leur semblera; tellement que leurs dictes
'< filles ainsi appanées ne peuvent aprez le déceds
« et trespas de leurs dicts père et mère demander
" ne quereller aucune chouse ez biens et succes-
« sions de leurs dicts père et mère, sinon leurs
« dicts appanages, au cas que les dicts père et mère
« ou l'un d'eux ne les eussent rappelés. « (La
Thaumassière, Coût de Berry, p. 209 et -210.) « Fille
« mariée et appanée, ou dotée, par père et mère
« vivans... ne peut retourner à la succession des-
« dits père et mère... tant qu'il y aura hoir masle,
« ou hoir descendant de masle , soit masle ou
« femelle.... Et ne peut ladite fille impugner ladicte
» dotation et appanage... sauf par supplément de
« sa légitime, eu esgard à son dit dot, ou appanage,
" et aux biens de ses dits père et mère délaissez
« par leurs décès. )> (Coût, de Mvernois, au Coût,
gén. T. L p. 892.)
On a dit en parlant des Filles de France, e.vcluses
en tout temps de la succession à la Couronne, que
« c'est une espèce d'abus de leur donner des appa-
« nages en fonds » de terres domaniales. Cette
observation de Le Laboureur paroit d'autant plus
judicieuse qu'elTectivement fabus dont il indique
l'époque, (Hist. de la Pairie, p. 20.5,) est un écai*t
de l'ancien principe des usages Saliques ; principe
d'après lequel il semble que Charles V ordonna pai-
ses Lettres du mois d'octobre 1374 (1), que « pour
« tout droict de partage ou appennage que ses iilles
« pourroient demander en ses Domaines, Droicts,
» Noblesses et Seigneuries royaux, l'ainée auroit en
« mariage cent mille francs, et les autres filles
« soixante mille francs, avec tels garnisons et esto-
« remens comme il appartient à filles de Roy de
« France. » Il est probable que ce n'est pas sans
raison qu'en parlant de ses filles, il a dit, « pour
« tout droict de partage ou d'appennage qu'elles
" pourroient demander, etc. » S'il eût reconnu leur
droit à demander un partage ou appen)iage en fonds
de terre, un appennage de même nature que celui
de leurs frères, il se seroit exprimé sans doute à
l'égard de ses filles Marie et Ysabelle, comme à
(1) Cette sage mesure demeura sans effet, et ce fut seulement à partir de 1566 que les rois s'astreignirent à l'observation
rigoureuse d'une loi précise. Lhospital fit rendre alors une ordonnance en vertu de laquelle tous les apanages rentraient
francs et quittes de toute obligation à la eourop-ne, après l'extinction de la ligne masculine directe, (n. e.)
AP
— 37 —
AP
réirard de son fils Louis ; il auroit dit, pour « tout
« droict de partage ou appennaqe à elles apparte-
« liant, » comme en parlant de leur frère, il avoit
dit : « Ordonnons que... nostre très-cher et aimé
« fils Louys aye pour tout droict de partage ou
«' appcunage à luy appartenant en nos Terres et
« Seigneuries, pour raison de nostre succession ,
« ou autrement, selon les vieils usages, observan-
« ces et coustumesde nostre Royaume, douze mille
« livres de Terres, etc. » (Godefroy, Aunot. sur
fHist. de Charles VI, p. 571 et 57'i.)
Quoique cette Ordonnance semble confondre le
partage et Vappanage, la signification de ces deux
mots n'en étoit pas moins essentiellement différente,
puisque les filles, bornées à une dot qu'on nommoit
appanage, n'ont jamais partagé les terres Saliques,
conjointement avec leurs frères ; et (lu'antérieu-
rement à l'Ordonnance de Charles Y, Vappanage,
tel qu'on le conçoit encore aujourd'hui, excluoit,
même entre frères, le partage de ces terres. Une
preuve de cette exclusion commune aux fils puînés
des grands Seigneurs avec les fils puînés de nos
Rois^ c'est ([ue dans un titre de 1323, « Guy de
« Chastillon, Comte de Blois, après avoir dit* et
" maiutenu (iue....lohan son frère ne devolt, ne ne
« pooit demander en la comté de Blois, ne es ap-
" parlenances que appenage tant seulement, fixe
» cet appanage à doze cenz livres tournois de rente
« en fonds de terre, quoique son frère prétendit
« avoir droit de partage en ladite conté et es appar-
« tenances. » (Voy. Ilist. de la M. de Chastillon, pr.
p. 100.) L'appanage des puînés n'éloit même pas
toujours un appanage en fonds de terre. Guillaume,
Seigneur de Montpellier, fils de la Duchesse Ma-
thilde, déclara par son testament du 4 novembre
1202, son fils puîné exclus du droit de parlager
avec l'aiaé l'hérédité paternelle , moyennant un
appianage de mille sous de rente annuelle : « Volo
« quod filius meus major natu... det ei tempore
'< vitse suœ annualim 1000. sol. et pro his sit con-
" leulus omnibus aliis bonis meis. » (Du Cange,
Gloss. lai. T. I, col. 543.) Dans un autre testament
d'un Seigneur de Montpellier, aussi nommé Guil-
laume, fils d'Ermessinde, le puîné, désigné pour
l'état ecclésiastique, subit la même exclusion, sans
pouvoir exiger de l'ainé autre chose qu'une éduca-
tion et une subsistance proportionnées à la noblesse
de sa naissance. C'est relativement à cette idée géné-
rale de proportion, particularisée dans le testament
et indiquée par l'adverbe honorificè, qu apariagc a
signifié la même chose (\n appanage. (Voy. Aparl^ge.)
On peut dire que ce testament, en date du li
décembre 1146, est une cession faite au fils aine,
de tous les droits de l'autorité paternelle sur le
puîné. " Rernardum Guillelmum filium meum
« dimillo Guillelmo filio meo majori, ita scilicet ut
<' usque ad aîtalem xviu annorum benè faciat eu m
<• docere et in lilteris studere ; et si tune voluerit
« clericus fieri et ad sacros ordines promoveri ,
« Dominus Montispessulani teneat illum honorificè
•< secum, ita scilicet ut equos et ai'ma, et armige-
« ros, et victum et vestitum sibi honorificè adminis-
« tret , et Bernardus nihil aliud in Loto honore
« ipsius aliquo jure petere possit; vilis enim h;ere-
« ditas nobilem'hominem non decet. •• (Du Cange,
Gloss. lat. uhi supra.) Il seroit à désirer pour les
mœurs qu'il suffit d'être vertueux pour être noble
avec décence. Mais telle est la force des préjugés
vulgaires, qu'on sent encore aujourd'hui que dans
le xn' siècle on pouvoit avoir raison de dire qu'un
médiocre patrimoine messied à la Noblesse. La
crainte que cette médiocrité n'exposât la noblesse
d'une Maison illustre à l'obscurité et à l'avilisse-
ment, parut un motif raisonnable d'exclure les
enfans puînés de la succession pnternelle. On les
força de se contenter d'un appanage (I), au moyen
duquel ils pouvoient subsister décemment, et se
venger, en acquérant l'honneur et la richesse dans
la carrière ecclésiastique et militaire, de l'espèce
d'injustice qu'on leur faisoit éprouver.
Ces appanages durent sans doute paroitre encore
plus contraires à la Nature que les partages dont le
droit d'aînesse autorisoit l'inégalité. « Aussi nos
>< premiers ancestres ne se pèurent aisément in-
« duire à introduire en leur monarchie des droits si
« contraires à l'égalité qui semble naturelle entre
" les enfans d'un même père. Et de fait ne furent,
« ny les droits d'ainesse, ny les apanages, conneus
« sous la première, ny mesme sous la seconde lignée
« de nos Roys. » (Pasquier, Rech. liv. ii, p. 128.)
Mais la Nature qui dicte la loi de l'égalité, excuse
elle-même l'amour propre d'un père de famille qui
s'occupe des moyens de perpétuer l'illustration de
sa noblesse. C'est ce même amour-propre devenu
dominant qui proscrivit enfin l'égalité du partage
entre frères. « On reconnut, sous la troisième Race,
« le droict d'aisnesse si essentiel à l'entretenement
« des familles, et que la Nation Françoise a eu en
« grande recommendation, voire sur toutes autres
« nations. » (Pasquier, ubi supra.) Vappanage anéan-
tissoit quelquefois toute espèce de droit de partage,
même inégal, lorsque les fils et les frères puînés
des Seigneurs particuliers étoient appanages comme
l'ont été et le sont encore les fils et les frères puinés
des Rois de France.
On sait que sous les deux premières Races de
nos Rois, le Royaume qui est terre Salique par
essence, se partageoit, suivant les mêmes Lois
qu'une hérédité particulière ; que le partage étoit
égal entre les fils, à l'exclusion des filles ; que pour
obvier aux inconvéniens de cette égalité de partage,
on établit, sous la troisième Race, la maxime de
l'indivisibilité de la Couronne : maxime qui devint
loi fondamentale de l'Etat, et dont les Seigneurs
particuliers ont profité eux-mêmes, en la faisant
valoir pour leurs fiefs nobles ou seigneuries.
(1) L'apanage était donc la pension annuelle, la rente assignée d'ordinaire sur certains fonds, que faisaient les seigneurs
à leurs frères puînés. Il nous en reste des exemples assez nombreux au xii' siècle. La tenure en pavage, la division des
flefs firent tomber en désuétude Vapanage seigneurial, (n. e.)
AP
— 38
AP
Le rtomniiiede ia Couronne étant ainsi devenu
indivisible, le .. ■ pour assurer i^i ses puinés un sort
cligne de leur naissance, leur donna la jouissance
de ïeii'os et de titres, aux charges de reversion à
l'extinction de leur postérité masculine ; et cette
jouissance ainsi donnée, fut par la suite nommée
appanage(\). « Au lieu où premièrement tous enfans
o du Roy estoyent recompensez en t^oyaumes, pour
« leurs partages, et (jue depuis on leur donuoit les
« grandes contrées par forme de Duchez , avec
« grandes prérogatives et soy l'essentans au plus
« près de la Royauté sous le titre de Ducs ; nos
« Roys par une innovation très-politiiiue et prolita-
« ble pour l'accroissement de ce royaume, commen-
« Gèrent à retrancher cette grandeur à leurs frères,
« leurs donnans Terres et Seigneuries en apanaçie.
« Quoy faisans ils n'entendoient leur avoir rien
« donné en partage, fors le domaine et le revenu
« annuel. » (Voy. Pasquier, Rech. liv. u, p. 129.)
En effet, l'idée d'une propriété indivisible ou impar-
table, exclut nécessairement l'idée d'un appnnage
qui diviseroit cette propriété, en la partageant. Il
est donc de la nature d'un appanage de n'être pas
un partage. On l'a déjà prouvé par quelques anciens
titres relatifs aux enfans puînés des Seigneurs par-
ticuliers. Mais il s'agit ici de Yappanage que Saint-
Julien, (Mesl. hist. p. G.) dit avoir en soy quelque
excellence réservée pour les fils de Roys. Cet appa-
nage, disoit l'Avocat général Talon, parlant dans
une cause d'appanage en 16'd, n'étoit point un par-
tage; ce n'étoit point une légitime, mais un droit
spécial, une concession particulière, par grâce, par
bonté, par bienfait. (Voy. Journ. desAud. T. 1. p.
347.) Le P. Hesnault dit que sous le règne de
Philippe-le-Bel, « Yappanage étoitune sorte de con-
« cession, qui sans morceler le domaine de la
« Couronne, en suspendoit seulement la jouissance
« pour quelque temps et pour quelque portion ,
" mais sans toucher à la propriété. » (Abr. chron.
de l'Hist. de Fr. T. I, p. 2G0 ; édit. de 1768.)
Il paroit aujourd'hui tellement constaté que
l'essence de Yappanage est de rester domaine de la
Couronne, qu'il seroit inulile d'insister long-temps
sur la preuve d'une vérité établie par la' Loi et
attestée par les Jurisconsultes. « Terrœ appanagii
« sunt pars domanii Régis, concessa? per modum
« provisionis, filiis masculinis Regum. .. (Du Mou-
lin, sur la Coût, de Paris, titr. i", § 4.3, n" 185.)
L'Avocat général Talon, dans son plaidoyer que j'ai
cité plus haut, prouvoit que le Domaine donnij à
titre d'appanage, conservoit la nature de Douuiine
de la Couronne, en alléguant les articles xv et xvi
de l'Ordonnance de 15GG, sur le Domaine.
Ces ailicles portentque dans les terres domaniales
cédées par engagement, (Rec. des Ordonnances,
édit. de 1720, T. 1, p. IIOG.) la réception de l'hom-
mage demeurera au Roi , mais que lorsqu'elles
seront cédées en appanage, l'hommage sera reçu
par le Prince appanage, aux charges par lui d'eii-
voyer une copie de la réception "à la Chambre des
Comptes de Paris ; « ce qui justifie (ajoutoit-il) que
" les terres de Yappanage demeurent domaine de
« la Couronne. » (Voy. Journ. des Audiences, ubi
supra.) « L'appanage, dit du Tillet, n'est point un
« partage qui importe Seigneurie.... Les droicls
« royaux qui sont adhérens à la Couronne, insépa-
« râbles d'icelle, sont réservez et ont toujours esté ;
« et souloit ou Duché ou Comté qui estoit baillé
« estre retenue par le Roy quelque ville où il éri-
« geoit un Bailliage royal pour la cognoissance
« desdits cas royaux... Depuis ont esté créez Juges
« des Exempts. » (Vov. Du Tillet, Rec. des Rois de
Fr. p. 208, 209 et 213. — Pasquier, Rec. liv. u,
p, 129.) Henri 111 ne fit aucune exception pour les
appanages, lorsque par l'article cccxxxi de son Edit
du mois de mai l,->79, « il ordonna qu'es aliénations
« et délaissemens des terres du Domaine de la
" Couronne, à quelque titre que ce fût, ne pourroit
« estre faite... aucune cession des droits de nomi-
« nation des offices extraordinaires des dites terres,
" ni semblablement des droits royaux dépendans
« de la Couronne, comme y étant inséparablement
« unis et annexés. >• (Ord. 1. 1, p. 645 ; édit. de 1720.)
VARIANTES !
APPANAGE. Laur. Gloss. du Dr. Fr.
Apannage. Pasquier, Rech. liv. vm, p. 690.
Appaxaige. S' Julien, Mesl. hist. p. 7, 12, etc.
Appannage. Monet, Dict.
Appenage. Hist. de la M. de Chastillon, pr. p. 100.
Appennage. Du Tillet, Rec. des Rois de Fr. p. 209.
Appennaige Crétin, p. 80.
Empanage. Laur. Gloss. du Dr. Fr. — Cotgrave, Dict.
Empannage. Monstrelet, Vol. III, fol. 121, R».
Appanager, verbe. Apanager ; Doter. Faire
pâturer. On a pu nommer appanage en général, ce
qu'on donnoit en deniers ou en terres aux enfans
exclus de toutes successions paternelles et mater-
nelles, pour leur nourriture et entretien, pour leur
subsistance. (Voy. Appanage.) Aussi trouve-t-on que
donner à une fille ou à une sœur, à un fils ou â un
frère, pour .son droit successif, une somme d'argent
ou une portion d'héritage en usufruit et même en
propriété, c'étoit les appanager ou appaner. (Laur.
Gloss. du Dr. Fr. p. 50. — Dict de Trévoux, T. I,
col. 461. — Voy. Appaner.) Il semble en effet que les
appanages en fonds de terre varioient relativement
à la nature des biens et à la disposition des Cou-
tumes, qu'ils ii'étoient pas toujours une cession de
simple usufruit, \)ms,q\i' appanager signifioit non-
seulement donner à quelque sien fils ou fille, frère
ou sœur, pour tout droit d'hoirie présente et future,
certaine portion â tenir par voie d'usufruit; mais
encore lui assigner portion de bien , moyennant
(1) Les règles de l'fl/ifDinf/e royal auraient alors pu ne pas différer essentielleme.it de l'apanage seigneurial: mais la
faiblesse des rois laissa introduire l'usage désastreux deriiérédité; c'était constituer des familles rivales de la maison
royale elle-même et plus puissantes qu'elle. La plus puissante fut celle des ducs de Bourorogne, fondée, pour la première
fois, par la donation de Robert en faveur de son fils, éteinte par la mort de Philippe de Ro'uvre, en 1362, et rétablie à cette
époque par Jean II, en faveur de Philippe le Hardi, sans exclusion de la tige féminine. (N. e.)
AP
— 39
AP
quoi il renonçoit à tout héritage présent et futur
(\oy. ilouet, Dict.) Cette seconde délinition ne seroit
qu une répétition inutile de la première, si la pro-
priété de la portion de bien donné en appunaqe n\
eloit tacitement réunie à l'usufruit. Une preuve
plus évidente que le don d'un appamtge étoit quel-
quelois une espèce de partage, une cession de pro-
priété, c est que le père, la mère ou autre cmpamqeoit
son fils. Il le ou parent, en lui délaissant quelques
terres ou héritages; en l'apporlionnant, comme dit
Ja Lqulume dAcs, quand fainé donne part à ses
pûmes en cas de succession. fLaur. Gloss du Dr
rr. iibi supra.)
Il est si naturel d'égaler, de proportionner la dot
Uippanarje d'un fils et d'une liUe à l'état qu'ils
doivent avoir dans la société, qnappmmner et
apparager ont pu réciproquement siamlier la même
chose. .Vinsi la raison de subslituer,\lans (jiielques
toutiimes, au verbe appanagerle verbe apnaraner
semble moins essentielle que ne l'ont cru Uaaueau
e les Auteurs du Dict. de Trévoux. (Voyez ApIruge
et APAR.iGER.)
La signification i'appamiger, faire pâturer, est
i eiative a celle de panage; mot formé de pain (1) et
qui par e.vtension aura désigné toute espèce de
nourriture propre aux bestiaux, aux cochons, etc
« Le suppliant, pour nourrir et appaiicu/er ses
" pourceaulx, a |irins du Seigneur de Courtenav les
« haj-es et bois d'icelle seigneurie. » (D. Carpentier
tiKe rS '^^ °" ^'"^'^' "" ™°' -^PPamghm]
De là, on aura dit en parlant de l)estiaux qu'on
n avoit pas le droit de faire pâturer dans une torêt
qu lis n eloient pas appanagés ou (ipparuaigés. « Hz
•■ ont droits de franchises et libériez, tels que nous
" avons en nostre dite forest de Charnie- et en-
« tr autres sont en possession de prendre.! toutes
« les bestes porchines, aumailles et autres nu'ilz
<• treuyent au dedans de leur dict parc, non her-
« i)iiigeeselapparn(iigées, comme à eux annartenans
« par confiscation » (Id. ibid. tit. de 1480.)
VARUXTES :
APPAN.\GER. S- Julien, Mesl. hist. p. 6
Appannager. Lett. de Pasquier, T. II, p. 578. - Monet D
Afpenxager. Cotgrave, Nicot et Monet, Dict.
Appaner, verbe. Apanager; Doter. La signi-
hcation propre d appaiicr, c'est trancher et donner
a chacun de pain ce qu'il lui en faut; par extension
" tranclier et diviser entre les séants à table autant
(vif ^?|ef. servis comme on juge estre nécessaire. »
l!f] •',"'"^,'î' *'^^'- ^"s'- P- ♦^•) H semble qu'on ait
as ez naturellement comparé à des convives ainsi
paitcigeb, les enfans qu on exclut des sucpessinn«
paternelles et matern'elles, en leur as"iSnan le
quoi vivre et s entretenir, lorsqu'on a dit figurément
qu'au moyen d'une dot en argent, ou d'un rCTenu
en fonds de terre, ds etoient appanés ou appanagés
l\oy. Appaxager.) « i-^iiie mariée et appanée ou doté^
'- par père et mère vivans... ne peut retourner à la
« succession des dits père et mère.... et ne neuf
<• impugner la dicte dotation et appamige. » (Coul
de Nivernois, au Coût. gén. T. I p 89-> )
On a veillé à la conservation du rovaume de
l-rance, « en voulant que tout le droict de la Cou-
« ronne fut attribué aux aisnéz, et que les frères
« cie nosF.oys fussent senlemenl appennez. » (Pas-
quier, liech. hv. n, p. m. - Voy. Appanage.) ^
APE.NNER.J le.Mairè,must des-GàuIes MV'rr'^OO
Appanner. Cotgrave et Monet, Dict ' ^'
Appe.xner Du Tillet, Rec. des Rois'de Fr p 4G5
Ejipaner. Laur. Gloss. du Dr. Fr. p 52. ^'
Appar, préposition. Par. On a indiqué ailleurs
quelle pourroit être la cause de la persuasion où
Ion est que dans ces expressions, à-par-moi à nar-
nous, etc. a-par-soi, à-par-lui, à-par-eux eV li
ïs:^s;!SLf ""'' «•^^''^"«" '^ ^^^^
L'a et par étant réunis, on écrivoit anpar ou
appar t; préposition composée qui ne signSt rieS
ce p us que la préposition simple pal lorsqi'oS
disoit appar ou appart-soi, dans le sens ôé S" Si
ou de par-soi tout seul, séparément, à-part F Mour-
" ront m.eulx ensemble qu'ilz ne eroiei t chacïn
« appar-soy, etc. » (Le Jouvencel, ms. p 431 v! /is
(ibid. p. 023. - \oy. A-PAR-soi et Par-soi.)
VARIANTES :
APPAR. Le Jouvencel. MS. p. 431
Appakt. Ibid. p. 023. '
Appai-able, adj. Qui se décide par Tévidence
du droit. Signification relative à celle du verbe
W/'d'/-, paroitre, être visible, évident. (Voyez
AiPARER.) pans la Coutume de Normandie, en vers
es querelles apparubles sont celles que la me^mè
Coutume nommoit querelles apparismntes parce
que la Loi qui les décidoit, faisoit paroitre le droU
des parties, et le mettoit en évidence
Or convient veoir des querelles
De possession, qui sont telles :
Une naouvable, autre imniouvable-
L une simple, autre apparable.
Coul. de Norm. en vers, MS. fol. 68, V col. 1 el 2.
Apparaument, adverbe. De façon à être vu II
semble que la formation de cet adverbe ait quekiue
analogie avec celle de l^ndjectif «j.p«,r^6/,/(vï.ez
Apparaple.) Peut-être a-t-on écrit apparableiuent et
apparaument m une espèce de contiadiui, •) don
h preuve n est pas rare dans notre ancienne la^i-ue-^
Quoi qu 11 en soit, radverbeû;^;;flr«M,«t'«/. pris dans
un sens relatif à celui du verbe apparei-, paroitre
se faire voir, signifioit de façon à é re vu « Où es
(2|lle;^'<^'^ls'ai^S«'^S;;;/c^?-^^c^C^ Signifie fabrication du pain. (.. e.) -
cheval est devenu c/ievau, etc. (n. e.; '-""S'Onne ( s est cbangee en la voyeUe tt; ainsi léalmeut est dev-enu leaumenl,
AP
40 —
AP
« Archiers fauklront, l'en doit asseoir les autres qui
« n'ont nulz arcs. . . . mais ilz doivent estre assis
« plus au descouvert et plus apparemment que les
« Archiers » (Modus et Racio, ms. 1" 78.) Ouelquefois
l'acception de cet adverbe étoit la même que celle
à' apparemment. (Voy. Apparemment.)
VARIANTES :
APPARAUMENT. Modus et Racio, MS. fol. 78, R".
Aparau.ment. Psautier, MS. du R. n° 7837, fol. (31.
Appare, siibst. fém. Paroi. Ce mot semble être
de uiêuie origine et de même signification qu'«/j-
paroi, paroi, muraille. « De si grant force getta
0 l'escuelle en quoy ilz buvoient, que elle lompy
<■ en pluseurs pièces encontre une fl;;;^?'^ oii elle
" fery. ■> (D. Carpentier, Suppl. Gloss. lai. de Du
Cangè, au mot Paries; lit. de 1409. — Voy. Aparoi.)
Apparement, suhst. masc. Action de paroitre.
L'action de se faire voir en public, de se faire
counoitre. (Voy. Apparer.) » Damoiselles, comment
Il nous maintiendrons-nous jusques au jour de
« nostre feste et de mon apparement? car je n'ai
« voulenté... de moy monstrer, ne faire cognoistrc
« en appert, fors que entre vous. » (Percef. Vol. II,
fol. 48, V" col. 2. — Voy. Apparition.)
Apparemment, adverbe. De façon apparente,
visiblement, évidemment, vraisemblablement. On
regarde l'ortbographe appareil lenienl comme une
preuve de l'affectation avec laquelle les Ecrivains
du -wi' siècle préféroient à l'orlliograpbe vulgaire,
une orthographe plus étymologique. 11 semble en
effet qu'en écrivant apparentement pour apparem-
ment, on ait voulu rendre l'orthographe plus con-
forme à l'étymologie (1), et désigner ainsi le rapport
de cet adverbe avec le participe apparent dont il est
formé par une espèce de contraction ordinaire dans
la formation des adverbes différemment, fi'équem-
mcnt, et autres de même terminaison. (V. Apparent.)
C'est dans un sens relatif à celui du verbe apparer,
paroitre, être visible, évident, vraisemblable, que
l'adverbe apparemment ou apparentement a signifié
visiblement, évidemment, vraisemblablement, en
apparence. On en a restreint l'usage à cette dernière
acception ; mais anciennement on disoit : « Se le
« dit bois n'estoit apparement marquié, etc. « (Ord.
T. VIll, page 100.) « Les Baillis. . . soupeçonnés de
« usures, ou menions, apparemment âGè\\oï\Qè\&\ie,
« ifs ne soulendront en leur erreur. » (Ibid. T. I,
p. 69. — Voy. Apparaument.)
VARIANTES :
APPAREMMENT. Orth. subsist. - Ord. T. I, p. 69.
Apparammant. Monet, Dict.
Apparéejient. II. Carpentier, S.Gl. 1. deD.C. a. Apparenter.
Apparement. Ord. T. VIII, p. 100.
Apparentement. Contreditz de Songecreux, fol. 90 et 95.
Apparence, ,s;(/^s/. féminin. Représentation,
prestance, extérieur. Etat visible d'une chose. Vérité
évidente, réalité. Le substantif apparence, dans un
sens analogue à celui du verbe apparer, pai'oitre,
a signifié représentation, prestance, extérieur par
lequel on se distingue en paroissant, en se pré-
sentant. >' L'homme est de sa nature de plus grande
" apparence et plus honorable que la femme. »
(Nicot, Dict.) « Les petites gens sont sujets... à estre
" choqués et coudoyez, à faute à'appareiiee. » (Essais
de Montaigne, T. 111, page 570.) De là, on a nommé
hommes (l'apparence ceux à qui la nature ou la for-
tune a donné les moyens de paroitre avec cet
extérieur qui les distingue. » Se celuy qui est trouvé
« de jour en l'héritage, en temps de fruicts, avec
» brisure de porte ou closture, est Jiome cogneu et
>' d'apparence, celuy qui l'a prins ne le peut' mener
« que jusques à quelque lieu ofi il puisse trouver
" tesmoings. » (Coût, de Bayonne, au Coût. gén.
T. II, p. 701. — Voy. Apparent et Apparoissance.)
L'apparence d'un lieu où s'est fait quelque dom-
mage, est sans doute l'étal dans lequel on voit ce
lieu, l'état dans lequel il paroit depuis qu'il a été
endommagé. « Bien se gart qui fet à autrui damage
« en blés semés, ou en mars, ou en bos, ou en prez,
« que chil qui est pris en damage fesant, est tenus
" à rendre tout le damage qui est trouvés ou prouvés
« par Yaparance du lieu. » (Beaumanoir, Coût, de
Beauvoisis, chap. xxx, p. 157.)
Ce même mot, qui relativement à la signification
A' apparer, être vraisemblable, désignoit et désigne
encore une apparence plus ou moins sensible de
réalité, a signifié la vérité évidente, la réalité même
des choses. « Tout ainsi que avez veu à l'heure du
« Sacrement, il se assiet... et tant attent... que le
« Prestreluy apporte son Saulveur.... Merveilleuse
« chose est; car autre substance n'a eu depuis...
« plus de deux mois. . . . Molt fut Arfaran esmer-
« veillé... et dist : Sire, merveilleuse chose m'avez
« icy déclairée et forte t'i croire, si n'en visse Vap-
« parenee. » (Percef. Vol. VI, fol. 128, R- col. 1 et 2.
— Voy. Apparent et Apparer.)
VARIANTES :
APPARENCE. Orth. subsist. - Percef. Vol. \'I, fol. 128.
Aparance. Beaumanoir, Coût, de Beauvoisis, p. 157.
App.\rance. Eust. Desch. Poës. MSS. p. 27, col. 1.
Apparent, participe. Paroissant, qui se fait
voir, qui se voit. On observe que ce participe du
verbe apparer a toujours eu les significations avec
lesquelles il subsiste. Dans un sens relatif îi celui
du substantif apparence, représentation extérieure,
il a signifié et signifie encore une personne qui re-
présente dans une ville, en y paroissant avec un
extérieur qui la dislingue. Mais quelle que soit
aujourd'hui la représentation d'un Ambassadeur
extraordinaire, on ne le qualifie plus de « très-
" haut et Ivès-apparent extraordinaire Ambassa-
« deur. » (Mém. de Bassomp. T. II, p. 208.)
L'acception d'apparent étoit la même que celle
(I) L'étymologie condamne la forme inventée an K\v siècle; en effet, les adjectifs en eus, aus, n'avaient qu'une forme
au singulierpour le masculin et le féminin ; de là vient qu'aux xif et xiir' siècles on disait formait, léahnoit; au xiv» siècle,
on dit par analogie rjrandewcnt, comme bonnement, mais prudemment, apparemment et quelques autres, restèrent luiéles
à l'étymologie. (n. e.)
AP
— 41 —
AP
û'apparer, paroitre, lorsqu'on disoit, l'« l'apparent
de quelqu'un, pour signifier dès qu'il parut :
Pas ne me vit si tost que je le vi ;
Bien l'aperçus à l'apparant de li.
Froissart, Poès. MSS. p. 74, col. 1.
2" A Vapparent de tous, pour signifier en se
faisant voir, en se faisant connoitre à tous : « La
« condicion de la maulvaistié est telle que d'elle-
« niesme, où elle n'a nuls conlredisans, sideschiet-
« elle et se publie à /'fly;a?'rt«/ de tous. ■> (Sainlré,
page 91.)
3° A l'apparent du monde, pour signifier au vu et
au sç.u de tout le monde. « Le Comte de Nevers...
« venoit d'un loingtain voyage... Si fut voulontiers
« veu.... en toutes les seigneuries et terres de son
« père; desquelles il estoit à l'apparent du monde,
« héritier et successeur. » (Froissart , Vol. IV ,
p. 288 et 289.)
La préposition à étant supprimée, on disoit en
parlant d'une personne triste et qui paroissoit l'être,
qu'elle étoit triste l'aparent ; façon de parler ellipti-
que qui semble particulière à Ph. Mouskes :
Et sa maisnie et si parent
Furent moult triste l'aparent.
Ph. Mouskes, MS. p. 6-18, etc.
Dans le même auteur, être joiant et par deçà et
l'aparent signifie probablement être plus joyeux
qu'on ne le paroit.
Joiant en furent leur parent
Et par deçà et l'aparent.
Idem, p. 623.
Enfin le participe apparent précédé de l'article
le, étoit de même signification que le substantif
apparence, existence visible ou intelligible, exis-
tence réelle ou idéale. (Voy. Apparence et Appareh.)
n'entendoit
Fors au chanter, ainsi qu'il le monstroit.
Par l'apparent.
Froissart, PoSs. MSS. p. 74, col. 1 et 2.
Les Lettres patentes sont des Lettres dont on voit
le contenu, parce qu'on les délivre tout ouvertes ;
de là, elles auront été nommées Lettres apparans.
(Voy. Chron. Fr. de G. de Nangis, .ms. an. 1291.)
On distingue dans l'ancienne Coutume de Nor-
mandie, deux espèces àeLoix apparentes, que plus
communément on appeloil Loix apparissantes.
(Voy. Apparoissant.)
VARIANTES :
APPARENT. Orth. suhsist. - Froissart, Vol. IV, p. 289.
Af.^rant. Saintré, page 91.
Aparent. Ph. Mouskes, MS. p. 623, 648, etc.
APPARANT. Percef. Vol. IV, fol. 115, R» col. 1.
Apparer, verbe. Faire apparoitre. Apparoître,
s'apparoitre. Comparoître. Paroitre, se présenter,
se faire voir. Paroitre, être visible, évident, vrai-
semblable, intelligible. Faire paroitre, rendre évi-
dent, prouver.
On ne croiroit pas que la signification d'un verbe
essentiellrment neutre ait quelquefois été active, si
on n'en donnoit la preuve.
Or dist li uns des mors as vis (li :
Seignor, regardez-nous as vis (2)...
Diex nous a à vous aparits,
Pour ce que vous melons à voie
De bien ; et Diex vous i avoie.
Dits de Baudoin de Condé, MS. de Gaignat, fol. 311, V col. 3.
Dans le sens d'apparoître, s'apparoitre, verbe qui
signifie particulièrement l'apparition d'une subs-
tance spirituelle et invisible, ([ui se fait voir sous
une forme matérielle, on a dit en parlant de l'at-
tente et de la venue du Messie : « Près est nostre
" Sires... et tost apparrit; ne défaillis mie, etc. »
(S'Bern. Serm. fr. mss. p. 96.) « Quant nos eswar-
" dames oîi il venoit, si nos apparaît une mervil-
« louse humiliteiz. (Id. ibid. p. 9.) Les apparitions
de la Divinité sont attestées par l'Ecriture sainte.
H Derechief s'a/j;jrtr(/< Deus en Sylo; kar révélé se
« fud à Samuel en Sylo, selunc sa parole. » (Livres
des Rois, MS. des Cord. fol. 5, V° col. 1.)
On désignoit le Juge à qui l'on se présente, et
non la partie adverse avec laquelle on paroit devant
lui, lorsque dans le sens de comparoître, on disoit
apparer ou apperer. « Nul ne doit départir, depuis
■< que renablement avéra esté somouns, ne dédei-
« gner de apper (3) en Court, sinon par renables
« excusacions. » (Britton, des Loix d'Angl. fol. 281.)
Cette abréviation apper qu'on retrouve (id. ibid.
fol. 280,, prouveroit seule la réalité de l'infinitif
apparer ou apperer, quand d'ailleurs elle ne seroit
pas démontrée par la conjugaison oîi l'on voit à
l'indicatif présent, 1" pers. 'du plur. apparons ou
apperons, etc. à l'indicatif imparfait, 3= pers. du
sing. apparoit ou appéroit, etc.
La signification de cet ancien verbe apparer ou
s apparer, n'étoit pas moins générale que celle de
notre verbe paroitre, se présenter, se faire voir.
« Ensi ke nos, à moens appariens vestit de confes-
" sion, ki ne poons mie aparoir en vesture d'inno-
« cence et de justice. « (S* Bcni. Serm. fr. mss.
page 63.)
Se tan tost armez n'apparons
Pour secourir ce fin amant.
Perdu est : à Dieu le commant.
Rorn. de la Rose, vers 15887-15889.
Mon père voi dedens seoir :
Mais ge ne l'oserai veoir...
Trop sui mesfez : mais tote voie
M'estuet que devant li m'apere
Ge sui ses filz, il est mon père.
Corlois d'Artois, MS. de S' Gerni. fol. 85, R» col 2.
Ce verbe qui désignoit la présence, l'existence
visible des personnes, désignoit aussi celle des
choses physiques et morales ; les signes plus ou
moins vrais de cette existence; une existence plus
ou moins sensible de choses visibles ou seulement
intelligibles. « xipeiret donkes li jors, etc. »
(S- Bern. Serm. fr. mss. p. 187.)
La nuiz s'en vet, li jors aperl.
Fabl. MS. du R. n' 7615, T. H, fol. 176, V- col. I.
On a dit en parlant de Dieu : « Sa poxance appa-
« rut d'avant en la création des choses, et sa
« sapience apparoit el governement des choses ke
(1) Vivans.
a.
(2) Visages. - (3) Ne serait-ce pas un simple oubli de l'abréviation per'i (n. e.)
AP
- 42
AP
« créeies estoicnl : mais li benigiiiteiz de sa mis(5ri-
« corde est or maisineuienl apparue en son liuma-
" nileil. » (S' Bern. Serm. fr. m^s. p. 124.)
Dame, la foiz apparra jà
Que vous menez à vos Seigneurs ;
lit la loiauté des amours
Que les Uaraoiselles demainent,
Pour qui les Chevaliers se painent.
Fabl. MS. du R. n" •!C15. T. I, fol. 113. V- col. 2.
En parlant des traces du sanglier, on a dit : « Les
« os du pie apparent partout où il marche. »
iModus et lUicio, ms. fol. 44, R°.)
C"esl par une comparaison très naturelle de ce
qui est intelligible avec ce qui est visible, ([u'appa-
rer ou apperer signifioit élre intelligible.
Il barbelole
Ses mots, tant qu'on n'y entend rien.
Il ne parle pas Chrestien,
Ne nul langage qui apure.
Farce de Palhelin, p. 63 et 64.
L'acception d'apparer ou apperer, être intelligi-
ble, est une extension de Tacception propre et figu-
rée paroîti'e, être visible, évident, ou seulement
vraisemblable.
Dans le sens de paroilre, être visible, être évident,
on dit encore au Palais, « il appert \^Av tel acte, s'il
" vous appert que cela soit : » expressions dans
les(iuelles appert conserve une signiOcalion qui a
été très-générale , et dont on trouve partout la
preuve. Qu'il suffise donc ici de remarquer que cette
signification neutre A' appert étoit active, lorsqu'on
disoit : » Nul ne sera receu ii dire que Advocat luy
« ait esté baillé par distribucion, se partie adverse
« le débat; se celuy qui l'alègue, ne \' appert par
« procès et acte présentement. » (Ord. des D. de
Bretagne, fol. -li»0, 11".)
Peut-être qu'en parcourant les passages dans
lesquels nous avons cherché la preuve des significa-
tions du verbe apjparer, on s'étonnera d'y lencon-
Irer ajiperl, apparut, appuritst, etc. Quoique la
formation de ces modes et temps n'ait aucune ana-
logie avec linlinitif des verbes apparoir et appa-
raître, il suffit qu'ils aient suppléé et qu'ils sup-
pléent encore quelques-uns de ceux qui manquent
à ces mêmes verbes, pour faire croire qu'ils appar-
tiennent à la conjugaison de l'un ou de l'autre. Il
est vrai qu'on n'aperçoit pas plus le principe de la
formation de ces modes dans l'infinitif françois du
verbe apparer, que dans celui des verbes apparoir
et apparaître. Aussi croit-on qu'ils sont étrangers
à la cuiijiigaison françoise de chacun de ces trois
verbes ; qu'ils n'appartiennent pas plus à celled'a/j-
paroitre qu'à celle A' apparoir ou à' apparer ; qu'ils
sont un supplément de modes, commun à la conju-
gaison de chacun de ces trois verbes défectifs. (Voy.
Ai'rAnoiu et Ari'ARoisTiu:.) On préfère cependant pour
la réunion des modes dont il s'agil, sous une même
conjugaison, linlinitif apparer, parce que dans
l'origine de notre langue, les verbes françois se
modifioienl à l'imitation des verbes latins, souvent
même avec une lelle exactitude que l'infinitif amer,
en latin amare, faisoit à la 3' pers. du sing. de l'in-
dicatif présent amet , en latin amat, ù'ia même
personne de l'indicatif imparfait amevet, en latin
amabal, etc. 11 est donc assez probable que suivant
la règle de cette modification imitative, les modes
appert, apparut, appurrit et au très n'appartiennent
pas moins à la conjugaison du verbe apparer, en
latin apparere, que ceux dont la formation et la
terminaison semblent plus propres au génie de
notre langue. On ajoute que ces modes françois ne
sont eux-mêmes que les coniraclions et altérations
des modes latins. En comparant la conjugaison du
verbe latin apparere a.\eG celle du françois fl/;;;a;'er,
on acciuiert la preuve d'une vérité particulière qui
peut être généralisée.
CûNJCG.
Apurai, ind. fut. J'apparoitrai. (Psautier, ms. du R.)
Aparege, subj. pr. Apparoisse. (Ane. Cout.deBret.)
Aparruiii, ind. fut. Apparoitrons. (Liv. des Rois.)
Aparuit, ind. prêt. Parut. (S" Bern. Serm. fr.^
Aparust, subj. impaif. Parût. (Id. ibid. p. 2.3.)
Apeirt, ind. pr. Paroit. (Chans. fr. .ms. de Berne.)
Aperche, subj. prés. Paroisse. (Règle de S' Benoit.)
Apierge, subj. pr. Comparoisse. (Britton, des
Loix d'Angleterre, fol. 172, V°.)
Appaira, ind. fut. Apparoilra. (Ord. T. 111, p. 1G9.)
Appaire, subj. prés. Paroisse. (Crétin, p. 213.)
Appara, ind. fut.Comparoitra. (Brit. Loixd'Angl.)
Apparent, apperent et aperent, ind. prés. Appa-
roissent, paroissent. (Le Jouvencel, .mss. p. 301.)
Appariensai apuriens, subj. prés. Paroissions;
en latin appareaiitus. ;S' Bern. Serm. fr. mss. p. G3.)
Apparuient et apperoient, ind. imp. Paroissoient ;
en latin apparebant. (S' Bern. Serm. fr. mss. p. 11.)
Apparoit et apperoit, ind. imp. Paroissoit; en
latin apparebat. iS' Bern. Serm. fr. mss. p. 124.)
Apparons et appcrons , ind. prés. Paroissons.
'Rom. de la Rose, vers 15887.)
Apparra et apperra, ind. fut. Paroitra. (Rom. de
la Rose, vers 2007.)
Apparrat, ind. fut. Apparoîtra, paroitra ; en latin
apparebit. (S' Bern. Serm. fr. mss. p. 101 et 154.)
Apparrit, ind. fut. Paroitra. (Id. ibid. p. 96.)
Apparrunt et apperront, ind. fut. Apparoitront,
paroîtront; en latin apparebnnt. (Id. ibid. p. 34.)
Apparut, ind. prêt. Parut. (S' Bern. Serm. fr.)
Appeiret e[ a pe ire t, suh'}. prés. Apparoisse, pa-
roisse; en latin appareat. [là. ibid. p. 118 et 119.)
Apper, impér. Parois ; en latin appare. (Id. ibid.)
Apper (J'). Je parois. (Rob. Estienne, Gram. fr.)
Appere et apere, sub]. prés. Paroisse. (Rom. de
la Rose, vers G944.)
Apperez, ind. prés. Vousparoissez. (R. Estienne.)
Appérois, ind. imp. ïu paroissois. (Id. ibid )
Appcroije [y], ind. imp. Je paroissois. (Id. ibid.)
Appers, ind. prés. Tu parois. (Id. ibid.)
Appert et apert, ind. prés. Paroit; en latin appa-
ret. (S' Bern. Serm. fr. ms. p. 92 et 217.)
Apperte, subj. prés. Paroisse. (G. Macliaut, .ms.i
VARIANTES :
APPARER. S' Bern. Serm. Ir. MSS. page 124.
Aparer. S' Bern. Serm. Ir. MSS. page 101, etc.
-Aperer. Id. ibid. p. 350.
Apperer. Percef. Vol. lY, fol. 122, R» col. 1, etc.
AP
- 43
AP
Apparesser, verbe. Rendre paresseux et lâche,
affoiblir. Devenir paresseux et làctie , s'affoiblir. Il
semble que ce soit dans un sens analogue à celui du
mot g:rec7ràe£<r(f(l), en latin remisf<io, debilitatio,
qu'on a dit au propre et au figuré : « Le feu apparesse
« le cors et débilite l'entendement et le cerveau. "
(Triomph. de la noble Dame, fol. 110, V°.) « Nous
« apparesserons nos cueurs qui maintenant pensent
« petit une grant chose. » (Le Jouvencel, ms. p. 138.)
.... Oidive (2> atrait mauveistié,
Et maint homme a aparaicié.
Rom. de Brut, MS. fol. 81, V" col. 2.
La signification de ce verbe étoit neutre , lors-
qu'en parlant d'un Yavasseur parvenu à certain
degré d'élévation, on disoit :
Est si haut mis que nul lionte
Ne puet à son cors aprocliier,
S'il n'en chiet par aperecier :
Or se gart qu'il ne s'apérèce,
Si ert toz jors en grant haulèce.
Fabl. MS du K. n" 7218, fol. 255, V' col. 2.
On voit qu'il s'employoit aussi d'une manière réci-
proque. « Pour garder que les forces de nostre
« estomach ne saparoissent, il est bon une fois le
<> mois les éveiller en s'enivranl. » (Essais de Mon-
taigne, T. II, p. 18. — Voy. Ai'PARESsiR.)
V.\RIANTES :
APPARESSER. Le Jouvencel, MS. p. 138.
Aparaicier. Rom. de Brut, MS. fol. 81, V» col. 2.
Aparasser, Aparecer. Celthell. de L. Trippault.
Ap.\roisser. Essais de Montaigne, T. II, p. 18.
Aperecer. Fal)l. MS. du R. n» 7218, fol. 118, V» col. I.
Aperecier. Ibid. fol. 255, V» col. 2.
Apparessir (s'), verbe. Devenir paresseux, s'af-
foiblir par l'inaction. (Yoy. Nicot , Dict.) « Quelle
•• raison y avoit-il qu'ayans les grandes forces que
V le Roy avoit assemblées si chèrement, ils s'arres-
« lassent et apparessissent au même camp où ils
« s'étoienl fortifiés. •> (Du Bellay, Mém. liv. vu, fol.
234, Ro. — Voy. Apparesser et Paresse.)
Apparfondir, verbe. Faire plus profond. Faire
profond.
On ne voit dans l'orihographc apparfondir qu'un
etïet de la prononciation foible et adoucie de pro (3)
dans approfondir. (Voy. P.\nFo.ND ci-après.)
Il semble que ce soit en vertu de la préposition
à, i\\i apparfondir, le même qu'approfondir, signi-
floit rendre plus profond, faire plus profond. (Cot-
grave et Nicot, Dict.) « Fist très-bien garnir la ville
« et derrière et devant, haucier les murs, et les
>' fossez d'environ aparfondir. » (Hist. de B. du
Guesclin, par Ménard, p. 183.)
L'énergie de la préposition n'étant pas sentie, ce
verbe n'aura signifié rien de plus que pnrfondre,
rendre profond , faire profond. (Cotgrave , Dict.)
« On doit aparfondir les fossez tellement que nulle
« mine ne puisse passer. « (Le Jouvencel , fol. 87.
— Voy. Parfondre ci-après.)
variantes :
APP.\RFONDIR. Cotgrave, Oudin et Nicot, Dict.
Aparfondir. Hist. de B. du Guesclin, par Ménard, p. 183.
Appariation, snhst. fém. Appariement, accou-
plement. Espèce d'association.
Le verbe aparier signifloit joindre le pair au
pair, accoupler. De là, la première acception du
?,ubsti\\\\.ii appariation. (Cotgrave et Oudin, Dict. —
Voy. AiTARiE.MENT ci-dcssous.)
Anciennement, lorsqu'un Seigneur ecclésiastique,
un Evêque, un Abbé, craignoit qu'on n'attaquât les
droits de sa seigneurie et de sa justice, il s'associoil
un Seigneur laïque, un Duc, un Comte assez puis-
sant pour faire respecler ces mêmes droits ; et
l'association au moven de laquelle le Seigneur laï-
que devenoit pair, égal au Seigneur ecclésiastique
dans l'administration de la justice seigneuriale,
étoit une appariation plus connue sous le nom de
pariage. {\oy. Cotgrave, Dict. — Laurière, Gloss.
du Dr. fr.) Il étoit de la politique des Rois de la
troisième Race, de multiplier ces associations entre
eux et les Seigneurs justiciers, ecck'siastiques ou
laïi|ues, parce qu'en s'associant à leur pouvoir, ils
étendoient les bornes de l'autorité royale (4). (Voyez
Pariage ci-après.)
Appariement, subst. masc. Accouplement.
Comparaison. Significations analogues à celles du
verbe aparier, accoupler, comparer. (Voy. Aparier.)
variantes :
APPARIEMENT. Orlh. subsist. - Dict. de Trévoux.
Appariem.\nt. Monet, Dict.
Apparisiaire, subst. masc. Nonce, Légat. C'est
le mot .ipocrisiaire défiguré par une faute d'im-
pression. Lorsqu'on lit (Traité de l'Orig. des Cardi-
naux, p. 19 et "20, que « les Àpparisiaires envoyez
« anciennement par les Papes en la Cour de Cons-
« tantinoples auprès des Empereurs, estoient vray-
« semblablement .... des Diacres Cardinaux . . .
« qui depuis à la différence de simples Diacres
« furent appeliez Archidiacres », il est visible que
ces .ipparisiaires ne sont autres que les Apocri-
siairc's qui résidoient à Consfantinople en qualité
de Légats ou Nonces du Pape. Ces Nonces ou Légats,
qui éloient ordinairement Diacres, recevoient les
réponses de l'Empereur aux demandes du Pape et
l'en informoient. De là, on les nommoil .ipocrisiai-
res, mot formé du grec dnixonnç, en \alin responsio.
(Voy. Du Cange, Glôss. lat. T. I, col. 55G. — Dict. de
Trévoux, au mot Apocrisiairc )
Appariteur, s/(^s^ masc. Domestique ; Sergent;
Huissier ; Bedeau ; Bourreau. On a regardé les
Domestiques, les Sergens , les Huissiers , les Be-
(1) Paresse vient de pigritia, par la forme intermédiaire perece, en provençal pereia. (n. e.) — (2) Oisiveté. — (3) Nous ne
voyons pas que par ait un son plus faible que pro : on a formé le composé parfoml, comme parmi, parjure. (N. E.) —
(4) Ainsi les évêques de Mende, de Viviers et du Puy, seigneurs de leurs diocèses, furent tellement inquiétés par les baillis,
qu'ils donnèrent au roi la moitié de leurs domaines en pariage. L'administration restait indivise, mais était exercée une
année par les agents du roi, une autre par ceux de l'évêque. Parfois encore, le prélat, comme l'archevêque de Lyon en
1312, était dédommagé par le don de belles terres éloignées de son diocèse. (N. e.)
AP
AP
deaux, les Bourreaux, comme asservis à paroitre,
à être lonjours présens devant ceux ;\ qui ils doi-
vent obéir, en hdin parère, lorsqu'on les a désignés
par le mol Appariteur, en latin Apparitor. <• Quand
« jadis en Caulc, par l'insUlulion des Druides, les
« serfs, varlets et appariteurs estoieut touts vifs
« bruslez aux l'unerailles ('l exèques de leurs Mais-
« 1res et Seigneurs , n'avoienl-ils belle paour que
« leurs Maislres et Seigneurs mourussent ;■ » (Rabe-
lais, T. III, p. 17.)
Les Apparileiirs étoleut à Rome, ce que sont en
France les Sergens et les Huissiers qu'on a aussi
nommés Apjiariteurs. (Voy. Mém. de Dassomp. T. I,
p. 314. — Cotgrave, Oudin et Nicot, Dict.) ■< Chic-
« quanous ... le pria ne prendre en mal, si de la
« part du gras Prieur il le citoit ; remontra par
« harangue diserte comment il estoit personne pu-
'< blic(iue, Serviteur de moynerie. Appariteur de la
« mitre abbatiale. » (Rabelais, T. IV, p. G2.) Les
Sergens de la Justice ecclésiastique, les Bedeaux
qui portent des masses devant le Recteur de l'Uni-
versité et les quatre Facultés, sont connus encore
sous le nom d'Appariteurs : nom qui dans la signi-
fication de Bourreau, étoit sans doute aussi odieux
en France qu'il le fut jamais ;i Rome, où la condi-
tion des Appiirileurs étoit si méprisée que pour
marque d'ignominie, le Sénat ordonna qu'une cer-
taine ville dontles habitanss'étoient révoltés, seroit
obligée de fournir des Appariteurs aux Magistrats.
« L'Appariteur estoit venu pour les occire. » (Triom-
phe des neuf Preux, p. 130, col. 2. —Voy. Cotgrave
et Nicot, Dict. — Dict. de Trévoux.)
VARI.\NTES :
APPARITEUR. Cotgrave, Oudin et Nicot, Dict.
Apariteur. Percef. Vol. II, fol. 39, V» col. 2.
Apparition, subst. féin. Epiphanie. Action de
paroitre, de se faire voir. Espèce de trappe.
Dans l'origine du Christianisme, la naissance de
Jésus-Christ , sa première apparition , comme
homme, étoit propiement l'Epiphanie; mot dont la
signification est la même que celle d'apparition.
Mais lorsque le Pape Jules eut appris aux Chrétiens
du IV' siècle, à distinguer la Nativité de l'Epiphanie,
le mot Epiphanie signifia Vapparition de Jésus-
Christ, moins comme homme que comme Dieu ;
Vapparition, la manifestation de sa Divinité. Quoi-
qu'il parût homme, il fut reconnu pour Dieu, par
les trois Rois qui lui offrirent de l'encens et l'ado-
rèrent; par le peuple attentif à la voix céleste qui
se fit entendre le jour de son baptême dansleseaux
du Jourdain ; par les témoins de son premier mira-
cle, lorsqu'en Souverain de la nature , il changea
l'eau en vin aux noces de Cana. Telles sont les trois
apparitions ou manifestations de la Divinité de
Jésus-Christ, célébrées peu de temps après sa Nati-
vité, sous le nom d'Epiphanie ou de fête de VAppa-
rition; « car épifaine valt altretant cum appari-
« dons. » (Voy. S' Bern. Serm. fr. mss. page 211.)
Non-seulement il a voulu naître, mais il a voulu
être connu; «et por cette conissance faisons nos
« ceste feste de VAparicion Li troi Roi ... .
« ensevirent lo conduit de la novele estoile et si
« aorerent le novel enfant de la Virgine si
« cum Deu De cesle sole aparition ne fait-
« om mies selement la feste, mais aussi d'une
•< altre, etc. » (Id. ibid. p. 198 et 200.) « Quoiqn'en
« la primiere il apparut vraiz hom, l'adoration des
" trois Rois, et l'otîraude de l'encens mostret bien
" qu'il conurent k'il Deus estoit. » (Id. ibid. p. 204
et 20.").) « En la seconde aparicion mostrat awerte-
'< ment li tesmoignages del peire k'il estoit vraye-
« ment li filz de Deu ; et en la tierce apparut bien
" k'il estoit vrais Deus , lai où par son comande-
■1 meut fut mueye li nature mervillous fut
« li muemenz de l'awe ; mervillous fust li tesmoi-
■< gnaiges Saint Johans et del Colon, et de la voix del
" Peire ; mais ceu fut ancor plus mervillouse chose
« ke li troi Roi lo porent conoslre. » (Id. ibid.)
C'est donc à cause de la manifestation de la
Divinité de Jésus-Christ, et non à cause de l'appa-
rition de l'étoile qui annonça sa naissance, qu'on
a nommé fête de l'apparition, la fête de l'Epiphanie,
de la manifestation de la Divinité de Jésus-Christ
aux Gentils, et particulièrement aux trois Rois qui
l'adorèrent. Il semble néanmoins qu'en appelant le
jour de cette fête, le jour de l'apparition aux Rois,
on ail eu en vue l'étoile qui leur apparut. En disant
que « le dimenche xir jour de janvier étoit le jour
" de Vapparicion au Rois ou environ, » l'on a sans
doute voulu désigner un des derniers jours de l'Oc-
tave de cette fête que l'Eglise célèbre le G janvier.
Il est visible qu'il faut lire apparicion aux Rois,
dans les Lettres de Charles VI, en date du mois de
février i41.j. « Comme le Dimenche xir jour de
« janvier dernier passé qui fu le jour de l'rtyjyjrtrt-
« cion au Rois ou environ, Girart le Bicorgne.... et
« autres feussent allez boire, etc. » (Reg. du Très,
des Chartes.)
On soupçonne avec assez de vraisemblance, que
ce fut relativement à l'idée de l'apparilian de cette
même étoile, que le Roi Jean ayant rétalili l'Ordre,
la Compagnie des Chevaliers de l'Etoile, par ses
Lettres du'6 novembre 1351, « voulut faire la pre-
« mière feste et entrée de la dite Compaignie à
« Saint-Oùin, la veille et le jour de V Apparition
« prouchene. » (Voy. Ord. T. II, p. 466.)
La signification de ce mot spécialement consacré
à désigner la divinité de Jésus-Christ manifestée aux
Gentils, étoit quelquefois la même que celle d'rt/j;m-
rement, action de paroitre, de se faire voir en pu-
blic. « Le Roy Perceforest est gary de sa maladie....
« si faict assavoir... h tous Gentilz-hommes.... et à
•' toutes Dames et Damoyselles qu'ils soient à sa
« venue et ù son apparition devant le neuf chastel,
« au dernier jour de may. ■• (Percef. Vol. II, fol. 55,
R° col. 2. — Voy. API'AREMENT.)
On sait qu'aujourd'hui le mot apparition ne se
dit plus que des phénomènes qui apparoissent, et
des objets qui d'invisibles se rendent visibles. C'est
relativement à cette dernière signification, que par
une espèce de métonymie assez ordinaire, on nom-
mo'\l, apparitions les trappes par où les diables, les
AP
— 45 —
AP
fantômes, les ombres apparoissoient sur le Théâtre
dans les anciennes représentations des mystères'
On voyoït dans celle du mystère de S' Denvs "Lucifer
évoquant tous les démons qui sortoient chacun par
une trappe ou apparition. (Voy. Ilist. du Th fr
T. II, p. 542. — Ibid. p. 331.)
VARIANTUS :
APPARITION. Orth. subsist. - Ord. T II n 460
Aparicion. S> Bern. Serm. fr. MSS n 217
Aparition. Id. ibid. p. 102
Apparicion. Id. ibid. p. 205.
Apparoir, verbe. Paroître, se faire voir. L'inli-
nitifdece verbert;;/wroh-, encore usité en termes
de Palais, ne diffère de rinlinitifrt/j/wm- que par
le changement assez ordinaire de la voyelle é- en la
diphthongue oi (1). 11 semble même prouvéquVw;«-
roir. plus ancien dans notre lan-ue que l'infinitif
opparer eloil aussi d'un usage plus général On a
dit que Dieu voulant se faire voir au.x hommes et en
être reconnu, .< si non-digne chose ne fu mie h lui
•' apparoir en son ymagine à ceos qui en sa subs-
« lance n el poient mies conoistre ; ensi ke cil mis-
" mes aparust hom as homes, ki avoit fait l'orne à
« son ymagine et à sa semblance. » (S- Bern Serm
vvn Kf-^ " ^^ ^-'^^ ''" l"*^ 'e mesaise que le
« \adlant homme a en son cueur ne lui doit avna-
« voir au visage. » (.loinville, p. UO )
Plus les objets sont saillans, plus'ils paroissent
et mieux ,1s se font voir. De Ih, l'expression appa-
ro?/; /(ors,cest-à-dire saillir, être saillant, en latin
nmnere. (Monet, Dict. - Voy. Api-aroissa^ce )
Les modes dont la conjugaison d'apparer est
lormee, étant communs à apparoir, on auroit rénn
çcb deux verbes de même origine et demêmesi-ni-
ication, SI la terminaison en or,- ne sembloit être
le principe de plusieurs modes et temps particuliers
au xerhe apjmron-; tels que r.ndicatif présent !w
paro/s, etc. 1 indicatif imparfait fannaroissois eu-
l'impératif apparais, le subjonctif p^?ent7iï:
rom. etc. Il y a eu dans Torlhographe de ciSo-
des, des variations que l'on croit devoir remarquer.
CONJUG.
Aparege, subj. pr Apparoisse. (Ane. Coût. deBr )
^pam^e, subj près. Apparoisse. (Ibid fol M v°'\
Appar esse. snhi. prés. Apparoisse. (Faifeu, p'so'i
Apparest, indic. prés. Apparoit. (C. Marot )
Apparo/ssoye (j'), indic. imparf. J'apparo ssois
iRob. Estienne, Gram. fr. p 63) "PP-" «issois.
-4/;/;flro/s/ ind, prés. Apparoît. (Desperiers )
Apparoy (j ), ind. prés. J'apparois. (R. Estienne.)
Dans un sens analogue à celui de l'expression
" apparoir hors, Vapparoissance d'une chose nui
« passe outre une autre, une apparoissance an
" aehors, « etoit ce qu'en termes d'Architecture on
nomme sai le, en latin e.rsfantia, cminentia. (Rob
tstienne, Nicot et Monet, Dict. - Voy. ArrARom.)
Il seroit possible que relativement à l'idée d'un
objet qui paroit et se voit d'autant mieux qu'il est
plus saillant, plus éminent, on eût désigné un
homme a qui la vertu ou la fortune donne une cér-
ame prééminence, en disant qu'il étoit apparent,
liomme d apparence. (Voy. Apparence.)
ro^'^'^'^-^v?'*^''*']'' Participe. Paroissant. Appa-
rent, visible, évident. ^^
On n'aimoit bien et l'on ne méritoit d'être aimé,
dans les principes très rigoureux de l'ancienne
galanterie, qu autant qu'on paroissoit pâle et mai-
g e et qu on 1 etoit réellement par l'effet d'un
amour extrême.
El bien sçachiés qu'amours ne laisse
bur Im amant couleur, ne gresse
De ce ne sont apparissaiit
Ceulx qui Dames vont trahyssant •
tA. dient pour eulx loseneiei-
Qu;ilz ont perdu boire ct"mangier
fct je les voy comme Jengleurs,
Plus gras qu'Abbés, ne que Prieurs.
fiom. de la Rose, vers 257G-2583.
Dans le sens où nous dirions il y paroît, il y na-
roitra, on disoit il est aparissant, il est aparissant.
W, ■ ■ ' ; ■•„■ •„■ • ■ ^^ 'i'^''' si vis devant
Que ventaille d'auberc ne li fu ainz garant ■
loz les jors qu'il vivra, li ert aparissant.
Psrton. de Blois, MS. de S. Gerra. fol 127, \" col 2.
Vos fustes longues (2) Clers, bien est aparissant
Ibid. fol. 171 V" cDl.l.
''appar
VARIANTES :
APPAROIR. Orth. subsist. - S- Bern. Serm fr n ''"2
Aparoir. S' Bern. Serm. fr. MSS. p. 63 ^' "
^n^i?o^n-c^!r''^''^^' '"''*'• A'w. Apparence. Saillie.
La signidcation d apparoissance étoit la même en
gênerai que celle d'apparence, lorsqu'on disoiVm-
Tnvf n .''■""^ chose. physique ou moraîè ffi-
grave, Oudin, Rob. Estienne, Nicot et Monet, Dict )
«innn.? '^"'^"* *''''?'!'''"^'l^'^ 'ï'^ ^e'-btî apparoir
nIvH J 'î qu'a signilie et signifie encore apparent,
paiticipedu verbe rt/jywr^/', le même qu'wro/r
[\ oy. Apparoir.) On a désigné el l'on désigne par le
mol apparent , un homme dans lequel on voit de^
qualités qui le distinguent, un homme qui, parois-
sant avec certains avantages naturels ou acquis
semble devoir obtenir sur les autres une sorte de
prééminence. (Voy. Apparoissa.nce.) C'étoit aussi la
signitication d apparaissant. . Hyrcan-Tobie étoit
« moult apparissanl home, » eii latin vir valdè
f^ "".«i^ 'n'^^'- f^'^'^' '^^^ Machabées, ms. des Cordel.
loi. 18J.) On croît qu'il faut lire apparissant ou
apparaissant dans cet autre passage où la signin-
cation d appaissant semble analogue ;\ celle d'»-
rant employé quelques lignes plus haut •■ J'av
" fnli''^'l"' ^'^ ^'' "ouvelles d'ung mien cousin
« nomme Passelyon, auquel tout mon désir s'encline
« que de luy je soye fait Chevalier... Quant Passe-
« yon entendit Pedracus qui son cousin se disoit,
« Il en fut joyeulx à merveilles ; car il le veoit fort
«appaissant, etc. . (Percef. Vol. IV, fol. 115.) L'ac-
ception à apparissant étoit encore la même que
celle A apparent, lorsqu'il signifioit une chose
-\%nte"mT^"*^'^^P"'^^P-'-é'«c"'e:elongaccentué,donne^
(N. E.)
AP
_ /,f. —
AP
apparente sans réalité .« Vos ne "^^^f^'/^Sel
„ maraslrevosdisf? Nonyoïrs, f'^Ui Emperere. .
« mais aparissant fait croire » (J^m e Doiopa
thnc; fnl "'l'î^ Plus souvent il desi^iioit la itaiiie
ri^mipcho'se apparente, visible, évidente, dans le
s^i ph s qu?o 1 moral. On nommoit /,a's ajm-
,Ss«E les lices d'un champ-clos lorsquelle^
éSiSÏS^ez hautes, pour 'l^^e^ comMUan^s^ ;
«pnt les voir, et qu en les voyant il» se ga dasstiu
dPles fra^d ir. « En toutes batailles. .. doit justice
„ baiuèi c àmp à combattre advenant et lices
< amaresSeï: c'est assavoir à gens qui se com-
baftent de cheval, si fortes que les cHeyaulx ne
:^ÏÏul5eiUysir;etàgensde^e^
Tpôur le profit commun de nostre royaume, etc. -
^*^DanIVancieS Coutume de Normandie, la Loi
««»« -LIS opposée à la Loi simple, étoil a même
nïe a ïo apparente, aussi nommée Lo> aperte
?Vov Api'ARrNT ) Ces dénominations semblo.ent d au-
taSt plus raisonnables qu'on étoit persuadé que par
ce te Si, qui étoit souvent la Loi du duel il appa-
?? ssoit évidemment du bon droit des parties
Les Querelles personnelles nées de dict ou de
faict se tel mino ont par » simple loy qm se nom-
f lit Besrene (1). « EUes n:étoient appelées crimi-
nelles qu'autant qu'elles naissoient « de tel ciime
de quoy l'en devoit et ponvoit perdre vie o
membre. » Alors elles éloient décidées par Loy
amassant. (Voy.. Anc^ Coût, de Norniandie, cbap.
ivMi fol 88 — Ibid. cbap. i.xxxiv, fol. 10 1.)
la même Coutume divise les querelles de posses-
sion Si querelles de meuble et en querelles de
?èîre Toute querelle de meuble ou de possession
mouvable, ciu n'excédoit pas dix sous, ctoit termi-
ï par simple Loy ; si elle excédoit celte somme,
elle éïït terminée par Loy appanssant[^ oy- Ane
Coût de Normandie, cbap. lxxxvii, fol. 106, \ et
108 R° ] Ouant aux querelles de terre ou de posbcs-
sion non mouvable, qu'on nommoit nnssx querelle^
Saiil.r par la raison qu'en Normandie a posses-
sio on mouvable, soit noble ou roturière, etoi
communément appellée fief ; comme el es avo.en
diverses causes, il y avoit;. diverses Loix es ab ic.
„ k les terminer. - (Voy. Ibid. cbap. L>^,^^^:";fo\- Y^' •
On ajoute que .- les unes querelles fieffaulx »
étoient\erminées par «nqueste et es aultres pa
I mide deresne ; " que lenqueste faicte par juge
« ment de saigés hommes, par raison et par cous-
« ume gardée de longtemps étoit une enquesle ce
« droitetdecoustume; ^^^ l'enqueste de quoy la
« matière estoit contenue es bnefz de «ou/f 'e des-
« saisine , de mort d'ancesseurs et autres bre b
« dénommés au chapititrexç, étoit une enqueste
« d'establissement. « (Voy.lhid.chap.xcn fol. 112.
En voyant les querelles fieffaulx qu oji termino.t
par enqueste , opposées aux querelles lieffaulx tei-
minées par 'a Lov de Desrcne, Laurière a juge qu ici
SîSes^te est opposée à la Loy de Desrene, comme
l'est ailleurs à la Loy simple, V, Loy apparissm
que par conséquent toute Enqueste, même 1 mi-
ùes e le droic et de couslume, étoit Loy appans-
Sf; qu'enfin il n'y avoit d'autre Loy simple que
la Loy de Desrene. (Voy. Gloss. du Dr. 1-k T i,
p 6i et 65.) On croit néanmoins avoir quelque
Maison de douter qu'il n'y eût de simp e Loy que
celle qu'on nommoit Desrene ; cest-à-due « dene-
f 'ation ou espurgement de ce dont aulcun est
nuèrele-. . par son serment et le serment de
pnlvmiiiv aident -. (Voy. Ane. Coût, de Nor-
^aS e cbap \x XV, fol. 103. Il est probable qu'elle
n'étoit qu'une espèce de Loy simp e dont la deno-
mSion particulière peut à la vente avoir ete gê-
né 3iséë.(Vov. DEsnAiNT..) S'il étoit vrai que dans le
; siïe dont il est question , la Çesrene opposee^^
l'Enqueste, signifiât en gênerai Loy s mpie pai
opïïsiUon'à Loy m>arissant \\ semm^n^^^
•ivoir parlé des querelles fieffaulx terminées pai
Su .e? e ou par Desrene, on n'auroil pas ajouté
'r ^ou diions'de Loy apparissant de quoy la que-
„ re'le doibt estre menée en ces e forme en con-
« tendz fieffal. .- (Ane. Coût, de Normandie, chap.
''ouoïïue^ouT'le nom générique d'Enqueste, on
ait d'abord réuni à l'Enqueste d'establissement
Î-En ueSède droict et de coustume, on les a ensuite
iivSs comme étant essentiellement différentes;
e cette différence paroit consister principalement
en ce aue outes deux n'étoient pas Loij de reeoi-
'.îofssS. Les Enquesles «i'e^ljl'f e™enl dis m
suées des Enquestes de droict et de cousiume,
I oient appellées de recongnoissant.O oyez Ane.
rout de Normandie, chap. xcu, fol. 112.) Oi la Loy
^P .pcon-noissant, ainsi nommée, pour ce que, dit
îî .i:?,wip H o ose « par icelle il estoit à con-
l^îoi trelaqulle desifarties avoit droit ou tort
ers s àsr:iSi;ï^=f f
éisoeït la forme, on appeloit Enqueste d'esta-
^tre connue que la même Enqueste s'appeloit En-
S'/sl^d Somiaatlo'n Tune même E».l»e^JJ,S »»,'
pn? eSencri semble que «s termes Loy de
par enquebic, uijp>.'.=>-^-^ ""— 1- n„ Pnnrrp t V,
p. 597, c. 2. (N. E.)
AP
— 47 —
AP
recongnoissant éloient colleclifs de bataille et cVEn-
questedu pays ou cVestablissemeiit, lorsqu'on disoit :
.< L"en appelle simple querelle de possession, qui
« est terminée par simple loy. Querelle (ipparissant
« est celle qui est terminée par loy de recongnois-
" saut ou par bataille, ou par lenquesle du pays
>' que l'en appelle recongnoissant. » (Ane. Coût, de
Normandie, cliap. i.xxxvu, fol. 107.) Dans ce passage,
les querelles sont, comme on le voit, désignées par
le nom de la Loi qui devoit les terminer. Or la
querelle apparissant étoit celle qui se terminoil par
Loy de recongnoissant ; donc l'expression par Loy
de recongnoissant semble être synonyme de l'ex-
pression par Loy apparissant., et signifier collecti-
vement, ou par bataille, ou par enqueste du pays,
par enqueste d'establissement. On croit que si Lau-
rière eût eu l'idée de cette signification collective,
il n'auroit pas, en citant le même passage, mis après
ces mots par Loy de recongnoissant, une virgule
qui n'est pas dans le texte, et qu'il auroit besité à
décider que cette Loi étoit l'Enqueste de droit et de
coutume, appelée improprement Loi de reconnois-
sant. Pcut-éire auroit-il prononcé moins affirmati-
vement contre l'opinion de l'auteur de la glose sur
ce même texte, que l'Enqueste de droicl et de
coustume éloit Loy apparissant. (Voy. Gloss. du Dr.
Fr. T. II, p. 64 et (55.) Eu effet, ce n'esl pas sans
raison que l'auteur qu'il contrarie, a prétendu que
« Loy apparissant n'est aultie cbose que bataille,
•' ou recongnoissant, c'est-à-dire Enqueste du pays
'< ou d'establissement; et simple Loy, toute preuve
« qui se fait par serment de partie, ou par tesmoings
« de certain, ou par enqueste de droict. » (Voyez
Ane. Coût, de Normandie, Glose, fol. 107.)
Il résulte évidemment de celte définition de simple
Loy, que la Desraine ou dénégation avec serment,
n'étoit par la seule Loi qu'on nommât Loy simple.
Il paroit même que lorsqu'on combattoit pour une
querelle de possession, la Loy du duel, celte Loy
apparissant par excellence, se'nommoitquebiuefois
Loy simple par opposilion ;i Loy apjuirissant ; lu
signification de Loy apparissant étant restreinte
alors à la Loy du duel pour une querelle criminelle.
La preuve est que dans le chapitre i.xxxi du même
Coutumier, on lit que durant le temps où » les
« mariages ne se pouvoient assembler, les Loix ne
« dévoient paseslre faictes ne simples ne apportes;
" que Saincte Eglise défendoit à faire Loy apparis-
« sant tous les jours de fesle, etc. » 11 est probable
qu'en ce passage, les Loix appei'tes ou apparissuntes
sont celles qui étoient criminelles, et que les simples
sont celles dont on combattoit en aucuns cas de
propriété d'héritage et aultres cas, avant que « telles
« simples Loix fussent ramenées à preuves par
« enqueste. » (Voy. Gr. Couf. de Normandie, f»i01.)
On a déjà observé que les querelles étoient dési-
gnées par le nom de la Loy à la décision de laquelle
elles éloient soumises. De là, les querelles simples
opposées aux querelles apparoissantes. (Voy. \fv.\-
R.\Di.E et Apparext.) Aujourd'hui que tout cet ancien
droit est aboli en Normandie, l'action intentée pour
la propriété d'un héritage, s'appelle encore Loy
apparoissante. (Voy. Coût, de Normandie, au Coût.
gén.T. I, p. 1006. - Laur. Gl. du Dr. Fr. T. II, p. 65.)
VARIAMES :
APPAROISSANT. Coût. gén. T. I, p. 1007.
Apareissant. Marbodus, de Gemm. Art. col. 1668.
Aparisant. Ane. Poët. Fr. MSS. avant 1300, T. I, p. 344.
Aparissan't. Parton. de Blois, MS. de S' Germ. fol. 171.
APPAISSANT. (Usez Appariasaut ou Apparoissanl.) Percef.
Vol. IV, fol. 115, R° col. 1.
Appareissant. Ord. T. I, p. 6i6.
AppARESSANT. Anc. Cout. de Bretagne, fol. 71, R.».
Apparissant. Gr. Cout. de Normandie, fol. 151, R».
Apprti'oisti'e, verbe. Apparoître, paroître. On
croit qu'apparoistre, moins ancien dans notre langue
qu'apparoir , a été formé d'apparoist (1), troisième
personne de l'indicatif présent de ce même verbe;
et qu'à l'exception de \' apparoitrai , etc. i'appa-
roîtrois, etc. il n'a point de modes et de temps qui
n'appartiennent à la conjugaison d' apparoir, verbe
dont l'infinitif est aujourd'hui presque aussi inusité
qu'anciennement celui A'apparer. (Voy. Apparer et
Apparoir.)
variantes :
APPAROISTRE. Cotgrave, Rob. Estienne et Nicot, Dict.
App.\RESTRE. Faifeu, p. 6.
Apparoyssaiiimeut , adverbe. Visiblement,
évidemment. Signification analogue à celle d'appa-
roissant, visible, évident. (Voy'ez Lanc. du Lac,
ï. III, fol. 68, V» col. 1.)
Apparreure, subst. féminin. Apparence. C'est
probablement en ce sens que pour obvier à ce que
les marchands trompassent leurs acheteurs en
cachant la mauvaise qualité de la marchandise sous
une superficie de belle apparence, « il étoit ordonné
« que aucun marchant... ne mist plus belle appar-
« reure par dessus que par dessous. ■ (Voyez D.
Carpentier, Suppl. Gloss. lat. de Du Cange, au mot
Apparalura; tit. de 1415.)
Apparu, part. Paru, qui a paru. On remarquera
qu'en général les participes de même terminaison
que celui-ci, ont tous été formés de la troisième
peisonne de l'indicatif prétérit du verbe, comme
apparu d'apparut (2; ; encore ne relranchoit-on pas
toujours, comme on voit, le t final dans l'ancienne
orthographe. La signification de ce même participe
du verbe apparer, le même qu'apparoir, a été plus
générale qu'elle ne l'est aujourd'hui. (Voy. Apparer
et Apparoir.)
VARIANTES :
APPARU. Orth. subsist. - S' Bern. Serm. ii. MSS. p. 124.
Ap.\ruit. S' Bern. Serm. fr. MSS. p. 124.
Apparuiz. Id. ibid. p. lUl.
Appéru. Rob. Estienne, Gram. fr. p. 63.
Appast, subst. mase. Repas, nourriture. Pâture,
mangeaiile. Appât, attrait. La signification d'appast
étoit quelquefois la même que celle du mol simple
(1) Il vient d'appui-escere, forme qu'on a dû employer à la basse latinité, (n. e.) — (2) C'est un participe de seconde
formation, qui, en latin, était terminé en utus, comme uabutus. (n. e.)
AP
48 —
AP
past, en latin paslus, repas, nourriture. (Cotgrave,
Dict. — Voy. Past.)
Quoiqu'il ait, relativement à l'idée générale de
nourriture, désigné celle de l'homme, plus souvent
il désignoit celte des bêtes et des oiseaux, leur
pâture et leur mangeaille. iCotgrave et Nicot, Dict.)
On a restreint la signification de ce mot appast à
celle de pâture ou de mangeaille qu'on met, soit
à un piège pour attirer les bètes à quatre pieds et
les oiseaux, soit à un hameçon pour pécher les
poissons. De là, celte comparaison prise dans la
Kature, et d'apf-ès laquelle appast ou appât a
signifié et signifie encore figurément tout ce qui
attire en excitant la cupidité odieuse d'une àme vile,
ou la sensibilité aimable d'une âme honnête. On
sait qu'en ce dernier sens il n"est plus d'usage qu'au
pluriel, et qu'il s'écrit «/)/;«« (l).(V. Dict. de Trévoux.)
Il y a de l'art dans les appas 4'une belle femme;
dans ses charmes il n'y a que la nature. Par la
vertu invisible de ses charmes naturels elle retient
et fixe auprès d'elle les hommes que l'artifice
éblouissant de ses appas y avoit attirés. Malherbe
avoit probablement l'idée de quelque distinction de
cette espèce, puisqu'il « faisoit toujours quelque
« ditïérence entre charmes et appas. » (Ménage,
Observ. sur Malherbe, p. 313.)
VARIAMES :
APPAST. Cotgr. Nicot et Monet, Dict. - Dict. de Trévoux.
Apast. Cotgrave et Nicot, Dict.
Ap.\t, Appât. Monet, Dict. au mot Appast.
Appasteler, verbe. Repaître, nourrir. Appâter,
faire manger. La première acception du verbe
appasteler, plus ancien dans notre langue qu'ap-
paster, est relative à celle d'appast, repas, nourriture.
Après trop longe june
Wapasteloit d'oes pourris.
Adc. Pocs. fr. MS. du Valic. ii- 1490, fol. 152, R'.
Des ans y a demy douzaine.
Qu'en son hostel, de cochons gras
Me apaaiela une sepniaine.
Villon, p. 57.
Pris dans le sens général de nourrir, il désignoit
non-seulement la nourriture des hommes, mais
celle des bètes, leur pâture, (l'oyez Appast.) « Se
« print Sarra à fioter son poullafn et à luy donner
« à manger... ne autre œuvre ne faisoit la" Damoy-
" selle jour et nuyt que de YapasteUer de tout ce
« qu'elle scavoit que bon luy estoit pour croistre et
« amender. » (Percef. Vol. Il, fol. 45.) « Sera tenu
« le fermier de apasteller les poissons et trouver la
« pasture à ses coûts et frais. » (D. Carpentier, Sup.
Gloss. lat. de Du Gange, au mot Pastus.)
Ce même verbe appasteler signifioit plus parti-
culièrement le soin qu'on prend de nourrir un
animal, un enfant, ou un homme privé de l'usage
de ses mains, en le faisant manger, en l'appâtant.
(Voy. Cotgrave, Oudin, Rob. Estiènne et Nicot, Dict.
— Dict. de Trévoux.) C'est par allusion sans doute
à celte acception particulière d'appasteler, que pour
uienacer un homme de lui donner un coup de cou-
teau, l'on a dit : « Se tu me approches, je le appas-
<■ tcleraij de cesle-cy; et trait un grant coustel. »
(D. Carpentier, Suppl. Gloss. lat. de Du Gange, au
mot Pastus; til. de 1389. — Voy. Appaster.)
VARIANTES :
APPASTELER. Cotgr. Oudin, Rob. Estiènne et Nicot, Dict.
Apasteler. Ane. Poës. fr. MS. du Vatic. n" 1490, f» 152, R».
Apasteller. Percef. Vol. 2, fol. 45, R" col. 1.
Apateler. Monet, Dict. au mot Appast.
Appasteller. Rob. Estiènne et Nicot, Dict.
Appaster, verbe. Repaître, nourrir. Attirer avec
un appât, appâter. Mettre un appât. Il paroît que le
verbe appaster, formé du substantif appast, nour-
riture, pâture, a signifié nourrir dans un sens aussi
général qn appasteler. (Voy. Cotgr. et Mcot, Dict.)
On a même dit figurément :
Je ne ra'appaste pas d'une vaine espérance.
Coujet, Bibliotli. Fr. T. XIV, p. 1\.
C'est relativement à l'idée particulière d'appast,
pâture avec laquelle on attire un animal dans le
piège, que ce même verbe, soit au propre, soit au
figuré, signifioit attirer avec un appât. (Voy. Cotgr.
Oudin, Mcot et Monet, Dict.) L'acception propre est
encore usitée.
Enfin appaster un hameçon, c'est y mettre un
appât. Mais on ne diroit plus, appaster certaines
choses dans un lieu, pour y mettre des choses de
nature à attirer les animauxau piège, à les appâter,
comme l'on dit encore dans le sens propre. (Voyez
Monet, Dict. — Dict. de Trévoux.) « Pour le renard,
« blereau, foine ou putois, suffira d'appaster autour
« des lieux labourez, des rougets de poulaille... ou
« appaster des rôties de pain bis fricassées avec
» graisse. » (Fouilloux, Vénerie, fol. 121, R°.)
On sait qu'appaster ou appâter a remplacé dans
notre langue, l'ancien verbe appasteler, faire
manger. (Voy. Appasteler.)
variantes :
APPASTER. Cotgrave, Oudin et Nicot, Dict.
Apaster. Cotgrave, Dict.
Apater. lylonet, Dict. au mot Appast.
Appasteiix, adjectif et subst. masc. Trompeur.
Ce mot appasteux, dans un sensrelatifà l'acception
figurée du mot appast, désignoit un homme qui en
trompe un autre, en lui présentant un appât par
lequel il est attiré dans le piège tendu à sa simpli-
cité et â sa bonne foi. (Cotgr. Dict. — Voy. Appast.)
VARIANTES :
APPASTEUX. Cotgrave, Dict.
Apasteux. Celt-hell. de L. Trippault.
Appastis, subst. masc. Pâturage. Pâture. (Voy.
Appaster.)
Le premier sens est celui d' appastis. « Il vint en
« ung moult £;rand appastiz . . si mist paistre son
« cbeVal. » (Percef. Vol. III, fol. ir.8, R- col. 2.)
Quoiqu'«;;a///s et rt/jj^as//^ soient de même origine
et à peu près de même terminaison , ils différent
(1) On a eu tort, dès le xvn* siècle, d'employer cette forme pluriel an singulier. Ainsi Corneille, dans Sertorius : « Si
jamais une flamme eut pour vous quelque appas; » Molière, dans l'Ecole des Fenwies: « Qui dort en sûreté sur un pareil
appas. » (N. E.)
AP
49
AP
en ce que la signification à'apatil n'est point celle
A'appastis, pâturage ; mais celle d'appast , pâture.
(Voy. ArPAsT.) Dans un sens analogue à l'acception
figurée d'appâter, nourrir, repaître, on a dit :
Espérance paist les chetifz.
Assez promect et peu contente ;
Les grans et haultains appetitz
N'ont cure de ses apatitz.
Molinet, p. 126.
VARIANTES :
APPASTIS. Chasse et départ d'Amours, p. 8.
Apatilz (plur.) Molinet, p. 126.
Appastiz. Percef. Vol. III, fol. 158, R».
Appel, subst. masc. Convocation. Provocation
au combat, provocation en Justice, accusation, de-
mande. Provocation d'un Juge h un autre Juge.
Invitation, ordre, ordonnance. Exécution d'un ordre,
d'une ordonnance.
Quelles que soient les acceptions usitées et inu-
sitées du substantif «/v^^/, toutes sont analogues à
celles du verbe appeler, pousser, faire approcher,
faire venir, etc. En termes d'escrime, l'appel est
une feinte par laquelle on essaye de surprendre son
adversaire, en le faisant venir imprudemment à
l'attaque ou îi la parade. Pour attirer les oiseaux
dans les filets, pour les y faire venir, on se sert
d'un oiseau, ou d'un sifflet avec lequel on contre-
fait la voix de l'oiseau de mêm.e espèce. De là , le
sifflet et l'oiseau ont été et sont encore désignés
par le mot appeau. C'est probablement dans un
sens relatif à celui de l'expression , la cloche ou
l'heure appelle, qu'en termes d'horlogerie , on a
nommé appeau, un timbre, une petite cloche qui
sonne les quarts et les demi-heures. Il y a dansées
trois dernières acceptions un abus de métonymie,
très-connu des Grammairiens.
Anciennement, faire appeau de quelqu'un à un
fait, c'étoit l'y appeler, le faire venir comme aide,
comme témoin ou complice de ce même fait.
Alors Faifeu de liiy soubdain s'empart,
Et va songer une bonne cautelle
Que vous orrez, et pour tout vray fut telle.
Il va trouver ung cheval mort de frays
En ung foussé qui estoit là auprès...
Et amassa les petiz ousselletz
Et de la char de petiz morselez ;
Et les pousa en partie de la peau,
Sans à ce faict de nuUy faire appeau.
Lors s'en alla de nuict en sa pasture, etc.
Faifeu, p. U el 42.
En réfléchissant sur le rapport de ces acceptions
du substantif rty>i;«'/ ou appeau, avec racceplion éty-
mologique du verbe appeler, pousser, faire appro-
cher, faire venir, on aperçoit la raison pour laquelle
dans un sens analogue à celui d'appeler, convo-
quer, on a dit :
Quinze Roi coroné vienent à son apel ;
Si vient li Chanceliers qui porte le séel.
Parlon. de Blois, MS. de S' Gerni. fol. 169. V° col. 2.
Quoiqu'appel soit aujourd'hui distingué d'appeau,
il est prouvé qu'anciennement on disoit appeau el
appel sans aucune distinction de signification. Sou-
vent les appels ou appeaux éloientdes provocations
à venir combattre en champ clos, ou à venir plai-
der en Justice. (Voy. Appeller.) On étoit provoqué
par une accusation, une demande ; de là , ces ex-
pressions, appel de mort ou de vwurtrc, appel de
félonie, appel de foi mentie, appel de fere fere, etc.
expressions dans lesquelles appel sinaille accusa-
tion, demande. (Voy. Tenures de Littleton, fol. 41.
— Id. ibid. fol. 45. —Britton, des Loix d'Angleterre,
fol. 49. — Beaumanoir, Coût, de Beauvoisis, chap.
Lxi, p. 317, etc.) L'accusation d'un crime commis
par une personne, à l'instigation d'une autre, par
son conseil ou par son ordre, étoit un appel de
faire faire. « Cas si est A'apeler de fere fere , si
« comme quant cheli qui apele ne met pas sus à
« cheli que il apele, que il l'ut presens à fere le fet,
« mais il le feist fere pour louier, ou par pramesse,
« ou par prière, ou par quemandement ; et de
« chesle manière d'apel vismes nous apeler, etc. »
(Beaumanoir, Coût, de Beauvoisis, chap. lxi, p. 312.)
On connoissoit peu sans doute Vappel de défaute
de droit, lorsque les Comtes et autres Juges se mon-
troient si actifs à rendre la Justice , qu'il falloit
modérer cette activité funeste au repos et à la for-
tune des citoyens, par des Ordonnances qui défen-
doient de tenir plus de trois assises par an. Mais
les petites seigneuries s'étanl mullipliées avec dif-
férons degrés de vasselage, la Justice commença à
languir dans les juridiclions subalternes des Sei-
gneurs vassaux, qui faute d'Hommes ou de Pairs
en nombre suffisant, négligèrent souvent de tenir
leur Cour. Alors les appels de défaute de Droit
furent d'autant plus fréquens qu'ils produisoient
des amendes au Seigneur suzerain devant qui le
Seigneur vassal étoit accusé de négligence à rendre
justice. Celte négligence étoit toul-à-fait inexcusa-
ble lorsqu'elle éloit volontaire. « Nous veons aucuns
« Seigneurs en malice contre chaus à qui il ne
« vuelent fere droit .... Si convient à chaus qui
« ont meslier d'apeler, que il soient soutil de som-
" mer les souffisaument, si que il puissent avoir
« droit en la Court de chaus où il le requièrent, si
« que il puissent avoir seur apel de défaute de
« droit, etc. » (Beaumanoir, Coût, de Beauvoisis,
chap. Lxn, p. 319.) Les formalités dont on peut voir
le détail. (Id. ibid.) varioient suivant l'état des per-
sonnes intéressées à poursuivre celte sorte d'appel.
L'appel de défaute de droit étoit toujours une
accusation, une simple provocation en Justice, et
jamais une provocation au combat en champ clos,
à moins qu'on « n'ajoustast vilaine cause aveques
" défaute de droit. » (Voy. Beaumanoir, Coul. de
Beauvoisis, chap. Lxvii, p. 339.) « Se aucuns veut
« appeler son Seigneur de de/faute de droit, il
« convendra que la detfaute soit prouvée par tes-
« moins, non pas par bataille. ■> (Ord. T. I, p. 92.)
« Li apel fet par défaille de droit, ne sont pas . . .
« démené par gages de bataille, mais par monstrer
« resons par quoi la défaute de droit soit clère : et,
« ches resons convient-il avérer par tesmoins
« loiaux. » (Beaumanoir, Coût, de Beauvoisis, chap.
Lxi, p. 315.) Cependant la preuve par témoins pou-
voit occasionner le combat judiciaire. « Quant li
7
AP
— 50 —
AP
« tesmoing viennent pour tesmoigner en tel cas, de
« quelque partie que il viengnent, ou pourapeleur,
« ou pour clielui qui est apelés, cliil eucoatre qui
1 il vuelent tesuioiguer, puet . . . lever le second
« tesmoiu et lui inellre sus que il est faux et par-
" jure ; aussiut pueent Ltieu naistre gages de l'apel
« qui est fet seur défautc de droit. ■> (Id. ibid.) Les
principes de celte Loi iiui défend le combat en cas
de simple appel de défaille de droit, sont indiqués
par M. de Montesquieu. 11 ajoute que s'il étoit per-
mis d'appeler au combat les témoins , c'est qu'en
les appelant, « on n'offensoit ni le Seigneur, ni son
.< tribunal. » (Voy. Espr. desLoix,T. II, chap.xxvm.
pages 345 et 34G.)
Il paroit que les peines auxquelles exposoit l'ap-
pel de dé faute de droit, n'éloient pas les mêmes
dans toutes les Coutumes. « Se la deff'aule n'est
'< prouvée, cil qui appelera le Seigneur de la def-
« faute, il aura tel dommage comme il doit par
<' l'usage du pais; et se la deffaute est prouvée, li
« Sire î'amandera et perdra ce que l'en li doit, par
'• la Coutume del pais et de la terre. » (Urd. T. I,
p. 92.) Dans la Coutume de Beauvoisis , lorsque la
défaute de droit n'étoit pas suffisamment prouvée,
l'appelant payoit une double amende , l'une au
Seigneur qu'il avoit accusé de négligence à lui
rendre jushce, l'autre au Seigneur devant lequel il
l'avoit accusé de cette négligence. Pour un Gentil-
homme, l'amende étoit de soixante livres ; de soi-
xante sous pour « l'Homme de pooté. » Au contraire,
si la preuve étoit jugée suffisante, le Seigneur
appelé de défaute de droit, éloit condamné à l'a-
mende de soixante livres, et perdoit le Jugement et
la Justice de sa terre. (Voy. Besiumanoir/Cout. de
Beauvoisis, chap. lxi, p. 312.) On observera d'après
M. de Montesquieu i,Espr. des Loix , T. II , chap.
xxiv, p. 329, note), que dans les auteurs contempo-
rains de Beaumanoir, l'expression perdre sa Justiee
n'avoit pas une signification générale, qu'elle étoit
restreinte à l'affaire dont il s'agissoit.
Quoique l'appel de dé faute de droit fût déjà connu
du temps de Philippe-Auguste, il n'est pas à beau-
coup près aussi ancien dans noti'e Jurisprudence,
([ue l'appel de faux Jugement. On voit que dès l'an
755, les Comtes et leurs Officiers étoient sujets à
rfly;/Jt'/ d'un homme qui se croyoit jugé contre la
Loi. >' Si reclamaverit quôd legem ei "non judicas-
" sent, tune licentiam habeat ad Palatium veuire
"■ pro ipsà causa, et si ipsos convincere potuerit
<' quôd legem ei non judicassent secundum legem,
« contra ipsum emendarefaciat. » (Synod. Yernens.
art. XXIX, et Capitul. Metens. art. ix. — Voy. Baluz.
Gapitul. r.eg. Fr. T. I, col. 170 et 180. — Espr. des
Loix, chap. xxviii, p. 314 et 345.)
L'appel de faux jugement n'étoit point alors ce
([u'il fût le plus souvent au commencement de la
troisième Race, une provocation au combat. On
provoquoit les Juges à combattre, en les accusant
d'avoir faussement et méchamment jugé, en disant
à la Justice : « Sire, chis jugemens qui est pronon-
« ciés contre moi, et auquel P. s'est accordés, est
'< faux et mauves à desloiaux, et tel le ferai contre
" le dis P. par moi ou par mon houme ... en la
" Court de eheens ou en autre là où Droit me merra
« par reson de cet appel ; et ([uant il a ainsint dit,
« chil qui est apelés doit dire que li jugement est
« bon et loiaux, et offrir loi à fère par li ou par
« autre qui, etc. » (Beaumanoir, Coût de Beauvoi-
sis, chap. Lxi, p. 314.) On conçoit que les formalités
et les peines de cet appel xanoienl comme presque
tous les usages coulumiers. Lorsqu'un des Pairs ou
des hommes de fief avoit déclaré qu'il soutiendroit
le jugement, le Juge recevoil les gages de bataille
et prenoit sûreté de l'appelant, qu'il soutiendroit
son appel. « Mais àcheliquidetrendoit lejugeraent,
« ne conveuoit-il point de seurlé fere par le reson
« de che que il étoit lions au Seigneur, et qu'il
« devoit faire le jugement bon. Autrement il per-
« doit le jugier et chéoit en l'amande de soixante
" livres au Seigneur. » Si l'appelant ne prouvoit
pas que le jugement avoit été faux et mauvais, il
payoit au Seigneur une amende de soixante livres,
la môme amende au Pair ou à l'Homme de fief qu'il
avoit appelé, autant à chacun de ceux qui avoient
ouvertement consenti au jugement. (Voy. Beauma-
noir, «bj supra, p. 313 et 314. — Défonlaines,
chap. XXII, art. 1,9, 10 et 11.)
On sait que dans les principes de l'ancien système
féodal, un homme ne pouvoit appeler son Seigneur,
le provoquer à combattre, sans être coupable du
crime de félonie, à moins que son appel devant le
Seigneur suzerain, ne fût précédé d'une renoncia-
tion juridique au fief qu'il tenoit de celui qu'il accu-
soit de lui avoir méfait. « Nus ne puet apeler son
« Seigneur à qui il est bons de cors et de mains,
« devant que il li a delessé l'ounuige et che que il
« tient de luy ; donques se aucuns vient apeler son
« Seigneur d'aucun cas de crime ou quel il chiet
o apel, il doit ains l'apel venir à son Seigneur en la
« présence de ses Pers, et dire, etc. « (Beaumanoir,
Coût, de Beauvoisis, chap. lxi, p. 310et311.)C'étoit
sans doute afin d'éviter ce crime de félonie, qu'au
lieu cl'aj)peller pour faux jugement le Seigneur, on
appeloit les Pairs ou les Hommes de fief qui avoient
jugé. Lorsqu'un Seigneur n'avoit pas d'Hommes
de fief en nombre suffisant pour former sa Cour, il
pouvoit en emprunter de son Seigneur suzerain.
Mais les hommes qu'il empruntoit, s'ils étoient
prudens, se dispensoient de juger, en déclarant
qu'ils n'étoient venus que pour conseiller. Alors si
le Seigneur jugeoit lui-même, et si l'on appeloit
contre lui de faux jugement, « le péril de l'apel
« tournoit sur lui et non pas sur les hommes de
« son Seigneur. » (Voy. Beaumanoir, ubi supra,
chap. Lxii,"p. 322.) Il est probable qu'en ce cas par-
ticulier, comme dans tous ceux où l'appel éloit une
provocation au combat, la renonciation au fief étoit
une formalité nécessaire. En général, si l'homme
d'un Seigneur « appeloit avant qu'il eût renoncé
>' au fief, il n'y avoit nul gage ; ainchois ainandoit
« à son Seigneur la vilenie qu'il lui avoit dite, etc. »
De même, le Seigneur ijui appeloit son homme,
AP
— 51
AP
devoit avant l'a/jpe/, » lui quitter l'hommage en
« présence du Souverain. » (Voy. Id. ibid. cliap.
Lxi, page 31 1 .)
11 paroit qu'au moyen de cette renonciation à
l'hommage, tout vassal appelé par son Seigneur
pour un attentat quelconque, pouvoit sans félonie,
garder son fief et combattre pour sa justification,
ainsi que l'homme de fief appelé de faux jugement
par le Seigneur contre lequel il avoit jugé dans sa
propre Cour. « Quant li Sires plede en se Court
« meisme contre son houme, il n'est pas Juges...
<> et quant li houme rendent le jugement, se il le
« font contre li, apeler en puet comme de faus ju-
« gement Se il dit à chelui contre qui il vient
« fausser le jugement, vous avés fet jugement faus
« et mauves, comme mauves que vous este, ou par
« louier ou par pramesse, ou par autre mauvèse
« cause,... li apiaus se demaine par gages: car il
« loit bien à l'Oume h soi deffendre contre son Sei-
« gneur quant il l'accuse de mauvestié ; ne jà pour
« che se il se deffent de mauvestié contre son
« Seigneur, ne convenra que il lesse le fief que il
« tient de li. » (Beaumanoir, Coût, de Beauvoisis,
Chap. Lxvn, p. 337.)
Lorsque le Seigneur n'attaquoit pas l'honneur du
Juge, en l'accusant de prévarications personnelles,
et « qu'il appelait simplement, en disant que le
« jugement étoit faux et mauvais, » son appel
n'ètoit qu'une requête en amendement du jugement
dont il se plaignoit, et n'obligeoit point aux gages
de bataille. « Quant li Sires apèle simplement, si
« coume il est dit dessus, le erremens seur quoi li
« jugemens fu fès doivent estre aporté en le Court
« où li apiaus est, et doivent regarder li Iloumes
« de le Court se li jugemens fu bons ou mauves
« selonc les erremens de le Court oii li apiaus fut
« fès; et se il est trouvé mauves, chacun des
« Houmes qui s'assenti au jugement chiet en
« l'amande de soixante livres vers le Seigneur et si
« perdent le jugier. >• (Beaumanoir, Couf. de Beau-
voisis, chap. Lxvir, p. 337.) Au contraire, s'il se plai-
gnoit du Juge même et le provo inoit par des impu-
tations personnelles, « s'il ajoustoit avec Vapel
« vilain cas, il y avoit gages de bataille ; et li vain-
« eus, soit li Sires, soit li Hons, perdoit le cors et
« l'avoir. « Quant aux autres Hommes qui avoient
« consenti au jugement, ils ne perdoienl fors le ju-
B gement et l'amande de chacun de soixante
« livres. » Mais cette distinction particulière dans
la manière de fausserjugement, é!ant devenue plus
générale, on crut que dans le cas même d'appel de
faux jugement sans outrage personnel, il falloit con-
server au Juge « le choix'de faire bon le jugement
« par gages devant le Comte et devant son Conseil ;
« car le Comte pouvoit bien tenir la Cour de ses
« Hommes appelés de faux jugement. » (Vov. Beau-
manoir, tibi supra, p. 337 et 338.)
n est vraisemblable qu'à moins d'être animées
par une passion de haine ou de vengeance, les
Parties profitèrent d'une distinction au moyen de
laquelle on pouvoit fausser un jugement sans
s'exposer au péril de combattre, et que les Juges
dont on faussoit le jugement, sans outrager leur
personne, usèrent rarement du droit qu'ilsavoient
d'y forcer ces mêmes Parties, en choisissant le gage
de iKitaille. C'est ainsi qu'aura prévalu insensible-
ment dans les Cours mêmes des Barons, la Loi par
laquelle S' Louis avoit sagement proscrit le combat
dans les appels de faux jugement.
La ressemblance paroit sensible entre ces appels-
sans combat et les requêtes ou supplications en
amendement de jugement, usitées dans les Cours
royales, où l'on « demandoit amendement de juge-
« ment, en suppliant, en requérant; car supplica-
« tion devoit estre faite en Cour de Boi, et non pas
« appel; par la raison que Y appel contenoit
« félonie. « (Voy. Ord. T. I, p. 171 et 264. — Beau-
manoir, Coût, de Beauvoisis, chap. lxvu, p. 337.)
Quant aux jugemens des Cours seigneuriales
qu'on pouvoit fausser, non-seulement on en appe-
loit comme de faux jugement ; mais le plus souvent
cet appel étoit une provocation au combat. Il paroit
que l'ordonnance de fausser sans combattre, ne
s'étendoit pas aux appels qui se faisaient à une autre
Cour qu'à celle du Souverain. Les appels de faux
jugement, comme les appels de défaute de droit,
étoient de degré en degré, c'est-à-dire « selonc che
« que li houmage descendoient dou plus bas au
« plus prochein Seigneur après, si comme du Pre-
« vost au Baillif, et du Baillifau Boy, es Cours où
« Prévost et Baillif jugent ; et es Cours où les
« Hommes jugent, selonc che que li houmages
« alloient et descendoient, li appel dévoient estre
« faits en montant de degré en degré sans nul
« Seigneur trespasser. » (Voy. Beaumanoir, Coût,
de Beauvoisis, chap. lxi; p. 317.) On ne voit dans
cette citation, qu'un commentaire du chapitre lxxxi
des Etablissemens de S' Louis. « Si le Seigneur dont
« on faussoit le jugement, étoit Bers, il falloit s'en
« clamer en la Court le Roy, ou en la Court de celui
« de qui il tenoit; en la Court au Bers ou de celui
« de qui il tenoit, s'il étoit Vavasor. L'appelant
« disoit : Sires, cil m'a fet faux jugement, pour
« laquelle reson je ne vuel plus tenir de luy, ainçois
« tendre de vous qui estes Chiefsires. Si le Vavasor
" vouloit s'en deffendre, il ajoutoit : Je ne viiel mie
« qu'il s'en puisse deffendre, car il me fist le juge-
» ment faux à veiie et asseùe de moi qui foi li doit,
« et le sui prest de monstrer contre son cors, se il
« le veut deffendre. Et tout ainsi appeloit l'en son
« Seigneur de faux jugement et en pouvoit l'en
« bien jugier une bataille. » (Voy. Ord. T. I,
p. 171 et 172.)
Plus on réfiéchit sur le sens de ce passage, qui
semble devoir être expliqué relativement à la Loi
par laquelle en cas d'appel de faux jugement, le
combat étoit défendu, plus on doute que le pouvoir
de juger bataille s'étendît à Y appel de faux jugement
à la Cour du Souverain. S' Louis en abolissant dans
les Cours du Roi, l'usage du combat judiciaire, le
laissa subsister dans les Cours des Seigneurs. 11 est
vrai qu'en même temps il ordonna qu'on fausseroit
AP
— 52 -
AP
leurs jucremens sans combattre ; mais c'étoil proba-
blemeiif lorsqu'en les f;uissant on appellcroit à la
Cour du Hoi, et non à celle d'un Seigneur où l'usage
du combat judiciaire éloit autorisé. Ainsi le pouvoir
de juger bataille, que l'Editeur des Ordonnances
étend à ïappel de faux jugement à la Cour du Roi,
seroit restreint à V appel fait à la Cour du Chef-
.âeigneur du Vavasseur; et le cbapitre lxxxi des
Eta'blissemens de S' Louis, dans lequel on a vu une
exception aux chapitres n et m des mêmes Etablis-
semens, et à l'article vm de l'Ordonnance de l'2G0,
seroit une conlirmaliun de la Loi généiale qui sup-
primoit les gages de bataille dans les appels de faux
jugement îi ia tour du Roi. « Se aucun veut fausser
■< jugement ou pais où il appartient que jugement
« soit faussé, il n'i aura point de bataille ; mes les
" clains et les respons et les autres erremens de
« plet seront apportez en nostre Court, et selon les
« erremens du plet l'en fera dépécier le jugement
« ou tenir; et cil qui sera trouvé en son tort,
" l'amandera selon la Coutume de la Terre. » (Ord.
T. I, p. 1)1 et 92. — Ibid. p. 113.) Quand on ignore-
roit la défense de fausser dans les Cours royales,
il est impossible qu'à ces mots, « les erremens du
" plet seiont portés à nostre Cour, » on ne recon-
noisse qu'il s'agit ici de faux jugemens des Cours
seigneuriales, dont Y appel se fâisoit à la Cour du
Roy. Au reste, il pouvoit y avoir de la sagesse
à s'écarter en certains cas, des principes d'une Loi
si raisonnable, mais odieuse à la Noblesse, dans la
crainte de trop révolter des hommes dont le génie
étoit aussi ennemi des procès qu'il étoit ami des
combats (1).
Quoi qu'il en soit de la réalité des exceptions à la
Loi qui proscrivoit le combat dans les appels de
faux jugement à la Cour du Roi, cette Loi n'opéra
pas moins une révolution qui, en changeant la
Jurisprudence Françoise, prépara les moyens de la
perfectionner. La raison l'ayant enfin adoptée
comme Loi générale, tout a}tpel à un tribunal supé-
rieur, pour réformer le jugement d'un tribunal
inférieur, ne fut plus qu'une simple provocation en
Justice. On provoqua longtemps encore le Juge
même (lui avoit prononcé le jugement; mais le fait
du Juge étant enfin devenu le fait de la partie, on
provoqua la partie en faveur de laquelle avoit été
prononcé le jugement qu'on accusoit d'être injuste.
L'appel dont on abandonnoil la poursuite, étoit un
appel désert; celui dans la poursuite duquel on
succomboit, un fol appel, qu'on nommoit aussi
faux appel. (Voy. Laur. Gloss. du Dr. Fr. —
Colgrave, Dict. — Tenur. de Littleton, fol. 45, V°
et /lO, R°. — Ord. T. III, p. 4'i8, etc.)
On regarde Vappel volage comme un abus parti-
culier de la nouvelle Jurisprudence qui, en facilitant
les appels d'un tribunal à un autre, les avoit peut-
être trop multipliés. Cet appel qu'en latin on nom-
moit appellatio Laudunensis, parce qu'il étoit plus
commun dansleLaonois(iu"ailleurs, étoit tel qu'une
partie ajournée devant le Juge, pouvoit l'empêcher
de passer outre, en se présentant devant lui, et en
disant : « Sire Juge, vous m'avez faict adjourner
« par devant vous i\ la requeste de tel ; si ay cause
« d'appeller de vous et de vostre jurisdicùon, et
«' pour ce en appellé-je (ïappel volage... Et pour
« soustenir dès maintenant mon appel volage, je
« vous adjourne par devant Monseigneur le Baillif
» de Vermandois,... au jour de la prochaine assise,
« contre moy à voir soustenir mon dit volage
>' appel : et "si vous cuidez que bon soit, soyez-y.
« Dès maintenant intime ma partie adverse qu'elle
« y soit, si bon luy semble... El n'y falloit adjour-
<i nement, ne puis aussi le Juge appelle n'y osoit
« procéder en outre. » (Bouteiller, Som. rur.
liv. II, tit. XIV, p. 773. — Yoy. Du Cange, Gloss. lat.
T. I, col. 578.) C'est probablement L'usage de ces
a/ijiels que Philippe-le-Bel avoit aboli dans quelques
villes du Laonois, et qu'il y rétablit ensuite par son
Ordonnance de 129G, lorsque mieux informé à cet
égard, il comprit que ces appels avoient été intro-
duits en faveur des habitans et pour leur utilité.
(Ord. T. I, p. 328.) Il paroit néanmoins que cette
faveur leur devint nuisible, puisque ce fut à leur
requête, et même aux offres de payer un fouage
annuel de deux sous parisis, que Philippe de Valois
renouvela l'abolition âes appels volages, par Lettres
du 23 mars 1334, confirmées par autres Lettres du
roi Jean, en date du mois d'août 1351. (Ord. T. II.
page 444.)
Dans la prévôté foraine de Laon, lorsqu'un pos-
sesseur étoit troublé par voie de fait en son héri-
tage, il pouvoit « sans commission et ordonnance
« du Juge, de luy-mesme appcller promptement au
« Juge royal; car le Roi avoit seul la connoissance
(1) Vappel existait en Gaule sous l'administration romaine; sous les Mérovingiens, il disparut, car il était incompatible
avec les jugements de Dieu et le jury des Rachimbourgs. Cliarlemagn.? le rétablit ; on put en appeler du dizenier au
centenier, du centenior au placituni du comte, et de ce dernier à l'empereur lui-même. Mais ['aj)pel était porté non contre
la partie adverse, mais contre les juges eux-mêmes", et, si le jugement n'était pas réformé, le réclamant payait quinze sous
d'amende ou recevait quinze coups de bâton.
A l'époque purement féodale, Vuppei disparut. Comment aurait-il existé, puisque les jugements étaient rendus par les
pairs? En allant à une juridiction supérieure, on n'eût plus été devant ses pairs. — Le noble prévenait la condamnation en
prenant ses juges à partie ; il les accusait d'avoir sciemment rendu un jugement inique et menti à leur conscience. Le duel
était la conséquence de cette provocation ; si le juge était vaincu, sa sentence était annulée, et la cause portée devant le
tribunal du seigneur immédiatement supérieur. Mais le bourgeois et le paysan, auxquels la justice était rendue par le
seigneur ou ses agents, ne pouvaient les accuser de mensonge, ni les provoquer.
Cependant dés le xii' siècle, au Midi, le droit romain reparut, et avec lui l'appel, on Ton n'accusait pas le juge de mauvaise
foi, mais d'erreur.
Dans le Nord, dés Philippe le Bel, une nouvelle doctrine prévaut; on « fausse jugement » comme par le passé, mais le
juge n'est plus obligé de se battre : un tribunal supérieur révise sa sentence. On appelait par « defaute de droit, » si l'on
prétendait qu'on ne voulait pas vous rendre justice.
Au Midi, on ne pouvait appeler que deux fois; au Nord, des causes passèrent par sept juridictions, (n. e.)
ÂP
53
AP
« de celte sorte A'appel qu'on nommoit aussi appel
« volage. » On peut voir quelle éloit la façon d'y
procéder suivant la Coutume de Laon, dont le
procès-verbal semble prouver que les appels vola-
ges, après avoir été abolis, furent encore en usage
en quelques lieux. (Laur. Gloss. du Dr. Fr. — Ord.
T. Il, page 81, note.)
Lorsqu'on étoit semons irrégulièrement en Cour
de Chrétienté, c'est-à-dire en Cour ecclésiastique,
on comparoissoit devant le Juge, et on lui deman-
doit justice de l'irrégularité de la semonce. Si le
Juge ne la faisoit pas, on pouvoil appeler, et cet
appel étoit un appel de Chrétienté. On a observé
qu'en « Cour laie, il falloit appeler en montant de
" degré en degré sans nul Seigneur trespasser ;
" mais il n'en étoit pas ainsi à la Cour de Chrétienté
« pour qui ne vouloit ; car de quelque Juge que ce
« fût; l'on pouvoil appeler àl'Apostoile, etquivou-
" loil, il pouvoil apeler dedegréen degré si comme
• du Doien à l'Evesque, et de l'Evesque à l'Arche-
« vcsque, et de l'Archcvesque à l'Apostoile. Quant
« à l'appel d'un Envoyé de l'Apostoile, il devoit se
« faire directement à la Cour de Rome. » (Beauma-
noir. Coût, de Beauvoisis, chap. lxi, p. 317. — Id.
ibid. chap. n, p. "i'i. — Voy. Appellation.)
11 y avoit des appels hors des Champs clos et des
Cours de Justice; et ces appels, tels que ceux de
boire, de manger, de jouer, de rire, d'être galant,
de plaire aux Uames par son adresse dans les exer-
cices de chevalerie, éloient des provocations, des
invitations auxquelles on cédoit d'autant plus
volontiers qu'on y étoit poussé, excité parle gotit
du plaisir.
Ne sai quel cuer autres genz ont ;
Mais je pris poi trestol le mont,
Et quanqu'el siècle est bon ne bel,
Envers Dame qui sert d'appel
Et de joir et de joer,
Et de rire et de beau parler.
Parlon. «leBlois, MS. de S. Gcrm. fol. 150, R» col. 2.
vinrent trusqu'à lor chastel.
Où l'en lor fist meiUor appel
De beax inengers et de beax vins.
Ibid. fol. 152, R- col. 1.
L'on vit ailleurs maint mystère nouveau,
Chevaulx bondir, soubz l'acueil et appeau
De doulx regars.
En ceUuy temps Cupido par ses arcs,
Alloyt jectant par feneslres ses darcs.
i. iMaroi, p. 166.
En général, la signification d'appel pourroil être
aussi variée que les mots par lesquels on désigne
les différens moyens de pousser quelqu'un, de l'exci-
ter, de le forcer à faire ou à dire une chose. Ainsi
le mot appel dont l'acception est analogue à celle
des mots convocation, sommation, dans un passage
de la Coutume d'Alost, peut signifier en ce même
passage, un ordre public, une ordonnance ;i laquelle
on est sommé, forcé d'obéir. « L'on publie à chacune
« demi-mars les appeaux ; ce sonl de boucheries
« endroits qui doivent estre bouchez pour les grains
« d'hiver, les paslurages, les grains d'esié, les
« courans d'eaux, et les chemins qui ne sont point
« d'usage, les champs et les préries, de vuider les
« fossez, etc. » (Nouv. Coût. 2;én. T. I, p. 1114.)
Il semble même qu'on ait étendu cette acception
à l'exécution de ces mêmes appeaux ou ordonnan-
ces. « Les appiaux, comme aussi les bonchures, ou
« estoupemens des terres, des préries, des pastu-
» rages, des bois, sont visitez par les Praters
« accompagnez de quatre paysans connoissans ,
« etc. » (Nouv. Coût. gén. T. I, p. 1115. — Voyez
Appeller.)
variantes :
APPEL. Orth. subsist. - Britton, des Loi-x d'.Vngl. fol. 38.
Apel. Beaumanoir, Coût, de Beauvoisis, chap. lxi, p. 307.
Apiau. Id. ibid. chap. Lxii, p. 319.
Apiaus (plur. et sing.) Id. ibid. chap. Lxni, p. 323.
Apiaux (plur. et sing.) Id. ibid. chap. lxi, p. 318.
Appeal. Tenures de Littleton, fol. 41, V".
Appeau. Nouv. Coût. gén. T. I, p. 1114, col. 1.
Appeauls (plur.) Ord. T. III, p. 48.
Appeaulx (plur.) Gloss. de l'IIist. de Bretagne.
Appeaus. Beaumanoir, Coat. de Beauvoisis, chap. i, p. 13.
Appiau. Id. ibid. chap. i, p. 14. - Ord. T. III, p. 448.
Appiax. Id. ibid. chap. i, p. i3.
Appellable, adj. Sujet à l'appel. On a dit en ce
sens, ([u'une juridiction ou un jugement dont on
pouvoit appeler, étoit appellable. (Voy. Nouv. Coût,
gén. T. II, p. 101, col. t>. — Coût. gén. T. II, p. 976.)
Appellation, subst. féin. Action d'appeler, de
crier, de nitmmer. Action d'appeler, de provoquer
d'un Juge à un autre Juge. Quelque différentes que
soient en apparence lès signilicalions du verbe
appeler, elles sont toutes analogues. (Voy. Appel-
ler.) C'est parla même analogie que le substantif
ajipellalion a signifié action d'appeler en général,
action de crier, de nommer. (Cotgr., Hob. Éstienne
et .Monet, Uict. — Voy. Appellement.)
Ce mot, qui n'est plus guère usité que dans les
formules des arrêts et des sentences, semble être
moins ancien en notre langue que le mot appel
dont il éloit synonyme dans'la signification parti-
culière, action d'appeler, provocation d'un Juge à
un autre Juge. Lorsqu'on appeloit sans raison, les
appellations éloient folles, frivoles. (Voy. Appel.)
On dislinguoil plusieurs sortes d'appellations :
Vappellatioii judiciaire et extrajudieiaire, l'appel-
lation verbale, l'appellation que nécessita l'abus
des appellations à la Cour de Rome, et que par cette
raison on nomma appellation comme d'abus. (Voy.
Cotgrave, Nicot et Monet, Dicl. — Laurière, Gloss.
du Dr. Fr.)
L'abus des appellations à la Cour de Rome,
excitoit dans le xa' siècle le zèle de S' Bernard, qui
se plaignant au Pape Eugène III, de ce qu'on appe-
loit à lui de toutes les parties du monde Chrétien,
l'exhortoit à user avec modération et sagesse, d'un
hommage qu'on rendoit à sa suprématie : « Mihi
<• videtur et in mullam posse eas [appellationes]
« devenire perniciem, si non summo moderamine
« aclilentur. Appellalur de loto mundo ad te ; id
« quidem in teslimonium singularis primatùs tui.
" At tu, si sapis, non primatu gaudebis, sed fructu. »
(Voy. S. BernardideConsider. ad Eugenium lib. III,
cap. II.) Cette leçon n'inléressoit pas moins les Rois
AP
AP
que les Papes. Mais les Rois Chrétiens, en reconnois-
sanl le l'ape pour Juge île leurs (luerelles el arbitre
de leurs traités, autorisèrent de plus en plus les
peuples trop souvent moins citoyens que Chrétiens,
à croire (lue le Chef de la Chrétienté en étoit le
Monarque universel, et qu'à ce titre il étoit le Juge
souverain des Rois et de leurs sujets. Ainsi, les
Cours de Chrétienté, c'est-à-dire les Cours ecclé-
siastiques, dont on appeloit à la Cour de Rome, au
mépris même de la Juridiction épiscopale, parurent
supérieures aux Cours laïques, et elles furent pré-
férées, même pour la décision d'affaires purement
civiles. « Voirs est que en cas de convenanches et
« d'obligations, se les parties s'assemblent à plai-
0 dier en la Cour de Sainte Eglise.... et se metent
« ou plet tant que il soit entamés, la Cour de Sainte
« Eglise en a la connoissance.... et quant l'une des
« parties est condemnée, elle puet contreindre le
« condemné à fère paier le jugié par forche d'escom-
« muniement. » (Beaumanoir, Coût, de Beauvoisis,
chap. XI, p. GO.) Cette préférence accéléroit chaque
jour le progrès des usurpations de la puissance
spirituelle sur la puissance temporelle. Il fut si
rapide que dans le xnr siècle et au commencement
du XIV les Ecclésiastiques se trouvèrent en posses-
sion déjuger presque toutes les causes des séculiers.
La Cour de Rome ayant été transférée à Avignon,
en 1308, par le Pape Clément V, on vit les appel-
lations à cette Cour se multiplier en proportion de
l'activité des Juges ecclésiastiques à empiéter sur
la juridiction des Juges laïques. Enfin la nécessité
de marquer les bornes respectives de l'une et de
l'autre Juridiction , et de les fixer , fut sentie.
Philippe de Valois assembla le Clergé de son royaume
et tint un Lit de Justice en 132i), où Pierre de
Congneres, Avocat du Roi, soutint contre Pierre
Bertrandi , Evêque d'Autun , que la Juridiction
ecclésiastique étant purement spirituelle, ne pou-
voit être devenue temporelle que par une extension
abusive et dangereuse. Mais le Roi dont la politique
suspendit l'arrêt, se contenta (dit Pasquier) de
recommander aux Evêques la réforme des abus
dans leurs diocèses, et il enjoignit sous main à la
Cour de Parlement d'y veiller. Quelle qu'ait été
dès lors la vigilance du Parlement à restreindre la
Juridiction ecclésiastique , et à en réformer les
abus, les moyens par lesquels il y parvint, ne furent
connus que longtemps après, sous le titre d'rt/j;)e/-
lations comme d'abus. « Enfin comme nous voyons
« l'ours en léchant souvent ses petits, les rendre
« en la perfection de leur espèce, lesquels aupara-
„ vaut ne paroissoient estre qu'une lourde masse
„ de chair ; aussi discourans souvent dans le Parle-
„ ment, des abus qui se commettoient en Cour
, d'Eglise, et reblutans cette mesme paste, furent
„ formées entre nous, sur la fin du règne de Louis
„ XII, ces appellations comme d'abus... et establies
„ sur quatre pilliers, sur lesquel sont aussi fon-
„ dées les libériez de nostre Eglise Gallicane. »
(Pasquier, Rech. liv. ni, p. 257. — Voy. Id. ibid.
p. '254 et suiv. — Fleurv, Institut, au Dr. Ecoles.
T. II, p. 9 et 222.)
Appellement, subst. masc. Action d'appeler,
de convoquer, de nommer, d'épeler. Ces significa-
tions, dont on trouve la preuve dans Cotgrave .
Oudin, Rob. Estienne et Nicot, Dict. sont "toutes
analogues à celles du verbe Appeller. (Voy. Appel-
LATio.x et Appelleb.)
Appelle!', verbe. Pousser, presser, faire appro-
cher, faire venir. Citer à comparoitre. Crier, heurter.
Invoquer. Convoquer. Provoquer à combattre et à
plaider ; assigner, sommer, accuser, etc. Requérir,
prier, questionner, interroger, etc. nommer, épeler.
En supposant, avec les Étymologistes Latins, que
le verbe simple et inusité péllare (1) ait été formé du
verbe pellere dont l'acception est relative à celle
du grec ncXàv, faire approcher, le composé appellare,
en françois appeler, signifiera pousser vers un lieu,
en latin appelleve, peilerc ad locum. (Voy. Marti-
nius, Lexic. Philolog.) Il semble que ce soit la
signification de notre verbe appeler, lorsque pour
désigner une personne que sa volonté ou la néces-
sité "pousse à faire ou à aimer une chose, on dit
figurément qu'elle y est appelée. C'est peut-être
encore dans un sens analogue à celui de pousser,
qu'en parlant d'une rançon dont on avoit poussé,
porté le prix trop haut, l'on a dit : « Salehadins
« apela si haut le raen(;on Bauduin, que, etc. »
(Chron. d'Outremer, ms. de Berne, ir 113, fol. 121.)
On approche du lieu ou de la personne vers
lesquels on est poussé, ou pressé de venir. De là, le
verbe appeller aura signifié faire approcher quel-
qu'un, le faire venir, quelle que soit la façon dont
on le pousse, on l'excite, on le force à s'approcher,
à venir, à paroître, à comparoitre.
Si Vapicmi U lerres à soi.
Dame, fait-il, délivre-moi.
Va, fait-ele, ne doutes riens,
Jou te délivrerai moult biens.
Bestiaire. MS. du R. u" 7989, fol. 172, V col. 2.
Au figuré, l'on disoit en parlant d'une femme qui
approchant du terme oii elle devoit accoucher, se
sentoit pressée de mal d'enfant, qu'elle étoit appellée
de maladie. « Celle Dame estoit moult enceincte de
« son mary. . . . mais. . . . comme celle qui estoil
« appellée lie maladie luy vint au devant au mieulx
« comme elle peut. « (Percef. Vol. IV, fol. 11(3.)
11 seroit inutile de prouver l'acception particulière
d'appeller, faire approcher, faire venir en Justice,
citer à paroître, à comparoitre devant un Juge. On
a dit relativement à cette acception , que Dieu
appelle le monde, que Dieu nous appelle à lui.
Par Dieu qi li raons apele,
Mult doit estre chil irés
Qi pert tout outréement
Chou dont il a bonement.
Ane. POBS. fr. MS. du Vatic. n" U90, fol. 145, R'.
Richard, Duc de Normandie, se sentant afîoiblir.
(1) Ce mot signifiait parler.
AP
— 55 -
" Mi ?M ^^r "'^'^'^^ ^0™^- et parla en tel manere •
« Ml Chevalier et mi compaignon, je ai esté Sîe
. Sires terriens jusques'aujordùi ; mes puiscml
-' nostre Sires me veut à soi apcler, il meSn?
Hist de"/r TPx''o\'o/?r"- ^'' "^"J'^' «^^ ^"«
niM ue rr. i. \, p. sno.) On remarque en oénéral
que les acceptions usitt4s de notre verbe fSr
sont anciennes dans notre lan"-ue fW^<?/é;r
Qu'un homme, un animal vienne, qu'il approche
au son dune voix, d'une cloche, ou de ehme
autre instrument, il obéit toujo ,rs à i„,e Se
d impu sion dont ce verbe partit dés onéi vïïïl
simplemenUw,,/,,son domestique, son ciiie," etS
Le bruit qu'on fait à une porte, soi en crhi ' snu
en heurtant fait venir quelqu'un qui fSuv e De i '
on aura dit appeler un mot, appeler à la m,,,-
açons de parle,- de même èspèie que plusieurs
autres qu on a déjà remarquées, et par iKouei is
h7ur£poïrtfaii?(Sii';' ""^ '"'■'^' ^'^'^'^^^
AP
A son ostel vint, si apele
Un mot; et sa famé l'oi
yui moult forment s'en esioi
Lors couru coumo preus et saçe •
L uis ouvn sanz autre message '
FM. MS. du R. n- TBIS^t/ii, fol. 125, R. col. 2.
• • . Oui bonne nouvelle aporte
Seurement apèle à la porte.
Rom, de Rou. MS. p %•■>
3^;î^™^s^fïïŒ'Hn=F
Namies le voit ; Nostre Dame en ow/e
dillerens moyens étant commr.'c ^ ^^i -'^ ,"^' ^^^
appeller, kapSf si-n nUn 1 '"""' «'^'^''^'a
criminelles el c v S [™J t^Misioi] des alfaries
cours .es Bn^;'i';-,-i«,'s,rifs,îs,is
une preuve évidente de la justice nnripnn,^
fie l'accusation ou de la dPmnnrip f. ■ ^"^''^®
=,?erii;SV!i™--s
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« Oes fFf.m (^ ^'Çcuse laisoit le serment su vant :
ws (Ecoute), homme que je tiens par là
<.. «,.U . ,-.„ou.e„e.. .3 .„.„«„ ,,„3 „„,.,.„, „,^^ ^„^ ^_, ^^^^^ ^^^ ^^^^^^^^ ^^
AP
— 56 —
AP
« main seneslre et qui L. le fais appeller-en bap-
« tesme • telle personne ne meurdry en felonnie :
a ainsi ui-aist Dieu et ses Saincls. " L'accusateur
lui reprochoit clans les mêmes termes et avec le
même serment, qu'il s'étoit parjure. Le premier
serment éloit suivi d'un second, par lequel chacun
des deux Champions juroit de n'avon- sur lui aucun
sortiléo-e qui pût l'aider, ou nuire à son adversaire.
Alors on leur donnoit l'escu et le baston, et les
Quatre Chevaliers élus à la garde du champ de
bataille, se placoient entre les Champions et }es
tenoieiit éloignés l'un de l'autre, » tant qu ils
« eussent aouré, c'est-à-dire prié avenaument. "
Leur prière Unie, les quatre Chevaliers se retiroient
aux quatre coins du champ-clos, et les Champions
marchoient l'un contre l'autre et se joignoient.
.. Si Vappellé pouvoit se défendre tant que les es-
., toilles apparussent au Ciel, il avoit la victoire »
(Voy. Ane. Coût, de Norm. chap. lxviii, fol. 88 et 90.)
Peut-être qu'en étendant l'usage de ces combats
aussi odieux au Clergé(l) qu'ils étoient agréables a la
Noblesse on voulut les rendre moins sanguinaires.
Telle pourroit être la raison de la défense de com-
battre avec d'autres armes que l'écu et le balon.
Par une Constitution de Charlemagne, (Loi des Lom-
bards, liv. 11, tit. V, §'i3,) le bâton etoit la seu e
arme permise dans le combat judiciaire. Mais la
liberté du choix des armes fut autorisée par un
Capitulaire que Louis-le-Débonnaire ajouta a la Loi
Salique.
On croit voir dans l'abus de la preuve négative
admise par la Loi des Francs Ripuaires et celle de
presque tous les peuples barbares, une cause géné-
rale de l'établissement et de l'extension de la loi du
combat « Il me paroît, dit M. de Montesquieu, que
« la Loi du combat étoit une suite naturelle et le
a remède de la Loi qui établissoit les preuves
„ néo-atives. » Si Gondebaud , Hoi des Bourgui-
enonl l'autorise, c'est afin que ses sujets ne fassent
Dlus de serment sur des faits douteux, et ne se par-
lurent pas sur des faits certains. « Multos in populo
.. nostro... ita cognoscimus depravari ut de rébus
„ incertissacramentaplerunqueofferrenondubitent
.. et de cognitis jugiter perjurare. Cujus scelens
« consuetudinem submoventes prœsenti lege decer-
<. nimus ut quotiens inter homines nostros causa
« surrexerit, etc pugnandi licentia non rie-
« aetur >■ (Voy. Burgund. Leges, cap. xlv.) Si 1 Lm-
Dereur Othon II veut que celte même Loi décide les
contestations sur la propriété des héritages, ces
nu'on étoit sûr d'être usurpateur dès qu on osoit
être parjure. « H s'étoit introduit depuis long-
« temps une détestable coutume, à la faveur
« de laquelle un homme se rendoit propriétaire
« d'un héritage, en faisant serment sur les Evan-
« giles que là charte qu'il presentoil et qu'on atta-
« quoit de faux, étoit vraye. >• (Voy. Loi des Lom-
bards, liv. II, tit. Lv, chap. xxxiv.) Si plusieurs Cons-
.titutiôns générales de Charlemagne et de Louis-le-
Débonnaire, antérieures à celle d utnoii, et insérées
comme elle dans la Loi des Lombards, (liy. II, tit. lv,
S '>3 ) étendirent l'usage du combat judiciaire ,
d'abord aux affaires criminelles, et ensuite aux
civiles, c'est qu'avec autant de facilite d abuser uti-
lement de la preuve négative, il étoit presque im-
possible que l'accusateur ou l'accusé, le demandeur
ou le défendeur ne se parjurassent. On acquiesça
donc aux représentations de la nation qui demandoit
qu'à la preuve par serment on substituât la preuve
par le combat.
Quoique la Loi des Francs Saliens, plus sage que
la Loi des Francs Ripuaires et des autres peuples
qui admettoient les preuves par serment, eut obvie
à la nécessité des preuves par le combat, en ordon-
nant que toute demande ou accusation fut prou-
vée, et que pour s'en défendre. Il ne suffiroit pas
de la nier, les constitutions insérées dans la Loi
des Lombards, furent ajoutées a la Loi Salique
Ainsi lusage de la preuve par le combat, devint
.Général en France. On n'exclut cependant pas des
tribunaux, les autres preuves : mais la na ion, libre
de suivre son génie guerrier, préféra la Loi du
combat et retendit ; extension qui paroit avoir été
la principale cause de l'oubli ou tombèrent insen-
siblement les Loix Saliques les Loix Romaines et
les Capitulaires. (Esprit des Loix, T. II, chap. xiii,
^''0^116 tongea plus dès lors qu'à réduire en prin-
cipe l'usage de cette Loi, et à former le corps de
celte lurisorudence militaire qui changeoit toutes
les acliSns dvlfes et criminelles, en faits sur lesquels
elle ordonnoit le combat. On y réussit même au
point de prouver que s'il y a, comme 1 observe à ce
siî et de Montesquieu, « ""<^ i".fi">\e de choses sages
u qui sont menées d'une manière très folle, il y a
.< aussi des folies qui sont conduites d'une manière
« très sage. « (Voy. Esprit des Loix, T. II, chap. xxv,
P- 331.)
La sao-esse avec laquelle on fixa les règles et les
bornes du combat judiciaire, est particulièrement
attestée par Beaumanoir. (Coût, de Beauvoisis, chap.
Lx-ixiv) 11 arrive souvent, dit cet Auteur, que
dans les Cours laïques « li plet chieent en gages de
? batailles, ou que apensément li un apele l autre
. e vilain fet par devant Jusliche ; si est bons que
« ous en façons propre chapitre, qui ensaignera
„ desquiex cas l'en puet apeler. et quelles personnes
.. pueent apeler et estre apeles et lesque es non e
„ comment l'en doit fourmer son ay;^/ et le per 1
« qui est entre tex apiaux, et lesquels ay*î««.rli be -
„ gneur ne doivent pas soulfnr, si que chil qu
louront apeler sachent comment il se doivent
: Silënir en plet de gages et la fin en quoi il en
„ pueent venir se il enchieent dou plet. » (Coût, de
Reauvoisis, ubi supra, p. 307.)
Si le bàtôn étoit encore d'usage dans ces combats,
ce n'éloit plus qu'entre Vilains. Les Gentilshommes
combaltoient à cheval et avec telles armes qu il leur
(1) Le jugement de Dieu admis par VEglise était le serment, (n. e.)
AP
— a/ —
AP
plaisoit de choisir, « excepté coustel à pointe et
« mace d'arme molue. « Mais lorsqu'un Gentil-
homme appeloit ou provoquoit un Vilain, il devoit
se présenter comme lui à pied, sans autres armes
que l'écu et le bâton, parce que « s'abaissant en
« apeler si basse personne, sa dignité étcit ramenée
« en cel cas à telles armeures comme chil qui estoit
« apelé. 0 (Voy. Beaumanoir, Coût, de Beauvoisis,
chap. Lxi, p. 308. — Id. ibid. chap. lxiv, p. 328.)
La précaution de ceux qui louoient pendant un
certain temps un Champion pour combaltre dans
toutes leurs querelles bonnes ou mauvaises, nous
paroît une preuve singulière de l'extension prodi-
gieuse de l'usagedu combat judiciaire. Beaumanoir,
pour qui cette Coutume éloit ancienne, remarque
d'ailleurs que du temps de S' Louis, il suffisoit
encore qu'une demande excédât la valeur de douze
deniers, pour être jugée par la Loi dn combat : Loi
à laquelle on peut dire que toutes les autres Loix
étoient presque toujours forcées de céder, jusqu'à
ce que ce Prince, abolissant les preuves par le com-
bat, s'occupât du soin de rétablir les preuves par
chartes ou par témoins. (Voy. Beaumanoir, Coût.
de Beauvoisis, chap. .xxxvui, p. 203. —Id. ibid. chap.
Lxni, p. 325.) C'étoit ramener la Jurisprudence aux
premiers principes de la Loi Salique ; Loi conforme
à celles de presque toutes les nations du monde,
en ce qu'elle assujetlissoit les accusations et les
demandes, les défenses et les juslilications à la
nécessité des preuves positives. « Nous deffendons
" les batailles, par tout nostre demaine, en toutes
« querelles : mais nous n'ostons mie les dénis, les
" responses, les contremans qui ayent esté accous-
« tumés, selon les usages des divers pays, fors itant
« que nous en osions les batailles. Et en lieu des
« batailles, nous mettons priieves des tesmoins, ou
« des Chartres. » (Ord. T. I, p. m.)
On pouvoil s'opposer à l'abolition de l'usage du
combat dans les Juridictions seigneuriales, et S'
Louis l'y laissa subsister, excepté dans le cas
A'appel de faux jugement. (Voy. Ord. T. I, p. 113.
— Ibid. p. 25G-258.) La prudence de ces ména-
gemens nécessaires avec des Seigneurs jaloux de
leurs prérogatives, les prépara à souffrir que leurs
vassaux partageassent avec les sujets du Roi, le
bienfait de la nouvelle Jurisprudence.
Beaumanoir qui écrivoit peu de temps après la
mort de ce Prince , nous apprend qu'il étoit « à la
« Yolenté des houmes dou Comte de Clermont de
« tenir leur Court., selonc l'anchienne Coustume,
« ou selonc l'Establissement le Roy : mais se li plès
« estoit lamés (1) seur l'Establissement par le souf-
« rance dou Seigneur, li Sires ne le pouvoit puis
« mettre à gages, etc. » (Voy. Coût, de Beauvoisis,
chap. Lxi, p. 309.) Le progrès de cette tolérance de la
part des Seigneurs fut tel que la nouvelle Jurispru-
dence, aussi conforme à la raison naturelle et à la
Religion, que l'ancienne y étoit contraire, s'étendit
de proche en proche, et devint univei'selle dans les
tribunaux de Justice. Le cri des appels au combat
cessa d'y retentir et d'alarmer le citoyen dont l'inno-
cence où la propriété étoit attaquée. Mais hors de
ces mêmes tribunaux, il fallut à ce cri prendre les
armes, et au mépris des Loix politiques et reli-
gieuses dont la Noblesse regardoit le respect comme
une lâcheté déshonorante, combaltre pour la gloire,
l'amour et la vengeance. Ainsi la l'aison victorieuse
d'une superstition ignorante et barbare, fut soumise
au préjugé fanatique et impérieux de l'honneur. De
là, l'usage de ces expressions si familières à nos an-
cêtres Gentilshommes, ajipcllerde gage, de combat,
de duel, de joute, etc. Les exemples en sont si fré-
quens, surtout dans les romans de Chevalerie et
dans les ouvrages qui traitent des duels, des gages
de bataille, qu'il suffira de les avoir indiqués.
Ces expressions ont d'ailleurs la même signification
que celles encore usitées, appeler en duel, appeler
au combat.
Souvent le verbe appeller a signifié seul , provo-
quer à combattre, provoquer à venir en champ-clos,
y faire venir en provoquant au combat ; et dans
les tribunaux où l'usage du combat toit aboli, pro-
voquer à venir en Justice , y faire venir quelqu'un
en l'assignant, en lui faisant une sommation, en
formant contre lui une accusation, une demande.
C'est dans le sens d'assigner, qu'on dit encore
aujourd'hui «y^y^cZa- en Justice, appeler en témoi-
gnage, etc. On ajoute qu'anciennement appeller
quelqu'un de meurtre, c'éloit l'en accuser ; que
Vappeller de servage, c'étoit le redemander, le
réclamer comme serf, proprement le pousser, le
forcer par cette accusation, ou par cette demande,
à venir en Justice prouver sa liberté ou son inno-
cence. <■ Se nus hom veut aj>peller un autre de
« murtre, que il soit ois, ententivement ; et ([uand
« il vodra faire sa clameur, que l'en li die
'< Soies bien certain que tu n'auras point de
« batiiilles ; ains te conviendra jurer par bons tes-
« moins jurez.... Et se cil qui veut aj/pcller, quand
« l'en li aura ainsi dit, ne veut poursuivre sa cla-
« meur, laissicr la puet. » (Ord. T. I, p. 111 et 112.)
« Se aucuns est appelle de servage , ou de murtre,
« ou d'aucun autre meffet, etc. » (Ibid. p. 113et285.)
Bernart, cist preudom vos ajiele
D'une chose qui n'est pas bêle.
F^. MS. de Berne, n- 354. fol. 7, V* col. i.
Lorsqu'on appelle d'un jugement, on l'accuse en
quelque façon d'être injuste, et on provoque la
partie en faveur de laquelle il est rendu, à venir
devant le Juge supérieur à qui l'on demande répa-
ration de l'injustice dont on se plaint. (Voy. Appel.)
En requérant, en priant quelqu'un d'une chose,
on le provoque à la faire ; on provo ;ue sa réponse
en le questionnant, en l'interrogeant sur ce qu'il
fait, sur ce qu'il pense. De là, "le verbe appeller
signifioit requérir, prier, questionner, interroger,
etc. dans un sens analogue à celui de pousser, pres-
(1) Ne faut-U pas lire tancé? Tamer se trouve dans la Chronique des ducs de Normandie, mais ce peut être une
erreur, (n. e.)
II. 8
AP
— 58 -
AP
ser, provoquer. « Me promistes tous quatre que...
« vous me délivreriez de mort cliascun une fois
« quant je vous eu ro(iuerroye, dont tous en ont
« fait leur devoir, fors vous que je appelle de pro-
« messe. » (Percef. Vol. III, fol. 157, Vcol. l.j
Arriers s'est à la voie mise,
Ainz n'enporta que sa chemise.
Et la Contesse l'an apele ;
Si li demande, quel novèle ?
Por qu'as laissié le Chevalier ?
Fabl. MS. de Berne, n' 354, fol. 172, V col. 2.
On nomme les personnes qu'on a quelque raison
ù'appeller, de faire approcher, de faire venir à soi.
Ainsi le sens littéral de noire expression appeller
quehiu'un par son nom, seroit faire venir, faire
approcher quelqu'un, l'y provoquer en le nommant,
le nommer pour qu'il approche, pour qu'il vienne;
expression qui est ancienne dans notre langue.
« Nuls n'apiaut l'autre par son nom purement. »
(Règle de S' Benoit, ms. de Bouhier, p. 84.) Telle
paroit être effectivement la signification du verbe
appeller : i° nommer, prononcer à haute voix les
noms de personnes qui doivent venir ou être
venues dans un lieu à certaine heure; 2° nommer,
lire tout haut le nom des parties dont on appelle la
cause, pour qu'elles viennent plaider. Enfin,
lorsqu'au lieu d'épeler, on disoita/jyjfZZé'/'leslellres
d'un mot, c'étoit les nommer, afin que venant, pour
ainsi dire, l'une après l'autre, elles composassent le
mot qu'on vouloit prononcer. Ce ne seroit donc que
par abstraction de l'idée d'une cause finale, analo-
gue à celle qui est indiquée, que le verbe appeller
ou ujjpcler auroit signifié et signifieroit encore nom-
mer les personnes et les choses, en dire les noms
et qualités, sans autre raison que celle de les
désigner.
GONJUG.
Apeaut, subj. prés. Qu'il appelle, qu'il nomme.
(G. Guiart, ms. fol. 88, V°.)
Apelecent, subj. prés. Qu'ils appellent. (Règle de
S" Benoit, lat. et fr. ms. de Beauvais, chap. lxui.)
Apeleil, participe. Appelé, accusé, nommé. (Loix
Norm. art. iv, vi et xvii.)
Apeleit, part. Appelé, nommé. (S'Bern.)
Apeleiz, participe. Appelé, nommé. (Id. ibid.)
Apelerad, ind. fut. Appellera. (Loix. Norm.)
Apelet, ind. prés. 11 appelle, il nomme. (S' Bern.)
Apiau (j'), ind. prés. J'appelle, j'accuse. (Ane.
Poès. fr. MS. du Vatic. n" 1490, fol. 55, ^'°.)
Apiaut, ind. prés. Il appelle. (Fabl. ms. du R.)
Apiaul, subj. pr. Qu'il appelle, qu'il invoque. (Id.)
VARIANTES ;
APPELLER. Rom. de la Rose, vers 22665.
Apaller. Chans. Fr. WS. de Berne, n°389, fol. 57, R».
Apeler. S' Bern. Serm. fr. MSS. p. 14, 35, passim.
Apeller. Chans. Fr. MS. de Berne, n» 389, fol. 15, V».
Apieler. Ph. Mouskes, MS. p. 247.
Appeler. Orth. subsist. — Cotgr. R. Estienne, Nicot, Dict.
Appelleur, sub&t. masc. Appelant. Les ac-
ceptions de ce mot appelleur ou appelierres, plus
usité dans notre ancienne langue qu'appellant ou
appelant, sont relatives à celles d'appel , soit
qn'appclleiir désigne un champion, un accusateur,
un demandeur en Justice; soit qu'il désigne un
oiseau qui en fait venir d'autres dans les filets, un
oiseau à la suite duquel les autres volent. Si l'on en
croit Cotgrave, la signification d'appelleur étoit
quelquefois analogue à celle du verbe appeller,
épeler. (Voy. Appel et Appeller.)
VARIANTES :
APPELLEUR. Du Cange, Gloss. lat. au mot Campiones.
Apeleres. Id. ibid. col. 113.
Apelel'R. Id. ibid. — Loix. Norm. art. xvi.
Apeliere. g. Guiart, MS. fol. 87, V».
Apelieres. Beaumanoir, Coût, de Beauvoisis, p. 312.
Apeliers. Id. ibid. n. 22.
Apelierres. Id. ibid.
Apellieres. Id. ibid. p. 312.
Appelleres. Du Cange, Gl. lat. au mot Campiones.
Appellerres. Id. ibid. col. 114.
Appelloir. Assis, de Jerus. p. 49 et 60.
Appellour. Skinner, Yoc. forens. expositio.
Appepd, adv. et express, adv. En pendant.
On soupçonne Monet d'être l'auteur de l'expression
à-pend, et d'en avoir formé l'adverbe append. Il est
possible au reste que dans une signification relative
à celle de pendre, suspendre, on ait dit qu'une
colomne, une vis suspendue étoit une colunine, une
vis append. Mais c'est une méprise d'avoir confondu
cet adverbe avec le participe appens, en disant que
le guet appens ou ù-pens étoit embusches en lieu
comme penchant et désavantageux à celui qu'on
guette. (Monet, Dict. — Voy. Appens.)
VARIANTES :
APPEND, A-PEND, A -PENS, appens. Mouet, Dict. au mot
Appens.
Appendances, substantif féminin pluriel.
Appartenances. Dépendances.
11 est prouvé que l'idée particulière de tenir à une
chose en y appcndanl, étant généralisée, on a pu
dire appendances pour appartenances. (Voy. Appar-
tenance.)
Peut-être aussi a-t-on dit appendances pour dé-
pendances. « Je suis natif des appendances du
« royaulme de la grande Bretaigne. « (Percef.
Vol.VI, fol. 43.) Il sembleroit qu'alors la préposi-
tion initiale à' appendances seroit de même signi-
fication que la préposition latine ah, qu'en françois
on rend souvent par de. Au reste, comme ce qui
dépend d'une chose, y est nécessairement appen-
dant et par conséquent appartenant, il est possible
que sans égard à la différence de la préposition, les
mots dépendances et appendances aient été récipro-
quement substitués l'un à l'autre, pour signifier
appartenances, en général ce qui tient ou appar-
tient à une chose, soit en appendant, soit en dé-
pendant. (Voy. Dépendance.)
Appendices, subst. fém plur. Appartenances
et dépendances. Il est constant que dans un grand
nombre d'anciens titres latins, le mol appenditiœ
ou appendiciœ, en françois appendices, signifie
seul ce que dans un aussi grand nombre d'autres
signifient les mots réunis pertinentiœ et appendi-
tiœ. Soit qu'une chose appende à une autre chose
ou qu'elle en dépende, soit qu'elle y soit soupendue
AP
- 59 —
AP
ou suspendue, elle y tient. Or, ces façons particu-
lières de tenir, d'appartenir à une chose, étant
généralisées, on a pu désigner \es, appartenances et
dépendances d'une terre, d'une fief, d'une maison,
en les nommant seulement appendances ou appen-
dices, dépendances ou dépendlces, quelquefois sup-
pendices. Ce dernier mot est synonyme ù'appendi-
ces dans un titre de 12C8, publié par Dubouchet.
(Preuv. de l'Hist. de la M. de Coligny, p. 58. — Voy.
Ap^ENDA^■cEs et App.\rte.nance.) « Contens fut entre
« moy... et l'Abbé et le Convens dou mont Saint-
« Eloy.... des Justices, desostes(l), des terres et des
« appendisses de la Court de Faveril. » (Duchesne.
Hist. généal. de la M. de Béthune, pr. p. 13i ; tit.
de 12i7.) « Don li fit deLinei et des apendises, en
« mariage. » (Id. Hist. généal. de la M. de Bar-le-
Duc, pr. p. 32. — Voy. Dépe.ndices.)
V.-iRlANTES :
APPENDICES. Duchesne, H. g. de la M. de Béthune, p. 37.3.
Apendises. Dubouchet, ubi supra, p. 63.
Appendisses. Duchesne, H. g. de la M. de Béthune, p. 134.
Appendis, subst. masc. (2) Appentis. Bâtiment
attenant aux murs, aux portes d'une ville. Coteau.
Anciennement, un appendis étoit ce qu'on
nomme encore appentis, un bâtiment dont le toit
en pente d'un seul côté, append ou tient au mur
contre lequel il est appuyé. (Voy. Appendue.) « Un
o appendeis qui se fiert en la rue S. Abrahamj etc. »
(D. Carpentier, Suppl. Gloss. lat. de Du Gange, au
mol appoidaria ; tit. de 1295.) C'est relativement à
l'idée de la possibilité d'atteindre ù certaine hauteur,
en montant sur un appentis, qu'on disoit figuré-
ment : « Vostre promotion en l'office de Conseiller
« aux Généraux, c'est un appentij... pour monter
" à une magistrature plus relevée. » (Pasquier,
Lett. T. III, p. 60G.)
Dans une signification plus étendue qu'elle ne
l'est aujourd'hui, les bâtimens, les maisons attenant
aux murs ou aux portes d'une ville, peut-être aux
faubourgs de la ville, en étoientles appentis. « Cou-
« rurent les Mareschaux du Roy d'Angleterre jus-
« ques bien près de Paris.... Adonc s'émeut le Koy
» Philippe, et fit abbattre les appentis de Paris, et
« s'en vint à Sainct Denis. » (Froissart, Vol. I,
page 146.)
Il seroit possible que par la même extension, un
terrain^ un lieu attenant à des vignes eût été
nomme l'rtyj/^eHf/is aux vignes. Peut-être aussi que
le coteau étant à la montagne ce qw'wnappentis est
au mur contre lequel il est appuyé, \q moi appendis
aura signifié coteau. » Monterez sur ceste petite
« montaigne auprès de \' appendis aux vignes, pour
« garder qui sauldra. » (Le Jouvencel, ms. p. 86. —
Voy. Pendant.)
VARIANTES :
APPENDIS. Le Jouvencel, MS. p. 86.
Apentis. Cotgrave et Nicot, Dict.
ApPENDEts. D. Carpentier, S. Gl. 1. deD. C. à Apiiendavia.
Appentis. Orth. subs. — R. Estienne, Nicot, Monet, Dict.
Appenty. Pasquier, Lett. T. III, p. 606.
Appendre, verbe. Pendre. Etre attaché, tenir,
appartenir. (Voyez Appe.ndance.) Quelques Etymolo-
gistes latins croient que le verbe pendere, pendeo,
formé de pendere, pendo (3), signifie un effftt de la
pesanteur; opinion d'autantplus vraisemblable que
c'est par sa pesanteur, par son poids qu'une chose
pend, en latin pendet. On citera comme une preuve
de l'analogie de ces deux idées, le vers suivant :
Moult granz fez (4") à preudomme apent.
Fabl. MS. duR. n" 7-218, fol. 223, R- col. 1.
Les rapports qu'indique la préposition initiale
de ce verbe composé appendre, étant signifiés par
une seconde préposition, il semble que l'acception
d'appendre étoit la même que celle du verbe simple
pendre, lorsque dans un sens actif on disoit, appen-
dre une chose à une colonne, Yappendre contre un
mur, Yappendre en haut. (Voy. Monet, Dict.) Ron-
sard et Du Bellay afïectoient peut-être un air d'éru-
dition, en consacrant spécialement ce verbe à
désigner l'action de pendre, de suspendre à la
voûfe d'un temple les choses qu'on d'Jdieaux Dieux.
(Voy. Nicot, Dict.) Il est encore usité en cette signi-
fication particulière, maison a la preuve qu'ancien-
nement l'usage en étoit plus général.
Le noir escu bendé de nuit
Ot Larrecin au col pendu,
Et d'une torches apundu.
FaM. .MS. du R. n- 7615, T. II, fol. 191, V col. 1.
Plus souvent aussi l'acception à'appcndre étoit
neutre comme celle du verbe latin appendere,
pendre, être pendant. « Le ray du feu faisoit à
« l'estoille queue de trois toises de longueur, et celle
« queue estoit en appendant du costé de la
« Grand'Bretaigne. " (Percef. Vol. IV, fol. 68.) On
pourroil à ce passage en réunir d'autres où il seroit
possible que dans un sens relatif à celui des prépo-
sitions latines ab et ad, la préposition initiale et
inséparable du verbe ajipendre indiquât tour-à-tour
le point duquel s'éloigne la partie inférieure d'une
chose pendante, et le point vers lequel elle appro-
che en pendant. Dans le premier cas, appendre
seroit de même signification que le verbe dépendre.
(Voy. Dépendre.)
On sait qu'en général une chose pesante ne pend
qu'autant qu'elle est retenue par une autre chose,
qu'autant qu'elle est attachée et tient à cette même
chose, par un moyen quelconque. De là, l'usage
figuré du verbe s'appendre, être appendant, s'atta-
cher, être attaché à servir l'amour et à mériter ses
faveurs.
Veillier, ploreir, poene, travels, ahans.
Tout ceu covient as fins amans sentir :
Mais jai (5) por ceu ne se doit ébahir
Li hons ki est à haus dons apendayis.
Chans. Fr. MS. de Barne, n* 389, pari, n, fol. 18, V'.
(1) hospilcs, tenure et condition intermédiaire entre la liberté et le servage, (n. e.) — (2) Ce mot nous semble fait sur
pente ; appendiciuin, qui est ordinairement cité, aurait été, comme les mots en itia, termmé en esse ou en ice. (n. e.) —
(3) La forme romaine vient même de pendere avec e bref, et non de pendere avec e long : pendeo est à pendo, ce que jaceo
est àjacio. (N. E.) — (4) Faix, fardeau pesant. — (5) C'est le mot jamais (jain magis) interverti, (s. k.)
AP
— 60 -
AP
Moût est fox qui ne s'apent
A amors servir toz dis ;
Qu'amors tient celui joiant
Qui à li est ententis.
Ane. Poët. Fr. MSS. avant 1300, T. I, p. 217.
Les lieux où un amant, consei-voit un attachement
aussi heureux qu'honnête, étoient des lieux où
appeiuloient sa juie et son honneur.
Se j'ai tors dou paix esteit
Où ma joie et m'onors apent ;
Por ceu n'ai-je pas oblieit
Coinent on aimine loiaulment.
Clmns. fr. .MS. de Berne, n- 389, part. II, fol. 7, R°.
Ces acceptions llgurées prouvent combien l'on a
abusé de la siu;nification propre de ce verbe. On
considéroit comme appoidantes les unes aux au-
tres, les personnes entre lesquelles il y avoit une
relation, quelle que fût l'espèce de relation par
laquelle elles étoient attachées les unes aux autres,
par laquelle elles se teuoient. Ainsi, pour désigner
les relations de la créature au Créateur, les relations
de l'homme à l'homme, comme inférieur, comme
parent, etc. on disoit : « Fiz furent Remon ki fu de
« Beroth et des Hz Benjamin, e Beroth apenileif à
'< Benjamin. » (Livres des Rois, ms. des Cordel.
fol. 45, V°col. 1.)
Là est Guillaume de .Inliers,
A qui ilz sont touz apendanz, etc.
G. Guiart, MS. fol. 261, R".
La Corone de France doit estre si avant
Que tout autre Roi doivent estre à li apendant.
Guiteclin de Sassoigne. MS. de Gaignat, fol. 229, R* col. 2.
Diex où tout est apendant,
Qui de la Sainte Virge nasqui en Belléant, etc.
Buenon de Comraarchis, Ms. de Gaignat, fol. 200, R* col. 1.
Mais au fort Roi où tout apent,
En rendent grâces bonement.
Lucidaires, MS. do Gibert, fol. 6, V'.
On voyoit comme appcndant, non-seulement aux
personnes, mais aux choses, tout ce qui leur étoit
relatif, propre, convenable. « Yaissèle d'or... ki al
>i servise apencleit, etc. « (Livres des Rois, ms. des
Cordel. fol. 138.) « Co ne li apendeit pas à faire. »
(Ibid. fol. 139.)
Puisque Dame aura ami,
Et èle li veut douner
S'araour ; mis l'a en la voie
De rechevoir la grant joie
K'al olroi d'amours apent.
Ane. Poès. fr. .VS. du Valic. n* li90, fol. 143, Rv
Mais ce n'est pas amors qu'à moi apende.
Ane. Poét. Fr. MSS, avant 1300, T. I, p. 411.
Richart par prière
Ne fera chose qu'il requière,
Ne qui a loiauté s'apande.
G. Guiart, MS. fol. 25, V'.
Dame, fet-èle, à vous qu'apent de cest afère''
Fabl. MS. du R n- 7218, fol. 338, V-col. 1.
C'est ainsi qu'en généralisant l'idée d'une chose
qui tient à une autre chose en y appendant, on a
fait du verbe appcndre un synonyme d'appartenir.
« Si ascun (1) face purchas de comune de pasture en
« autruy soil (2), et ne eit nul tenement à qui cèle
« Commune purra appendre, tiel purchas, etc. »
(Britlon, des Loix d'Angl. fol. 144.) •< Tenement à
« qui l'avowson (31 appenl ove toutes les apurte-
« naunces. » (Id. ibid. fol. 23î.) « Advowson et
>' common de pasture.... sont nosmés appendants
» al maiior, ou al terres et tenements. •> (Tenures
deLitUelon, fol. 41.)
Et qui li voudroit fere droit,
Normendie il apcndmit.
Roiu. de Rou, MS. p. 232.
Uns riches Chevaliers estoit
Moult franc, à qui il appendoit
Assez grant terre et grant honor.
Fabl. MS. du R. n- 7615,T. 11, fol. 173, V col. 1.
VARIAiSTES :
APPENDRE. Britton, des Loix d'Angl. fol. 144, V°.
Apandre. g. Guiart, MS. fol. 25, V».
Apendre. Livres des Rois, MS. des Cordel. fol. 4.
Appens, pari, et subst. Pensé, réfléchi. Pensée,
réflexion (4). Temps pour penser, pour réfléchir.
Il semble que l'usage du participe appens, abré-
viation d'appensé, ait toujours été restreint à l'ex-
pression encore usitée, guet appens. (Nicot et Monet,
Dict. — Dict. de Trévoux et de l'Acad. Fr. — Voy.
Appensé.) On pourroit regarder l'addition de ce par-
ticipe appens au substantif guet, comme superflue,
puisqu'il n'y a point de guet ou â'agiiet sans
pensée, sans réflexion. Mais Pasquier observe qu'en
François, comme en Latin, il n'est pas extraordi-
naire de réunir deux mots de même signification,
pour rendre ce que l'on veut dire plus poignant ;
qu'ainsi le guet ou Vaguet paroit d'autant plus
odieux, qu'il est appens. (Voy. Pasquier, Rech. L.
VIII, p. 099 et 700.) C'est par ignorance que l'on a
écrit à-pend ou append. (Voy. Âppend.)
Quelquefois on écrivoit guet-à-pens. Alors, le
participe pens signifioit ce que signifie encore le
mot pensée qui n'est autre chose que le féminin du
participe pensé, pris substantivement au moyen
d'une ellipse. Par conséquent, le guet-à-pens étoit
la même chose que le g net -à-pensée, c'est-à-dire
guet avec pensée, avec réflexion. (Voy. Pens et
Pensée.) Il résulte de celte observation, que le par-
ticipe composé apens peut aussi avoir signifié
réflexion, pensée. (Voy. Borel, Dict.)
On croit même que dans un sens relatif à celui
de l'expression jour d'appensement, on a nommé
appens un délai accordé en Justice, pour penser et
réfléchir aux objections qui pourroient être faites à
des témoins. « Qui delTault en sa prouve, doit faire
« les despens, et luy doit cheoir li jour de la def-
« faulte en producion ; et s'il deffault à veoirs
« donner tesmoins que l'en donneroit contre lui, il
« n'aura plus appens îi dire après. Ainczois dira,
« etc. " (Ane. Coût, de Bretagne, fol. 102. — Voyez
Appensement et Appe.nseb.)
VARIA^iTES :
APPENS. Nicot et Monet, Dict.
Apens. Pasquier, Rech. L. VIII, p. 699.
(1) aucun : ahquns unus. (s. e.) — (2) fonds de terre ; on trouve la forme féminine soile se rattachant à solum, devenu en
bas-latin suluim. - (3) Voir Du Gange à Aduotia. - (4) Comme on le voit par ces vers (3609) du Roman de la Rose : a Mes
ge metrai tout mon apens, Dès ore en Bel-Acueil garder. » (n. e.)
AP
— 61 —
AP
Appensé, participe. Qui est pensé, réfléchi.
Qui a pensé, réfléchi. Occupé, insirait; qui a des
idées, de la raison, de la prudence, etc.
La signification d'appensé étoit passive et la
même que celle à'appens, Inrsqu'en disant cliose
appensée, fait appensé, advis ou guet ap/icnsé, l'on
exprimoit une pen.sée, un dessein réfléchi de nuire.
(Chron. S' Denys, T. l, p. 53. — Ord. T. I, p. 57,
col. 2. — Coquillart, p. 112. - Pasquier, Rech.
L. vin, p. 700. — Hob. Eslienne, Xicol et Monet,
Dict. — Voy. Appens.)
Plus généralement, le participe appensé signifioit
la pensée sans dessein de nuire. Il étoit actif, c'est-
à-dire qu'il désignoit l'état de l'homme ayant été
pensant, et non celui de la chose ayant été pensée,
toutes les fois qu'en parlant d'une personne qui
avoit pensé, réfléchi, l'on disoit qu'elle étoit ap-
pensée.
Amours, se bien y suis appensée,
Est maladie de pensée.
Rom. de la Rose, ïers 448) et 4482.
Apensels sui c'une chose feroie,
S'amors voloit et li venoit en greit, etc.
Chans. fr. MS. de Bei'ne, n" 389, part, i, fol. 21, V.
C'est par l'analyse de l'expression elliptique être
appensé, qu'on aperçoit la raison pour la(iuelle un
participe passé semble avoir quelquefois la signifi-
cation d'un participe présent, comme en ce passage :
Lors esgarde avant et arriéres,
Et voit couvertes les gaschieres (1)
Des siens qui, serrez vers le val.
S'en vont à pié et à cheval.
De vuidier le champ ape}if:fz.
G. Guiart, MS. fol. 368, Rv
En pensant, on s'occupe, on s'instruit, on acquiert
des idées, on se fait une habitude de raison, de
prudence, etc. De là, ce même participe appensé
signifioit, 1° occupé :
Garde ta bouche soit de proier upeusée,
Tant que de t'amor soit esprise et eschaufée.
Fabl. MS. du R. n- 7G13, T. U, fol. 178, V col. 2.
2" Instruit :
... De quanlques li demanda
Le trouva si très-apensé.
Si courtois et si avisé, etc.
Cléomadès, .MS. de Gaigual, fol. 40, R» col. 9.
3° Qui a de la prudence, de la raison, etc. » Grant
« partie s'accorda à ce que l'en li devoit aidier
« et s'offrirent por li aidier; li autres disoient qu'il
« n'estoient mie appensé. - (Martène, Conlin. de
G. de Tyr, T. V, col. 710.)
... Sa mère Done Ynabele
Le reconfortoil coume celé
Qui ert apensée tousjours.
Cléomadès, MS. de Gaignat, fol. 57, Y- col. 3.
Qu'il suffise d'avoir indiqué l'analogie par laquelle
tout mot signifiant une idée relative aux qualités
habituelles d'un être qui s'occupe l'esprit et qui
pense, pourroit être l'explication du participe ap-
pensé. (Voy. Appenséement et Appensememt.)
VAJUANTES :
APPENSÉ. Nicot et Monet, Dict.
Apensé. Cléomadès, fol. 1, passim. — R. Estierme, Dict.
Apenseis. Chans. Fr. MS. de Berne, n» 389, fol. 21.
Appenséement, adverbe. En pensant, avec
examen, avec poids et mesure. A dessein. Avec
réflexion, avec prudence, etc. (Voyez Appensé et
Appe.nser.)
Anciennement, faire ou dire une chose, enj'y
pensant, en examinant les raisons de faire ou de
ne pas faire cette chose, de la dire ou de ne la pas
dire, c'étoit agir ou parler apenséenient ou empen-
séement, agir ou parler avec poids et mesure, avec
examen. « Quand elle parloit c'esloit... mont apen-
« séement. » (Vie d'Isabelle, à la suite de Joinville,
p. 174.) « Choses qui sont par adventure et non mye
« apenséement faictes, etc. » (Fabri, Art de Rélhor.
L. I, fol. 51.1 On lit, empensécment. (Id. ibid. f° 52.)
>' Le Roy Richart férit par adventure , non mie
" apenséement; si que luy fist mortelle playe. »
(Chron. S' Denys, T. II, fol. 26.)
On forme un dessein en pensant, en pesant les
raisons de faire une chose ou de ne la point faire;
de là, l'adverbe appenséement signifioit à-dessein.
■< Sire, je le vous diray, et suy cy venu apenséement
« pour vous en parler. » (Modus et Racio, ms. fol.
249.) « Ce faisoit Patience appenséement pour deux
« causes. » (Ibid. fol. 258.)
U y a de la réflexion, de la prudence,' [du bon
sens, du jugement à n'agir, à ne parler qu'après
avoir pensé. Ainsi l'adverbe appenséement signifioit
avec jugement, avec bon sens, avec prudence, avec
réflexion. (Voy. Cléomadès, ms. de Gaignat, fol. 14.
— Ibid. fol. 31».) u Li sages hardis, si est chil qui
« sagement et apenséement monstre son harde-
" ment. » (Beaumanoir , Coût, de Beauvoisis ,
chap. I, page 8.)
... .là nus hom feme ne prisera
Ki aime trop baudeinent (2).
En canpion qui apenséement
Conbat, a on plus seure atendance
Ken benbancier de foie contenance.
Ane. Pocs. Fr. MS. du Valic. tl- 1490, fol. 166, R'.
VARIANTES :
APPENSÉEMENT. Modus et Racio, MS. fol. 25.
Apenséement. Ane. Poës. fr. MS. du V. n" 1490, fol. 166.
Apensémënt. Chron. S' Denys, T. II, fol. 26, V».
Empensée.ment. Fabri, Art de Rhétor. L. I, fol. 52, R».
Appensement, sul)st. masc. Action de penser,
de réfléchir ; pensée, réflexion. Qualités d'un être
pensant, prudence, etc.
(Voyez Appe.nséeme.nt et Appensé.)
On a dit au premier sens, « que de de fol apen-
« sèment naist le mal consentement. » (Voy. Rom.
de la Rose, vers 18C62 et 18663.)
S'uns Clercs est trop fos par nature,
Nus sages hom n'a de luy cure :
S'il est trop sages ensement
Il entre en tel apensement
De quoi bien Ten puet meskair.
Ane. Poèt fr MSS avant 1300, T. IV, p. 13U.
(1) Voir Du Cange à Gascaria : terres nouvellement défrichées, (ji'ttines. (n. é.) - (2) de l'allemand bald : avec trop
a expansion, (n. e.)
AP
— 62
AP
. . . A bataille, ce dist-on,
Est adès prouece en saison,
Et avis et apensoneiis
Et senrtés et hardemens.
Clëomadès, MS. de Gaigtul. fol. G3, R- col. 2.
En termes de procédure, le jour d'appensement
étoit un délai accordé à des héritiers, pour penser,
réfléchir aux raisons qu'ils pouvoient avoir de
reprendre un procès, ou de l'abandonner. « Jour
« ù'appc lise ment est et sert tant seulement en cas
« où l'on seroit ndjonrné à reprendre ou délaisser
« la cause et erremens d'un procez dont le deman-
« deur ou défendeur seroit allé de vie h trespas. »
(Bouteiller, Som. rur. tit. vu, p. 39. — Voy. Appens.)
On a indiqué ailleurs par quelle analogie ce mot
appensement a désigné les qualités d'un' être pen-
sant, la prudence, etc.
Moult durement les assailloit ;
Car de très-grant vaillance estoit
Et de très-grant apensement.
Cléomadès, MS. de Gaignat fol. 4, V col. 1.
VAR1.\NTES :
APPENSEMENT. Laurière Gloss. du Dr. Fr.
Apensement. Cléomadès, MS. de Gaignat, fol. 58.
Appenser, verbe. Penser, examiner ; avoir une
idée, former un dessein, projeter. (Voy. Appensé.)
On sait qu'en Latin, pensare signifie proprement
peser une chose, l'évaluer au poiclsen la pesant, en
la tenant suspendue dans la balance ; qu'en François,
penser a signifié et signifie encore figurérnent cette
opération de l'àme par laquelle on pèse, on examine,
on évalue les choses en idée. De là, les anciens
verbes composés ajipenser et enpenser qui étoient
de même signification que le verbe simple penser,
en Latin pensare. (Voy. Penser.)
Il semble qn'appenser des témoins, c'étoit penser
à ce qu'on pourroit opposer à leurs témoignages,
peser ces témoignages, les examiner avant que
d'y souscrire. « S'il deffault à veoirs donner
« tesmoins que l'en donneroit contre lui dira
« de surs comme se il les veistpour tous appenser,
« les luy nommant; et les gréera. >> (Ane. Coût, de
Bretagne, fol. 102, V°. — Voy. Appens.)
On a réuni appenser et enpenser, parce que la
difîérence de la préposition initiale n'en opéroit
aucune dans la signification de ces deux verbes, soit
qu'ils désignassent la pensée, ou l'idée, le dessein,
le projet formé d'après la pensée. « Se aucuns gens
« avoient enpensé h aler tuer un bons, etc. » (Ord.
T. I, p. 134.)
Cuer orgueilleux veult trop estre honoré,
Et si ne veult à nullui faire honneur.
Tout est bien fait quanqu'il a cmpensé;
Ce qu'autrui fait lui semble deshonneur.
Eust. Desch. poës. MSS. p. 125, col. 4.
La preuve que cette acception A'enpenser étoit
aussi celle à'appenser, alongeroit inutilement cet
article. On le terminera en remarquant que dans le
sens de penser, peser ses idées, peser, examiner les
raisons de faire ou de ne point faire une chose, de
la juger bonne ou mauvaise, fausse ou vraie,
le verbe appenser, h la différence d' enpenser, étoit
plus ordinairement réciproque. " Ele s'apensa
« d'une grant Iraïson comme malicieuse. » (Rom.
de Dolopathos, ms. du R. n° 753i, fol. 293, V" col. 2.)
Lors s'assist sor l'esponde (1) et tint le chief embron (2);
Lors s'dptvîsse et porponsse à oui dira son bon.
Fabl. MS. du R n- 7218. fol. 347, V- col. i.
Quand bien m'apense,
Il ne me semble pas par m'ame,
Qu'amans Hons, n'amoureuse Dame,
Puist avoir greignor joie au monde
Que d'amour, quant el s'i habonde.
Poi-s. i. la suile du R. de Fauvel, MS. du R. n" 681i, fol. 1, V col. 1.
VARIANTES :
APPENSER. Ane. Coût, de Bretagne, fol. 102, V".
Apanser. Fabl. MS. du R. n» 7615, T. II, fol. 126, R» col. 1.
Apenser. Ane. Poët. Fr. MSS. avant 13()0, T. IV, p. 1368.
Apensser. Fabl. MS. du R. u« 7218, fol. 3i7, V» col. 1.
Empexser. Eust. Desch. Poës. MSS. p. 125, col. 4.
Enpenser. Cléomadès, MS. de Gaignat, fol. 59, V» col. 2.
Apperceii, participe. Connu par quelques
qualités éminenles. Ce participe apperccu, dont
l'acception générale et figurée étoit la même que
celle du verbe apercevoir, avoit une signification
absolue, toutes les fois qu'en parlant d'une per-
sonne dans laquelle ou apercevoit, on connoissoit
des qualités éminentes, on disoit qu'elle étoit
apperçue, connue par son intelligence, sa prudence,
son courage, son intrépidité, etc.
Mes Theseus les ot veu3
Qui vassauz ert aperceus.
Cinq batailles issir en fait, etc.
Athis, MS. fol. 99, V- col, 2.
Il est sages, aperceus.
Si ne vuet pas estre déceus.
Fabl. MS. du R. n' 7615, T. II, fol. 134, R- col. 1.
Luxure est un péohié ; qui trop s'y laisse vivre,
Si vit jusques à la mort à paine sans délivre...
David et Salomon en furent si deceu.
Et maint autre grant homme, et sage et apparceu.
S. de Meun, Codic. vers 1705-1770.
Il semble que les Soldats qu'en Franche-Comté
l'on noitiiwoW, Apperçus (3), soient des Soldats con-
nus par le patriotisme intrépide et courageux avec
lequel on les avoit vus servir leur pays et le défen-
dre. Les trois Bailliages de cette province dévoient
entretenir trois Légions ou Régimens de cette espèce
de milice toujours prête à marcher au premier
ordre ; milice à la vérité peu aguerrie, mais à
laquelle « on avoit vu autrefois que l'amour de la
« patrie... avoit inspiré beaucoup de courage. »
(Pelisson, Ilist. de Louis XIV, T. II, p. 260, 267 et
268. — Voy. Appercevoir.)
VARIANTES :
APPERCEU. S' Bern. Serm. fr. MSS.p. 7.
Aparceus. Fabl. MS. du R. n» 7615, T. II, fol. 13t.
Aparceut. S' Bern. Serm. fr. MSS. p. 230.
Aperceus. Athis, MS. fol. 99, V" col. 2.
Apercheu. Anseis, MS. fol. 14, R» col. 1.
Aperzuiz. S' Bern. Serm. fr. MSS. p. 169.
Apparceu. J. de Meun, Codic. vers 1770.
(1) châlit ; on le trouve dans Virgile : , „
propose in et pronus; Cachet, dans son Glossab-e'clu Chevalier au Ûyipie, ne se prononce pas ; M. Gautier, dans' sa Chanson
ae tU)land, déclare cette étymologie très difficile, (n- e.) - (3) Paraît avoir ici le sens i'appoincté (Voir c
Ati!o;is qmtm se regina superbis Aui-ea coynposuit sponda. (n. e.) — (2) penché : Diez
ir, dans sa Chan
ce mot). (N. K.)
AP
AP
Appercevable, rtrfj. Apercevable. (Voyez Oudin
et Monet, Dictionnaire.)
Appercevance, subst. fém. Faculté d'aperce-
voir, de sentir, de connoitre. Perception, idée,
notion, connoissance. Cliose apercevable.
Les significations du ènbilànWi appercevance sont
toutes analogues à celles du verbe apercevoir.
C'est avec raison qu'au premier sens, l'on a dit :
« Les sens sont l'extrême borne de noslre apperce-
« vance.... Ils font Irestous la ligne extrême de
« nostre faculté. » (Essais de Montaigne, T. II,
p. 472.)
Chien a grant Icgeresce et grant apercevance.
Chasse de Gaston Phébus, MS. p. 89.
Dans le second sens, appercevance désignoit
l'effet de cette faculté d'apercevoir, la perception,
l'idée, la notion, la connoissance qu'on prend des
personnes ou des choses, en les apercevant. (Voy.
Oudin, Rob. Estienne, Nicot et Monet, Dict.) Ainsi,
lorsqu'une personne avoit peur d'être aperçue,
d'être connue, on disoit qu'elle nwoit paor d' aperce-
vance. (Fabl. MS. du R. n° 7218, fol 330, Y° col. 1.
— Voy. Appercevement.)
Quelquefois V appercevance étoit la chose même
qu'on apercevoit, une chose apercevable. (.Nicot,
Dict.) « Ce dont nous avons encore veu de nostre
« temps quelques restes et appercevances en la rue
» Nostre-Dame, etc. " (Pasquier, Rech. L. i.\, p. 708.
— Voy. Appercevoir.)
VARIANTES :
APPERCEVANCE. Oudin, R. Estienne, Nicot, llonet, Dict.
Apercevance. Chasse de Gaston Phébus, MS. p. 89.
Appercevant, ;j«î'f('cijJ^. Qui voit de loin, qui
voit bien. Qui peut être vu, qui est visible. (Voyez
Appercevance et Appercevoir.)
Dans le premier sens, on disoit : « Le Roy qui
« estoit assez fl;'7J<'/T('i'«H/, leva amont le visaige,
" et veit venir... les deux Chevaliers. » (Percef.
Vol. VI, fol. 106, V° col. 1.)
Celte acception est figurée dans les vers suivans :
Ll mesengue (1) qui ert molt sage,
Aperchevaiis et enscgnie ;
Qui molt estoit de sens garnie, etc.
Bestiaire, MS. du R. a' 7989, fol. 171, V" col. 2.
On trouve qu'abstraction faite de l'idée de celui
qui voit une chose, qui l'aperçoit parce qu'elle est
visible, le participe appercevant a signifié ce qui
peut être vu, ce qui peut être aperçu comme visi-
ble. » Donnant à iceulx deniers blancz telle diffé-
« rence comme bon vous semblera à faire, et la
« moins apparcevant que l'en pourra. » (Ord.
T. III, p. 430. — A^oy. Appercevoir.)
variantes :
APPERCEVANT. Percef. Vol. VI, fol. 106, V» col. 1.
Aperchevant. Bestiaire, MS. du R. n» 7989, fol. 171.
Apparcevant. Ord. T. III, p. 430.
Appercevement, subst. masc. et fém. Action
d'apercevoir, vue, connoissance. On a voulu justi-
fier un égarement de l'amour dans le philosophe
Aristote, en disant qu'il avoit été séduit, non par
Vapersure, par la vue d'une femme, mais par le pen-
chant de la Nature qui peut égarer la philosophie.
Donc n'a li maistres, ce me sanble,
Nule coupe en sa mespresure,
Quant ne mesprist par apersure,
Mais par nature droite et fine.
Alex, et .\ri5t. MS. de S. Geriu. fol. 73, V* col. 3.
Anciennement, les amans craignoient qu'on ne
s'aperçût de leur amour, et làchoient d'en dérober
la connoissance.
. . . Li proie que sagement
Me vueiÛe fere enseignement
Et demonstrer en quel manière
J'ai joie de ma proiere ;
Et que ce soit céléement.
Qu'il n'en soit apercevement.
Fabl. MS. du R. n" 7218, fol. 205, V col. 1.
Ils préféroient leurs peines amoureuses à des
plaisirs pleins iVappercevemens, à des plaisirs dont
la connoissance échappe rarement à la curiosité
maligne des médisans.
A pais ameroie
Miex grant déduis qui fust lens,
C'un bien hastié ne feroie
Tous plain d'appercevemens.
Ane. Poës. fr. MS. du Vatic. n" 1522, fol. 153. R- col. I.
On a personnifié la honte ; et pour signifier
qu'elle redoute la vue, les regards de la curiosité,
on a dit :
Honte... portoit une espée
Bonne, clère et très-bien trempée
Qu'elle forgea doubteusement
De soucy d'aparçoijveinenl.
Rom. de la Rose, vers 16284-16287.
VARIANTES 1
APPERCEVEMENT. Ane. P. fr. MS. du Vat. n» 1522, f. 153.
Ap.\rcoy\'e.ment. Rom. de la Rose, vers 16287.
ArERCEVE.MENT. Fabl. MS. du R. n» 7218, fol. 205, V" col. 1.
Apersure. Alex, et .Arist. MS. de S' Germ. fol. 73, V» col. 3.
Appercevoir, verbe. Apercevoir, voir, ouïr.,
goûter, sentir, connoitre, juger. Percevoir, toucher,
recevoir. Ou observera que du verbe simple capere,
prendre, s'est formé le composé latin percipere, en
françois percevoir. (Voy. Percevoir.) Il semble qu'en
réunissant à la préposition per la préposition a
dans apercevoir, l'on indique tout-à-la fois l'objet
et le moyen de la perceplion. C'est par le moyen
des sens sur lesquels agissent les objets, que l'àme
saisit ces mêmes objets, qu'elle en reçoit l'idée,
qu'elle en prend connoissance. De là, l'usage figuré
du verbe appercevoir qui signifioit voir, ouïr,
goûter, sentir en général, connoitre par les sens,
juger d'après cette connoissance réfiéchie. « Porons
'< aperzoïjvre par nostre esprueve mismes, cum
■^ convenaule chose soit, etc. » (S' Dern. Serm. fr.
Mss. page 3.) « Par la grandesce del pardon, pues
« aparwivre la grandesce de la veniance. » (Id.
ibid. page 198.)
(1) mésange; en bas-lalin »ie:e/i:t(, de l'allemand mcise, avec suffixe, (n. e.)
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En l'oslol fu plus de douze ans,
Tant que li Enfes fu jà grans
Et se sot bien o()eir«îî'o?V (1).
Kabl. M5. du II. 11' 7218, fol. 151, R' ool. 1.
Dans une signification relative à la différence des
sens par lesquels on prend connoissance des per-
sonnes et des choses, on disoit : « Cil ki aparceut
«'ont le deleit de l'espiritel vitaille, etc. » (S' Bern .
Serm. fr. mss. p. -230.)
Au Roi a dit parole (qyercheue;
Sire, dist-il, c'est ventés seue, etc.
Anseis, lis. fol. 14, R- col. 1.
Par sous le chaperon l'esgarde...
Si connut bien et aperçoit,
C'est son mary qui la decoit.
Fabl. MS. duR'. n" 7218, fol. 163 V col. 1.
.le ne vos puis de jor veoir.
Car trop redout ['apercevoir.
;, Cliaus. Fr. MS. de Berne, n- 389, part. 1, fol. 45, V'.
Ce même verbe apercevoir, dont on a restreint
l'ancienne acception figurée, signifioit dans le sens
propre, toucher, prendre avec la m.ain, recevoir,
percevoir. « Huit deniers de cens... avoit q{ aper-
« cevoit chascun an es mesons de Saint Salveor. >>
(Hist. généal. de la M. de Chastillon, pr. page Gl ;
titre de 1273.)
CONJl'G.
Aperceifii), ind. prés. J'aperçois. (Liv. des Rois.)
AparceifiV), imp. Aperçois-toi. (Ibid. fol. 32.)
Aparchut, indic. prêt. Aperçut. (Ibid. fol. 82.)
Aparçoeve (s'), subj. prés. S'aperçoive. (Rymer.)
Aperçoif, indic. prés. J'aperçois. (G. Guiart.)
Apercuit (s'), ind. prêt. S'aperçut. (Liv. des Rois.)
V.\RIA>TES :
APPERCEVOIR. Rob. Estienne, Nicot et Monet, Dict.
Aparcevoir. Fabl. MS. du R. n" 76-15, T. II, fol. -124, V».
Ap.\rzoivre. S' Bern. Serm. fr. MSS. p. 198, 239, etc.
Apercevoir. Orth. subsist. — Fabl. MS. du R. fol. 151.
Aperçoivre. Ane. Poës. fr. MS. du Vatic. n» 1522, fol. 161.
Apersoivre. Chans. Fr. MS. de Berne, n° 389, fol. 78.
Aperzoivre. S' Bern. Serm. fr. MSS. p. 17 et 35.
Aperzoyvre. Id. ibid. p. 3.
Apparcevoir. Cotgrave, Rob. Estienne et Nicot, Dict.
Appétence, snbst. févi. Convoitise, appétit.
(Cotgrave et Oudin, Dict.)
Appeler, verbe. Convoiter, vouloir, désirer,
rechercher, demander, etc. On sait qu'au xyi" siècle,
on affectoit de parler latin en françois. De là, le
verbe appeler, en latin appetere, qui dans la signi-
fication de convoiter, vouloir, désirer, rechercher,
demander, etc. désignoit l'effet de toute espèce de
sentiment par lequel l'âme est invitée à satisfaire
un besoin physique ou moral. Il ne se dit plus que
d'un appétit dont la cause est physique, comme en
ces phrases. >■ L'estoma£ appelé les viandes; la
« femelle appelé le mâle. » (Voy. Appétisser.)
VARIANTES :
APPÉTER. Orth. subsist. - J. Marot, p. 72.
ApéTEr. Gloss. de Marot. — L'Amant ressusc. p. 75,
Apetter. Du Bellay, Mérn. piéc. justif. T. YI, p. 311.
Appétisser, verhe. Inviter à manger, mettre
en appéfit. On excite l'appétit des oiseau.x qu'on
veut faire chasser, en leur donnant « desestouppes
» couvertes de chair, en forme de pillule.... Parce
« moyen seront rendus plus sains, plus appetissez,
'• plus avides, plus légers et plus promps à la
" proye. » Budé, des Oiseaux, fol. 120. — Cotgrave
et Monet, Uict. — Dict. de Trévoux. — V. Appéter.)
Appétit, subst. masc. Convoitise, volonté, désir,
besoin. On a déjà observé qu'en général V appétit
est l'effet d'un sentiment qui invite l'àme à vouloir
et à rechercher la satisfaction d'un besoin physique
ou moral. (Voyez Appeter.) Quoiqu"rt;;/;t7/^ subsiste
dans le sens de convoitise, désir, il ne signilieroit
plus la volonté, le désir de voir une personne qu'on
aime.
Et Moigne, et Clerc, et Prestre, ly Grands et ly Petit
De veoir leur Patron avoient aypétil.
Ger. de Roussillon, MS. p. 201.
Dans le sens oîi l'on dit que l'honneur veut
qu'on se venge d'une parole outrageante, on disoit
figurément :
Combien voit-on de dangers courir
Pour quelque bruit d'un faux raport qui vole !
Combien voit-on dliommes braves mourir
A l'oppvlit d'une seule parole!
Poés. à la suite des Dialog. de Taliureau, fol. 191, R'.
On dit encore à l'appétit d'un écii; expression
adverbiale dans laquelle appétit signifie la volonté,
le désir, le besoin d'épargner un écu.
Anciennement le besoin de vomir, comme le
besoin de manger, étoit désigné par le mot appétit.
On disoit, appétit de vomir. (Voy. Rob. Estienne et
Nicot, Dict.) « Les Chevaliers qui n'avoient mangé,
« et qui le travail du Tournoy avoient souffert,
« dévoient bien avoir appétit de manger. » (Percef.
Vol. V, fol. 108, R°col. 1.)
Enfin, l'acception générale à'appétit étant parti-
cularisée, ce mot a signifié seul et signifie encore le
besoin, le désir de manger. Montaigne ne sentoit
jamais le besoin de manger qu'en se mettant à table.
« Pour moy (dit-il) je ne mange jamais trop tard :
« Vappétil me vient en mangeant, et point autre-
« ment. Je n'ay point de faim qu'à table. » (Essais
de Montaigne, T, III, p. 341. -- Voy. Appetitif.)
L'insatiabilité de nos désirs est si naturellement
exprimée par ces mots l'appétit vient en mangeant,
qu'on en a fait un proverbe dont on a cru que
Jacques Amyot, évêque d'Auxerre, étoit l'auteur.
On raconte qu'ayant paru d'abord ne désirer rien
de plus qu'un Bénéfice qu'il obtint, il demanda
ensuite l'évéché d'Auxerre; et que le Roi l'ayant
plaisanté sur l'accroissement de ses désirs, il ré-
pondit: Sire, l'appétit vient en mangeant. (Voyez
Dict. de Trévoux.) Mais l'abbé Lebeuf croit qu'Amyot
(1) Le sens juger du latin percipere permet de rendre compte de ce vers. Mais il est difficile d'expliquer la locution
s'apercevoir de, qui, du sens de voir scn, a passé au sens de remarquer: on en trouve des exemples dans la Chanson de
Roland : « Li amiraiz auquesi s'en aperceit. » Le verbe, neutre, aura ensuite pu s'adjoindre le pronom réfléchi, comme se
taire, se pâmer, etc. (n. e.)
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n'est intéressé pour rien dans ce proverbe, « en
« mangeant V appétit vient, comme dit l'évêque
« d'Auxerre. " Cet évéque d'Auxene lui paroit être
Philippe de Lenoncourt qui fui longtenis appelé en
Cour l'Evêque d'Auxerre, depuis la résignation qu'il
avoil faite de cette prélature, et qui accumula grand
nombre de bénéfices. (Voyez Hist. ceci, et civ.
d'Auxerre. T. I, p. G'(5.) Au reste, l'intempérance
des désirs est si naturelle à l'homme, qu'il n'en est
presque aucun dont le cœur n'ait senti que l'appétit
vient en mangeant. On ne voit donc pas trop pour-
quoi ce proverbe seroit plus propre à Philippe de
Lenoncourt qu'à Jacques Amyot. Une chose qui
paroit plus vraie, c'est que l'un dé ces deux évèques
d'Auxerre, et peut-être tous deux ont répété ce
qu'avant eux nombre de personnes auroient pu dire
aussi raisonnablement que l'avoit dit Angeston.
(V. Rabelais, T. 1, p. 27.) Si l'on en croit Le Duchat,
« Angeston est Jérôme le Hangest, Docteur de Paris
« et grand Scholastique. » Rabelais, qui semble le
désigner comme auteur du proverbe, Yappétit vient
en mangeant, prouve évidemment qu'il n'y a pas
plus de raison d'en attribuer l'origine ù Philippe de
Lenoncourt qu'à Jacques Amyot, puisqu'il écrivoit
plusieurs années avant que l'un et l'autre fussent
évèques d'Auxerre.
VARIANTES :
APPÉTIT. Orth. subsist. - Géi'. de RoussiUon, MS. p. 201.
Apétit. Poës. à la suite des Dialog. de Tahureau, fol. 191.
Appetitif, adj. Convoiteux, désireux, concupis-
cible. Appétissant. Dans le premier sens, on a dit :
Pourquoy sont-ilz d'honneur appetitifz?
C.onliedilz de Songecreiix, fol. 106, R".
La faculté appétitive (1) de l'âme est ce qu'en style
dogmatique, on nomme appétit concupiscible. (Voy.
Gotgr. Oudin et Monet, Dict. — Dict. de Trévoux.)
On connoît l'espèce de métonymie par laquelle le
substantif appétit a désigné et désigne encore cer-
taines choses qui donnent de Yappétit et l'excitent.
Delà, vraisemblablement l'adjectif appetitif ([ui,
dans un sens analogue à celui du verbe appctisscr,
signifioit appétissant. (Gotgr. Dict. — V. Ai-petisser.)
Appiéceter, verb. Rapiéceter. Mettre des pièces
à du linge, à des habits, etc. (Gotgr. Dict. — V. Pièce.)
Appigner, verbe. Exhausser un mur, un bâti-
ment, une maison. On observera que dans les
Coutumes de trois bailliages de Lorraine, lit. xiv,
des Servitudes, le verbe rehausser paroit relatif au
verbe appigner dans les Coutumes de lévêché et
comté de Verdun, tit. xv, des Servitudes. « Quand
« aucun édifie et dresse mur qui soit mitoyen à kiy
« et à un autre, celuy qui n'édifie pas et qui a
« moitié audit mur, doit contribuer à la reédifi-
« cation dudit mur, tant en fondement que jus([ues
« à la hauteur de la closture; et au résidu, s'il ne
» veut contribuer, l'autre... peut réédifier ledit mur
« et y faire veue au-dessus, de hauteur de closture.
« Et neantmoins si l'autre en après veut réédifier
« et appigner, il le peut faire et s'aider dudit mur
« en payant la moitié des frais et dépens qui
« auroient esté faits pour réédifier ledit mur, et
« doit celuy qui a premier réédifié, boucher ses
« veues. » (Nouveau Coût. gén. T. H, p;ige 433.)
Lorsque dans l'Ancien Goût. gén. T. Il, p. Î701, on
lit que « si de plusieurs voisins, l'un veut bastir
« pour mieux ou plus commodément se loger, il lui
« est loisible de contraindre par justice ses voisins
« de contribuer aux fraiz de la réparation de murs
« communs; que s'il veut les reliaulser plus qu'à
« leur hauteur première, faire le doit à ses fraiz,
« en y faisant faire pour tesmoignage de ce fenestres
» de maçonnerie qu'il sera néanmoins tenu d'es-
» toupper, si le voisin voulant se servir de ladite
« rehausse, offre contribuer aux fraiz, » on aperçoit
la relation du verbe reliaulser au \evhe appigner,
exhausser un mur, un bâtiment, une maison. Cette
acception du verbe appigner, paroit d'autant plus
vraie qu'elle est analogue à une origine assez pro-
bable du substantif pigîion (2). (Voy. Pignon.)
Appigrets, subst. inasc. Chose où l'on grappille.
Les alfaires qui appartiennent à la Chambre des
Comptes étant comparées par Rabelais à des plants
de vignes, mettre ou remettre une grappe sur le
pressoir, c'éloit mettre ou remettre une affaire sur
le bureau. Pour signifier qu'on tiroit de l'afTaire
peu de gain, peu deproflt, qu'ilyavoit peu de chose
à gagner, à grappiller, Gaigne-beaucoupdisoit qu'on
ne trouvoit pas grand appigrets [3] dans la grappe.
(Voy. Rabelais, T. V, p. 73.) Ce mot que Rabelais a
sans doule forgé d'après sa fantaisie, et dont Got-
grave altère l'orthographe, en écrivant appigrès,
ne désigne aucune chose à l'usage des pécheurs.
C'est une méprise de Golgrave qui l'explique en ce
sens. Il ne s'agit point de pêche dans Rabelais, mais
de vendange. Ainsi, le mol appigrets paroit signifier
chose où l'on grappille, le gain, le profit qu'on tire
d'une afl'aire comparée à une grappe de raisin dont
on exprime la liqueur en la pressurant. On soup-
çonne que dans une signification relative à l'accep-
tion figurée â'appigrets, gain, profit, le sobriquet
Apigratis aura désigné un Cuisinier qui grappille»
qui fait de petits profits injustes. (Voy. Apigratis.)
VARIANTES :
APPIGRETS. Rabelais, T. V, p. 73.
Appigrès. Cotgrave, Dict.
Applauier, verbe. Aplanir, planer, doler, raser.
Polir, rendre doux au toucher. Caresser du plat de
la main, tlatter, adoucir, apprivoiser, accoutumer.
La signification propre d'applanier est aplanir,
égaler fa surface de certaines choses en les planant,
en les dolant. « Prenés un billot qui ayt un demy-
« pied de long, et l'aplanés à un bout, pour, etc. »
(Modus et Hacio, fol. 83, R°. — Voy. Plamer.) Dans
le Dict. lat. fr. ms. qu'a publié le P. Labbe (Etym.
(1) « Selonc Arislote, cinc puissancf-s ou parties de l'àme sont, c'est assovoir la veg. tative, la spnsitive, Vappetitive,
l'intellective, la motive. » (Oresme. thèse de Meunier.) (n. t.) — (2) On p mrr àt remontir jusqu'au latin pJHim, créneau. (N. K.)
— (3) N'y aurait-il pas là le mot apis, abeille ; appigrets signifieri.it alors ce que l'abeille a Ijutiné. (n. e.)
II. ' 9
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fr. p. 498), le verbe latin dolare est rendu par le
françois uplaigner, le même qu'aplaner dans les
vers suivans :
. . . L'un des arcs esloit de bois,
Tout cornu et mal aplani:.
Tout plaiii de neuds et mal tourné.
Rom. de la Rose, vers 925-927.
C'est relativement à l'idée d'une surface plane et
égale, qu'applanier a signifié raser une ville, raser
les murs d'une forteresse. » Frai de Jérusalem
« cume fait l'ai de Samarie... Si la destruirai, aba-
« ferai e aplanierai, si cume l'un sultplanier tables
c< de graife. » (Livres des Rois, jis. des Cordel.
fol. 149, R" col. I.)
Cilz de hors sont au mur monté,
En pluseurs lieux l'ont effondré ;
Après ont tout aplanie,
Fossé et mur égaiUié ;
Puis passèrent tout plainement.
Rom. du Brul, JIS. fol. 48, V" col. 2, et 49, R" col. 1.
On conçoit que ce verbe ait pu désigner plusieurs
autres idées aussi relatives à celle d'une surface
plane et polie; surface qu'en même temps il peint
douce au toucher. Tel est par comparaison le poil
du cbevreuil, lorsqu'il n'est point hérissé. « Quant
« il fuit au commencement devant les chiens, il
» fuit... tout héricié Quant il a fouy longue-
>' ment, il fuit le poil tout aplaignié, et n'est point
<• héricié. » (Chasse de Gaston Phébus, ms. p. 39.)
Peut-être faisoit-on allusion ii l'idée d'une chose
douce au toucher, lorsqu'en parlant d'un jeune
Prince dont on avoit soigné la parure en le
peignant, en le baignant, en le parfumant, ondisoit
qu'il étoit aplanoiié.
Lavés fu et aplanoucs,
Et atournés si coume cil
Qui fius estoit à Roi gentil.
Ph. Mouskes, MS. p. 508.
Quoi qu'il en soit, applanier exprimoit en géné-
ral l'effet de l'action douce et coulante du plat de la
main sur la télé d'un enfant, sur le poil d'un chien,
d'un cheval, sur le plumage d'un faucon, etc.
lorsque dans la signification, caresser du plat de la
main, flatter, on disoit : « Comme ladite nourrisse
" eust respondu que c'estoit une fille.... la Déesse
" lielene la print et luy applania le chef aucune
« espace, puis la rendit à la nourrisse. » (J. Le
Maire, lllustr. des Gaules, liv. n, p. 261.) « Fist
>■ aplainier, et grater, et tirer le lévrier par le col-
« lier... mais il ne se bouga. » (Chasse de Gast.
Phébus, MS. p. 91.) « Quant le cheval.... sentit sa
" main qui luy aplanijoit son doz, etc. » (Percef.
Vol. 11, fol. 45.) « 11 vint h son destrier qu'il apla-
>> niait doucement, et mist le pied en l'estrief. »
(Hist. de B. du Guesclin, par Menard, p. 370 et 371.)
Le ceval forment convoitoit ;
Souvent l'acole et aplanie,
Et le ceval si bel manie,
Por un poi ne le vait baisant ;
Il vit le ceval si plaisant.
Ane. Poft. Fr. MSS. avant 1300, T. IV, p. 1350.
il aplanie,
Il li fait chiere trés-Ue,
Que li faucons bien apperçoit
Que son service en gre reçoit.
G. Macliaul, PoCs. MSS. fol. 207, R- col. 2.
Par cette manière de caresser les oiseaux et au-
tres animaux, ils s'adoucissent et s'apprivoisent.
De là, le verbe applanier signifioit apprivoiser,
quelle que fût la façon d'apprivoiser, d'accoutumer
un oiseau ou autre animal, à être docile à la volonté
de l'homme. En parlant du faucon, l'on disoit :
" Qui a ung faulcon nouvel... lui doit faire geclz de
« cuir de cerf mol et une laisse de cuir, laquelle doit
« estre attachée au gant; et doit eslre pendue une
« petiic boiiclele à une petite cordelele, de laquelle
« on doit mener et aplainer le faulcon souvent. »
(Modus et Racio, fol. 59, V".)
Sobresse duit les faulcons et affete ;
A hault voler les duit et apla»ie.
Al. Cliartier, Poës. p. 592.
On adoucit les hommes, on les apprivoise, on les
accoutume à tout, même à la douleur, en les trai-
tant comme l'on traite certains animaux, en les
caressant, en les flattant. De là encore, l'acception
générale et figurée à'applanier, caresser, flatter
l'humeur d'un homme, sa fierté, sa passion, sa
douleur. « 11 ne faisoit sinon dire : Chevalier
« malheureux ! Adonc l'allèrent applanier qu'ilz le
« firent monter sur son cheval. » (Percef. Vol. I,
fol. 156, R°col. 1.)
Espoir par fois le vient applanier.
Œuv. de Rog. de CoUerye, p. 166.
Deus ! ki sauroit com norrist et aplaigne
Amors tous ceux ke ne sont entaichié
De fauceteit, ne de boise enpirié ;
Pouc puet prixier dolor ke l'an avaigne.
Chaus. Fr. MS. de Berne, n- 389. part, n, fol. 44, Vv
. . . Tant n'el sot aplanoier
K'il vosist Gormont renoiier.
Ph. Mouskes, MS. p. 367.
.... Ceaus qui sevent losengier.
Ne les Seigneurs uplanier, etc.
Alars de Comliray, Moral. MS. de Gaignat, fol. 165, V col. 3.
Costume est de traître de que redote aplaigne.
Hist. de Job, envers, MS. de Gaignat, fol. 133, V toi. 1.
Enfin quelle que fût la manière de flatter la sen-
sibilité raisonnable ou déraisonnable d'un homme,
ou la comparoit visiblement à la manière de cares-
ser certains animaux, tels que le chat, le chien, etc.
puisqu'on disoit :
. . . Bien lo sauroiz aplaignier
Si con l'an aplaigne lo chat.
Rom. de Perceval, MS. de Berne, n" 354, fol. 244, R- col. 2.
C'est proprement une caresse du plat de la main
que désigne le verbe applanier employé substanti-
vement dans les vers suivans :
. . . Trop plus douche est la bature
Dou poing qu'on aime par nature,
Que d'un fauls li aplaniicrs
Qui est de llater raaniiers.
Hist. de Job, en vers, MS. de Gaignal, fol. 174, R' col. 1.
VARIANTES :
APPLANIER. Percef. Vol. 1, fol. 156, R»col. 1.
Aplaigneu. Rom. de Perceval, MS. de Berne, n»354. f. 244.
Aplaignieh. Uom. de Perceval, ubi supra.
Aplainer. Eust. Desch. Poës. MSS. p. 994.
Aplaingner. Chasse de Gast. Phébus, MS. p. 99.
Aplaingnier. Estiubert, Fabl. MS. du R. n» 7996, p. 85.
Aplainier. Chasse de Gast. Phébus, MS. p. 91.
Aplmnxer. Fabl. de Morel, MS. de N. D. fol. 7i.
Aplainnoier. Ibid. fol. 72, R» col. 1.
Aplaner. Rom. de la Rose, vers 926.
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— 67 —
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Aplanier. Livres des R. MS. des Cordel. fol. 149.
Aplaniier. Hist. de Job, eu vers, MS. de Gaignat, fol. 174.
Apl.\noier. Ph. Mouskes, MS. p. 367.
Aplanoiier. Id. p. 508.
/Vplanoyer. Cotgrave, Dict.
Aplanyer. Gace de la Bigne, des Déduits, MS. fnl. 76.
Applaigner. Rom. de la Rose, vers 7302.
Applanoyer. Rom. de la Rose, vers 7802.
Applanyer. Ibid. vers 17267.
Applanieur, snbst. masc. Aplaneur. Ancienne-
meiil, tout homme dont l'occupation étoit d'aplanir
des choses inégales, se désignoit par le mot appla-
nieur. (Voy. Cotgrave et Nicot, Dict.) On observera
néanmoins d'après Nicot, que ce mol ap/)la7iieiir. le
même qu'appUmisseur, a signifié plus particulière-
ment un ouvrier que dans les manufactures de
couvertures et de draps, on nomme encore apla-
neur; par la raison peut-être qu'en faisant venir
avec des chardons la laine aux couvertures et aux
draps, après la première tenture, il les aplanit et
les rend doux à la main. (Voy. ArrL.\NiF,R et Ai-pla-
NISSEUR.)
Applanir, verbe. Polir, rendre brillant. (Voyez
Applanissrmknt et Applanisseur.) On ne trouve le
verbe applanier avec la signification de notre
verbe applanir, qu'en remontant à l'origine de no-
tre langue. (Voy. Applanikr.) Peut-être (\u applanier
n'étant plus connu qu'avec la signification de cares-
ser, flatter, les Auteurs du xvi* siècle éprouvèrent
le besoin du verbe applanir, et crurent en être les
créateurs, avec d'autant plus de vraisemblance
qu'avant eux il paroit avoir été d'un usage très-
rare. C'est relativement aux choses qu'on rend bril-
lantes en les aplanissant, que le verbe applanir a
signifié rendre brillant , polir , comme l'ancien
verbe applanier signifioit polir, rendre doux au
toucher.
Si eut avecques ce Richesse
Ung cadre d'or mis sur sa tresse...
De pierres estoit fort garni
Précieuses, et aphuuj (1).
Rom. de la Rose, vers 1098-1103.
VARIANTES :
APPLANIR. Cotgrave, Rob. Estienne, Nicot et Monet, Dict.
Aplanir. Orth. subsist. — Rom. de la Rose, vers 1103.
Applanissement, subst. masc. Aplanisse-
ment. L'action d'aplanir, de polir. (Voy. Cotgrave,
Bob. Estienne, Nicot et Monet, Dict.) Il paroit que la
formation du iv\\)s,l-AnV\Uipplanissement est relative
au commencement ou au renouvellement de l'usage
du verbe applanir. (Voy. Applanir.)
VARIANTES :
APPLANISSEMENT. Rob. Estienne et Nicot, Dict.
Applanisement. Cotgrave, Dict.
Applanissemant. Monet, Dict.
Applanisseur, subst. masc. Aplaneur. L'ac-
ception générale et particulière à' applanisseur étoit
la même que celle à'applanieur. (Voy. Nicot et
Monet, Dict.) Ainsi la différence de ces deux mots
n'est que dans la terminaison ; l'une analogue à
celle du verbe applanier, et l'autre à celle du verbe
applanir. (Voy. Applanieur.)
Applatir, verbe. Faire tor.:!'^" tout à plat, éten-
dre mort par terre. Le verbe applatir dont on con-
noit l'acception usitée, a signifié faire tomber tout
à plat, étendre mort par terre, ;'( plate terre. « Tant
« de Lombars... t'eurent fl/^/;/«//,s et estendus, que...
« on eust peu dire que guerre atîamée avoit illec
« faict une repeue. » (J. d'Auton, Annal, de
Louis XII, an. 1499-1501, p. 37. — Voy. Platir.)
Applatissement, subst. masc. Aplatissement.
L'action d'aplatir, de rendre plat. (Cotgrave, Dict. —
Voy. Applatir.)
Applaudir, verbe. Rendre favorable. Flatter en
donnant des claques. Quelques Elymologistes
croient avec assez de vraisemblance, que le verbe
simple plaudere, d'où le composé applaudere, en
franç.ois applaudir, est un mot formé à l'imitation
d'un bruit auquel on a comparé celui du battement
de mains, signe ordinaire d'approbation et de
faveur. De \h, notre verbe applaudir a signifié et
signifie encore approuver, favori^-er. Mais on ne
diroit plus qu'un \\omme cowp-AhXe uplaudit son fait,
lorsqu'il le rend favorable, en alléguant des choses
propres à le soustraire à la rigueur de la Loi.
« Thomas dist qu'il l'avoit frappé d'une fourche de
« bois, combien que en vérité il n'en feust riens :
« mais le dist pour aplnudir et coulourer son
" fait. » (Lett. de grâce, an. 1391 — Voy. D. Car-
pentier, Suppl. Gl.'lat. de Du C. h Applausivus.)
Il semble qw'ap/ilaudir, dans le sens de flatter,
désigne le bruit que l'ait la main sur le dos d'un
chien qu'on flatte en lui donnant des claques, en le
frappant légèrement sur le dos. « Il doit approcher
X son limier, Yapplaudissnnt de la main et luy
« donnant queUiuc friandise ; puis l'exciter et par-
« 1er à luy. » (Fouilloux, Vén. fol. 113, V°.)
variantes :
APPLAUDIR. Orth. subsist. - Fouilloux, Vén. fol. 113, V°,
Aplaudir. D. Carpentier, S. Gl. 1. de D. C. à Applausivus.
\pp\sins,ement, subst. masc. Applaudissement.
(Voy. Applaudir.) « Ne cherchons honneur ny ap-
» plausement des hommes, mais la vérité seule. »
(Rabelais, T. II, pag. 178. — Voy. Plaudissement.)
Applégenient, subst. masc. Complainte, action
possessoire. La raison pour la([uelle applégenient,
dans le sens général cautionnement, caution, a
signifié complainte, action possessoire, est que dans
les cas où la Loi aulorisoit l'action possessoire, la
complainte, il fatloit que la Partie complaignante
?>'aplilérieât,(\n'el\e donntàt une caution, sans la-
quelle la Partie adverse restoit saisie. (Voy. Applé-
GER.) Mais la caution de poursuivre le plait, une
fois donnée par le Demandeur en complainte, il
obtenoit la saisine qu'on ôtoit au Défendeur, à
moins qu'il ne donucàt aussi caution, qu'il ne se
(1) De l'existence du participe aplany, il ne faut pas conclure à celle d'aplanir ; la rime a bien pu amener la formation de
ce participe, (n. e.)
AP
— 68 —
AV
contr'applégeât. Ainsi les complaintes, en deman-
dant et en défendant, furent nommées rt/jy^/('Y/'''"<'«s
et conlr'applcfjcniens, parce qu'il y avoit une cau-
tion réciproiiue, au moyen de la(|uelle, la chose
litigieuse éloit séquestrée en main de Justice. (Voy.
Contu'ai'flégement.)
Anciennement, icipplcger, se compla'nidrc d'avoir
été dessaisi de choses dont on ^ avoit été an et jour
« en sezine pcsiblement, c'étoit s'appléger, se
« comphiindre de nouvelle dessaisine. » On venoit
à son Sei;jneuret on lui disoit : " Sire, uns riche
« ou tit>x hons est venus à moy d'une meson, ou
« de pré, ou de vignes, ou de terres, on de cens, ou
« d'autres choses, et m'a desseisi de nouvele des-
« sesine, que je exploitié au seu et au veu , en
« servage de Seigneur jusques ii ores, que il m'en
a a dessaisi à tort et ù force dont je vous pri que
" vous prengniez la chose en vostre main. » Il falloit
dès-lors « mettre pleiges à poursuivre le plet; »
autrement la Partie adverse resloit saisie de la
chose conteutieuse. Si le demandeur en complainte
donnoit caution, s'il « mettoit pleiges bons et souf-
» fisans, selon ce que la querele étoit grande, » sa
Partie étoit mandée par le Seigneur qui lui disoit :
« Cil a mis bons pièges qu'il est dessesi à tort et à
« force de tele chose ... je vuel syavoir se vous
« meltrés pièges au deiïendre. » Dans le cas où le
Défendeur en complainte refusoitde « mettre pièges,
« de se coiitr'ajipU'gev, » le Demandeur avoit la
saisine de la chose conteutieuse, « pour les pièges
« qu'il y avoit mis. » S'il répondoit au contraire:
« Je i mettre bons pièges au deffendre . . . que ce
« est ma droiture, la .Justice devoit mettre jour aus
« deus Parties et tenir la chose en sa main jusques
t> à tant que liquiex que fust, eust gaigniée la sai-
« sinne par droit. » (Voy. Ord. T. I,"p."lâ7 et 158.
— Beaumanoir, Coût, de Beauvoisis, p. 167.)
On pouvoit être dessaisi à tort, sans être dessaisi
à force ; c'est-à-dire que l'injustice dont on se com-
plaignoit en cas de nouvelle dessaisine, n'ètoit pas
toujours accompagnée de violence. De là, Beauma-
noir aura distingué ce qui paroit confondu [ubi
supra, chap. lxv des Etablissemens de S' Louis), en
séparant la nouvelle dessaisine à tort de la nouvelle
dessaisine à force qu'il nomme le casde force. Cette
distinction est d'autant moins essentielle, que le
cas de force étoit au cas de nouvelle dessaisine ce
que l'espèce est au genre; puisque de l'aveu même
de Beaumanoir, « nule tele force n'estoit sans nou-
a vêle desezine. Aussi se complaignoi! on de nou-
« velle dessaisine dans le cas de force : mais lorsque
« forche avoit été fête à le dessaisine , c'est-à-dire,
« lors(iu'on avoit été dessaisi a grant planté de
« gent ou à armes, si qu'on n'i osasl estre pour
« paour de mort, on pouvoit le mettre avant en son
« clain, dans sa complainte de nouvelle dessaisine. »
(Voy. Beaumanoir, Coût, de Beauvoisis, p. 37, 167.)
Alors, la complainte ou l'action possessoire étoit à
la fois civile et criminelle.
Enfin les •< complaintes de nouvelle dessaisine à
'< tort et à force dévoient être applegiées, » par la
raison ((u'eu celte matière il y avoit « condamnation
" de dépens. » Quoique Ragueau, dans son Indice
des Droits royaux , cite en preuve du contraire,
" l'arreslde la Dame de Vierzon contre l'Abbé de
« Foucombaut (1), es Enquestes du Parlement de
« Toussaints 1275, » il semble qu'on n'en doive con-
clure autre chose, sinon que cet Arrêt n'ètoit pas dans
les principes de l'ancienne Jurisprudence établie
par S' Louis. « Quar droit est qui fait autre dessai-
« sir, et il li met sus que il l'a dessesi à tort et à
« force et il perd la querèle, il doit rendre à l'autre
« partie ses coûts et ses despens, pour ce que il l'a
« fet dessaisi!', et pour ce en prend l'en les pièges. »
(Ord. T. I, p. 158. — Voy. Laurière, Gloss. du Dr.
Fr. T. I, p. 55 et 56.)
On avoit les mêmes raisons d'o])server la forma-
lité de Yajiplégement Qldu contr'applégemenl, pour
la « complainte de nouvelle eschoite : » complainte
par laquelle un héritier se reconnoissant dessaisi
par l'usurpateur d'une succession, demandoil à être
mis en possession et saisine des héritages dont étoit
« mort saisi puis an et jour » celui à qui il avoit
droit de succéder. » Quant aucun va de vie à tres-
« passement, et celuy qui doit estre héritier, est
« empesché es choses de la succession, ou en géné-
« rai ou en particulier; s'il veut, il peut
» venir devers le Seigneur, son Seneschal ou Ser-
« gent du Baillage dont les choses sont sujettes,
« dedans l'an après la mort du detTunt du quel il
■< se dit héritier, et déclarer comment il est pro-
« chain parent et héritier dudit deffunt , et à luy
« appartient à venir et eslre l'eceu à la possession
« et saisine des biens dont étoit mort ledit deffunt
« vêtu et saisi puis an et jour .... et suffit s'il dit
« par certains degrés et moyens a declairer en
« temps et en lieu, et que pour ce soy s'applege de
« nouvelle succession ou eschoite, contre tous ceux
« qui opposer ou contr'appleger se voudront. »
(Ane. Coût, de Poitou, chap. xvin.) Lorsqu'il y avoit
« applégement et contr'applégement, la chose con-
« teutieuse étoit mise en main de Cour. » (Voyez
Laurière, Gloss. du Dr. Fr. T. I, p. 55-58.)
En comparant le chapitre xvmdela très-ancienne
Coutume de Poitou avec le chapitre iv du Livre II
des Etablissemens de S' Louis, on pense que « de-
« mander sésine d'héritage » signifie la même chose
que s'appléger de nouvelle eschoite. « Quiconques
« demande sesine d'héritage, il le doit demander
» en tèle manière: Mon père ou mon frère, mon
« cousin ou mon parent morut sesis et vestus,
« tenans et prenans, ploians et desploians tenant
» de Seigneur, et à ilel temps, que il ala de vie à
" mort, et morut en paisible sesine, sans suite de
« nului et de tel héritage, .... et est assis en tel
" sesine, et en tel lieu, et en tel fié , et comme je
« soie le plus prochains hoirs, et de cèle part, dont
« li héritage muet, et cil tienne à tort lesdites cho-
(i) Aujourd'hui Fontgombault, en Berry (Indre).
AP
69 —
AP
« ses, dont je requiex à avoir la sesine; et bien
« m'en enlignageray envers luy, se il le me nie,
« en fesant vers vous ce que je devré, couime vers
« Seigneur, ou Droit; sçavoir mon , se je le dois
« avoir ou non. » (Ord. T. I, p. '2i9.) Pi l'on juge
d'après celle comparaison , que la demande de
« saisine d'héritage « soit ce qu'on nomme applé-
gemcnt de nouvelle eschoite dans la très-ancienne
Coulume de l'oilou, on en conclura que Vapidége-
ment ou coinplahite de nouvelle eselioite n'étoil pas
d'un usage moins ancien que Vapplégenient ou
« complainte de nouvelle dessaisine à tort et à
« force. » Dans le « cas de nouvelle eschoite, »
comme dans celui de « nouvelle dessaisine avec ou
« sans force, » le complaignanl qui s'avouoit des-
saisi, agissoit pour acquérir la saisine et la posses-
sion, ou pour les recouvrer.
Il semble qu'il y avoit aussi dessaisine dans le
cas du nouveau trouble que Beaumanoir définit en
ces termes: « Nouviaus troubles si est se je ai esté
« en sezine an et jour d'une chose pesibiement et
« l'en m'empeesche .... coume se l'en oste mes
« vendengeurs ou mes ouvriers d'une vigne ou
« d'une terre dont j'aurai esté en sezine an et
« jour, ou en assés autiex cas semblables se sont
« nouviau trouble .... et ai bonne action de me
« plaindre si que la chose me soit mise arrière en
" pésible estât. La procédure en cas de nouveau
« trouble, comme en celui de nouvelle dessaisine
« avec ou sans force, devoit se faire selonc l'Esta-
» blissement le Roy. Quand la complainte ou le
« clain seur nouviau trouble estoit fait, le Comte
« ou son Lieutenant devoit contraindre la partie
« adverse à connoislre ou à nier: mes tant i avoit
« de délai que se il vouloit, il avoit jour de voue,
'< et au jour de le veue 11 Quens devoit envoler, et
« se il treuvoit le lieu dessesi , il le devoit faire
« ressesir tout à plain avant que il envoiast nules
« des detl'ences au delfendeur ; et le lieu ressesi ,
•■ les choses dévoient tenir en la main le Comte, et
« puis connoistre la nouvelle dessesine aprez ce
« jour de veue. » (Voy. Beaumanoir, Coût. deBeau-
voisis, p. 1G7.) Peut-être reconnoitra-t-on la pre-
mière trace de celte procédure en cas de nouveau
trouble, dans les Elablissemens de S' Louis, liv. II,
chap. .\u, où on lit: « Quand aucuns est plaintif en
« jugement d'aucune personne qui est venus à son
« droit, et à son fié, ou à sa seignorie, à force et à
« tort d'armes, et.... a portez ou fet porter mes...
« muebles dont je requier que li lieus en soient
« saisis entérinement, et mes dommages amender
« jusques la monstrance de cent livres, etc. »
(Ord. T. I, p. 289 )
Que le nouveau trouble, sous le règne de S' Louis
et du temps de Beaumanoir, fût une « dessaisine
« de meubles ou d'autres choses » dont l'enlève-
ment troubloit la possession d'un an et jour, on
croit en voir la preuve, non-seulement dans la
nécessité de saisir ou ressaisir les lieux, des choses
qui en avoient été enlevées, mais encore dans l'ex-
pression nouvelle dessaisine, que Beaumanoir sem-
ble rendre commune au nouveau trouble, en disant
qu'après jour de vue, les lieux étant ressaisis et les
choses tenues en la main le Comte, on connoissoit
la nouvele dessesine. (Coût, de Beauvoisis, iibi su-
pra.) Il est vrai que dans le cas de nouveau trouble,
le complaignanl ne se disoit pas dessaisi de la terre,
de l'héritage même, comme dans les « cas de nou-
« velle eschoite et de nouvelle dessaisine avec ou
« sans force: » mais il pouvoit se dire dessaisi de
choses essentielles à la possession de ce même
héritage, de cette même terre. Alors Vappléf/emeiit
ou complainte de nouveau trouble n'éloit point un
applégemenl ou « complainte en cas de saisine et
« de nouvelleté ; puisque celuy qui se plaint en cas
« de nouvelleté, » dit l'auteur du grand Coutumier
de France, se doit garder de dire qu'il soit dessaisy
ou despouillé de sa saisine : « car il ne pourroitpas
« intenter la nouvelleté, s'il ne possédoit ou con-
« tendoit posséder. » (Voy. G''. Coût, de Fr. liv. n,
page loi.)
Quelque générale que soit l'opinion oi!i l'on est
qu'anciennement le cas de nouveau trouble étoit le
même que « le cas de saisine et de nouvelleté, » il
est au moins douteux qu'on puisse la fonder sur le
chapitre xxxH des Coutumes de Beauvoisis, où est
défini le nouveau trouble, et sur le chapitre de la
saisine dans les Elablissemens de S' Louis. C'est
néanmoins d'après ces deux prétendues autorités
qu'on taxe l'auteur du grand Coulnmier de France,
d'en avoir imposé, en disant que Messire Simon de
Bucy, Premier Président du Parlement de Paris, fut
le premier qui « trouva et mist sus le casdesaisine
« et de nouvelleté. » (Voy. Gr. Coût, de Fr. liv. n,
p. 15G. — Laurière, Gloss. du Dr. Fr. T. I, p. 274.)
La fausseté du témoignage d'un auteur à peu-près
contemporain de ce Magistrat , paroissant moins
démontrée que la réalité de la dessaisine dans le
cas du nouveau trouble défini par Beaumanoir, on
croit non-seulement que ce nouveau trouble diffé-
roit essentiellement de la « saisine et nouvelleté ; »
mais que le « cas de saisine et de nouvelleté » dont
l'invention est attribuée à Messire Simon de Bucy,
par un .lurisconsulte presque contemporain, n'a
été réellement connu que dans le xiv siècle. On
vouloit alors trouver dans les Loix Romaines qu'on
étudioit avecplusd'ardeur que jamais, tous les prin-
cipes du Droit François et les moyens de le perfec-
tionner. C'est probablement en abusant d'un prin-
cipe de ces mêmes Loix Romaines, principe d'après
lequel « la volonté sulTisoit en certain cas pour
« conserver la saisine, " qu'on établit pour maxime
générale que toute espèce de dessaisine, soit de
choses essentielles à la possession d'un héiitage ou
d'une terre, soit de l'héritage ou de la terre niême,
ne seroit plus qu'un nouveau trouble sans dessai-
sine. Quelle que fût la manière dont on avoit été
réellement dessaisi, on agissoit non pour acquérir
ou recouvrer sa possession, mais pour y être main-
tenu sans trouble ; et cela, sous prétexte qu'on étoit
resté saisi par l'effet de la seule volonté. On ne
connut plus dès lorsque « Vapplégement ou corn-
AP
— 70 —
AP
« plainte de saisine et (le nouvelleté, « parce que
non seulement dans le cas de nouveau trouble,
mais dans « ceux de nouvelle eschoile eî de nouvelle
« dessaisine. » les Parties réciproquement deman-
deresses et défenderesses, ne se disoient que « trou-
o blées dans leur saisine ou possession. Quoiqu'en
« cas de saisine et de nouvelleté, cliascun fust
« demandeur et défendeur, l'un contredisant à
« Taiitre en toutes choses, toutefois ceiuy qui avoit
« faict la complainte, étoil proprement demandeur
« original et luy falloit grâce et à l'autre non ....
« Cefuy n'estoit mie légitime contradicteur qui con-
« tendoil son adversaire posséder; mais convenoit
" que luy mesmes se dist possesseur ... Il conve-
« noit que chascun se dist saisi et empesché. »
(Voy. Gr. Coût, de Kr. p. 151. — Laurière, Gloss.
du Dr. Fr. T. I, p. 274-ti7C.)
Il sembloit qu'on lut d'autant plus fondé « à s'ap-
• piéger, à se complaindre de saisine et de nouvel-
a leté dans le cas de nouvelle eschoile, qu'en
« conséquence de l'axiome coutumier , le mort
« saisit le vif, l'usurpation d'une hérédité paroissoit
« ne pouvoir anéantir la saisine de celui à qui
« l'hérédité apparlenoit. « Aussi la très ancienne
Coutume de Poitou, qu'on a déjà citée en preuve de
dessais'nie dans le cas de nouvelle eschoile, laissoit-
elle ù l'héritier l'option de se dire saisi ou dessaisi.
« S'il veult, il s'en tiendra pour saisi, par la Cou-
« tume générale du royaume de France, le mort
« saisit le vif, et se peut complaindre en cas de
« saisine et de nouvelleté, des troubles et empes-
« chemens fi luy faits : ou s'il veult, etc. » (Ane.
Coût, de Poitou, chap. xvni. — Voy. Laurière, Gloss.
du Dr. Fr. T. I, p. 57 et 58.)
On croit avoir suffisamment expliqué comment
« toute espèce de dessaisine » n'étant plus regardée
que comme un <• nouveau trouble sans dessaisine,
a la complainte de saisine et de nouvelleté fut
« substituée même aux complaintes de nouvelle
« eschoile et de nouvelle dessaisine. » Il seroit
inutile de répéter pourquoi dans plusieurs Coutumes
on les nommoit applégemens et eontrapplégeineiis.
(Voy. Gr. Coût, de Pr. liv. ni, p. 415. — Boutoiller,
Som. rur. lit, xx.^i, p. 198. —La Thaumassière, not.
et observ. sur les Coût, de Beauv., p. ilO. — Lau-
rière, Gl.du Dr. Fr. T. I, p. .55.) Ces applégemens et
contf applégemens, dans le cas même où il s'agissoit
de choses mobiliaires, dilïéroient des adveux et
contr'adveux applégés; et la princip;ile différence
consistoit « en ce que dans l'adveu il étoit question
« non-seulement de la possession, mais aussi de la
« propriété, au lieu que dans Vapplegement il n'étoit
i jamais question que de la possession. » (Laurière,
Gloss. du Dr. Fr. p. 26. — Voy. Advou.)
Quant à ïanplégement de refus de plege , ou
« coiupri.n.L^ faite au Supérieur de ce que l'infe-
« rieur n'avoil voulu ordonner main-levée , ea
« baillant caution ; c'étoit ce qu'on nommoit applé-
'< gement privilégié dans l'ancien Style d'Anjou. »
En effet, il semble qu'en définissant Vapplegement
de refus de plege, Ragueau ait défini le titre d'ap]ilé-
gemenl privilégié, où on lit : « Si aucun Seigneur
« de fié a prins et saisi en sa main aucune chose
« tenue de luy pour aucun cens, ou devoir, ou
« autre cause, le Sujet qui tient icelle chose peut
« venir requérir délivrance du sien o plege, et offrir
« à le bailler à son Seigneur... et le plége présent
« offrir à le piéger. Et si ledit Seigneur, ne ses
» Officiers ne lui veulent faire délivrance, ne faire
« raison, le Sujet peut faire applégement contre le
« Seigneur qui luy a fait tort, force, et de nouvel
« depuis an et jour en ça, en détenant le sien... à
« tort et sur refus de plege. « (Ane. Style d'Anjou,
lit. ii'Apj)lége)n.eiU privilégié. — Voy. Du Gange,
Gloss. lat. T. V, col. 569.)
\j' applégement sur saisine brisée étoil aussi une
espèce A'applégement privilégié. « Si aucun brise
« la saisie d'un Seigneur, il pourra faire applége-
« ment sur saisine brisée, contre celuy qui aura
ce exploicté par-dessus sa main, ou le faire convenir
« à sa Cour ou par-devant son Suzerain, pour en
.. avoir réparation et amende. >> (Coût, de Lodunois,
au Coût. gén. T. II, p. 543.)
En général, Yapplér/ement privilégié, distingué
de Vapplegement simple, étoit « de Seigneur à sujet,
« comme sur le refus de plege, sur saisine brisée
« et en autres cas qui portoient soixante sols, ou le
« meuble d'amende. » (Ane. Coût. d'Anjou, citée
« par Chopin, art. lxix de la même Coutume.)
Les applégemens simples étoient de sujet à Sei-
gneur, comme de « voisin à voisin, en simples
« exploits qui ne portoient que loy d'amende comme
« en succession et exploit de domaine. ■> (Chopin,
ubi supra. — Laurière, Gloss. du Dr. Fr. T. I, p. 58
et 50.) « Les applégemens simples, faits de subjet
« à Seigneur, comme de voisin à voisin, ne portent
« aucune exemption d'iceluy subjet ne de ses hom-
« mes. » (Coût d'Anjou, au tout. gén. T. II, p. 67.)
Il est évident qu'on abuse de la signification de ce
mot, toutes les fois qu'on nomme applégement une
complainte sans caution. « Nos Praticiens ont donné
« sans distinction le nom a'applégement ù toutes
« les complaintes. » (Laurière, Gloss. du Dr. Fr.
T. I, p. 58. — Voy. Appléger.) (1)
(1) Vapplâijenirnl ou plégerie est, comme la caution, un contrat assurant l'exécution d'une obligation, donnant au
créancier une garantie personnelle. Au commencement du moyen-âge, le débiteur principal engageait sa propre personne
par un contrat dit nhtwxicitio. On promettait aussi, dans la caulio, l'ulejussio, vadium, de travailler pour le créancier jusqu'à
complet paiement de la dette.
A l'époque féodale, Vapplegement conserve son caractère de personnnlité contraire au principe actuel, qui est celui de
l'hérédité. Cependant, les héritiers devaient acquitter la dette, si la personne recevait commandement de payer au moment
de mourir. Les femmes pouvaient cautionner, mais en renonçant au bénéfice du sénatus-consulte Velleien.
Quand les parties ne justifiaient pas de ta possession d'un immeuble, le demandeur fournissait une caution garantissant
la solvabiUté, au cas de condamnation (sa «isdddo de expeush rc/iciendis), et le défenseur déposait une somme qui restait
en justice jusqu'à la fin du procès. Si Von agissait au nom d'un tiers la caution attestait l'approbation du mandant et
prenait le nom de satisdatio de restituendo. (n. e )
AP _ 71 _
AP
VARIANTES :
APPLÉGEMENT. Gr. Coût, de Fr. L. m, u 415
Aplegement. Cotgrave, Dict.
Appleigement. Ord. T. I, p. 157, note b.
Appléger, verbe. Donner caution, cautionner
be complaindre, intenter une action possessoire
h.t^u^"?T'^'}} ' '^''^1"^ ^'^"s les Cliamps de
bataille et les Cours de Justice, ou sengageoit à
poursuivre une alTaire criminelle ou civile et à
satistaire aux peines d'une accusation fausse ou
d une injuste demande, le signe assez ordinaire de
cet engagement étoit un .. pan de robe, un sanl
« ploie. » De là, on disoit « ploier un gage, ploier
«une amende , .. e.xpression dans lesquelles on
croit apercevoir le principe de la formation et de la
signilication des verbes appléger, piéger et plévir ( 1 )
(Voy. PLEGp, Plévir et Ploier.) Ainsi piéger ou aimle-
^fninnPo"'™" P'""^f ^^^ ^ donner' cauliSen
ploiant gage ; par extension, donner gage, donner
caution, quelles que fussent la nature du gage etS
manière de le donnei' pour caution des cliSsIs aux-
quelles on sobligeoil de satisfaire.
dPmnnlii'^'î'.'^'î ^°''' "l'P'^'J'^r un adveu, une
demande, cetoit en cautionner la justice, donner
caution pour l'amende, dans le cas où fadveu se"oit
dec are injuste. .< En chose mobiliaire cbet SvSû
« et contr adveu; et qui en déchet, après ce qu'H
« sols » (Goût, de Tours, au Goût. gén. T. II n 25 \
On a observe ailleurs, que V adveu applégé différoi
àelapplegement. (Voy. Aitlegejient.) "'"«'oit
nm.P^iL ^"'^°'''^ relativement à la caution donnée
pour le payement dun fermage, pour rexécution
d un marche, pour les suites de l'accusation ou 32
a dénonciation d'un crime public ou délit partmu
lier, qu on disoit « appléger une ferme, un marché-
« appléger une accusation, une dénonciation ou
« denoncement. » \oy. Ord. T. III, p. 437.- Coût
Gi^£^rb;:w^ït^s^ètï;^^p^^^^"'-^^-'
L'accusation et la dénonciation, dans les Coutn-
mesd Anjou et du Maine, ubl supra, n'éloient Ss
éfoU S'tu.' H ™*^'"'^ ''''''' P"'^'ï"^ raccSsâtfon
etoit laite par la personne que le crime ou le délit
interessoit particulièrement, et la dénonciation ni.
•acï eu Zn''! '^"'J' Jénoncialeur, comme
idtcusaieui, donnât caution ou i)iéoe sulTi^ifinf
« Quand la dénonciation ou le déSëmén éto i
« duemenl^ applégé , on meltoit le deZnc | en
I ?e rilvoirrï^^^'^"}'^""!^"^'''' nn îu îro'cès
ce qui avoit heu seulement lorsque le crime
: Zf,V^'^- P,"'"/- '^oiporelle : car lorsque le déîu
« éto t prive, le dénuncié évitoit la prison en bail-
; lan plege suffisant de fournir et obéir"', droit „
(Laurière, Gloss. du Dr. Fr. T. I p'ïiVonteut
voir dans le Style de Touraine, cbap. xm, imprimé
à la fin de l'ancienne Coutume, quelle éto t Ta'^nïS!
cedure de ces dénonciations, trop favon lies à îâ
haine et à la vengeance, et que pour la i- Silli é
des citoyens, le Parlement a sagement prôscSes
Il ny avoit peut-être point de moyen, point dp
manière de cautionner les engagemens publ éson
particuliers d'une personne, qu'Sn né dé^ g âuï
disau que cette personne éU>it r^^^S ï'eSè
oit iu'eT' fT.'i.r'^ '^"'""^ ''»""■« 1^ Stiïn, !
« 10 ma£JsJ'di'dS;i^;:èîSc^^;sj;i
« qui soient jurez, et sermentez et S; %S df
« ^ute loyauté et bonne renommée et aussVdé viS
•■ marcs d'argent fin. » (Ord. T. m, p 587 fcon
" rat.ers. face applégier et faire ^seremintnï:
(Ibï"p ' loy ciumenl eulx menront ledit coure"Sgr»
^ R^' y- > " ^°"^ '''^ons. . . ordené que noz
« Receveurs se applégassent en la Chambre de Sos
« Comptes par certaine manière, et que il ne
loT?.Tvàt)''' ''"'*'"' '''"'"" '''^"'"'' "
On a vu sous le règne de Louis XIV le Francni.:
encore trop jaloux de cette espèce dé supS?té
que donne un tempéramment fort et robus e se
I faire gloire de vaincre un rival dans c2s appelf
bachiques dont on trouve l'ancienne manierépniS
T I l^n. i ?'??f,"'"-. " (^^'"^<^' Capit. Reg. Fr^
1.1, col. 394.) L obligation d'obéir à un appll où
i hivrÔlff'' '""'^ ""'''' -^^ P^-»" ^1"^ l-amitil étoi"
?,i nP vn n'.''"^ P^"' '""^■•^'" l'honneur d'un am
"ï ion Pn hn .?,? "' P°"''«'^ ^^n^^^n^e à cette obli-
gation en buvant, on croyoit devoir Ymmlêaer 1p
cautionner; c'est-ù-dire boire pour ffi, comme
étant sa caution. Il est probable qu'un dé nos m
ciens Poètes faisoit allusion à cet usage dans u,iê
^izs^r ''' ''"' ^"™*^ ''' -^«^"^
L'oste n'ot pité, ne mercy ;
Trie de ses vins et ses biens ;
A run boit là, à l'autre cy ;
Es voyrres ne demeure riens.
Je boy a toy ; je le retiens,
iJist l'un à l'autre : S'aptà/ié
N'eusse esté, je fusse noyé.
Eusl. Desch. Poés. MSS. p. 365, col. 2 et S.
On ajoute que du temps de Pasquier, il étoit
encore permis à un homme qui dans une partie de
débauche buvoit moins que les autres, ., de prendre
« un second pour le deffendre et jo/t^'ôrfr contre tous
^^B'BiSBsB^^f'"^'^-'^^'^'^
AP
— 72 —
AP
. ceux qui le semondroient de ^oire » Ces à
l'io^norance el à Toubli de cet usage qu il faut att i-
bùl; 1 aZs qu-on faisoit de la significalion du verbe
«m,U;îr ouW(''/n'; toutes les fois qu'abstraction
?a^,e dé toute /e dé cautioi. autre que la parole de
celui nu-o 1 iuovo.iuoit i^ boire une santé.on repon-
doU au buveur qu Favoit portée, •■ je ^ons applegc,
ri vous «W. » (Voy. Pasquier, Rech L. vui,
; ^52) on 1 it «lue Marie Stuarl, Reine d Ecosse,
s'éti^nt n se à table, le soir de la veille de sa mort,
! bu sur la fui du soupper, à tous ses gens, leur
: commandant de la piéger : ^^^ «J «?,^:f f^^
« se mirent à genouil, et meslans leuis larmes
c, avecque leur vin beurent h leur maistresse. » [H.
ihiri 1 vr D 509. — Voy. Plégée.
Il seroU inutile de rappeler ici les d.fférens cas
où ilfalloi s-appléger, ou donnçr caution, en se
2ïm, iSS it, en intentant une action possessoire
qÏ ùtîise de dire que relativement a l.dee de
cette caution donnée ou non donnée, le veibe
s'«ï^;/S a signifié en général, intenter une ac ion
pSs/oire, sicomplaindre. (Voy. Applegement.)
VARlAîsTES : ^ TT r/Q
APPLÉGER. Oïd. T. Il, p. 284. - Coût. gén. T. II, p. ^.
— Col grave, Dict. ,_- .,
APLÉGER. Ane. Coût, de Bret. fol 157 V
Aplégier. Eust. Desch. Poes. MSS. p. àbo, col. à.
expressions dans lesquelles appoincl désignoit
comme substantif une relation entre les choses et
te temps où elles se disoient et f .«^'^^oi^^ • " Le
„ jeune homme voyant son apoin , di , etc » (ConL
de la Reine de Navarre, T. 11, p. Ib6.) <■ ïl^^.euieni
rasseoir leurs garnisons en plusieurs et diverses
: JaVues d'icelle, pour après \leur «pomc . ^.
,< l'assaillir alors universellement^ « (Du Bellay,
Mém. liv. IV, fol. 131. - Cotgrave, Dict.)
VARIANTES :
APPOINCT Cotgrave Dict. Uv. iv, fol. 131, R«.
Apoinct. Id. ibid. — Uu iieuay, meiu. ""■,.' .p^
ApoiNT Contes de la Reine de Navarre, T. II, p. m
Appoint. Cotgrave, Dict. - Le Jouvencel, Mh. p. 302.
Annoinctation, subst. féminin. Tvégociation,
ar~o"ement. Significalion analogue à cet e du
ferbëXÏÏ'S négocier, accommoder, etc. (^oy.
wf™ 1 a gardé laditte ville d'estre pillée,
! nconnie, necmnposée, qui sera une très-bonne
.. apuncliation, et en nos présences api s ^eser
, nipnt ptc » (Lett. de Louis Xll, T. 1, p. !'<>■} .
Onconnoit l'histoire de Perrin Dandin qui n «p-
co?«" S n-accoinmodoit jamais un procès sans
nho Cl lès Parties h boire ensemble par symbo e de
■ .=.?iii.^inn neùi les Taverniers de son village
[voy. Rabelais, T. m, p. t218 et 220.)
VARIANTES :
APPOINCTATION. Rabelais,. T. III, p. 220.
APUNCTiATioN. Lett. de Louis XII, T. I, p. 17;}.
Anooincté, participe. Qui a une gratification,
nnin une haute paye. On observera qu autrefois le
livpment comme aujourdhui Ion emploie le
Se du verbe traiter,, et ^^e Pa^, ^«f^nsei
nn inilé étoitun appoincte. » Le Ro\ et son tonseu
eSent que en. . prenant trefve entre vous et
futTouiT^^^^^^^ à quelque bon appointe M..^
„ pTov mon maistre seroit Irès-joyeulx. » (Letl.de
T •; y\i T I mo-e 89 ) Il n'y a d'ailleurs aucune
SeS esseSieSelaus L significations du
P'rvïpi?lS)Sent dans un sens relatif à celui
d'.?«ÏÏ«cï ordonner, commander etc.. que les
nSrs ou Soldats exempts de tout service mili-
ïïipphors^e combat, se nommoient Appointes. Ils
d^ie^S^o/n'e,y ^f^^rS'SpSS
,i.-.p oi"itificatioii. une haute paye, ue la, le pai uuipc
Appoincter.)
Appoinct, adv. adj. ctsuhst.^ A point à propos
Qui est à propos. Instant d agir ou de pailer à
nrnnos à sa coiumodite, avec succès.
^ En se fiSrant dans l'espace successif du temps
uifîoiîtltfe auquel on vise, PO"/ ,^,Sé ef 1 on
d'agir ou de parler à propos, on f.f'î^'gi e et 1 on
désigne encore tout ce qui est fait a piopos, en
ÊnîyS ^t fait à point. ^ est évident ,jue 6^^
nrénosition à réunie au substantil yjo^Ht/; , s est
formé -ancien adverbe appoinct. (\oyez PoinctO
Gouverner leurs voilles, tirer cordes appoint et
l Si encrer et desencrer, si que besoin est. »
(Le Jouvencel, ms. p. 302.)
Ne deglosez rien auUreraent que o^>po»!^ ^^
niiPiniipfois cet adverbe tenoit lieu d'adjectif et
• ^ c.]? m Pst •'. nronos, la qualité d'une chose
JgaS a2" oS . à f éToù l'oil est POur l'instanU
pou le moment. « Des '^l'0^f^^;i»\/^«Srr tran-
„ I nv la dispute nous en doit estre du loin reiran
l chle- autrement, SI vous en levez les deffences.
: sSretk'ndra un chacun en celle Loy se on le
a pours de ses humeurs ou de ce qu il \eiia luy
: esïi le plus expédient et apoint, pour parvenir
l f son intention. .. (Pasquier, Rech. p. 899.) .
Fnfin aSr ou parler relativement au point, à
l'instàS où on pouvoit le fane à propos, relalive-
mpnt aunoinl, a l'élal où l'on devoit èlie pour le
S à sa' Snodilé et avec succès, c'éloil agir ou
- parier, à son appoinct, envoyant son appoint. »
AP - 73 -
AP
VARIANTES :
APPOINCTÉ. Lett. de Louis XII, T. I, p 90
Appointé. Oudin et Monet, Dict.
Appoiiictement, siibst. masc. Exemption de
tout service militaire, hors le combat. Coup de
poing. On connoitra les significations d'ff»»o/?u'/^-
meiit, par l'explication de celles d-appoincter
Quelque nombreuses et variées que soient les
acceptions du substantif, il n'y en a pas une en
gênerai qui ne soit commune au verbe, et par con-
séquent relative h l'idée de point ou de pointe
(Voy. Appoincter.) ^
Si Vappoinclement étoit une exemption de tout
service militaire, hors le combat, c'est que cette
exemption appartenoit à Thonneur d'être apnoincté
commande pour les actions où il falloit un couraoè
et une expérience plus qu'ordinaires. (V. Appoincte )
Autrefois, maltraiter une personne, la mettre en
mauvais point dans un état à faire compassion,
cétoit misérablement appointe?- son corps. (Vovez
J. Le Maire, Illusl. des Gaules, p. 249 ) il est très-
possible que dans un sens analogue, appnintement
ait sig7iilie mauvais Iraitement; mais dans rexnres-
sion charger à-appontclcmenl, c'est-ù-dire chai-o-er
de coups de poing, on ne voit qu'un abus de la
consonnancedej9o;H^aveclemot;wmf/. ., Pensans
« que ces charretiers se voulussent mocquer d'eux
« commencèrent à les charger û'appoinctcment et
« prenans leurs armes qui estoient leurs esguillo'ns
" f ^ ''l'eut crocheteurs. » (Bouchet, Serées, p 278 )
" f;^" .'^f/'^'i'^^.ayaiit bruit contre un de ses frères
« H 1 attend a 1 yssue de matines, et le surprenant
« en quelque coing du dortoir, le charge cVappoin-
« tement a la faveur des ténèbres; et à ce prSpos
'< despuis on a dit, dangereux comme le retour de
« matines. » (Garasse, Rech. des Rech. p. 850 )
VARIANTES :
Apointement. Modus et Racio, MS. fol 160 V»
Appointemant. Monet, Dict '"", v .
Appointement. Le .Touvencel, MS. p. 60 et Si') - Mathi^,,
Catrerau^^^^^:^];,.^;:;-^-)-;;»^ '^'- '^^^^
Appoincter, verbe. Arrêter à un point, fixer à
ce point; négocier, traiter, accommoder, arranger
régler, juger, raisonner, etc. Diriger vers un nolnt'
mettre a ce point; mettre en étal,nnjustei annré ër'
préparer armer, équiper, approvIsionneî^Ke:
tenir, panser, ordonner, commander nommer
tromper, attraper, etc. Rendre pointu! tèrmher en
Fixe '-dS""" P?'"^l"' '' ^'^™'"^'' e" Ste"
n' ' " "Ser, présenter, opposer la pointe des
armes. Attaquer, se prépare.- à attaquer Mettre
pointe contre pointe, opposer
étanfi~T'i *'"'^''"* nos vues et nos actions,
eidnt legarde comme un pont fixe aiinnpl nn
s arrête, le verbe appointer signifie t^'aiTête, m
point, en fixant les clauses d'une négoc ation d'un
traite, d un accommodement, d'un .arrangement
I ^'^•^" Considéroit que. . . l'ennemy auroit entrée
I >' pour empiéter sou royaume. . . . s'il naimointoit
-avecques ledit Empereur. ,. (Du Bellayf S
pi; J n A-} " :^ ^y ('PPOinté avec Madame de
« Belleville, de la place de Montagu; et Dlanchefort
^■,^''^^T^^" PJ'o'?'^''? '"^ possession. ,. ^Brantôme,
nnl. 1 ^' p- ^f-^ " L^ ^"^y ^e^'''' appoincter avec-
ques eulx pour le passaige et pour les vitailles
'• nécessaires. » (Le Jouvencel, ms. p. 439 ) .. il e«toit
-XirT'lt'p^SSsV *'''"'' '^'' ^ '^' ^'"^
Il y avoit et il y a encore dans la procédure
diverses espèces d-appointe,nms dont Lau.S
semble rapporter les significations particuHèrès à
1 Idée générale d'arrêter, fixer à un point. Ouôi qu'il
en soit, appointement en général étoit un higenen
préparatoire, un règlement en Justice sur une
affaire, pour parvenir à la juger par rapport On
designoitun règlement, un jugement de ce genre
en disant que les Parties étoient appointes i
Mre appointées en droit, appointées au Conseil
appointées contraires et en enqueste, etc. (Voyez
Aresia Amor. p. 48, 108, IIG, 130, 158, 197, passim
- Lauriere, Gl._ du Dr. Fr. - Mcot et Monel, Dict )
11 semble (\n appointer en jugement et dehors
w n! i"^^'^ ^''^.^ '^^ s=^»s formes judiciaires, juger
les Parties, ou les accommoder. .. Que personnes
« sages et dignes de foy... sachent faire justice et
« apointer h^ parties et les causes en jugement et
«dehors. .. (Ord. T. 111, page 081.) On ne voit pas
d ailleurs pourquoi le verbe appointer n'auroit ms
fZ'ii"; "r J^ê'^^^ent fléfinitif, un jugement par
equel on fixe le point où commence et finit le droit
des Parties. Aussi disoit-on en ce sens: « Après
" parties ouyes, et après ce qu'elles furent ««-
" ^^^^/"'^f« en droict, le Viguier appointa que les
" di es lettres et reliefvement ne seroyent point
" interinees et qu'il n'y avoit point matière de
•■ rescinder ledict contraict, . . De laquelle sen-
-' tence. . . ha appelle en la Court de céans. et
« tout considéré, la Court dit qu'il ha esté bien dict
" et appoinete par ledict Viguier, et mal appelle
nnof /«^f/'^i^"^"^ ^' l'amendera. » (Arest. Amor.
page 4s et 49.)
Lorsqu'on jugeoit de ses affaires par soi-même
lorsque par son propre jugement, par le raison-
nement on fixoit le point d'où il falloit partir pour
en assurer la réussite, c'étoit appoijiter de ses
aiiaires. « Les assiégez et enclos en aucune forte-
" resse doivent estre soigneux de. . . savoir par
« subtilz moyens et bonnes Espies, la convine de
" leurs ennemis; car par ce peuent ilz mieulx
« appoineterâe leurs affaires, par quoy ilz ont bon
'. couraige, ilz peuent savoir l'eure que leurs adver-
L^nJ;^! Tof"* ^"'' ''^"'" ^^'''le. » (Le Jouvencel,
On ajoute que relativement encore à l'idée d'un
point fixe auquel on s'arrête, le verbe appointera
signifie arrêter, fixer à certaine somme le salaire
la gratihcalion, l'entretenement de quelqu'un, le
lixer lui-même à certaine somme. « Un Prédica-
10
AP
— 74 —
AP
. leur... appoincté... à cent escus pour prescher
« tout le caresme. » (Boucliet, Serées, liv. m, p. '■22A.)
Le point auquel on se fixe, est souvent le point
vers lequel on a dirigé sa vue, son action. Ainsi,
le verbe apiiohUcr, soit au propre, soit au figure,
sigiiifioil ajuster une chose à une autre, diriger
l'une vers l'autre, comme vers un point auquel on
vise. « Les Arbalestriers. . . n'avoient point remis,
• n'appoincté autres quarreaux au poinct de leurs
« arbaleslres. " (Monslrelet, Vol. \, chap. xxiv, f° 19.)
Cloistriers qui tes dras et ton pié
Dou point de l'ordre as despointié,
Et au point dou siècle apoinlié, etc.
Miserere du Recl. de Moliens, MS. de Gaignal, fol. 222, R" col. 1.
Plus droit qu'ele puet l'i apointe;
Et Trubert ne fet pas le cointe (i) :
Tout li a dedens embatu.
Eslruberl, FaLl. MS. du R. n° 7996, p. 85.
Pour les preudomes acointier,
Si vorrai mon sens apointier
A biaus mos trover et reprendre.
Dits de Baudoin de Condé, MS. de Gaignat, fol. 304, R' col. 1.
L'usage, l'effet pour lequel on ajuste, on apprête,
on prépare les choses, étant vu comme un point
vers lequel on les dirige, on disoit en ce sens:
» Prist le fromage qui estoil appointié pour faire
« laditte tartre, etc. » (D. Carpentier, Supp. Gloss.
lat. de Du Gange, au mot Ajipitnctare; tit. de 1399.)
« Tel poison 1^2] sçay faire et appointer, que pourtant
« que luy en donnez à boire et que après luy en
« beuvez,... sur ton le riens serez aimée de luy. »
(Ger. de Nevers, part, i, p. 131.) Appointerun cheval
automate, comme celui dont il s'agit dans le Roman
de Cléomadès, c'étoit en ajuster les ressorts, le
mettre à certain point, le mettre en état de faire ses
mouvemens ordinaires.
Quant son cheval ot apointié,
Vers le chastel l'a adrécié.
Cléomadès, MS. de Gaignal, fol. 18, R° col. 3.
Quelle que fût la manière d'ajuster, d'apprêter,
de préparer les choses, de les mettre à leur point
en les dirigeant vers l'usage, vers l'effet qu'on avoit
en vue, elles pouvoient être désignées par le verbe
appointer. Aussi l'acception en étoit-elle si générale
qu'on disoit : « battre et appointer les gerbes de
« bled ; appointer un pont sur une rivière ; appointer
« un vaisseau pour naviguer; appointer un ^a\e-
« froi, etc. » (Yoy. Nouv. Coût. gén. T. I, p. 416. —
Yigil. de Charles Vil, p. 96. — Matthieu de Coucy,
lïist. de Charles Vil, p. 684. — Percef. Vol. II, f" 1-22.)
C'est toujours dans un sens analogue à celui de
mettre en état, préparer, qu'appointer son corps ou
s'appointer signifioit s'armer, s'équiper, s'approvi-
sionner, etc. parce qu'en s'appiovisionnant, en
s'équipanl, en s'armant, on se mettoit en état de
combattre, de s'embarquer, de voyager, etc. (Bout.
Som. rur. page 883. — Percef. Vol. III, fol. 64, etc.)
En équipant une femme, en l'entretenant de robes
et autres choses nécessaires t\ sa parure, on lui
prépare les moyens de s'ajuster, de se mettre en
état de paroitre et de plaire. De là, on a dit :
Et de faict l'a appointée
De chaperon rouge, au surplus
De corset de soye, de baudrier,
De robbe : que voulez-vous plus ?
Coquillarl, p. 54.
La signification S'appointer étoit absolue, lors-
qu'on parlant d'une personne préparée à bien faire
une chose, mise en état de la faire à son aise , avec
plaisir, avec décence, on disoit qu'elle étoit appoin-
tée. « Le Roy Palamedes qui esloit notablement
" appointé , pour ce qu'il sçavoit leur venue , s'en
« vint à rencontre d'eulx noblement accompaigné
« de Chevaliers. » (Percef. Vol. III, fol. 77, R° col. 1.)
Le soir vint, il fault préparer
Le souper et le vin tirer.
Monsieur fut scis et appoincté ;
Et dist-on benedicite.
Coquillarl, p. 148.
On prépare la guérison d'une blessure qu'on
panse ; et cette guérison est le point, l'état où le
Chirurgien veut 'mettre son blessé, le point vers
lequel il dirige l'effet de son opération. Ainsi, le
verbe appointer signifioit panser. » Bertran pria à
« sescompaignons qu'ilz le feissento7.'0«Hf(?rparle
« Syurgien. » (Triomphe des neuf Preux, p. 499.)
« Matias icellui Regnault... porta en la maison de
« son maislre pour Vapointier Ensuite il fina
« vie par mort. » (D. Carpentier, Suppl. Gloss. lat.
de Du Cange, au mot Aplare ; tit. de 1402.)
La chose dont on projette l'exécution, étant com-
parée à un point vers lequel on dirige la volonté,
l'action de ceux à qui elle est ordonnée , l'on aura
dit appointer dans, le sens d'ordonner, commander,
nommer pour faire une chose. <> Le Roy avoit
« fl;;/;o/)i/J que les Templiers feroientl'avantgarde. »
(Joiuville, p. 41.) « Fist barrer son logis et fut
« appoinctié que au plus matin ceulx qui estoient
0 nommez, iroient devant et descouvriroient le
« pays. » (Le Jouvencel , ms. p. 338.) « Le Roy
« appoincta certain nombre de gens pour venir au
« lendemain devers luy. » (Ibid. p. 412.) Peut-être
l'acception particulière du participe appoincté est-
elle relative ii l'ancien usage de nommer, comman-
der, ordonner des gens d'élite pour une action pé-
rilleuse, un assaut, etc. (Voy. Appoincté.)
Si le mensonge et l'artifice étoient les moyens
par lesquels une personne étoit dirigée, mise au
point où l'on avoit en vue de l'amener, le verbe
appointer signifioit tromper, attraper.
Ainsis ly ment, ainsis l'apoinle ;
Ainsis le déçoit et confont ;
Ainsis pluseurs femmes le font.
Eust. Desch. Poës. MSS. p. 517, col. 1.
. . . Son moyen de appoincler estoit tel :
Quant il sçavoit sa mère aller à messe,
Il s'en venoit comme une grande asnesse, etc.
Faifeu, p. 24.
On croit avoir assez clairement démontré que ces
significations, auxquelles on pourroit en ajouter
plusieurs autres, ont entre elles une analogie dont
le principe est l'idée générale d'un point physique
ou moral auquel on vise.
(1) Vient peut-être ici de cunclari : hésiter, (n. e.) — (2) A ici le sens de sa racine potio, boisson, breuvage. (N. E.)
AP
75
AP
C'étoit relativement à l'idée de pointe, que le
même verbe appointer signifioit rendre pointu,
terminer en pointe. (Voy. Nicot et Monel, Dict.)
Aucuns font leur dars ferier,
Et apointier les fers des lances,
Pour miex entrer es connoissances.
G. Guiarl, MS. fol. 329, R".
Il étoit neutre, lorsqu'en parlant d'une chose qui
se terminoit en pointe, on disoit avec comparaison :
Elle va en appointant comme une poire. (Voy.
Nicot, Dict.)
... On voit naistre aux champs une flame légère,
D'un bien petit de feu que la foie Bergère
A laissé par mesgarde au chaume craquetant,
Et ses ondes lancer au ciel, en apoiniaiil.
Pocs. de Perrin. fol. 7G, Vv
Quelquefois, la signification ^'appointer étoit
fixer, diriger, présenter la pointe des armes, l'op-
poser. (Monet, Dict.)
On sait que dans les joutes, les Chevaliers cou-
roient les uns contre les autres, la pointe des lances
fixée et dirigée vers leurs adversaires. De là, le
verbe appointer aura pu désigner l'action de pro-
voquer à la joute et de s'y préparer, en fixant et
dirigeant la pointe de sa lance vers celui qu'on se
proposoit d'attaquer. « Joustay à quatre Chevaliers
« sans blasme recevoir ;.... mais le cinquiesme me
« porta à terre.... Après ce appointa mon compai-
•1 gnon de la jouste, etc. » (Percef. Vol. Il, fol. 70.)
Peut-être a-t-on fait encore allusion à la pointe
des traits avec lesquels on feint que l'Amour attaque
un cœur, lorsqu'on a dit :
Jusqu'à Biauvais fai une pointe :
Si me saluej à cuer haitiè,
Le Chastelam à cui s'apoirite
Amers qui le fait sage et cointe.
Et debonère et afetié.
Fa))l. MS. du R. a' 7218, fol. 61, R' col. 2.
Enfin , le verbe appointer aura signifié par com-
paraison, opposer l'une à l'autre deux personnes ou
deux choses, comme l'on oppose pointe à pointe
deux lances, deux épées: opposition qn appointer
désigne spécialement en termes de Blason, lorsqu'en
parlant d'épées, de flèches dont les pointes opposées
se touchent, on dit qu'elles sont appointées. (Voy.
Monet, Dict. — Dict. de Trévoux.)
Cette comparaison, si l'on en croit l'auteur du
Nouveau Dictionnaire de Droit, est le principe de la
signification de ce verbe, en termes de procédure.
Comme les prétentions des Parties qui plaident,
sont, dit-il, toutes opposées, le verbe appointer,
dans le sens propre mettre pointe contre pointe,
s'est pris au figuré pour donner un règlement en
Justice. Quelque favorable que paroisse être îi son
opinion, l'expression « appointer les Parties, par
o faits contraires, ou les ft/i/;o/Kto' contraires, » il
est possible que même en ce cas d'opposition, l'ac-
ception d'appointer soit relative à l'idée générale
d'arrêter, fixer à un point. (Voy. Appoinctement.)
VARIANTES :
APPOINCTER. Le Jouvencel, MS. page 67. - Monstrelet,
Vol. I, fol. 19. - Percef. Vol. II, fol. i22. - Rabelais, T. III,
p. 218. — Âresta Amor. p. 97. — Coquillart, p. 148, etc.
Apointer. Estrubert, Fabl. MS. du R. n» 7996, page 8.5. —
Ord. T. Itl, p. 681. - Le .louvencel, fol. 89. - Eust. Desch.
Poës. MSS. p. 517, col. 1, etc.
Apointier. Cléomadès, MS. de Gaignat, fol. 18. — D. Car-
pentier, Suppl. Gloss. lat. de Du Gange, au mot Aptare.
Appoinctier. Le Jouvencel, MS. p 338.
Appointer. Orth. subsist. — Le Jouvencel, MS. p. 384. —
Percef. Vol. II, fol. 70. - Lauriore, Gl. du Dr. Fr. - Cotgr.
Nicot et Monet, Dict.
Appointier. D. Carp. S. Gl. 1. de Du Gange, à Appunctare.
Appoincteur, subst. masc. Négociateur. On
sait que l'histoire de Perrin Dandin et de Tenot
Dandin son fils, est une plaisanterie de Rabelais
très agréablement imaginée pour ridiculiser cette
espèce de gens qu'on nomme « Avocats sous
« l'orme. » L'activité du fils, égale à celle du père,
pour appoincter, accommoder les procès, n'est pas
d'abord aussi heureuse. 11 s'en plaint à Perrin Dan-
din qui le console et l'encourage par l'espérance
de mériter comme lui l'honneur et tiltre ù'appoinc-
teur irréfragable, pourvu que fidèle à ses leçons, il
ne songe jamais à faire û'appointement, d'accom-
modement qu'au moment où les Parties lasses de
plaider, s'aperçoivent que « leurs bourses sont
« vuides. » (Voy. Rabelais, T. III, p. ^O et 221.)
On n'avoit pas encore avili la signification de ce
mot appoincteur, lorsque dans un sens relatif à
celui du verbe appoincter, négocier, on disoit :
« Si fust chargé de ceste chose, pour aller en Alle-
« magne, pour traiter ce mariage, un moult sage
« et vaillant Chevalier.... et esloit nommé ce Che-
« valier Messire Simon Burle, sage et grand
« appointeur. » (Froissart, Vol. II, p. 75. — Voy.
Appuincter et Appmnxtation.)
variantes :
APPOINCTEUR. Rabelais, T. 111, p. 218 et 219.
Appointeur. D. Carpentier, Suppl. Gloss. lat. de Du
Gange, au mot Appointamcntum.
Appointir, verbe. Rendre pointu, terminer en
pointe. Devenir pointu, se terminer en pointe.
La signification d'appointir, active dans le DicL
de Cotgrave, est neutre dans Oudin, Dict. Elle étoit
encore neutre , lorsqu'on disoit : » La forme du
« pied du lièvre... aiguë et faite à la semblance
» d'une pointe de coùsleau... vient tousjours en
« appointissant. » (Fouilloux, Vén. fol. CG, V°. —
Voy. Appoincter et Appointuser.)
variantes :
APPOINTIR. Cotgrave et Oudin , Dict.
Apointir. Cotgrave, Dict.
Appointon, subst. masc. Arme pointue. Proba-
blement une espèce de poignard.
Un appointon en la main destre
Et une boiste en la senestre
Tenoit: mais Vappointon rauchoit
Derrière li, et concheloit.
D. Carpentier, S. Gl. lat. de Du Canjô, au mot Pitnctorium.
Appointuser (s'), verbe. Devenir pointu, se
terminer en pointe. Par comparaison, aller en di-
minuant, en se rétrécissant. (Cotgrave, Dicl. —
Voy. Appoi-ntir.)
Apportion, participe. Divisé par portions et
avec proportion, partagé. Il sembleroit qn'apportion
AP
— 76
AP
fût un adverbe composé de la préposition à réunie
au substantif por/ioH, el qu'étant par conséquent
de même espèce que Tadverbe appoinct, il a pu,
comme cet adverbe, tenir lieu d'un adjectif, et
signifier partageable , divisible par portions. On
croit néanmoins qnapportion est le participe du
■verbe apportionner . (Voy. Ai'I'ortionner.)
En se conformant à la prononciation sourde de la
"voyelle e supprimée souvent dans la finale du par-
ticipe anglois apportioned ou apportmid, Littleton
aura prononcé et écrit en françois apportion pour
apportionné, c'est-à-dire divisé par portions, par-
tagé. « Le gard des terres ou tenements durant li
« nonage d'un enfant... sont chateux realx et poyent
« estre apportions et severs. » 'Tenures de Little-
ton, fol. 73.) 11 paroit que ce mot désigne plus spé-
cialement l'idée de proportion, lorsque le même
auteur dit: ■> Le bornage et féaltie... ne sont pas
« annuals services, et ne poient eslve apportion ;
« mes l'escuage poit et serra apportion, solon que
« l'afférence et rate de la terre, etc. » Id. ibid. p.
49. — Voy. Apportionsément.)
Apportionnement, subst. masc. Division,
partage en proportion des produits d'un fonds.
Signification analogue à celle du participe appor-
tion. (Skinner, voc. forens. exposit. au mot Appor-
tionment. — Voy. Apportion et Apportionnement.)
Apportionnement , adverbe. Proportionné-
ment. C'est dans un sens relatif à l'idée d'une divi-
sion proportionnelle, qu'on a dit : <■ Si par un
« mesme contract se treuvent plusieurs pièces
« vendues, aucunes desquelles soient de l'ancien
« du vendeur, autres de son acquest, ou toutes de
« l'ancien et partie de l'une de ses lignes, partie de
« l'autre, le lignagier de chacune ligne, venant
o à retraire ce que'meut de la sienne, y est receva-
« ble en rembourceant au prorata les pris et loyaux
« cousis, distribution d'iceux faite à l'arbitrage du
« Juge sur cbacun , apportionnement à ce qu'il
« emportera desdites pièces. ■■ l'Cout. de Lorraine,
au Coût. gén. T. II, p. 1069. — Voy. Apportion.)
Apportionner, verbe. Parlager en donnant
portion. C'est la signification A' apportionner dans
les Coutumes où l'on partage les enfans ou les frères
puinés, en leur donnant certaine portion d'béritage,
ou certaine somme d'argent proportionnée à "la
valeur de cette portion coutumière. « Au cas que
« les fils puisnez el filles n'auroient esté rt;j/;o)7;i9H-
« ne::: et dotez pendant la vie de leurs père et mère,
« el que leurs dits père et mère ne leur auroient
« rien laissé en testament, l'aisné qui aura succédé
« est tenu apportionner les puisnez, fils ou filles
« raisonnablement, en or ou en argent, ou héritage
« à son choix, etc. » (Coût, de S' Sever, au Coût,
gén. T. II, p. 692.; « Es maisons nobles, vulgaire-
« ment dits héritages gentioux, de plusieurs enfans
« d'un mesme mariage le fils aisné succède univer-
« sellement à ses père et mère décédez sans faire
« testament ;... lequel fils aisné est lenu apportion-
« ner tous les autres fils ou filles raisonnablement
« en argent, ou héritages à son choix, qui sera
« doresnavant, s'ils sont trois puisnez ou plus, la
« tierce partie desdits héritages nobles;... el s'il
« n'y a trois puisnez , mais seulement deux ou un,
« leur portion sera la quarte partie,... ou l'estima-
' tion d'icelle. » (Coût. d'Acs, ibid. p. 673.)
La portion d'héritage des puinés, ou l'estimation
en argent de cette portion, étant vue, non comme
un partage coutumier, mais comme un moyen de
subsister, comme un appanage en général, lé verbe
appanagersignifioitla même chose qn apportionner.
Enfin, comme un appanage, de quelque nature qu'il
soif, est une portion de bien, assignée à quelqu'un
pour sa subsistance, le verbe apportionner signifioit
réciproquement la même chose qn'appanager. On
a dit en parlant de la Reine Brunehaud, que Chil-
péric son époux « la relégua en la ville du Mans,
" apportionnée de quelque pension annuelle pour
<■ son vivre. » (Pasquier, Rech. liv. v, page 399. —
A'oy. App.\nager.)
Appouvrir, verbe. Appauvrir, faire pauvre.
Etre appauvri, être fait pauvre, devenir pauvre.
(Voy. PouvRE.j On peut voir dans Mcot, Dict. au mot
Appauvrir qui subsiste, comment de l'adjectif
paiiper on a fait pauvre, paovre, paoure, paure,
poHvre, poure; et de l'adjectif frangois, le verbe
appourir, apourier, apouvrer, appouvrir, apaurier,
appaourir, appaouvrir, appauvrir, dans le sens
actif faire pauvre. (Voy. Cotgrave, Rob. Estienne,
Nicot et Monet, Dict.;
La signification active est celle d'appauvrir :
signification qui pourtant semble n'avoir pas été si
particulière aux orthographes de même terminaison,
que jamais elle n'ait été commune aux orthographes
apouvrer, apaurier, etc. « Sont les pais gastez, les
« marchandises anullées, et l'Eglise mou\[ apouvrée.
« Si vous prie et conseille le Roy que, etc. » (Hist.
de B. du Guesclin, par Menard, p." 383.) « Ont esté...
« grevez, domagiez el apau)iez par extorsions de
« très-grandes usures. » Ord. T. II, p. 86.
C'est avec raison qu'un ancien Poète historien,
parlant de l'anéantissement du pouvoir souverain
dans le xii« siècle, disoit :
Moult iert li règnes descreuz,
Apouriez, et decheuz
De sa hautesce souveraine,
Puis la mort au Rov Kallemaine.
G. Guiart, MS. fol. 11, R".
11 est possible que, surtout en ce dernier passage,
la signification du participe apourié soit neutre et
relative à celle du verbe apourier, ou apouroier,
être fait pauvre, devenir pauvre.
Cil qi n'a riens ne puet apourier.
Ane. Poés. fr. MS. du Valic. n' liOO. fol. 143, R'.
Riche gent érent à merveille ;
Mais Deable qui tôt tems veille
S'entremist moU d'ax engigner,
Tant qu'il les fist apouroier.
Fabl. IIS. de S' Germ. fol. 36, R* col. 2.
VARIANTES :
APPOUVRIR. Xicot et Monet, Dict.
Apaurier. Ord. T. II, p. 86.
.\POURiER. Miserere du Recl. de Moliens, MS. de G. f" 219.
AP - 77 -
Apouroier. FaW. MS. de S- Germ. fol. 36, R» col 2
Apouvrer. Hist. de B. du GuescUn, parlienard/p '383
Appaourir, Appaouvrir. Nicot, Dict ' ^
Appourir. Rob. Estienne et Nicot, Dict.
Appovrir. Cotgrave, Dict.
Appouvrisseinaiit, subst. mase. Annauvris-
semeut. (Cotgr. Nicot et Monet, Dict. - V. Appouvbir.;
VARIANTES :
APPOUVRIS.SEMANT. Monet, Dict
Appourissement. Nicot, Dict
Appovrissement. Cotgrave, Dict.
Appréhender, verbe. Prendre, arrêter, faire
arrêter. Prendre, l'ecevoir une idée. Comprendi-e
connoitre évaluer, juger. Prévoir, craindre. On
sait qu en latin apprehendere signifie prendre avec
]a main, et que relativement à celte signification
générale apprehemler en françois, désignoit paru"
culièrement une prise de corps, lorsqu'on disoit
appréhender quelqu'un, Vapprehender au corps-
expression encore usitée en style de Palais « Nostrê
« grand Bailly, comme souverain Officier peut
« appréhender tous criminels et malfaicteurs et
« SI le f,ergent de nostre dit Bailly... appréhende
' an corps tmcnnè malfaicteurs en la terre d'un
o-én 't T n -«'i' *'^''V" ^^T'- '^^ "aynault, au Coût.
seil. 1. J, p. /8I. _ Voy. Al'1'REIlE.NDITlON.)
Lest par extension du sens propre qu'on a dit
Srv'utZ'Z ^"^^r^'«"- (Voye. d2s Accord ,'
n ?iô V ' '^°/- '^' ^°- - ^"^"'ts de Strapa. T. II
il '".V^y- A^EiiENsioN.) Le sens llguré dans
lequel on dit qu'on a eu vent d'une chose/ semble
avoir que que analogie avec celui de l'ex preSn
appréhender qnelqwnn du rcuL le prendre^ 'arrêter
sans information précédcile, le faire arrêter sm'
une forte présomption autorisée par n pSence
ou parce qu'un Juge peut avoir appris de la corn:
^a'ue le"B^';:'n '' *^^ «l"*^ 1'^" dif EommunémeTit
. Tent S-J""! seigneur peut appréhender du
' vent doit s entendre a l'égard de l'étrano-er des
" I»f' -f"',"'^'''"'*^^»'^-- lesquels le BaUy peS
« appréhender sans informations précède Ues ou
•< lesquels on trouve actuellement délinqS s n'um
" que ce fussent des habitans et bo3 Ss^Su
iîin Ict^'"?'^ '^'^^ véliémentes présomplons
et ind ces, ou la commune famé ou renommée '^
îcaT^^'^r^'' 1' quelque délict digne delà piSn ?
(Coût, de Gand, au nouv. Coût. ién. T. I p looi )
. Quand la prise de corps étoit justiflée par mVi
information qui changeoit en conviS, Ta nié
eTT,Zr'"''' ^"^''^^"elle on avoUfai prendre
et aireter un malfaiteur, on disoit ou*il étni»
appréhendé et convaincu du fait? On ne peu
« condamner personne à la mort pour délicî sUe
«• nestquil soit appréhe^idé et convainc dû /a't
« lï 'c'SS;^;fV ''' ""'T'' tenues cône
Peut-être aussi que dans un s^us relalifà fi'
ception générale et figurée d' appréhl.S f,prenSe
AP
idée et connoissance d'une chose, en juger d'après
cette Idée et cette connoissance, on auni dit d'uni
personne reconnue et jugée coupable d'un déUt
qu elle en etoit appréhendée ? '
La preuve qu'appréhender, signifioit fiaurément
prendre l'Idée d'une chose en général c'est cmVn
parlant de l'entendement humahi, on d soit «' sSS
« premier office. . . est de recevoir simplement et
(sagesse de Charron, p. loo.)
La simple appréhension de l'idée des choses est
ie l'iSan,^'"*^^ °" '"'% '^'^^P''^"'^ en sScupan
et d'en i, Ipp n",' P,''''' '" '"°>en de lesconnoitre
et cl en juger. Delà, les acceptions (ï appréhender
comprendre, çonnoitre, évaluer, juger.'^tef (Monet;
iJict. — \oy. Appreiiendre.) '
Enfin le verbe appréhender, dans le sens dp
craindre, désignoit et désigne encore l'efflf d'une
connoissance anticipée, de cette prévoyance inquiète
avec laquel e on juge les choses d'après idée
facieuse quon en prend, avant même qu'elles se
réalisent. (Monet, Dict. - Yoy. Appréhensif )
VARIANTES
APPREHENDER. Orth. snbsist -
Apprehander. ironet, Dict.
Coût. gén. T I, p. 781.
Apprehenditiou, subst. fém. Prise de corps
bigni, cation relative à celle du verbe appréhender
prendre arrêter. ^Cout. de Ilaynault, au Coût gén'
1. 1, p. /82. — ^oy. Appréiie.nder.)
ma'^rf''Tpn'{,^"i^*'^' /'''■''''■• ^'^""^''^ en étendant la
main. Tenir dans la main. Prendre l'idée d'une
chose, la retenir dans sa mémoire. Prendre une
1 habitude, çonnoitre par habitude, s'accoutun"er
Reprendre, relever, faire çonnoitre'. Faire pSre
1 idée d une chose, la faire çonnoitre, enseio-ner
instruire, etc. Accoutumer. Il est évident que le
•fi n ., 'F°".'''"P'"^"'^'"e, est une contracthjn du
P pnf^'rî'.f "''• ^''^- P^"" ""e espèce d'asservis"
semen à 1 orthographe étymologique, que dans le
siècle de l'érudition, l'on aura écrit appréleZre-
en transposant Ve final, appréhender {i)%yezAp'.
PREllE.NDER.) ^ ' ^ .jv.^. ^1
n,.?ii^n'' ''"^^ ^^'^ aujourd'hui la différence de signi-
nPP, ,p ^"^e apprendre et appréhender, on a la
preuve que dans un sens très-analogue à celui du
avPr'l-f^^f'''"r^"''f" '^''*" 'W^'^endere, prendre
avec la mam, le verbe apprendre signifioit ancien-
nement prendre eu étendant la main. Tel étôi! saSs
doute le sens d'apprendre, lorsqu'on personnifiant la
Mors, moût os bien apris le monde.
De toutes partz à la reonde,
ru lieves sor toz ta beniere, etc
Fabl. .MS. du R. n- 7615, T. I, fol. 103, V col 1.
«/J!!;.^''/ens'«nJl paroît avoir signifié tenir dans
sa main la chose qu on a prise.
s2SS9aiïs^^Sïî«"=^-
AP
78 —
AP
Envis lait-on cou qu'on aprent (I).
l'rov. rur. et vulg. US. de N. D. n" 2, fol. H. R' col. *.
Au figuro, ce même verbe apprendre signifioit ce
qu'il signilie encore aujourd'liui, prendre l'idée de
ce qu'on veut ou doit connoitre, en retenir l'idée
dans sa tôle, comme l'on retient dans sa main une
cliose qu'on a prise, en prendre connoissance
d'après cette idée retenue dans la mémoire par la
force active de l'entendement humain. (V. Apprise.)
Droiz dit que cil fait à reprendre
Oui ne set, ne ne vuet aprenctre.
Fabl. MS. du R. n' 7615. T. I, fol. 110, R- col. ).
Nuns n'enpire de bien apronlrc.
IbiJ. T. II, fol. 165, V- col.l.
C'étoit la même signification, lorsqu'en employant
comme substantifs le verbe apprendre et le participe
apprenant, on disoit :
.... Je n'ai mie si chier
Le séjor d'Arras, ne la joie,
Que Vaprendre lessier en doie.
Fabl. .MS. du. R. u- 7218, fol. 250, V' col. 1.
Maistre qui désensaigne,
Son aprenant méhagne (2).
Prov. du C-do Bretagne, VS. de S. Gerni. fol. lU, V col. 2.
Dans cette expression apprendre à lettres, la pré-
position à, en latin ad, étoit d'autant plus inutile,
que le rapport de l'action de prendre une idée, une
connoissance, à l'objet de cette action, étoit suffi-
samment indiqué par la préposition initiale du
verbe apprendre, qui d'ailleurs avoit le régime qu'il
conserve encore.
Et puis cou k'il ot XL ans
Fu il à laitres aprcndans.
Ph. Mouskes, MS. p. 416.
On ajoute que l'acception de la préposition fran-
çoise à, étoit relative à celle de la préposition latine
ab, quand pour indiquer la personne de qui l'on
apprenoit une chose, on disoit qu'on l'apprenoit à
cette même personne ; expression dans laquelle à
est de même signification que de, usité comme
aujourd'hui, dans notre ancienne langue. « Si
« covient ke... nos apregniens del Saint des Sainz
« mansuetume et la grâce de comune vie, si cum il
« mismes dist: apremiz à mi ke je suis sueys et
« humiles de cuer ; en latin, discite à me, quia mitis
« sum, et humilis corde. » (S' Bern. Serra, fr. mss.
p. lOi. — Id. ibid. Serm. lai. col. 777.)
Dans le cas oîi l'idée prise d'une chose et retenue
dans la mémoire, en opéroilla connoissance parfaite
et permanente, on disoit que cette chose étoit
apprise du tout, ou tout au long, qu'elle étoit apprise
par cœur. L'apprendre par avant ou auparavant,
c'étoit en avoir une connoissance anticipée, en
prendre une idée que la prévoyance réalise dans
l'avenir. (Rob. Estienne, Nicot et Monet, Dict.)
Quoique ce verbe apprendre, dont l'acception
figurée n'a presque point varié, signifie encore
l'habitude qu'on prend de certaines choses aux-
quelles on s'accoutume en lesconnoissant par cette
même habitude, on ne désigneroit plus, 1° une
personne qui connoîtroit l'agrément d'une compa-
gnie à laquelle elle se seroit accoutumée, en disant
qu'elle a appris compagnie :
. . . Qui a compaignie aprise,
Bien sai de voir que petit prise
L'aise qu'il a sans compaignie.
Fabl. MS. du R. n- 7218, fol. 213, R' col. 1.
2° Une personne qui ne seroit pas accoutumée à
l'air d'un climat, en disant qu'elle n'en a pas
appris l'air :
... Le mal plus griement l'a pris.
Pour l'air qu'il n'avoit pas apns.
G. Guiart, MS. fol. 36. V-.
3° Une personne qui ne connoîtroit pas la pauvreté
faute d'y être accoutumée, en disant qu'elle n'a pas
appris la pauvreté. « Grant cruauté seroit que l'en
« la laissast. . . désespérer par poureté que elle
« n'auroit pas aprise. >• (Beaumanoir, Coût, de
Beauvoisis, chap. xxx, p. 103.)
A° Une personne qui connoîtroit le plaisir d'être
riche ou à son aise, et s'y seroit accoutumée, en
disant qu'elle a appris ses aises, qu'elle a appris la
richesse. « S'enclinoyeal à la guerre poures Cheva-
» liers... qui avoyent a/;pm leurs aises et souste-
« noyent leur estât sur la guerre. » (Froissart,
Vol. IV, page 111.)
. . . Qui f( (tpris la richèce,
Moult i a dolor et destrèce,
Quant l'en chiet en autrui dangier,
Por son boivre et por son mengier.
Fabl. MS. du R. n- 7218, fol. 299, R- col. 1.
5° On ne désigneroit plus enfin une jeune per-
sonne dont les membres délicats ne sont point
accoutumés aux blessures, en disant que ses mem-
bres n'ont pas appris qu'on les blesse. " Si bel pié et
« ses bêles mains... n'avoient mie apris c'on les
» bléçast. " (Fabl. ms. du R. ir 7989, fol. 77. — Voy.
Apprentl're et Apprisure.)
Quelquefois l'acception figurée du verbe reprendre
étoit celle d'apprendre; de façon qu'apprendre le
vice signifioit reprendre le vice, le relever comme
on relève une chose en la prenant avec la main,
faire connoître le vice, en faire prendre une idée
odieuse en le présentant aux yeux de l'esprit,
comme on présente à ceux du corps une chose
qu'on lient à la main.
Li Philosophe tel estoient,
Que à nule rien n'entendoient,
Fors qu'à bien dire et à aprendre
Les malvès vices, etc..
Bible Guiot, MS. de N. D. a' E. 6, fol. 89, V° col. 1.
Encore aujourd'hui, apprendre une chose à quel-
qu'un , c'est lui en faire prendre une idée qu'il
retienne dans sa mémoire, lui faire connoître cette
chose en lui en présentant l'idée, en l'enseignant,
en l'inslruisant, etc. (Voy. Apprenture et Apprisfre.)
Mais on ne diroit plus, apprendre quelqu'un les
Sciences, ou tout simplement l'apprendre, pour
enseigner ;\ quelqu'un les Sciences, l'instruire dans
les Sciences. « Glergie vint en France par Alcuin....
u Dui moines Escoz aprenoient les gens sapience
« pour l'amour Nostre Seignour. » (Chr. S' Denys,
(1) C'est à regret qu'on laisse ce.... (n. e.) - (2) blesse, lèse.
AP
— 79 —
Reç. des Hist. de Fr. T. V, pa^e 263.) « Nous
:i^^^p>Jftmes, et il sot moult retenir. .. (Rom de
Dolopathos, Ms. du R. n- 7534, fol '^94 ) ^
On ne supprimoil pas toujours la prénosition à
qui orsqu'elle ne désignoit point la pSnne qu'on
doï 'on ^tr;? 'nf ''^""^'' quelqifefois"lT ?hose
aont on 1 instruisoit, comme en cette exoressinn
; apprendre une Nymphe aux ébas Sour '
ainreS-nt,^''^'' 'i'''^ PI"' ancUnnem n
•eKstîrV^.fi?^^^^ d'une chose, » c'étoit aussi
îa'S^uSre Siilr ''''"''' ''^'^^e de cette chose,
0 lui ara encanteours,
Et moult divers engingneors
yui de tous maus Vaprendront.
Lucidaires, MS. de Gihert, fol. 24, V°.
On disoit d'une chose qu'on pouvoit connoîtrp
sans instruction,qu'elle » nefaisoit mie à «Sï !
- Rom. de Rou, ms. p. no'. - Voy A Îre 't. )
difoiis qui mslruisenl de la v&ilé te Ms
En celui termine meisme
Ou faus devise Uopra»c/,'es,
be boisa h Quens de Flandres.
G. Giiiart, MS. fol. 232, R".
. . . Envoya li Quens de Flandres
A Furnes, ce dit li aprendres
Id. fol. 236, R».
AP
Apprins ou Aprins, participe. Annris insfmif
accoutume. (Rob. Estienne, NicotetZIt dS? '
Apraujnet, s pr. Qu'il apprenne. (S- Bern s fr )
jPrcdnet, subj prés. Qu'il apprenne. (IdibTé f '^
Apregniens. subj. pr. Que nous apprenions rid \
ApnncioU indic. imp. Apprenoit. fCléomadi'"? S
Am'igeH, subj. pr. Qu'il apprenne L des Ro s ^
(Rom Soton!:i£- P'-^t'/PPr^'"*^^^^' enselfn.fmS
^Sis ï> ' S-'i^P- '^"^' '^PP^'t. (S- Bern. S. r.)
^^/çs/.iu's, subj. imp. Que vous apnrissie? aÂ
Apustrent, ind. prêt. Apprirent. (Athis, ms. ^54.)
APPRÉHENDRE. Colgr^ûS' '
ÏT.Z-Àl\tl ëîcT- '''''■ '^ ^- ^^-"- T. n,p. 1391.
pS^C^^Siaî^!^^i|'-^^«r'^°'-'^'P'"^-
Aprendre Rom. de Rou, MS. p ilo '
APRENRE. Beaumanoir, C. de B^eaiv oisis, chap. xl p 22.
" de ce quon ht aux histoires Romaines de cpnv
" qui avant le jour des batailler^ss "ni? ,^^
« moient aussi' P-'ofondément que sf c'estoif [;
« lendemain de leurs nopces : je S- LSll st
" S?pir'''"'"''f- ;(-^'^^'»-deMontlîiT I p'?|9'
Appréhender et APPREHENSION.^ Prevoii . (Voyez
avoir certaines ciuaîte-s b Slfes^'on "rïl'' '
parlant de fumiel^ qu'il est .S".fl^^2^^^ ''' ^"
L'habit de pris,
Fard bien compris,
Font d'un laid corps le parement •
Ainsi que les Heurs du pourpris '
Reparent le fumier appns ^
De puyr natureUement.
J. Marot, p. 200.
. . CONJUG.
(coî5£rp."?5i'?S,!"£5î:?."|^r---
Appréhension, subst. fém Prise snisip- nr.-o^
..o,mnéMaistreWlïï"„lt';v S' Sis" ,,ra*î2
..e ™ u..g, ,.■„, „,. .,,„,.. * ;»= 20.., on „„„v. <ie,a : . Mal, ., .p.j, y „„ .„^,, ,^^^ ^ ^^ _^^ _ ^^^ ^^ ^^^ ^^^
AP
— 80 -
AP
de comprendre, la compréhension. (Cotgrave, Rob.
Estienne, Nicot et Monet, Dict.)
On a désigné même par ce mot appréheimon,
l'idée plus ou moins vraie, la connoissance plus ou
moins certaine qu'on prend des choses, le jugement
qu'on eu l'orme d'après cette idée, cette connois-
sance. " 11 eut une appiélwnsion que c'étoient ses
« enfans. » (Nuits de Strapar. T. I, page 300.) « La
« femme de S' Hilaire... prit une vive appréhension
« de la béatitude élerneiie et céleste. » (Essais de
Montaigue, T. I, page 350.) « Les hommes ont eu
« apprélicnsion de Dieu par les astres qui nous
« a|)paroissent. » (Amyol, Moral, de Plutarque, T. II,
p. -218. - Voy. Monet, Dict.)
Qu'il suffise d'avoir uidiqué ailleurs par quelle
analogie ce mot apprélienslon, qui désigne encore
l'idée qu'on prend d'une chose, a signifié et signifie
crainte. (Voy. Appréhender et Appréhensif.)
Apprentis, adjectif subst. masc. et féni. Qui
apprend une chose, qui est encore à l'apprendre.
(Voyez Ari'HEiiENDiuc.) On voit que l'ortliographe
apprenti, préférée aujourd'hui à l'oiihographe ap-
prcntif, n'est pas nouvelle dans notre langue. L'une
et l'autre ont fait oublier l'ancienne orthogiaphe
apprentis, dont se forme si naturellement le subs-
tantif ap[irentissage qui subsiste (1). Encore aujour-
d'hui, un apprenti est quelqu'un qui apprend un
métier, ou autre chose en général; quelqu'un à qui
il faut apprendre ce métier ou cette autre chose.
Mais on ne diroit plus avec Montaigne : « Je ne
« me prens gueres aux nouveaux livres, pour ce
« que les Anciens me semblent plus pleins et plus
« roides; ny aux Grecs, parce que mon jugement
« ne sçait pas faire ses besognes d'une puérile et
« apprentisse intelligence. » (Essais de Montaigne,
T. II, page 136.)
On a voulu sans doute désigner le chant naturel
des oiseaux, ce chant qu'ils n'apprennent point de
l'art, lorsqu'on a dit :
A chanter furent ententis
Les oyseauLx, non comme aprentis,
Ne aussi comme non sachans.
Rom. de la Rose, vers 692-694.
Anciennement, l'acception d'apprentis éloit si
générale, que pour signifier qu'on étoit encore i\
apprendre des nouvelles de quelqu'un, on disoit
qu'on en étoit aprentis.
En demandoit par tous pays;
Mais aussi en ert apprentis
Que il fu au commencement.
CléomaJès, MS. de Gaignat, fol. 46. R* col. 1.
VARIANTES :
APPRENTIS. Cléomadés, MS. de Gaignat, fol. 46, R" col. 1.
Apprentie. Monet, Dict. au mot Appris. — D. de Trévoux.
Apprenti. Orth. subsist. — Rob. Estienne et Nicot, Dict.
Apprenty. Nicot, Dict. au mot Apprenti.
Aprenti. Rom. de la Rose, vers 693.
Apprentisse. Essais de Montaigne, T. II, p. 136. — Dict.
de Trévoux.
Apprenture, suhst. féminin. Enseignement,
instruction ou coutume, habitude. SignificaUons
relatives à celles du verbe apprendre, instruire,
accoutumer. (Voy. Appréiiendre.) « Peu de gens est
« qui soint hardiz par nature ; mais mains devien-
« nent hardiz par art et par apprenture. « (Instr.
de Chevalerie et exerc. de Guerre, ms. fol. 12, R». —
Voyez At'RENE.ME.NT.)
Apprise, subst. fém. Apprentissage. Connois-
sance d'une chose apprise. Espèce d'Enquête.
Entreprise. Ce mot aprise ou aprinse, dans le sens
d'apprentissage, signifioit l'exercice par lequel on
apprend un métier, par lequel on s'y instruit sous
les yeux d'un Maître. « Pourveu qu'il ait servi trois
» ans en bonne aprise, etc » (Ord. T. VIII, p. 513.
— Voy. Api'RisiRE.)
Il semble qu'être de Vaprinse d'un métier, c'étoit
être né dans un métier dont on a fait l'apprentissage
en s'y exerçant dès l'enfance. « Se il est filz de
« Maistre et de la dicte aprinse, il ne payera, etc. »
(Ord. T. IX, p. 45.)
On a dit d'une personne qui avoit appris une
langue, qui en avoit la connoissance, l'intelligence,
qu'elle « étoit de cette langue par aprise. « (Voyez
ArpRÉiiENDRE.) « Encores que je ne soye, par nature,
« ou par apprise, de la langue d'Alemaigne; si
» ay-j'enquis, à la vérité, de ceste généalogie, le
« plus qu'il m'a esté possible. » (Méin. d'Ol. de la
Marche, p. 12. — Voy. Apprisure.)
L'espèce d'enquête qu'un Juge faisoit d'office
pour apprendre la vérité d'un fait, étoit une apprise.
(Voy. Du Cange, Gloss. lat. au mot apprisia, col. 590
et 591. — Lalirière, Gloss. du Dr. fr.) L'Enquête en
général différoit de Vapprise, en ce que Yapprise,
qui se faisoit d'office et sans le consentement de
celui qu'on soupçonnoit d'être coupable, ne portoit
pas, dit Beaumanoir, fin de querelle. » Quant aucun
« est pris pour soupechon de vilain cas... l'en doit
« demander à cheli qui est pris, se il viout atendre
« enqueste dou fet S'il ne veut atendre l'en-
« queste, adonques i appartient aprise; che esta
« dire que li Juges de son office doit aprenre et
« enchercliier dou fet Mes à che que il fust
« condempnés i^ mort par Vaprise, il convient bien
« que li fès fust sens clers par plus de trois tesmoins
« ou de quatre, si ([ue li jugement ne soit pas fait
« tant seulement par l'aprise, mes pour fet notoire.
« La différence qui est entre aprise et enqueste, est
« tele que enqueste porte fin de querele, et aprise
>< n'en porte point : car aprise ne sert fors de tant
« sans plus que li Juges est plus sages de la besoigne
(1) Les deux formes apprentif et apprentis ont dû être contemporaines. Dans Berthe aux grans pies (vers 1), on trouve:
« Aprentif jugleor et escrivain marri ; » et dans le Livre des Métiers d'Et. Boileau, du xiir siècle, comme le poème
précédent: « Il peut avoir tant d'apprentis et de vallés comme il li plaist. » (Edition Depping, p. 18.) Le féminin était
a/j/j/(,')i/ife; cet archaïsme est encore employé par quelques personnes. — Voir sur l'uppre»*;, YEssai sur l'organisation de
ioulustrie à Paris aux XIII' et XIV' siècles, art. de G. Fagniez. — Bibliothèque de l'Ecole des Chartes, 1874 (p. 479 à.
497). (N. E.)
AP
— 81 -
« quil a apme. » (Beaumanoir, Coût, de Beau-
VOisis, chap. XL, p. 221. _ Voy. Ord. T. I, p. 575 )
Dans la signification d'entreprise, ce mot aprise (1)
étoitlememe qu'emprise. » Les Zassons... s'avan-
« turoyent pour gaigner, par bonne façon ; voire
« jusques h gaigner et emmener de nos gens. De
« telles petites prises et aprises firent... sur nostre
« compaignie Plusieurs chevaux et 4ns
ml^r d'ol* ^I'^^m'""',"' P^^'" ^'^"^^^ emprises, elc. !
VARIANTES :
AP
APRisîf Ord^xT^n'.^'r'- \=''- ^H ^ot^pprisia, col. 590.
Apri'kse. Ord. T l5; l%7 ''"""''■^' '^'°^^- *•" ^r. fr.
Apprisure, siibst. fém. Apprenlissa^-e Ensei
gnement, instruction, etc. Coutume, 1 abii&^^^^^
APPREHE.NDRE et APR.soN.) On a dit au premier sens :'
■ • Il firent leur apresure
U armes, sans nule mespresure.
Pli. Mouskes, MS. p. 823.
Dans le second sens, une histoire à'apresnre
étoit une histoire où Ton pouvoit s'inslru re une
personne de bêle «/.,ï'.«r/étoit une perso ne beii
p. ddj. — Ane. Poet. fr. mss. av. 1300, T. II, p. 70G.)
Amours nélie et escure
Le cuer k'éle a bien saisi.
Vaillant le fait et hardi;
Est de courtoisie apresure ■
Biens, sans li, n'est fors que painture.
Ane. Poés. fr. MS. du Vatican, n- U90, fol. 94, R..
C'est relativement aux effets d'un long annren-
tissage et d'une instruction continuelle, me le S
appnsure paroît avoir signiHé coutume. 'habituSe
C'ert moult fort cho.se d'apresure ■
Mes nature deust pas.ser, etc.
Fahl. MS du R. n" 7-218, fol. 225, R- col. ).
VARfANTFS '
APPRISURE. G. Machaut, Poës. MSS. fol 19 r» col 1
Apreseure. Ph. Mouskes MS. p 331 ' °'- ^•
Apreslre. Vie de S'eThaysies, MS. deS. chif. xxvn, col. 16.
Approbation, subsf. fém. Action d'énrouver
épreuve. Action de prouver, preuve L'acceïïion'
2Tr!uTl'', •?' '' '"^^ appràation, est la Sï
que ce le du latin appvobatio. (Voy. Àpprouvement t
Delà, Il aura signifié, 1° l'action d'ép ouver, e'Jreuve-
« b. ne vous plaist me donner cette petite S S on
« pour m approuver, parce que de telle arnSSi
M^rn'^T'^ '''■ " ^^"""P'' ''' '' niille Dame,
^nni.^ f *^i'-^" ^^ prouver, preuve, comme lorsau'en
pariant dune action qui prouVoit dé H hnnnn
volonté, on disoit qu'elle éK , unetiSS
« de bonne volonté. » (Du Bellay, Mém Km 7
« Dame, vous direz ce qu'il vous plaira mais '
« oncques Monseigneur Lancelot ne se neS de
« faire ce que vous luy mettez sus. Il a bien monshé
« àceste assemblée, ilist la Royne • doTt sr^oy^e
11
j moy que l'approbation en est si apparovssante ,,
(Lanc. du Lac, T. III, fol. 121, R» col 1 )
Approfitement, subst. masc. Action de mettrP
a prolit. L'action de faire valoir une cl ose L^ r sn?
ou pour quelqu'autre. (Cotgrave et S dTc
\oy. Approfiter.) ci. moui, uict. —
Approfiter, verbe. Mettre à profit, faire vilnir
Mettre en état de profiter, de faire valor^rofuér"
Etre profitable. Ce verbe, composé de la préposit on
« reunie au verbe simple profiler, signifioif me tre
a profil une chose, la faire vn ni r nnnr =ni ^ ^
pour 1 usage, 'Utilité des autres. « Les cSnnlfestes
" faictes sur les ennemis... il faut amrS Jl
«^non prodiguer, ny dissiper. » (S^Sseï SSr'ron^!
En cas de » séquestre estably en un bénéficp
*: sS"/' " °.^*^''^" ^"<^ " "^ '-evenu de ce bé, éfice
« seroit approfite par un tiers,... au moven ellZot
« qu'i avoit promis faire le dit rw;nS»iSf la
" Z^'^-^T et„P'?'Ception des fru: s au SJe
se rendre utile, qu'rw^.o/?/^./, Je qu'un éiTens
sgnifioit le mettre en ét;.t de profitei' , le mettre en
qL'on lif P,i;'^''^ '' ^'"■«" '''' P«"'- lui 'le bien
qu on lu lait. . Seigneur, quant je pense en mnv
•■ en quelz ne en quanz biens tu m'as aproufité II
etc. « (Liiasse de Gaston Phebus, ms. p. 387 1
La signification active de ce verbe etoit -ibsoinp
lorsque pour désigner une personne qupontou'
qui faisoit qu'une chose fût p.uir ele en Til'
rendant utile, on disoit qu'elle appo/^ft 'VoStc?
" mes euvres ordene à ton dou x plaisii si oue l
« Que aproup te à ta charité,... si je iS en mn
PeuVÎi't- " (P'^^^sse de Gaston Phébus,' m p'383
Peut-être qu aproufier, en latin proftcere nW
! V."n.?r d «•■n^os-'iaphe dans le Jassaîé sùivLu
« Le meilleur médecine. . . si es . . Tes lessipr
« mengier tout quant qu'iîz voudront ; car aud S
ibif?'VTfr^rf,i°"''''''""''«^^''''»/'^"' ('^)'^ien. '(id^
.,.. P- r?''ù ^*^'"^ conjecture paroit d'autant n ki s
vraisemblable, qu'on trouve plusieurs fois 'nVn n
graphe aproitfiter dans le même o^TagS ""
VARIANTES '
APPROFITER Contes de Des Périers, T I p 151
Aproufier. Chasse de Gaston Phébus MS n 105
Aprûufiter. Ibid. p. 359, 383, etc ^'
Ce'^'ol 'Tn^n^'l'n'**""''"^'. '"*^^- '««^^- P>'Ovision.
ce mot, forme de provende, en latin prœbendu par
AP
— 82 -
AP
contraction de prœhiheiula, désigne une chose que
doit avoir d'avance, ou par provision, celui à qui on
la donne. <• Au regard de Vapprouvandeynent... pour
a la plaine affolure, lequel avoit esté limité à huict
« muids de bled, etc. " (Coutumes de Hainaull, au
nouv. Coût. gén. T. I, p. 59. — Voy. Provende.)
V.4R1A.NTES :
APPROUVANDEMENT. Du Cange, Gloss. lat. à Provenda.
Aprovandement. Coût. gén. T. I, p. 784.
Approuve, subst. fém. Epreuve. Preuve. Il
semble que dans un sens relatif à celui du verbe
approuver, éprouver, l'on ait dit en parlant d'un
Prélat en général :
Les bons et les maulvais sont dessoulz tes approuves :
Qui scet ou qui ne scet, t'appartient que tu preuves (1).
J.de Meun, Codicile, vers 593-595.
Peut-être la rime exige-t-elle que dans ces vers
on lise appreuve, comme dans le passage suivant
où ce mot signiiie preuve. « Hercules en faisant ses
« voyages... passa par le pays que l'on nomme à
« présent Bourgongne, et y prit en mariage... l'une
« de ses femmes nommée Alise ; .... et. .. de ceste
« Alise il eut génération, dont sont... yssus les pre-
« miers Roys de Bourgongne : et pour appreuve,
« vous trouverez au Duché de Bourgongne,... appa-
« rence d'une cité ou ville qui se nommoit Alise. »
(Mém. d'Ol. de la Marche, p. 21. — Voy. Approuver.)
VARIANTES :
APPROUVE. J. de Meun, Codicile, vers 593.
Appreuve. Mém. d'OI. de la Marche, p. 22.
Approuvement , subst. maso. Appi'obation.
(Cotgrave, Rob. Estienne, Nicot et Monet, Dict. —
Voy. Approuver.)
Approuvender, verbe. Approvisionner. (Voy.
Approuvanuement.) Signification relative à celle du
substantif approuvandeincnt, formé de provende.
On a dit figurément :
. . . Carités qui en tous lieus
Est grandement recommendée,
Garnie est et ap}irouvc)idée
De largèce, sans nul dangier.
Froissaii, Poès. MSS. p. 42, col. 2.
Approuver, verbe. Eprouver. Prouver. L'ac-
ception encore usitée du verbe approuver, est la
même que celle du lalin approbare. Martinius la
présente comme acception primitive du verbe sim-
ple latin probare, qui par une espèce de métonymie
signifioit éprouver. (Voy. Aprob.) C'étoit aussi la
signification du verbe françois composé approuver.
<■ Aucune fois Dieu afflige les humains pour les
« approuver; sgavoir est les bons, comme Job et
« Tobie. » (Triomphes de la noble Dame, fol. 277.)
« Nous qui de voslre loial et approviée diligence
« nous fions, etc. » (Ord. T. I, p. 528, notes, col. 2.)
Mais de moult lointains seigneurages,
Par fiez tenir et par hommages,
Grant honneur aprovoil.
G. Guiarl, MS. fol. »,R'.
Dans le sens de prouver, en latin probare, on
disoit : « Je vous prometz que c'est le Chevalier à
« l'aigle d'or ; et ce vous appreuve-je par son escu. ^
(Percef. Vol. 111, fol. 19.) " Pour vous approuver et
<" justifier leurs faicts, etc. » (Du Bellay, Mém. Liv.
VI, fol. 178, R°. — Voy. Prouver.).
variantes :
APPROUVER. Orth. subs. - G. de RoussUlon, MS. p. 188.
Appkeuver. Percef. Vol. III, fol. 19, R° col. 1.
Approer. Ord. T. III, p. 578.
Approvier. Ord. T. I, p. 528, notes, col. 2.
Aprover. g. Guiart, MS. fol. 11, R».
Aprovier. Ane. Poët. Ir. MSS. avant 1300, T. IV, p. 16CQ.
Aphouver. Modus et Racio, MS. fol. 236, V».
Apruever. Fabl. M. du R. n» 7615, T. II, fol. 127, V» col. 1.
Appuy, subst. masc. Appui, accoudoir, dos-
sier, etc. Dans le sens étymologique (2), chose sur
laquelle on pose les pieds afin de se soutenir : par
extension, chose sur laquelle on pose la main , le
coude ; chose contre laquelle on pose le dos : en
général, soutien, tant au propre qu'au figuré. (Voy.
Appuyer.) U semble qu'un banc sans appois, dans
les Honneurs de la Cour, ms. p. 54, est un banc sans
accoudoirs et sans dossier. On conçoit que les
explications de ce mot appuy pourroient être aussi
variées que le sont les noms par lesquels on spé-
cifie, 1° les choses propres à soutenir différentes
parties du corps, les choses propres à soutenir les
personnes, comme un balcon, un garde-fou, une
balustrade, etc. 2° les choses propres à en soutenir
d'autres, comme une étaye, un étançou, etc. (Voy.
Appuyal et Appuyé.)
variantes :
APPUY. Cotgrave, Rob. Estienne et Nicot, Dict.
Appoi. Honneurs de la Cour, MS. p. 54.
Appuyai, subst. masc. Appui, balcon, che-
ville, etc. (Voy. Appuy.) Ce mot appuyai, de même
origine qu'appuy, signifioit soutien en général ; en
particulier un balcon pour s'appuyer, se soutenir:
« Firent les deux Roys loges dresser emmy les
« prez, où il y avoit fenestres et appuyaulx aux
u Dames et aux Damoiselles. » (Lanc. du Lac, T. II,
fol. 82, V° col. 2.)
Une cheville, ou autre chose propre à fermer une
porte, à l'appuyer, à la soutenir contre l'effort de
quiconque voudroit l'ouvrir. « La porte... n'est
« fermée, ne à poste, ne ti barre, ne à nul appoyal,
« sinon à gons où elle est sellée. » (Lanc. du Lac,
T. I, fol. 147, R-col. 1.
Au figuré, la signification à'appuyal étoit la même
que celle de notre mot appui, soutien. « Loys^
« Monseigneur de Luxembourg,... appuyai du peu-
« pie, le parement de Court ell'onneur du royaume
ic de France. » (J. d'Auton, Annal, de Louis XII,
MSS. an. 1503-1505, p. 93.)
Vile roiaus des Cités,
Se tes appoia7(s
Fust vrais et loiaus, etc.
Ane. PoOt. fr. MSS. avant 1300, T. IV, p. 1301.
VARIANTES :
APPUYAL. Lanc. du Lac, T. II. fol. 82, V° col. 2.
Apoial. D. Carp. s. Gl. lat. deD. C. d.\imot Apodiamentum.
(1) Tu éprouves, tu juges à l'épreuve. - (2) De ad et podium, pui, élévation, colline. (N. E.)
J
AP
- 83
AP
Apoyal. Lanc. du Lac, T. I, fol. 147, R° col. 1.
Appoiau. Ane. Poët. fr. MSS. avant 1300, T. IV, p. 1?01.
Appu.^il. Al. Chartier, de l'Espérance, p. 285.
Appuyé, subst. fém. Appui, galerie à balcon,
balustrade, accoudoir, etc. Dans la signification
particulière de galerie à balcon, balustrade, le mot
appuije étoit le même qu'appuy, galerie et saillie
sur quoi on s'apptiije pour regarder hors la maison.
(Voy. Cotgrave et Nicot, Dict.)
L'acception à'appoiée, accoudoir, est relative à
eelle d'appoi. « Deux pommeaulx des appâtées du
« dit siège despiciés par moittié, etc. » (D. Carpen-
tier, uht supra. — Voy. Appuy et Appuyelle.)
VARIANTES :
APPUYE. Cotgrave et Nicot, Dict.
Appoiée. D. Carp. s. Gl. 1. de D. C. au mot Appodiatorium.
Appuyelle, suhst. (ém. Appui, garde-fou.
Espèce de parapet, ou de barrière sur laquelle on
s'appuie pour ne pas tomber en passant sur un
pont, sur une chaussée, etc. « Les Eschevins ont
« connoissance du fait des cauchies, plaucques et
« appuielles, et es chemins; les dits chemins,
« plancques et appuielles et cauchies, etc. » (Coût.
de Richebourg, au nouv. Coût. gén. T. I, p. 392,
coL 2.) On trouve appuy avec la même signification
particulière, dans la Coût, de Ham. (Ibid, p. 381,
col. 1. — Voy. Appuy.)
VARIANTES :
APPUYELLE. Coût, de Lessines, au n. C. g. T. II, p. 214.
Appuielle. Coût, de Ricjiebourg, ibid. T. I, p. 392, col. 1.
Appuyer, verbe. Soutenir, se soutenir, s'accou-
der, s'adosser, s'asseoir. Poser, mettre, arrêter,
assurer, établir, confirmer. Frapper, presser, fouler,
renverser. Opposer. On sait que du mot grec noiç,
noâôç, pes, pedis en latin, s'est formé nifioy en grec,
en latin podium (4); d'où le verbe latin-barbare ap-
podiare, en françois appuyer. C'est peut-être à l'idée
de pied, partie du corps sur laquelle on est stable,
sur laquelle on se soutient, on s'atïermit et s'élève,
que sont relatives les acceptions des substantifs /;«;/
et appuy, aussi bien que celles du verbe appuyer,
&' appuyer ; proprement se soutenir, s'affermir sur
les pieds, être stable, poser les pieds, se soutenir,
s'affermir en posant les pieds sur une chose qui ail
de la stabilité. Il semble du moins que dans un
sens analogue aux significations indiquées, l'on ait
dit : « Ne n'en atroverons mies trop estroite la sente
« del pont. . . De trois tisons (2) est faite celte sente (3),
« por ceu ke li piet de ceos ki à lei se verront apoier,
« ne puist glacier (4) en la voie. » (S' Bernard, Serm.
fr. MSS. p. 340 (5).)
A un tertre monter s'appuie.
Desoz ert la valée fière ;
Parmi coroit une rivière.
Blanchandin, MS. de S. Germ. fol. 176, R" col. 2.
En comparant à cette façon naturelle de se soute-
nir sur les pieds, de se soutenir en posant les pieds
sur quelque chose, toute autre fa(;on de se soutenir
sur différentes parties du corps ; de se soutenir en
posant la main sur un bâton, le coude sur une
fenêtre, le dos contre une porte, en s'asseyant sur
un fauteuil, en posant partie du corps ou le corps
entier sur une chose qui le soutienne, on aura dit
par extension : « s'appuyer ou s'espuyer du genoil,
" de la main, du côté, etc. s'appuyer d'un bâton ou
« sur un bâton, s'appuiier à une fenêtre, s'appuyer
« à un huis, sur un faudestuel, h un banc, etc. Le
« suppliant cuida tumber h terre, et lui convint
« sojj espuyer d'un genoil et d'une main à terre. »
(D. Carpenlier, Suppl. Gloss. lat. de Du Gange, au
mot apodiare; Tit. de 1480.) « Se assist emmi le
« chemin, en soy espuyant du costé à terre. » (Id.
ibid. Tit. de 1.381.) « As-tu espérance en cez de
« Egypte ki sont eu me baston de rosel pesceed (6) sur
« qui si l'um, se apuied, tost falsed e depiesced (7.) »
(Livres des Rois, ms. des Cordel. fol. 144, V° col. 1.)
. . . Vos resemblez le gaignon (8)
Qui se venge en abaiant ;
Pour ce avez mors en mon baston
De quoi je m'aloie apuant.
Ane. Poft. fr. MSS. avant 1300, T. I, p. 476.
Quoique appuyer signifie encore soutenir, on ne
diroit plus « appuyer ses memhves » dans le sens
du verbe réciproque s'appuyer.
Faulx-semt)lant qui bien se retourne,...
Après s'en va sans Esouyer ;
Et pour les membres apuijer.
Eut, ainsi que par impotance,
De trahison une potance
Rom. de la Rose, vers 12815-12819.
Sans désigner la chose sur laquelle un soldat
blessé, par exemple, se soutenoit pour fuir dans
une déroute générale, on disoit qu'il s'en alloit
apurant, à la différence de celui qui n'étant point
blessé, s'en alloit droit.
S'en vont l'un droit, l'autre upuiant,
Le plustost qu'il pevent fuiant.
G. Guiart, MS. fol. 256, V'.
Il paroit que la signification de s'appuyer est
s'accouder dans le passage suivant : « La Damoy-
« selle se leva sus, délaissant Liziart s'apoyant à la
« fenestre, la main à la maiselle(9). » (Ger.de
Nevers, Part. I, p. 16.)
Probablement s'adosser, dans ces vers :
Hersent qui n'estoit mie loins,
Qui n'est encore réconcilié,
S'estoit à un huis apoié.
FM. MS. du R. n" 7218, fol. U6, R" col. 1.
Enfin, s'asseoir, dans ces autres vers :
.... Diex vos gart, Sire Prévost ;
Venez vos apoier lez moi.
Cil respont, Dame je l'otroi.
Desor un faudestuel vermeil
S'apoiereiit, en un conseil.
Blanchandin, MS. de S' Germ. fol. 180. R» col. 2.
(1) Le podium était un soubassement peu élevé et formant marche le long du mur d'une chambre ou d'un bâtiment. Dans
l'amphithéâtre, ce soubassement était élevé de dix-huit pieds au-dessus de l'arène ; on y plaçait les chaises d'ivoire (selles
cwules) de l'empereur, des magistrats curules, des vestales. Enfm, en architecture, c'était un socle, une console, (n. e.) —
(2) poutres, pieux. — (3) tablier du pont. — (4) aUsser. — (5) Edition Le Roux de Lincy, Paris, 18il, à la suite du Livre des
ilois. (N. E.) - (6) fait de pièces, (n. e.) — (,7) se désagrège, se dépèce, se rompt, (n. e.) — (8) chien. — (9) ,Toue ; en latin maxilla.
AP
— 84 —
AP
Et Tristan à un banc s'apow.
Fabl. MS. dj Berne, n- 354, fol. 154, R* col. i.
C'est sans doute relativement à l'idée de poser le
pied ou quelinie autre partie du corps sur une
chose qui soutienne, iiu'aiipuyer une chose à une
autre, une chose sur une autre, a signifié et signifie
encore donner du pied îi cette chose, l'affermir, la
poser, la mettre de façon qu'elle soit ferme et
stable, de façon qu'elle soit soutenue par la chose
sur ou contre laquelle elle est mise, elle est posée.
(Voy. Appuy.)
Je montai sans lui dire mot,
Qu'il ne me sorprist à pié ;
Et pris en ma main mon espié
Qu'à un pin apoié avoie.
Fabl. MS. du R. n' 7615, T. II, fol. 187, R- col. 2.
Mes aiisi pense apoier
L'espié à une roche bise, etc.
Ibid. fol. 187, V col. 1
Puis a un rasor desploié ;
Si l'a sor l'anclume apoié.
Fabl MS. de Berne, n' 354, fol. l.'.S, V- col. 2.
Dans un sens analogue à l'idée d'une position
ferme et stable, par conséquent sûre, le verbe ap-
puyer ou s'appuyer aura signifié s'arrêter en sûreté
dans un lieu, s'y mettre en sûreté :
Mordret s'enfuit toute la nuit,
Quérant rechet où il s'apuit.
Rom. de Brul, MS. fol. 100, R" col. 2.
Au figuré, s'arrêter à une personne, à une chose,
s'assurer en cette personne, en celte chose, y met-
tre sa confiance.
Fox est qui va veoir s'amie,
S'il y moine tel compaignie
Où ne se doie moult fier ;
On ne set à cui apuier.
Athis, MS. fol. 11, V col. 1.
. . . Raempliz de couardise
Où leur flo se va apuiciiit.
S'en revont vers Furnes fuiant.
G. Guiart, MS. fol. 241, V-.
. . . Qu'aucune à ce ne s'apuie
Que sa net guerpisse et s'enfuie.
Id. fol. 312, R'.
... Cil qui par son sens se set bien avoier,
Ne doit son bon conseil por autrui sens lessier,
Se on ne le puet fère à meillor apoier.
Fabl. MS. du R. n" 7218, fol. 335, R" col. 2.
En termes de procédure, s'appuyer à droit, s'ap-
puijer à jugement on en jugement, c'étoit établir
en droit une question, établir une demande, la
soutenir en droit, la soutenir, fétablir en justice.
« Un Chevalier qui avoit à plaidier ... se fistesso-
« nier ; et chil qui avoient à lui à faire . . . s'apue-
« rent à droit, savoir mon se il povoit fère en la
« manière dessusdite. » (Beaumanoir, Coût, de
Beauvoisis, chap. m, p. 27.) <■ Toutes resons . . .
« doivent estre mises avant que li jugement soit
» enchargiés: car puisque chil qui doivent fère le
« jugement ont les paroles receues des Parties , et
" ils se sont apuié à droit, ils n'i pueenl ne mètre
« ne ester. •> (Id. ibid. chap. vu, page 45.) « Leurs
« resons oies et apuiées en jugement, nous disons
« par droit, etc. » (Id. ibid. chap. lxvii, page 343.)
« Quant l'en rent jugement, il n'est pas resons de
« tout recorder che qui fu proposé des deux Par-
« ties, sur quoi il s'apuièrent à jugement. « (Id. ibid.)
C'est encore relativement fi l'idée de rendre ferme
et stable, qu'appuyer siguifioit confirmer. « Ordon-
" nous et commandons en appuiaiit et ratifiant
<■ ladite Ordonnance, etc. » (Ord. T. I, p. 580 et 581.)
L'origine de ces significations étant ainsi expli-
quée, il est aisé de saisir l'analogie des significa-
tions actuelles du verbe appuyer avec les anciennes.
Quoiqu'il désigne encore aujourd'hui l'action de
peser sur un corps, en posant les pieds dessus, par
extension les mains, les poings, etc. faction de le
presser, de le fouler en tombant dessus, en le char-
geant, en le frappant, etc. on ne diroit plus :
Lor dona tex cox des basions
Qui s'aponicnl des moignons.
Fabl. MS. de Berne n" 354, fol. 155, V' col. 2.
Il semble que la signification de espoier, est,
presser, fouler, renverser, dans les vers suivans :
. . . Guide bien que nostre guerre
Fausist, quant le Mor vi à pié ; '
Car je le voil de mon espié
Encontre la terre espoier.
Fabl. MS. du R. n" 7615, T. II, fol 187. V col. 1.
Enfin, s'appuyer ù une bataille, c'étoit s'y oppo-
ser en la pressant, en la chargeant, en tombant sur
elle, les armes à la main.
Di.x batailles à trois s'apoient ;
N'est merveille s'elles s'ennoient.
Athis, MS. fol. 73, Vcol. 1.
CONJUG.
Apuied{s'), ind. prés. S'appuie. (Livres des Rois.)
Apuiout{s'), ind. imp. S'appuyoit. (Ibid. fol. 41.)
Apuit (s'), subj. pr. S'arrête, se mette en sûreté.
(Rom. de Brut, ms. fol. 100, R° col. 2.)
VARIANTES :
APPUYER. Orth. subsist. - Lanc. du lac, T. II, fol. 108.
Ap.uer (peut-êlre Apoiier.) .\nc. Poët. fr. T. III, p. 1059.
Apeuer. Fabl. MS. du R. n" 7989, fol. 67, V» col. 1.
Apoier. S' Bernard, Serm. fr. IISS. p. 320, 347, etc.
Apoiier. Fabl. MS. du R. n» 7989, fol. 77, V» col. 2.
Apooier Fabl. MS. de Berne, n^ 354, fol. 155, 'V" col. 2.
Apoyer. S' Bernard, Serm. fr. MS. p. 104.
Apouyer. Chasse de Gaston Phébus, MS. p. 202.
Appoier. Gloss. du P. Labbe, p. 488.
Appouieu. Miserere du Recl. de Moliens, MS. de G. fol. 209.
Appuier. Ord. T. I, p. 581.
AruER. Ane. Poët. fr. MSS. avant 4300, T. I, p. 476.
Apuier. Ane. Poët. fr. MS. avant 1300, T. I, p. 429.
Apuyer. Rom. de la Rose, vers 12817.
Espoier. Fabl. MS. du R. n» 7615, T. II, fol. 187, V» col. 1.
ESPUER. D. Carpentier, s. Gl. 1. de D. C. au mot .ipodiare.
ESPUIER. Id. ibid. Tit. de 1381.
EsPUYER. Id. ibid. Tit. de 1480.
Aprenement, subst. inasc. Enseignement,
leçon. (Voy. Apprenture.) Signification relative à
celle du verbe apprendre, enseigner, etc. Il semble
que dans les saisons du printemps et de l'été, le
spectacle de la Nature renaissante et féconde soit
pour l'homme une leçon d'aimer. De là , on aura
dit:
Ver est plus dous et plus temprés ;
Près son parant il et Estex...
D'amor donnent aprenement.
Athis, MS. fol. 38, Vcol. 1.
Après, part, et prép. Opprimé. Adjoint, associé.
Près, auprès. Après, secondement, d'après. Il esfc
AP
85 —
AP
possible que comme on écrivoit apus pour apusé,
participe du verbe apiiser, le même qu'aposer ci-
dessus, appens pour appen&é , etc. l'on ait écrit
après pour apressé et pour apressée , apresse. Ou
trouve en effet (\uapprcsse est une abréviation du
participe féminin appressée , opprimée , dans ces
vers où l'on a dit, en parlant de Sextus Tarquin ;
S'efforça tant
Qu'il print Lucresse.
Quand l'eut oppresse,
Tost fust Maîtresse
'Vengeance, que Tarquin le Grand
Chassa de Rome en telle presse, etc.
Blason des Faulces amours, p. 252.
Ce participe féminin oppresse suppose le mascu-
lin apprès. Aussi croit-on qu'après est un participe
employé comme substantif, lorsque dans un sens
analogue à celui du verbe oppresser, suivre de
près, suivre, la Prudence personnifiée nomme son
flyw'cs, c'est-à-dire, son adjoint, son associé, un
Poète qui en suivant son parti et ses avis, s'associe
et se joint à elle pour l'exécution de ses desseins.
J'apperceu tost approcher celle Daine...
Elle sentoit meilleur que nul ciprés.
Sa doulce bouche, quant de moi fut auprès,
Pour me parler ouvrit si doulcement,
Disant ainsi : mon amy, mon après, etc.
Nef des Dames, prolog. fol. 2V", et 3 R'.
Peut-êtie faut-il chercher dans le latin pressum,
l'origine des prépositions près et après , en Italien
pressa et oppressa ? On a pu se figurer comme
pressées ou pressant les unes sur les autres , les
personnes et les choses entre lesquelles il y a pro-
ximité, suite, ordre successif dans un espace de
lieu ou de temps ; faire abstraction de cette idée de
presse spécialement exprimée par les participes
j:;m et «/jct's ; prendre ces mêmes participes dans
un sens absolu, et les employer comme préposi-
tions, pour désigner les idées générales de proxi-
mité, de suite, d'ordre successif, lors même que
cette proximité, cette suite, cetordresuccessif n'oc-
casionnoientaucunejuressc. Telle pourroit être l'ori-
gine des prépositions près et après, très-anciennes
dans notre langue (1). Quant à la préposition auprès,
elle paroit formée de la préposition à et de l'article
/(? confondus ensemble, et réunis à la préposition
simple près. (Voy. Aui'Rés.)
Anciennement, la préposition après, qui dans
l'usage actuel ne désigne plus que l'idée générale
de suite, d"ordre successif, désignoit aussi l'idée
générale de proximité, comme les prépositions,
simple et composée, après, auprès. « Oza estendid
« sa main vers l'Arche . . . e nostre Sire s'en cure-
« chad vers Ozam ... e il chaid morz en la place
« «jB?'('S l'Arche Nostre Seigneur. » (Livres des Rois,
Ms. des Cordel. fol. 47.) « Conchioient tôt co qui
« estoit après del Temple. » (Ibid. fol. 177.)
. . . D'eus onbraier (2) après pin
N'ont pas, ce dit-on, tel courage,
Comme d'être de guerre sage.
G. Guiart, MS. fol. 344, R".
C'est relativement à l'idée générale de suite,
poursuite, qu'exprime encore la préposition après,
qu'on a dit, soit au propre, soit au figuré : 1° « Etre
« rt//r(^"s une personne, « poursuivre une personne,
la presser d'agir ; « être après une chose, » pour
suivre une chose, la poursuivre, en presser l'exé-
cution, l'accomplissement, etc.
2° « Quérir, chercher, courir «jun's une personne
« ou après une chose, » pour se mettre à la suite
de cette personne, de cette cliose; être pressé de
voir la personne, de la joindre, être pressé de trou-
ver la chose, de l'obtenir, en cherchant, courant,
désirant, etc.
3° « Crier après une personne ou après une
« chose, » pour être à la suite de cette personne,
de cette chose ; les suivre, les poursuivre en criant,
presser par des cris la volonté, l'action de la per-
sonne, l'acquisition, la jouissance de la chose.
4» » Demander après une personne ou après une
" chose, " pour se mettre à la suite de cette per-
sonne, de cette chose; être pressé de rencontrer la
personne, la chose qu'on demande, presser par sa
demande l'instant do les rencontrer.
5° " Enfin, dans l'expression « dépenser après
« une personne ou après une chose, » la préposi-
tion après peut signifier la suite d'un projet, d'un
dessein relatif à la personne ou à la chose pour
laquelle on dépense : l'empressement de voir arri-
ver la personne, de voir se réaliser la chose qu'on
attend, dans cette autre expression « allendve après
« une personne ou après une chose. « Quelques
citations prouveront que l'usage de la préposition
après n'a point ou presque point varié depuis
qu'elle existe. « Il délibéra qu'il demanderoit . . .
« «Tjj't'sleChaslel. » (Percef. Vol. VT, fol. .52.) « Criad
« Jonathas après le vadlet ; vien hastivement. »
(Livres des Rois, ms. des Cordel. fol. 28.) « Estoit là
« Monsieur de Sedan cherchant après ses enfans;
» lequel les trouva en très-mauvais ordre. » (Mém.
de Rob. delà Marck, Seigneur de Fleuranges, ms.
p. 184.) '< Nos avons jai atroveit trois fontaines ; or
« quarons ajsm la quarte. « (S' Bern. Serm. fr.
Mss. page 130.)
Plus on réfléchit, plus on croit voir que les signi-
fications d'après, quelque variées qu'elles puissent
être, sont toutes relatives à l'idée de suivre, presser
en suivant, en approchant ; idée analogue à celle
de succéder et qui n'est pourtant pas tout-à-fait la
même, par la raison qu'on ne succède pas toujours
à ce qu'on approclie, à ce qu'on suit. On désigne
donc l'idée générale d'ordre successif, plus spécia-
lement que celles de suite et de proximité, lorsque
dans le sens propre ou figuré, l'on dit encore,
comme autrefois, qu'une personne naît , se place ,
marche, agit, parle après une autre ; qu'une chose
existe, qu'elle a lieu, qu'elle se passe, qu'elle se fait
après une autre, etc. « Adonias . . . fud li secundz
I des fiz le Rei, après Absalon. » (Livres des Rois, ms.
(1) Dans la Chanson de Roland, on trouve, vers 1160 : « Sun cumpaignun, après, le vait sivant. » (n. e.) — (2) se tenir
à l'ombre.
AP
— 86 —
AP
des CoPflel. fol. 77.) « Micliiaus li Empereres de
« Coiistaalinoble . . . l'Empire laissa, etpuis devint
« Moines. ii;;ms li reçut la dignité de TEmpire,
<» Leons qui fu filz Bardele palricho. » (Chron. S'
Denys, Rec. des llist. de Fr. T. V, p. 262.) -< Premie-
« rement, se les maisons sont faites d'avoir qui
« malement sont gaainés ; apré , s'on les aimme
« miex ke ces coses qui ja n'auront fin, etc. >> (Lu-
cidaires, .ms. du R. n° 7989, fol. 22C.) On borne à ce
dernier passage où apré, le même qn'après, est mis
pour secondement, la preuve qu'anciennement la
préposition après signifioil comme à présent une
idée générale d'ordre successif entre les personnes
et les choses. Cet ordre successif n'étoit indiqué
que par le sens de la phrase, toutes les fois qu'en
supprimant après, plusieurs Ecrivains des xv et
xvr siècles se servoient des façons de parler suivan-
tes ou d'autres semblables. « Eux avoir pris leur
« lieu, Messire .Jaques se partit de l'Eglise. » (Mém.
d'Ol. de la Marche, L. i, p. 297.) « Avoir le tout
« entendu, Robertet a dit, etc. » (Lett. de Louis XII,
T. I, p. 499.) " Avoir bien beu et bien repeu, Editue
« nous mena en une chambre bien garnie. » (Rabe-
lais, T. V, p. 25.) « Quoy entendant Cœsarin , et
« avoir quelque peu songé, dit , etc. » (Nuits de
Strapar. T. Il, p. 274.)
Enfin, il est possible qu'on ait vu ce qui se
rapproche par la ressemblance ou par l'imitation,
comme étant placé dans un ordre successif, et que
de là on ait dit : « Les daims toutes leurs natures
« ont après la guise d'un cerf, fors tant que le cerf
« va plustost au ruit. » (Chasse de Gaston Phébus,
MS. p. 27.)
Fist la kapièle (1) faire
Ausi biele com nul el monde ;
Et si le fist faire reonde
Apriès l'ongle de son ceval
Ki senti l'aiguë caude el val.
Ph. Mouskes, MS. p. 68.
Après Savis a nom Savine.
Alhis.MS. fol. 122, V col. 1.
On sait qu'aujourd'hui l'on diroit, d'après avec la
même signification.
VARIANTES :
APRES. Orth. subsist. - S' Bernard, Serra, fr. MSS. p. 96.
Apré. Baluze, Hist. généal. de la M. d'Auvergne, pr. p. 9'2.
Apriès. Pli. Mouskes, MS. p. 3.
Apris. Carpentier, Hist. de Cambrai, T. II, pr. p. 31.
Apresser, verbe. Presser, opprimer, fouler,
affaisser. Etre près, presser, approcher, suivre,
poursuivre, etc. Les passions qui captivent l'espèce
humaine el la tyrannisent, les besoins qui l'asser-
vissent et la tourmentent, les maux auxquels l'as-
sujettit la Nature, ceux que lui font souffrir le
despotismeetl'injustice, étant comparés à un poids,
à un pesant fardeau sous lequel elle est pressée,
opprimée, foulée, affaissée, etc. l'on a désigné toute
espèce d'idées relatives à un état d'oppression, par
le verbe apresser, comme le prouvent les citations
suivantes : « Ensi que li Sergenz ne fust apprcissez
« de plus fière sentence par le maltalent del Sei-
0 gnor, etc. » (S' Bern. Serm. fr. mss. p. 305.) « Cil
« qui sont Prélat et Justice de Sainte Eglise,... s'il
« apressent le Pueple crueuement et à tort, si auront
« grant torment devant tous les autres. » (Luci-
« daires, ms. du R. n" 7989, fol. 225.) « Chil qui
« point ne parle par che que il sont muets dès
« nature, ou si apressé de maladie que il ont per-
» dus la parole, etc. » (Beaumanoir, Coût, de Beau-
voisis, chap. xii, p. 71.) « N'avoient que manger;
« si les appressa moult la faim. ■> (Hist. de B. du
Guesclin, par Ménard, p. 104.) « Naissons en cha-
» tiviteit... ensi k'ancor fussiens nos saige et fort,
« si seriens nos tote voies appresseit desoz le jus
•< de ceste chaitive servituit. » (S' Bern. Serm. fr.
MSS. p. 260.) a Li terrienne habitations apresset lo
« sen (2) ki à maintes choses penset, ensi k'il con-
« tremont ne se puist drecier as bien celestiens. >•
(Id. ibid. p. 261.) « Il estoit griefment apresseiz de
« la templacion de sa char. » (Id. ibid. p. 319.)
.... Se pristrent à pensser
Comment se porroient tensser.
"Vers poureté qui les apresse.
Fabl. MS. du R. n- 7218, fol. 227, V* col. 2.
. . . Bons Clers, Chevaliers en jeunesce,
Ne se doivent pour or, ne pour richesce,
Bouter au feu qui art et qui estrangle
Les mariez ; car tous maulx les apresse.
Eust. Desch. Poês. MSS. p. 256, col. 1.
Qu'au lieu de comparer les maux de l'homme,
ses besoins et ses passions à un poids qui l'opprime
et l'affaisse, on se les figure comme autant d'êtres
actifs qui le poursuivent, qui le pressent en le
poursuivant, en l'approchant, le verbe apresser
désignera plutôt les idées de poursuite et d'approche
que celles d'oppression et d'affaissement. Cette
acception d'apresser paroil d'autant plus vraisem-
blable dans quelques-uns des passages qu'on a cités,
que ce verbe signifioit , soit au propre, soit au
figuré, « être près, approcher de près, suivre,
« poursuivre de près ; presser en approchant, en
« suivant, en poursuivant, en insistant, en pous-
« sant, etc. » (Voy. Après.)
Les Roys ressemblent les painctures...
Se bien y sçavoit prendre garde
Cil qui les painctures regarde,
Oui plaisent qui ne s'en apresse ;
Mais de près la plaisance cesse.
Rom. de la Rose, vers 19147-19451.
Li sages cm ki confiessa
L'Empereis, moult apriesn
De viellaice et de maladie.
Ph. Mouskes, MS. p. 777.
Dans la signification de suivre, poursuivre de
près, approcher, presser en suivant, en poursui-
vant, on disoit :
Turc et Païen moult les apriesent,
Glatissent, cornent et engriesent.
Ph. Mouskes, MS. p. 194.
Au figuré :
Se pitié n'est, de mort suy apresse.
Eust. Desch. Poes. MSS. p. 117, col. 3.
(1) cha elle. - (2) esprit.
AP
- 87
AP
Quelquefois le verbe ajiresser a signifié seul l'étal
de presse où se trouve l'homme aux approches de
la mort.
Et quant li Rois fu apriessés,
Et de la mort fu engriesés, etc.
Ph. Mouskes, MS. p. 638.
En ce sens on l'employoil comme substantif :
Et tout li autre, aine Vapricser,
S'orent fait ausi confieser.
Ph. Mouskes, MS. p. 215.
C'est dans la signification figurée de notre verbe
presser, insister auprès de quelqu'un pour qu'il
fasse une chose, le pousser à la faire, qu'on a dit :
... Il n'a talent d'arrester ;
Pour ce ne l'en veut apresser.
Cléomadès, MS. de Gaignal, fol. 46, V» col. 3.
Enfin, « apresser l'ame dehors d'un corps , »
c'étoit la presser d'en sortir, comme l'on feroit
sortir quelqu'un du lieu où il seroil, en le poussant,
en le jetant dehors.
Un Chevalier moult noble et cointe
Fiert si par ambes deux les flancs
Que d'autre part en saut li sans ;
Et l'ame prent congié au cors
Que cil a apressce dehors.
Rom. de Glygel, MS. du P.. n* C987, fol. 271, P," col. 2.
On terminera cet article en observant qu'entre
les idées de presse et de proximité, il y a une telle
analogie, qu'on peut soupçonner qn'apresser en
certains cas n'est qu'une variation d'orthographe
du verbe aprocher, aprecev, aprescer^ etc. (Voyez
Aprocueu.)
CONJUG.
Appresseit, part. Opprimés ; en latin appressi. (S'
Bern. Serm. fr. mss. p. 8.)
Apjn-esseiz, part. Opprimé, pressé ; en latin pres-
sais, (id. ibid. p. 245.)
Appreijssevet, indic. imparf. Opprimoit. (Id.)
Apresset, ind. prés. Affaisse, abaisse. (Id.)
VARIANTES :
APRESSER. S« Bern. Serm. fr. MSS. p. 276.
Appresser. S' Bern. Serra, fr. MSS. p. 125.
Aprieser. Ph. Mouskes, MS. p. 194, 215 et 777.
ApRiESSER. Id. p. 638.
Aprest, subst. masc. Action de s'apprêter. L'ac-
tion de se mettre en état de défense, dans ces vers :
Un porc espic... voyant l'intérest
Qu'on luy faisoit, bruoyt oultre mesure ;
Ses dars fronçoit tant qu'à veoir son aprest,
Bien se monstroit déhbéré et prest
Garder ses pars et royale pasture.
J. Marut, p. 56.
On reconnoitra dans le verbe apreslerle principe
de la formation et de la signification du substantif
aprest. (Voy. Aprester et Aprestise.)
Aprester, verbe. Etre devant , se mettre, s'arrê-
ter devant. Apprêter, mettre en état, disposer,
habillei', parer, préparer. Etre preste, être vite, être
adroit. Il semble que relativement à la signification
étymologique du verbe latin prœstare, d'où les
verbes françois prester et aprester, on ait désigné
une personne étant devant une autre, se mettant,
s'arrêtant devant elle, en disant qu'elle s'aprestoit
devant cette personne.
Issir voit
De la cave, amont un degré.
Un vilain treslot hérupé...
Devant Gauvains s'est aprestez ;
Si l'a maintenant salué :
Et Gauvains a moult regardé
Sa contenance et sa figure.
Fabl. MS. de Berne, n- 354, fol. 30, V" col. 2 et 31, R" ool. 1.
Nous croyons apercevoir un principe d'analogie
entre celte acception et les acceptions encore usitées
du verbe aprester, ou apprester qu'aujourd'hui l'on
écrit apprêter. Il est possible qu'en généralisant
l'idée particulière de se disposer à faire une chose
en se mettant devant celle chose, en se mettant en
avant, en s'avançant pour la faire, on ait dit par
extension et figurément, s'apprester pour se mettre
en état de faire une chose, quelle que soit la chose,
quel que soit le moyen de se mettre en état de la
faire, de s'y disposer.
Je qui hete les autres, sui li mains aprestez,
Li mains aisiez d'atendre, et li plus endetez.
Fabl. MS. du R. n'7615, T. Il, fol. 144, V col. 2.
En habillant une personne, en la parant, on la
met dans l'étal où elle doit être avanl qu'elle puisse
se montrer avec décence, ou avec rcs|MTaiiL'e de
plaire. De là le verbe aprester a signifié babiller,
parer, etc.
.... Charles, li bons Rois natures,
De main (1) lever estoit acoustumez
Et d'oyr Messe, si tost k'ert aprestez.
Enfance d'Ogier le Danois, MS. de Caignat, fol. 114, V col. 1.
A peines puet estre famé de mal faire tornée (2) ;
Car quant un preudons l'a veslue et atornée
De roubes, et de jouiaus garnie et aprestée, etc.
Fabl. MS. du R. n- 7015, fol. 140, R° col. 2, cl V col. 1.
On apreste les choses, lorsqu'on les met dans
l'état où elles doivent être avanl qu'elles soient
propres à l'usage pour lequel on les préprre. « Que
« nulz, se il n'est Lormier (3), ne puist aprester, ne
« faire aprester ouvre de Lormerie. » (Ord. T. HT,
p. 187.)
Les choses qu on apreste à quelqu'un, sont des
choses que pour ainsi dire, on met devant celui
pour le besoin duquel elles sont préparées.
Qui ce qu'il vait querant
Troeuve apreste, s'il ne le prend errant,
Mal oseroit un grant fais entreprendre.
Com récreans est bien dignes de pendre.
Ane. Poës. fr. MS. du Vatic. n" 1522, fol. 155, V col. 2.
On reconnoîl sans doute qu'elle pouvoit être
l'analogie des significations du verbe simple prester
avec celles du composé aprester, lorsqu'on disoit,
comme l'on dit encore aujourd'hui, prêter à une
personne les choses dont elle a besoin, se prester à
ses besoins, etc.
Enfin, la vitesse et la dextérité avec lesquelles on
fait les choses, étant en proportion de la vilesse
avec laquelle on s'avance pour les faire, de la
dextérité avec laquelle on s'y dispose et s'y prépare,
il est possible qu'aprester ait signifié être preste,
être vite, être adroit.
(1) matin ; en latin manè. — (2) détournée. — (3) sellier et éperonnier. (N. E.)
AP -8
L'on ne poiirroit mieulx apprester
De circonsir plus gentement
Que l'enfant est : benignement
En suit loué Dieu noslre père.
Hisl. du Tliéàlre Fr. T. I, p. UT.
VARIANTES :
APRESTER. Ane. Poës. fr. MS. du Vatican, fol. 155.
AMPRESTiiR. Athis, MS. fol. 87, R° col. 1.
Apprester. Ger. de Nevers, Part, i, p. 5b.
Aprestrer (corr. Aprester.) Ane. Poes. fr. MS. du V. f° IbS.
Aprestise, siihsi. [cm. Apprêt, préparatif. Ce
mot aprestise, que D. Carpeiitier expluine comme
étant une altération à'apertise, pareil avoir une
signification analogue à celle du verbe aprester.
(Voy. Aprester.)
Les essais et les ajicesfises
Qui se font pour son adrecer ;
Ce sont les dévotes aprises
Qui sont pour bataille requises. „„„,,„, „«
Rom. du Ch" Délibéré, D. Carpenlier, h. Gl. 1. de Du C. T. I, col. 243.
On le croit de même origine qu'aprest. (Voy.
Aprest.)
Apretier, verbe. Evaluer en argent, fixer à cer-
tain prix. Quoique apprécier, en latin apprettare,
signilie encore aujourd'hui évaluer une chose, 1 es-
timer en fixer le prix, on ne diroit plus qu'une
redevance en grain évaluée en argent est appréciée
à argent. (Voy. Uob. Esticnne, Nicot et Monet, Dict.
au mot adénérer.) C'est probablement dans la signi-
fication d'évaluer et faire payer en argent une rede-
vance en grain, qu'on a dit, en faisant l'éloge de la
bonté de la femme du Premier Président de Thou :
« Geste bonne Dame... ne changea jamais de Fer-
« miers, ni ne leur aprétia grain ; estans par ce
« moyen tous devenus riches avec elle. « (Lett. de
Pasquier, T. 1, p. 434. — Voy. Aprisagier et
Aprisier.)
variantes :
APRETIER. Lett. de Pasquier, T. I, p. 434.
APPRECIER. Orth. subsist. - R. Est. Nicot et Monet, Dict.
Apreuf, préposition. Après. (Voy.PREUF.) Si l'on
fait réflexion que non-seulement b, mais f, est de
même organe que p, on apercevra la possibilité que
preuf soit de même origine que prob, en latin /«'o;;t^
O'oy ApRoii.) Quoi qu'il en soit, cette préposition
preuf, c'esl-à-dire proche, près, étant précédée de
la préposition o, signifioit (qwès, dans un sens rela-
tif à ridée de deux choses qui s'approchent l'une de
l'autre en se suivant de près, en se succédant.
Un sarouel fist appareillier,
Lez la messière du monstier,
A meilre apreuf sa mort son cors,
Sous la goutiere de deffors.
Rom. de Rou, MS. p. 159.
Apriiner, verbe. Opprimer, accabler: ou appro-
cher, incommoder. Peut-être que dans un sens rela-
tif îi celui du verbe latin premere, A'ovi le compo.se
opprimere, en françois apprimcr, on aura désigné
l'incommodité d'une chaleur accablante, en disant
qu'elle aprimoit.
Enz en un bois espès, ramu,
Sont entrées, moult bien foillu.
Li chauz les vait moult cprimciit, etc.
Fabl. MS. de Beruc, n- 354, fol. 150, V* col. 2.
AP
Peut-être aussi que le verbe aprimer dans ces
vers désigne l'incommodité de la chaleur qui appro-
choit etcommençoit à devenir insupportable. Alors,
il seroit une variation d'orthographe du verbe
aproismer qu'on écrivoit aprismer, aprimer, etc.
(Voy. Aproismer.)
Aprisagement, subst. masc. Evaluation, esti-
mation. Signification relative à celle du verbe apri-
sagier. (Voy. Aprisagier.)
VARIANTES :
APRISAGEMENT. D. Carp. supp. Gl. 1. de D. C. à Apjn-essio.
Apprésagement. Id. ibid. Tit. de 1334.
Aprisagier, verbe. Evaluer, estimer. Dans le
sens étymologique, mettre à prix une chose, la fixer
à certain prix, en l'évaluant, en festimant. (Voy.
Aprétier et Aprisier.) La signification d'aprisagier
étoit évaluer, estimer, lorsqu'on disoit : « Par vertu
« dicelles lettres... eust fait a/jnsa(/i«' les arrérages
« h certaine somme de deniers, contenue au dit
« aprisagement. » (D. Carpentier, suppl. Gloss. lat.
de Du Cange,T.l,col.255.) « .Nous vous mandons...
<. que... vous faciez apprésagier les diz domma-
« ses. » (Id. ibid.) ■■ Lesquelx blés... apresagiez
« valoir en somme en revenue de terre, la somme
« de XX livres de terre par an, etc. » (Id. ibid. —
Voy. Aprisagement.)
VARIANTES :
APRIS.\GIER. D. Carp. suppl. Gl. de Du C. à Appressio.
Apprésagier. Id, ibid. au mot Apprettare ; Tit. de 1334.
Apprisagier. Id. Mem. de la Ch. des Comptes de Paris. -
Aprésagier. Id. ibid. Tit. de 1376.
Aprisier, verbe. Apprécier. (Voy. Aprétier et
Priser.) On prise les choses plus ou moins qu'elles
ne valent; dans le prix qu'on y met, il y a souvent
de l'arbitraire : mais les apprécier, c'est en propor-
tionner le prix à la valeur réelle. Telle étoit la signi-
fication du verbe aprisier, (ovmé comme aprisagier
du substantif prix ou pris, en latin precium ou
pretium, lorsqu'en parlant de choses dont la valeur
réelle ne pouvoit être appréciée, on disoit :
... On ne poroit aprisier
Sa valor, ne sa dignité :
Car je vos dis par vérité
K'ilh est de pierres précieuses, etc.
Prison d'Amours, MS. de Turin, fol. 18, V col. 2.
Aprismement, subst. mase. Action d'appro-
cher. On observera (lue du verbe latin approximare,
s'est formé le français aproismer ou aprismer, de
même oi-igineet de même signification qu aiirocher.
(Voy. Aprociier.) De là le substantif aprismement,
dans le sens d'approcbement, l'action d'approcher,
lorsqu'en « disoit avoir aprismement à une per-
ce sonne » pour l'approcher.
.\insi vet de la poure gent ;
S'aus riches ont aprismement,
Forment les cuident corroucier,
Domage faire et anuier.
Fabl. MS. du R. n- 7615, fol. 85, R' col. l.
Aprison, subst. fém. Enseignement, instruction.
(Voy. Apprisere.) On indiquera le sens propre du mot
simple prison, en observant que le composé aprison
pourroit avoir signifié prise. (Voy. Prison.) La signi-
AP
- 89 —
AP
fication de ce même composé aprison, instruction,
enseignement, est figurée dans ces vers, où on lit
que Richard I" roi d'Angleterre, voulant faire
assassiner Philippe-Auguste son ennemi :
Faisoit enfanz endoctriner,
Pour lui ocire et afiner.
Qui jà ièrent touz embarniz (1),
Et de tele aprisoit (2) garniz,
Que chascun d'eus homme oceist,
Tel con son Mestre li deist.
G. Guiart, MS. fol. 39, R°.
Aprissance, subst. féni. Prééminence. Ce mot
flpn'ss«»f? qui dans une traduction de Lettres de
Charles V, en faveur des bourgeois de Paris, répond
au \Siiin pi'eeminencia, n'est probablement qu'une
altération à'apparoissance pris dans le sens de
prééminence, avantage avec lequel on paroît supé-
rieur aux autres. « 11 appartient à Haultesse royale
« que elle eslieve de plus large honnour et apris-
• sance (3), ceulx envers lesquielx elle a ordonné
« principalement la chaere de sa proppre Majesté. »
(Ord. T. V, note, p. 418. — Voy. Apparoissance.)
Apriver (s'), verbe. S'apprivoiser, se familiari-
ser. (Voyez Priver.) On observe que le mol privus,
dans lequel on croit voir le principe de la formation
des verbes françois priver, apriver, aprivoiser, étoit
en latin de même signUicalion que si iigulus nnicits.
(Voy. Martinius, Lexic. philolog.) Il y a des antipa-
thies naturelles entre les animaux : ceux dont
quelque cause altère et adoucit réciproquement le
naturel antipathique, deviennent uniques et singu-
liers dans leur espèce, en vivant privémenl ensem-
ble et familièrement. C'est peut-être relalivement
à ce sens étymologique, qu'en parlantd'un chien et
d'un loup que la faim nécessitoit à vivre l'un avec
l'autre, on a dit qu'ils s'aprivoieut, et qu'aujour-
d'hui l'on diroit qu'ils s'apprivoisent. (Voy. Apri-
voiser.)
Li chiens va o le leu muiant;
De commune proie vivant,
Chien et leu se vont aprivaiil,
Tant li'ensamble font leur covine (4), etc.
Dit de Charité, MS. de Gaignat.fol. 221, R" col. 1.
Aprivoiser, verbe. Apprivoiser, rendre privé
et familier (5). (Voy. Aprivoisir.) Peut-être qn'apri-
voiser ou apprivoiser un animal, le rendre privé
en adoucissant son naturel farouche, c'est le rendre
unique et singulier dans son espèce, par la docilité
avec laquelle il obéit à l'homme qu'il reconnoit
pour maître. (Voy. Apriver.)
Hours, liepars et lions, leu, guerpil, singe et chien
Donte l'en bien par nature et aprivoise on bien.
Fabl. MS. du R. n- 7615, fol. 140, V- col. 1.
Il paroît qu'anciennement « s,' aprivoiser de
<• quelqu'un, » c'étoit se familiariser, se rendre
avec lui un peu trop privé, être avec lui d'une fami-
liarité singulière et unique.
Faux-semblant, dist Amours, dy moy :
Puisque de moy tant i'uprivoij, etc.
Rom. Je la Rose, vers 12703 et 12704.
VARIANTES :
APRIVOISER. Fabl. MS. de S' Germ. fol. 140, V» col. 1.
Aprevesier. Dit d'Amours flnes, MS. de Turin, fol. 11.
Aprivoisir (s'), verbe. S'apprivoiser. (Voy.
Apprivoiser.) Dans le sens du verbe aprivoiser, chan-
ger le naturel farouche d'un animal sauvage, on a
dit :
S'aprivoisisI mainte beste sauvage...
L'un par douceur, l'autre par oultrage
Que l'en leur fait, changent condicion.
Ainsi est-il, selon m'entencion
En l'aage humain de mainte créature
Qui par doucour ou par contempcion
Mue souvent et change sa nature.
Eust. Deschamps, poc-s. MSS. p. 29, col. 4 et 30, col. l.
Aprob, préposition. Auprès. Après. (Voyez
Apreif (6).) Lorsqu'on sait que p, b et f, comme let-
tres de même organe, se substituent les unes aux au-
tres, que /■ est l'adoucissement de l'aspiration h, que
parmi quelques peuples // se prononce ch, et que
cette prononciation étoit même particulière aux
anciens Francs; on n'est plus étonné que la prépo-
sition latine propê soit l'origine de la préposition
françoise proche : préposition que par le change-
ment de la voyelle o en eu l'on écrivoit quelquefois
preiif, et prob dans le langage des pays Méridio-
naux. De là, la préposition "composée fl/;)'o6 qui
signifioit proche, auprès.
Coms (7) fo de Roma, e ac (8) ta (9) gran valor (10)
Aprob Mallio lo Rei Emperador, etc.
Fragm. de la Vie de Roèce, MS. de S. Benoîl-sur-Loire, p. 270 (H).
La signification à'aprob est la même que celle
à'apreuf, après, dans cet autre passage :
Quan veng la fis (12) Mallio Torquator,
Donc (13) venc Boeci ta (14) grand dolors al cor,
No cuid (15) aprob altre dois (IC) li demor.
Fragm. de la Vie de Boùce. MS. îibi supra.
Qu'on nous permette de hasarder ici une idée
absolument différente de celles des Etymologistes
latins, sur l'origine des verhesprobare et approbare.
Il seroit possible que ces verbes, dont on a fait en
françois prouver et approuver, dérivassent comme
prob et aprob, de la préposition propè qui, dans le
sens étymologique indiqué par Martinius et Vossius,
signifie pro pedibus, aiitè pedes. Alors, prouver une
chose à quelqu'un, ce seroit l'approcher de lui, au
(1) Dans des lettres de rémission de 1447, pièce 581 du registre JJ. 176 du Trésor des Chartes, on lit : « La mère d'iceUe
Magnon s'aperceut que sa fille embaj-yussoit et engrossissoit de corps. » Le sens est donc; devenus gros et grands ; la
racine est la même que celle de baron, banmge (voir ces mots), (n. e.) — (2) Ce mot a été fait sur le participe appris, de
apprendre. (N. E ) — (3) Le sens estime est suffisant, apprissa>7ce venant àe priser, (n. e.) — (4) association. — (5) Ce mot,
dérivé du précédent, vient d'un adjectif fictif pm'ois, en latin privensis, dérivé lui-même de privits. Le n tombe dans ces
formes en ensis, et le c long devient oi : niensis, mesis, mois. etc. (N. E.) — (6) La forme apreuf (aprof au vers 1577 de la
Chanson de Roland), qu'on écrivait plutôt apriief, vient Ijien de propè; Vo bref s'est écrasé en ue. Ye final est tombé, et le p,
comme c'est la tindynce générale des consonnes finales, s'est renforcé en f: de même sepes a donné .soî/' (haie); capul,
chef ; mais 1' forme provençale devrait être aprop, et non aprob, ce qui embarrasse l'étymologiste. (N. e.) — (7) Comte. —
(8) Eut. — (9) Tant. — (10) Crédit. — (11) M. P. Meyer vient de pubher, à la librairie Franck, un recueil de textes bos-latins
et provençaux : la Vie de Boèce, qu'il a revue et corrigée sur le manuscrit, s'y trouve, et doit seule être consultée, (n. e.) —
(12) Fin, mort. - (13) Alors ; en latin tune. - (14) Tant. - (15) Que je ne crois pas que, etc. - (16) Douleur.
II. 12
AP
— 90 —
AP
propre la melire à ses pieds, et par conséquent sous
ses yeux, pour qu'il la voie et la recounoisse.
Approuver une personne ou une chose, dans la
significalion d'éprouver, ce seroit les approcher de
soi pour les voir et les connoilre, pour avoir l'idée
de ce qu'elles sont et de ce qu'elles valent. Enlin,
les approuver, dans le sens contraire à celui des
verbes désapprouver, reprouver, ce seroit les juger
agréables, utiles et bonnes, d'après l'idée qu'on
peut s'en faire en les approchant de soi pour les
voir et les connoilre ; ou les approcher de soi, s'en
approcher d'après une idée, un jugement qui pré-
céderoil l'aclion d'approcher, et dont cette action
seroil pour lors le signe et la conséquence, ^otre
conjeclure sur le principe des significations et de
la formation des verbes prouver, approuver, désap-
prouver et reprouver, paroitra peut-être d'autant
plus vraisemblable, que nécessairement on se figure
l'esprit opérant de même manière que le corps, et
qu'un moyen aussi simple que naturel de voir et de
connoilre corporellement, c'est d'approcher de soi
les personnes ou les choses. De lîi, sans doute,
l'identilé de signification des verbes reprouver et
reprocher. (Voy. Reprocher et REPRorvER.) On trouve
aussi qu'aprocher a signifié approuver dans le sens
de prouver. (Voy. Approuver et Aprocher.)
Aproclie, sitbst. fém. Approche, action d'appro-
cher. L'origine de ce mol aproclie ou approche (1),
est sans doute la même que celle de la préposition
aprob. (Voy. Aprob.) Si l'on fait réflexion que la
préposition simple proche ne semble être adjectif el
substantif, que parce qu'en disant « maisons pro-
« ches de la rivière, un de mes proches, » on fait
ellipse de qui sont, on reconnoitra la possibilité
qu'approche soil réellement une préposition com-
posée el de même origine qxi'aprob, quoiqu'elle
paroisse être un substantif dans noire langue.
(Voy. Proche.) Il résulte de cette observation , qu'au
moyen d'une métonymie par laquelle, en exprimant
ce qui suit, on désigne ce ([ui précède, le mot apro-
che ou approche, fût-il préposition, peut avoir
signifié comme substantif, le mouvement ou la
position d'après lequel une personne ou une
chose se trouve proche d'une autre. Ainsi, l'accep-
tion encore usitée d'approche , éloit la même
que celle d'approchement, l'aclion d'approcher.
(Voy. ApRociiER.)
De là, on a nommé aproches en général, une
aproclie d'assiête, les tranchées el autres travaux
par lesquels on approchoil du corps d'une place
qu'on assiégeoit ; les machines et l'artillerie qu'on
approchoil des murailles de cette place, ou avec
lesquelles on s'en approchoil.
. . . Firent de grans escarmouches
Sans cesser, presque tous les jours,
BastiUes, bollevers, approuches,
Affin qu'il n'y entrast secours.
Vigil. de Charles VU, pari. I, p. 94.
Coitivy pour lors Admirai,
A faire l'api-ouche d'assiette
Eut grant peine, amont et aval.
Ibid. p. 180.
Les approches, en terme de guerre, étoient de
deux espèces ; les aproches découvertes et les apro-
ches couvertes. « On commença... à faire des «pra-
" ches couvertes el découvertes, dont le Bourgeois
« conduisoil une, el Jacques de Chabannes l'autre :
« mais celle du Bourgeois fut la première avancée
« jusques ti la muraille, el puis l'autre arriva, et
<' fui minée la muraille. » (Hisl. d'Arlus III, duc de
Bretagne, p. 788. — Voy. Aprochement.)
VARIANTES :
APROCIIE. llist. d'Artus III, Duc de Bret. p. 788.
Approuche. Vigil. de Charles VIT, part, i, p. 94.
Aprouche. Ibid. p. M.
Aprochement, subst. niasc. et fém. Action
d'approcher, approche. Lieu, position où l'on est
après s'être approché. Anciennement, aprocher à
une personne, ou avoir aprochement h elle, signi-
fioit s'approcher d'elle, rapprocher. « Par ti ayens
« aprocliement al fil, ô lu bien-aurouse troveresse
« de grâce. » (S' Bern. Serm. fr. mss. p. '21. — Voy.
Aprocher.) Le participe féminin de ce verbe aprocher
signifioit par ellipse d'un substantif de même genre,
le mouvement par lequel on approche de quelqu'un,
on s'avance vers lui pour le rencontrer, l'attaquer.
Les Angloys, amont et aval,
Firent des fossez et tranchées,
Affin (jue les gens de cheval,
Ne feissent sur eubc aprouchées.
Vîgil. de Charles VU, part. II, p. 86.
Sous l'idée A' aprochement, action d'approcher,
mouvement par lequel on s'approche, étoil voilée
l'idée du plaisir vers lequel ou s'avance en obéissant
h la Natiire el à l'amour. « Si de aprecement à
« femmes demandés, sacés que dès ier e de avant-
« ier nus eimes guardez. » (Livres des Rois, ms. des
Cordel. fol. 28.) L'expression étoil moins modeste,
lorsqu'on disoit, « connoilre une femme par char-
« nel aprecement. « (Ibid. fol. 76, V" el 77, R°.)
Quelquefois ce qu'on nommoil aprochement
d'amour, étoil un signe démonslralif de l'amitié
qui nous invile h nous approcher, à nous rappro-
cher les uns des autres. « Si eut \h grans approche-
« mens el grans recongnoissances d'amour, quand
« ils se trouvèrent tous ensemble. » (Froissart,
Vol. I, p. 3G3.) « Envoyoit le Roy de Portugal au
« Duc et à la Duchesse... de beaux mulets blancs...
» et avecques ce grans salus et grands approche-
« mens d'amour. » (kl. Vol. III, p. 131.)
En termes de guerre, « {m'e\esapproche7nents »
d'une place qu'on assiège, en faire les approches,
c'éloit s'en approcher à l'aide des tranchées et des
machines , s'en approcher avec l'artillerie qu'on
faisoit avancer vers les murailles de la place assié-
gée. « Ils pressèrent fort la ville de fossez el d'ap-
« prochements. » (Berry, Chron. depuis 140'2-1461,
(1) Approche \ient de ad et pi-opius, comparatif de propè. Propius est devenu propjus, et, comme p était une consonne
forte, j s'est transformé en ch; approcher est dérivé d'approche; il n'est pas besoin de la longue discussion que le lecteur
rencontrera plus loin. (n. e.)
AP
— 91 —
AP
p. 451.) « Firent leurs «p/J/'or/i?/H^HS les François,
« et assortirent canons et bombardes ; et firent de
B grands approuchemens de jour et de nuit, tant
« qu'à la fin les Anglois, etc. » (Al. Chartier, Hist.
de Charles VI et Charles VII, p. 133.)
Si furent faitz approuchemens
A jetter bombardes, canons ;
Et moult divers habillemens
Pour rompre bastilles et pons.
Vigil. de Charles VII, part. I, p. 182.
Enfin, le mot approchement signifioit le lieu, la
position oîi l'on se trouvoit après s'èlre approché,
s'être avancé, lorsqu'on disoit : « Ils approchèrent
« contre ceulx de la cité.... tellement que on pouvoit
« jetter une pierre, de Y approchement d'iceux Fran-
1 çois, dedens la dicte cité. » (Al. Chartier, Hist. de
Charles VI et Charles VII, p. 113. — Voy. Aprociie.)
VARIANTES :
APROCIIEMENT. S' Bern. Serm. fr. MSS. p. 21.
Approchement. Cotgrave, Oudin, Rob. Estienne, Nicot
et Monet, Dict.
Ai'PROUCHEMENT. Al. Chartier, Hist. de Charles VI, p. 133.
Aprecement. Livres des Rois, MS. des Cordel. fol. 28.
Aprouchement. Vigil. de Charles VII, part, i, p. 225.
Aprouchée. Vigil. de Charles VII, part, ii, p. 86.
Aproclier, verhe. Approcher, s'approcher;
avancer, s'avancer. Approcher, rendre proche.
Assigner à comparoir. Rapprocher, faire reconnoître.
Prouver. On peut voir à l'article aprob, comment il
est possible que de la préposition latine propè, c'est-
à-dire pro pedibus, ante pedes, on ait formé la pré-
position françoise proche, d'où naît le verbe apro-
cher, que par le changement très ordinaire de la
voyelle o en ou, en u et même en e muet , on pro-
nonçoit aproitcher, aprucher, aprecher, etc. L'ortho-
graphe aperchier ou apercher, est conforme à la
prononciation adoucie de pre dans aprecher. On
ajoute, qu'en certaines provinces le peuple prononce
encore aprecher, et avec un e ouvert aprescher.
Enfin, l'aspiration /; à laquelle les anciens Francs,
entr'autres peuples, ont substitué ch, se changeant
très fréquemment en s dans toutes les langues, il
est probable que pour apresclier l'on aura écrit
apresser. On a observé ailleurs pourquoi cette
variation d'orthographe du verbe aprocher est sou-
vent peu facile h distinguer du verbe apresser formé
d'aj»'és. (Voy. Apresser.)
Le sens littéral de la préposition latine propè, en
françois proche, étant reconnu, l'on aperçoit par
quelle analogie le verbe aprocher ou approcher a
signifié et signifie encore une idée générale de
mouvement e"t de position, au moyen desquels on
se trouve près, auprès d'une personne ou d'une
chose, devant, à côté, etc. (Voy. Aproismer.)
Il est évident que dans le verbe composé aprocher,
la préposition a est de même énergie qu'en cette
ancienne expression « procher à une personne, se
« procher à elle, » lorsqu'on dit l'ajtprocher. (Voy.
Procher.) « Saul sur sa lance s'apuiout ; e les curres,
«e feschiele des Chevalers Vaprucout , etc. »
(Livres des Rois, ms. des Cordel. fol. 41, R° col. 1.)
« Se le cerf est froyé, neVaprouche m\e. » (Modus
et Racio, MS. fol. 2G, V°.)
On exprimoit deux fois un rapport suffisamment
indiqué par la préposition initiale A'aprocher, en
disant aprocher à une personne, à une chose..
« Por ceu vint en cest munde li soloz de justice...
« ke tuitcil k'enlumineit vorroient estre, aproches-
" sent h lui. « (S' Bern. Serm. fr. mss. p. 71.)
« Aprocheons h la taule (1), et d'un chascun de ces
« maz assaverons (2). » (Id. ibid. p. 350.) « Li Pru-
« veire ki sacrefiouent es munz, ne se apriichonent
« pas al altel Nostre Seigneur en .lerusalem. »
(Livres des Rois , ms. des Cordel. fol. 151 , R" col. 1.)
C'est avec même inutilité qu'en substituant vej's
ou de à cette seconde préposition A, l'on a dit :
« Cume Golias vers David apruçad, David curut
« encontre. » (Livres des Rois, ms. des Cordel. fol.
23.) Cl La Dame aprescad vers celé compaignie. »
(Ibid. fol. 33.) « David vers le Reis s'fl7;resd;rt(/, etc. »
(Ibid. fol. 32, R°col. 1.)
. . . Tant par grâce s'apressa
De nous, qu'en luy nous ennexa,
Sans jamais faire départie.
J. de Meun, Tesl. vers 1251-1253.
Dans un sens relatif à l'idée du mouvement par
lequel on aproche en s'avançant vers les personnes
ou vers les choses, on a dit figurément : » Li termes
« del coronement rt;;roif«, et fu coronez, etc. »
(Villehard, p. inS.) « Ala totejor parmi la foresl....
« et quant il vit que li vespres aperçoit, si comença
« à plorer. » (Fabl. ms. du R. n° 7089, fol. 78.)
Quoique ce verbe désigne encore aujourd'hui
l'approche du temps et des'événemens qu'il amène
à sa suite, on ne diroit plus dans la signification
active d'avancer, qu'on « approche une affaire, un
•< voyage, etc. » (Voy. Ord. T. I, p. 6i3. — Ger. de
Nevers, part, i, p. 1Ô2, etc.)
Dans la signification d'approcher, faire qu'une
personne ou'qu'une chose soit proche d'une autre,
on a désigné la familiarité, la faveur auxquelles on
étoit admis auprès de son maître, en disant qu'on
en étoit aproché. « Le Trésorier Robertel . . . gou-
« vernoit tout le Royaume ; car depuis (jue M. le
« Légat d'Amboise mourut, c'estoit Ihommeleplus
« aproché de son maistre. » (Mém. de Rob. de la
Marck, Seigneur de Fleuranges, ms. p. 218.)
Une façon très-naturelle de comparer les person-
nes ou les choses, c'est de les approcher, de poser
ou mettre l'une devant l'autre , de mettre l'une à
côté, auprès de l'autre. De là, on a dit : « Ce ne sont
« certes que roses de vostre accident, si vous
» Vaproche%, et en faictes comparaison avec ma for-
ci tune. » (L'Amant ressusc. p. 504. — Voy. Aproprier.)
Sans doute que relativement à la même accep-
tion, le verbe aprocher aura signifié en style de
procédure encore usité dans la plaidoirie Normande,
assigner quelqu'un à comparoir devant un .luge, le
mettre en Justice, le meltre pour ainsi dire devant
le .Juge. « Que noz Railliz, Prevoz et autres Justi-
« cieVs, de leur volonté ne de leur office, ne puis-
Ci) Table. - (2) Goûtons.
AP
— 92 —
AP
« sent aucun a/);;?'odi/('c sans aucun fait, détenir,
» ne emprisonner. » (Ord. T. 1, p. ôGi.) « Que au-
« cuns ne soit ajiprueltie~^d'oU\ce, sans information
« soufllsant. » (Ibid. T. 11, p. 407.)
On indiquoit la raison de l'assignation à compa-
roir devant un Juge, en disant qu'on aprochoitune
personne sur le fait d'usure , qu'on « Yaprochoit
« d'un fait en général, qu'on Vaproclioit de coinp-
•' ter, d'abuser d'un privilège, etc. » (Voy. Ord. T. 1,
p. 299. — Coût. géii. T. 1, p. 1043. - Ord. T. 1,
p. 775. — La Tliaumassière, Coutume de Berry,
p. 430, etc.) " Aucun des Mestres ne pourra aucune
« personne upprochiev de ce dont la congnoissance
« li appartiendra, jus(iues à tant qu'il en soit bien
« enfourmé. » (Ord. T. 11, p. 24G.)
Peut-être aussi qu'en plusieurs cas judiciaires
ou non judiciaires, ■^^ aprocher d'un fait » la per-
sonne qu'on soupçonnoit ou qu'on savoit eu être
coupable, c'étoit en quelque sorte la rapprocher de
ce même fait, le lui faire reconnoitre en la rappro-
chant des lieux, des temps el des circonstances qui
pi-ouvoient qu'elle en étoit coupable. « Que l'en ne
« puisse, en cas de crime, aller encontre les Nobles
« par dénonciation, ne par soupe(;on, ne eus juger
« ne condampner par enquestes, se il ne s'y met-
« tenl; jaçoit . . . ([ue la souspeçon pourroit estre
« si grant et si notoire que li souspeçonnez contre
" qui la dénonciation seroit faite, devroit demeurer
« en l'hoslel de son Seigneur... une quarantaine....
« et se en ce termine aucun ne Vajijirocluiit du
« fait, etc. » (Ord. T. I, p. 558.) « Leur plaise uions-
« trer au Roy que il ne veuille se esmovoir envers
« Monseigneur, ne tant Yaprocher de ce qu'il tient
« des Anglois en sa compaignie. » (D. Lobineau ,
Hist. de Bret. T. 11, pr. col. 581.) C'est au contraire
le fait qui est rapproché et mis sous les yeux du
coupable, lorsqu'on le lui reproche. (Voy. Raprociier
et Reprocher.)
Enfin, " approclier son droit, » c'étoit le prouver,
le mettre sous les yeux de celui à qui on vouloiten
faire connoitre la justice. « Enseigner ceaus que
« mester en auront, el auront droit et le requerront,
« de savoir le «yjî'oc/ricr el desreigner ; et à ceaus
« à qui l'on requerra ce que estlor droit, desavoir
« les esloigner et deffendre. » (Assises de Jérusa-
lem, chap. V, p. 16. — Voy. Aprob.)
CONJIG.
Aprecerum, ind. f. Approcherons. (Livres des R.)
Apresçad et Apreschad, passé déf. Approcha. (Ib.)
Aprochessent, sub. imp. Approchassent. (S" Bern.î
yl/»7/('/(«HiHs,passé déf. Approchâmes. (Liv.desR.)
Apruclioiient, ind. imp. Appiochoient. (Ibid.)
Aprucled, part. Approché. (Ibid. fol. 130, R".)
Aprucoud, ind. imp. Approchoil. (Ibid. fol. 41.)
VARIANTES :
APROCHER. S- Bern. Serm. fr. MSS. p. 71.
Apercer. Fabl. MS. du R. n" 7989, fol. 78, V» col. 2.
Aperchier. ilodus et Racio, MS. fol. 163, V».
Appresser. J. de Meun, Test, vers 1251, etc..
Approcher. Orth. subsist. — Rob. Estienne , Nicot et
Monet, Dict.
Approchier. OrJ. T. I, p. 562, etc.
Approucher. J. Marot, p. 57, etc.
Approuchiek. Ord. T. III, p. 138, etc.
Aprescer. Livres des Rois, MS. des Cordel. fol. 33, V».
Aprescher. Ibid. fol. 32, R» col. 1.
Aprocer. Villehard, p. 26.
Aprochier. Assises de Jérusalem, chap. v, p. 16, etc.
Aproicer. Villehard, p. 108.
Aproucher. Modus et Racio, MS. fol. 26, V", etc.
Aprouchier. Eust. Desch. Poës. MSS. p. 181, col. 1, etc.
Aprucer. Livres des Rois, MS. des Cordel. fol. 23, R' col. 3.
Aprucher. Ibid. fol. 53, R» col. 2.
Apruchier. Modus et Racio, MS. fol. 332, V».
Aprucier. Livres des Rois, MS. des Cordel. fol. 130, R° col. 2.
Apruecher. Fabl. MS. du R. n» 7218, fol. 13, R» col. 1.
Aproismer, verbe. Approcher, s'approcher.
Lorsqu'on sait que de propè les Latins ont fait le
superlatif yjrox/Hie, d'oîi le verbe approximare, en
françois aproismer, aprismer, aprimer, apremier,
apermcr, on ne s'étonne plus, qu'abstraction faite
de l'idée superlative, le verbe apruismer, de même
origine qua])rocher, ait eu même signification.
Aussi disoit-on indifféremment aprocher ou aprois-
mer les personnes et les choses, aprocher o\i aprois-
mer à elles, s'aprocher ou s'aproismer d'elles, etc.
(Voy. Aprismement et Aprocher.)
La Dame, quant le vit venir,
Isnelement prent à fuir ;
Le S' hom le vait enoauchant,
Auques le va jà aproisinaiit.
Vie de S" Marie ÉgypI. MS. de Sorb. chif. LXI, col. 21.
Tout li moisnet (1) dehors estoient
Qui au blé aproismier n'osoient.
Bestiaire, MS. duR. ii" 7989, (ol. 181, V" col. 2, fabl. 83.
Delez l'erabuchement passèrent ;
Mes onques point n'i aperinèrent.
Alliis, MS. fol. 95, R- col. 2.
Et empoisonne et envenyme
Tout homme qui de luy s'aprime.
Rom. de la Rose, vers 17iG4 et 17465.
Au figuré, « s'«ion)H.er aux raisons » de quelqu'un,
c'étoit approcher de lui par la façon de sentir et de
raisonner, se rapprocher du sentiment d'après
lequel il raisonnoit. « Les raisons qu'ilz y mettent
« sont moult courtoises ; et toutesfois je ne m'y
<> pourroye pourtant aprimer : car l'ardeur de mon
" amour, etc. >■ (Percef. Vol. VI, fol. 102, V° col. 2.)
C'est encore relativement à la signification pro-
pre d'approcher deux personnes fune de l'autre,
qu'on a dit :
A tant leva un mal talenz
Entre les pères as enfanz...
Geste chose fist destorber
Les deus enfanz à assembler.
D'eus aprimer par mariage.
Pyrame et Tisbé, MS. de S. Germ. fol. 98, R' col. 3.
VARIANTES :
APROISMER. Ph. Mouskes, MS. p. 509.
Apermer. Athis, MS. fol. 95, R° col. 2.
Approimer. Froissart, Poës. MSS. p. 196, col. 2.
Apremier. Rom. de Rou, MS. p. 112.
Apresmier. Ibid. p. 71.
Aprimer. Ibid. p. 94. - Rom. de la Rose, vers 17465.
Aprimier. Rom. de Rou, MS. p. 60.
APRI3.MER. Floire et Blanchetlor, MS. do S' Germ. fol. 197.
Aprismier. Fabl. MS. du R. n" 7615, fol. 79, V» col. 2.
(1) Moineaux.
AP
93 —
AP
Aproimer. Bestiaire, JIS. du R. n» 79
Aproismier. Ph. Mouskes, MS. p. 69
[», fol. 164, V» col. 1.
Api'ompt, part. Emprunté. Dans le sens qu'in-
dique rélymologie la plus vraisemblable de promp-
IHS, participe du verbe //roinere, une chose que /rti
aprompte, est une chose que j'ai fait mienne, en la
prenant de celui qui consent à ce que j'en use
comme d'une chose ù moi, et par conséquent tou-
jours prête pour mon besoin. ^Martinius, Lexic.
philolog. — Vossius, Etym. Liug. lat.) On voit par
cette définition, quelle pourroit être l'analogie de
la signification de l'adjectif prompt , prêt à faire
une chose, avec celle du participe aprompt, em-
prunté. « Obligacion ... est vestue ... de chose,
« quaunt ascune chose est aprompt de rendre à
« certeinjour; et par ceux enpromptz sount les
« dettours obligés as creaunsours de mesme les
« choses apromptes rendre en ausi bon point , ou
« en meillour, corne il les receurent. » (Britlon ,
des Loix d'Angl. fol. G2, R°. — Voy. Ai'romi'te.)
Aprompte, siibst. Emprunt. Il semble qu'rt-
promple soit le féminin du participe rtyjcoHi/yf. (Voy.
Aprompt.) Peut-être que par ellipse du mot somme,
ce participe aprompte aura signifié comme substan-
tif, la même chose (\\xempriuil. « Poit home dever
« par apromptes de deniers. » (Britton , des Loix
d'Angi. fol. G9, R°. — Voy. Emprunt.)
Apropriement, subst, masc. et fém. Action
d'approprier. Appropriation. L'acception figurée
d'approprU'nwnt ou iVajipropriance, est relative au
sens élymolui;ii|ue du vciiie aproprier, soit que ce
substantif signifie l'acliou d'approprier une chose,
de la rendre propre, de la disposer dans un état de
propreté, ou l'action de se l'approprier, de se la
rendre propre, de-s'en assurer la propriété par des
voies légitimes ou illégitimes. (Voyez Cotgrave ,
Oudin et Monet, Dict.)
En Bretagne, Vapproprianee ou Y appropriement
est non-seulement une acquisition de propriété de
chose immobiliaire par bannie ou par laps de temps,
mais une acquisition de propriété avec affranchis-
sement d'hypothèques. (Voy. Laurière , Gloss. du
Dr. fr. T. l, p. 61. — Coût, de Bretagne, au nouv.
Coût, génér. T. IV, p. 417.) C'est par la raison que
les bannies ou proclamations pour Vapproprianee,
l'acquisition de propriété, purgent les hypothèques,
qu'on a dit: « Àppropriance , en la Coutume de
« Bretagne, est la même chose que Décret parmi
« nous. » (Nouv. Dict. de Droit. — Dict. de Tré-
voux. — A'oy. Aproprier.)
VARIANTES !
APROPRIEMENT. Coutume de Bretagne, au Nouv. Coût,
gén. T. IV, p. 417, col. 1.
Appropriement. Cotgrave, Oudin et Monet, Dict.
Appropriance. Cotgr. Dict. — Laurière, Gloss. du Dr. fr.
Aproprier, verbe. Approcher, rapprocher, assi-
miler, comparer, etc. On croit avec les Etymologis-
tes latins, que de j5ro;>é, proche en françois, s'est
îormé proprium, en françois propre. (Voy. Martinius,
Lexic. philolog. — Vossius, Etym. Ling. lat.) Cette
opinion sur l'élymologie de Vud'ieciU proprium , et
par conséquent sur celle du verbe latin barbare
ajipro/irtare, en françois approprier (1 , est d'autant
plus vraisemblable, que dans notre ancienne lan-
gue il y avoit une analogie réelle entre les signifi-
cations des verbes approcher et aproprier. Il est
évident que l'acception d'approprier étoit relative à
celle d'approcher, rapprocher, réunir en rappro-
chant, lorsque dans le sens de l'ancienne expression
<- raprocher un fief, >■ on disoit figurémenl : « Nous
« avons approprié, unie et annexé , . . . . appro-
« prions, unions et annexons perpétuelement à
« nous, à noz Successeurs et au Domaine de la
« corone de France, etc. » (Ord. T. V, p. 413. —
A'Oy. Aprociier et Raprocher.)
C'est encore relativement à la signification d'ap-
procher une chose de l'autre pour juger quel rap-
port elles ont entr'elles , qnapjiroprier signifioit
assimiler, comparer. « Us avoyenl pris or et argent
« pour rendre Bourbourg ... et vouloyent les au-
>' cuns gens en Angleterre ce fait approprier h
" trahison. » (Froissart, Vol. III, p. 2-2 i.) « Le dain
« et le chevi'el . . . ont cornes, et ycelles représen-
« tent . . . couronnes; pour quoy je puis aproprier
« ces deux bestes aux Empereurs et aux Rois. »
(Modus et Racio, ms. fol. 87, \\)
Les significations actuelles du verbe approprier,
ne sont pas moins analogues que les anciennes à
celle d'approcher, pmsqu approprier les choses, les
ajuster, les approprier, les ajuster h d'autres, c'est
les rapprocher en les comparant, les disposer de
façon qu'elles soient entr'elles dans un rapport
conforme à certaines vues d'utilité ou d'agrément.
L'effet agréable de ces rapports est ce qu'on nomme
propreté.
On ajoute qu'une manière très simple de se pro-
curer la jouissance d'une chose et de s'en assurer
la possession, c'est d'approcher de soi cette même
chose, de l'avoir proche de soi. sous ses yeux, sous
sa main. De lu, le verbe approprier, de même ori-
gine qu'approcher, aura signifié les idées de pos-
session et de jouissance à titre de propriété légitime
ou illégitime. (Voy. Apropriement.)
VARIANTES :
APROPRIER. Modus et Racio, MS. fol. 87, V".
Approprier. Orth. subsist. — Froissart, Vol. III, p. 234.
Apte, adj. Qui a certaine disposition. Qui a cer-
taine proportion. Il est probable que l'orthographe
acte ('2) est une altération du mot apte encore usité
au Palais, et que dans un sens relatif à l'acception
générale du latin aptus, on a désigné une personne
qui n'étoit pas formée au vice, qui n'y avoit aucune
disposition acquise ou naturelle, en disant qu'elle
étoit « non acte et non suspecte de quelque vice. »
(Voy. Hist. de la Toison d'or. Vol. II, fol. 139.)
Lorsque cette même personne étoit formée avec
(1) Quoique ce mot se trouve dès le xuv siècle, il est de formation savante. (N. E.) — (2) Il est probable que acle est la
forme aate : une partie de l'a aura été effacée, (n. e.)
AQ
^ 94 —
AR
les dispositions nécessaires pour trouver le bonlieur
dans la vertu, et ne le devoir qu'à elle-même, on
disoit qu'elle étoil apte de soij-mesmes. « 0 ! toy
« paourc fol et insensé, tu ne sçaiz.... de quelle
« force est la vertu Unliomme ne sçauroit estre
« que parfaitement lieureux, qui est comme tout
« apte de soy-mcsmes, ou qui en soy seul met et
« constitue tout le sien. « (L'Amant ressusc. p. 115.)
Il semble qu'un Chevalier «^e ou aate, étoit celui
qui avoit les dispositions acquises et naturelles pour
tous les exercices de Chevalerie, pour monter à
cheval, pour combattre, etc.
Moult .sont andui bon Chevalier,
Et moult aatc, et moult legier.
Parlon. de Blois, MS. de S' Cxerm. fol. 136, R" col. I.
Ce est Atys li bien ates,
Au pié votiz, au cuisses plates,
Au fier corace, à douz semblant, etc.
Alhis, MS fol. ■32, R- col. i.
Peut-être qu'en prononçant et écrivant apte, l'on
a cru, dans le siècle de l'érudition, franciser pour
la première fois l'adjectif latin rtyjfns qu'on nerecon-
noissoit plus dans les anciennes orthographes ate
et aate. Quoi qu'il en soit, la signification û'aate
étoit évidemment la même que celle du latin aptus,
lorsque pour désigner la juste proportion d'une
chose, on disoit qu'elle étoit aate.
Puis a estroit et bel chauciez
Ses bêles janbes et ses piez.
Chances de soie bien aates (1)
Et bons sorchauz d'escarlates.
Parlon. de Blois, MS. de S' Germ. fol. 143, R' col. 2.
Notre mot aptitude, qui se trouve dans Cotgrave
et Monet, Dicl. paroissoit au P. Bonheurs un peu
barbare. (Dict. de Trévoux.)
VARIANTES :
APTE. Oitb. subsist. - Essais de Montais^ne, T. II, p. 314.
Aate. Parton. de Blois, MS. de S' Germ. fol. 1.S6, R» col. 1.
Acte. Hist. de la Toison d'or, Vol. II, fol. 139, Ro col. 2.
Ate. Athis, MS. fol. 72, R» col. 1.
Aquilaine, adj. fém. Terme de Droit. On
observe qu'Aquilius Gallus, contemporain de Cice-
ron et son ami, fut l'auteur d'une espèce de stipu-
lation que par celte raison les Jurisconsultes fran-
çois du xiv siècle, à l'imitation des Jurisconsultes
romains, nommoienl aquilaine, en latin aquiliann.
Quelle que fût la cause d'une ancienne obligation
litigieuse, quelle qu'en fût l'incertitude, on'lixoit
cette obligation par la stipulation aquitaine, qui la
changeoit d'ailleurs en une obligation nouvelle et
verbale dont on étoit quitte et libéré par l'acceptila-
lion. « Par stipulation aquilaine les obligations et
« actions de toutes choses estoient transférées en
« stipulation et novées, et ladite stipulation estoit
« périmée par l'acceptilation. » (Bouteiller, Som.
rur. Liv. I, tit. xli, p. 301t.) ■• Transaction de nou-
« velle stipulation, que les Clercs appellent stipu-
« lation aquitaine,... chose incertaine met en obli-
" galion certaine par lien de paroles. » (Id. ibid.
p. 30G.) « Moyennant certaine transaction que nous
« fismes ensemble par acquilaine stipulation, qu'il
« m'en promist à rendre,... je fis à celui quittance,
« et luy promis que rien ne luy demanderoy-ie. »
(Id. ibid. p. 308.)
VARIANTES :
AQUILAINE. Bouteiller, Som. rur. Liv. I, tit. xli, p. 30'j.
Acquilaine. Id. ibid. p. 308.
Aquilant, adj. Bai ou vite. (Voy. Aquilin.) Il est
probable que relativement à la couleur du plumage
de l'aigle, en latin aquila, ou bien à la vitesse de
son vol, on aura désigné par l'adjectif aquilant (2)
un cheval bai ou vite.
Forqueres point le destrier aquilant.
Rom. d'Aubcry, MS. cité par Du Gange, Gloss. lat. T. I, col. 619.
Aqiiilé, participe. Courbé en bec d'aigle. Dans
la signification particulière de notre adjectif aquilin,
l'on a dit, en parlant de la Force personnifiée,
qu'elle avoit les « ieuls fort pénélrans, le nés aqui-
" lés, et la couleur clere et brune. » (Triomphe de
la noble Dame, fol. 23, V°.)
Aquilin, adj. Qui a rapport à l'aigle. Ce mol qui
par comparaison se dit encore d'un nez dont la
forme a quelque rapport à celle du bec de l'aigle,
s'est dit aussi de la pierre qu'on nomme aujourd'hui
pierre d'aigle, parce qu'on la trouve quelquefois
dans le nid de cet oiseau. C'est peut-être d'après
l'observation vraie ou fausse de Mathiole, qui assure
que sans la pierre aquiline ou pierre d'aigle les
petits des oiseaux de proie ne pourroient éclore,
qu'on s'est persuadé que celle pierre attachée au
haut de la jambe d'une femme, avançoit et facilitoit
remaniement. (Cotgrave et Oudin, Dict. — Voy.
Aquilant.)
Ar, subst. Moitié. On observe qu'en langue Alle-
mande, Angloise, Flamande, etc. le mot lialf signi-
fie moitié; dans le sens général et étymologique
indiqué par Skinner, partie d'un tout. (Voy. Junius,
Elym. Angiic. — Skinner, Elym. ling. Anglic ) Le
changement réciproque de / en r et de r en /, étant
commun à toutes les Langues, il seroil possible que
«r fût une altération de ce mot /irt//", prononcé et
écrit sans aspiration et avec retranchement de la
consonne sifllante f. On peut d'ailleurs fonder cette
conjecture sur l'identité de signification, puisque
dans l'expression Françoise et elliptique deux et
rt?-(3), le mot ar signifie évidemment la même chose
que liatf dans l'expression Angloise •< two pence and
« half-peny; » c'est-à-dire deux sous et moitié de
sou, deux sous et demi. La preuve est que dans les
(1) Acijes vient ici do adaplus, « bien justes ; >< le mot se trouve déjà dans la Chanson de Roland en parlant de destriers,
vers 1651 et 3876 : « E lur cheval sunt curnnt el aate; » il ne peut signifier dans notre exemple rapide, comme le croit Diez,
qui le l'ait venir du nordique al. Dans la Chanson de Roland, même, il peut signifier maniable, bien dressé ; au vers suivant
on voit, en effet, gu'on lâche les rênes aux chevaux ; il faut donc qu'ils soient doriles : enfin on ne peut dire qu'un cheval
courant est presse, ce serait une tautologie trop naïve, (n. e.) — (2) Signifie brun, comme le latin ai/uilua, qu'on trouve
déjà dans Plante : « Staturà non magnà, corpore aquilo : ipsa ea est. » (Pasnus, V, 2,152.) (n. e.) — (3) Xe faudrait-il pas lire
deux et as? As signifierait un, comme au jeu de dés. On trouve d'ailleurs dans les mémoires de François de Scepeaux,
publiés en 1757, au tome II, page 8 : « Il demeura sur l'heure en suspens, et, comme l'on dict, entre cieitx et as. » (n. e.)
AR
- 95 -
AR
Œuvres de Rabelais, édition de Dolet, l'expression
six-blancs, c'est-à-dire deux sous et demi, répond
à celle de deux et ar en ce passage. « Aulx funé-
.' railles du Roy Charles, l'on avoit en plain marché
« la toison pour deux etar. » (Rabelais, T. II, p. 130.)
Il est probable que relativementà l'idée de moitié,
de partie d'un tout, on aura nommé rythme de deux
et ar, une espèce de rytlime où deux ou trois lignes
de semblable longueur et léonines étoient croisées
par une autre ligne qui n'ayant qu'une partie de la
longueur des précédentes, étoit sans doute regardée
comme demi-ligne, moitié de ligne. Voici un'exera-
ple de cette espèce de rythme :
Princes et Roys qui estes hault montez
En royaumes, en ducliez, en contez ;
Du hault degré fault que, les pas comptez,
Ou que à ung sault,
Vous chéez bas, sans que on vous donne assault, etc.
Par abus de l'extension, l'espèce de rythme où ces
deux ou trois premiers vers étoient croisés par un
vers d égale mesure, aura été aussi nommée rythme
de deux et ar. « Une espèce de rytlime... s'appelle
" aeiix et ar, pour ce que deux ou trois lignes de
■< semblable longueur sont léonines, et celle qui
« croyse est plus courte; ou de semblable lon-
-• gueur. .. (Fabri, Art de Réthorique, L. II, fol. 23.)
Arabe, subst. fém. Arabie. (Voy. Akabiant.) Pays
d Asie dont on altéroit le nom latin Arabia, en écri-
vant Araibe, Arabe, Arable, etc.
Ematite
Ke de vertu n'est pas petite,
D'Ethyope r'est aportée.
Et d'Afabe o ele est née.
Marbodus, de Gemni. art. xxxii, col. 1CG4.
H est possible que Arage soit formé d'Arabia,
comme le mot rage du latin rabies, et que relative-
ment à l'idée de l'Arabie heureuse si riche en mines
d or et d argent, on ait désigné d'immenses riches-
ses par l'expression grand trésor A' Arage (1).
Li plus rice sont si tenant ;
Ce sont cil ki or vont cloant ;
Parmi lor grant trésor d' Arage
Muèrent de faim et vont à rage.
Ane. Poèt. fr MSS. avant 1300, T. IV, p. 1355.
variantes:
ARABE. Marbodus, de Gemm. art. viii col 1G48
Arable. Fabl. MS. de S' Germ. fol. 1, Ro col 3 '
Arage. Ane. Poët. fr. MSS. avant 1300, T. IV, p. 1355
Araibe. Marbodus, de Gemm. art. 1, col 1640
Arrabe. Pb. Mouskes, MS. p. 134.
Ai-al)ech, adj. Qui est propre aux Arabes C'est
avec ellipse du substantif langage, que Montaigne
parlant de son éducation, disoit : « J'avois plus de
" SIX ans avant que j'entendisse non plus de
« François ou de Périgourdin, que à' Arabesque »
(Essais de Montaigne, T. I, p, 205.)
Irbougua bûcha Nassardin :
Si h a dit en son latin,
C'est-à-dire en Arabech, etc.
G. Machault, prise d'Alexandrie, MS. p. 230, R- col. 1.
En sous-entendant le substantif ornement les
Peintres et les Sculpteurs ont désigné et désignent
encore par l'adjectif Arabesque, une espèce d'orne-
mens propres aux Arabes (2), ces neurons ou rin-
ceaux d'où sortent des feuillages faits de caprice, et
dans le goût des Arabes. (Voy. Cotgrave, Dict.)
VARIANTES :
ARABECH. G. Machaut, prise d'Alexandrie, MS n 230
Arabesque. Essais de Montaigne, T. I, p. 265.
Arabeis, subst. masc. plur. Arabes. Les habi-
tans de 1 Arabie; en latin Arabes.
Evax fut un multe riches Reis •
Lu règne tint des Ambais.
Marbodus, de Gemm. prolog. col. 1638.
VARIANTES '.
ARABEIS. Marbodus, de Gemm. prolog. col 1638
ARAB.4IS. Id. ibid.
Arabi, adj. Qui est d'Arabie. Rapide. Les che-
vaux qu aujourd'hui l'on nomme Barbes parce
qu ils viennent de Barbarie, sont de race Arabe de
la race des chevaux qu'anciennement on nommoit
Arabts.
Cbevaulx d'Espaigne et Arabis.
Rom. d'Athis, iMS. cilé par Du Cange, Gl. 1. T. III, col. 120.
On écrivoit arabis au singulier, comme le prou-
vent les deux vers suivans où ce mol semble exuri-
mer la rapidité du cours d'un fleuve, comparée à H
vitesse de la course d'un cheval arabi. Peut-être
aussi qu en ce sens arabis est l'adjectif latin ravi-
dus, rabidus, avec l'« emphatique.
Entr'aus et la terre as formis
Qeurt un llueves molt arabis.
Bestiaire de la Div. Escrit. MS. du R. u» 7989, fol. 195, V col. 1.
VARIANTES :
ARABI. Du Cange, Gloss. lat. T. III, col 3i3
Arabis. Bestiaire de la Div. Escrit. MS. du R. fol. 195.
Ambiant, adj. Qui est d'Arabie. (Voy. Arabe)
L or le plus estimé aujourd'hui est l'or d'Asie, que
nos anciens Romanciers paroissent avoir nommé
or Un arabiant, parce qu'un des pays d'Asie le plus
fécond en mines d'or est l'Arabie heureuse, que
les relations des croisades avoient sans doute fait
connoilre.
En une balancetes d'orfm arrabiant
A mis loel Aristotes : quant ot fait son talant, etc.
Rom. d'Ale.\andre, MS. du R, n" 6987, fol. 208, R" col. 2.
VARIANTES :
ARABIANT. Du Cange, Gloss. lat. T I col 873
Arrabiant. Rom. d'Alex. MS. du R. n" 6987, fol. 208
Arrabien. Lanc. du Lac, T. I, fol. 73, V» col. 1.
Arabie ftf/jf-. Arabique. L'adjectif arabique, qui
est aujourd hui de tout genre, étoit anciennement
le féminin cVarabic. (Voy. Cotgrave, Dict.)
Arabiois, adjectif. Qui est propre aux Arabes.
(Voy. Arabech.) u Salam, c'est Diex en la langue
« Arabioisse. » (Ilist. de Charlemagne, ms. de la
Clayette, p. 93, col. 2.)
Arable, adjectif. Propre à être labouré, qui est
a ^h\btol^'^f!ÊjZZ. t)-\i'ZiX'iron'l San'^l'^ntlâ-^i •'" 'î'^^ '" '^^^^^"'^.^ précédente était douce : de même on
des versets du Coran et non des feumages^lN. e.-^) "^^"^^ ^ «"'"I""^ greco-romame ; Varabesque arabe, d'aiUeurs, entrelace
AR
96 —
AR
labourable. Propre îi labourer, qui est de labour.
On a mille preuves que dans quantité de mots où
la lettre finale s est aujourd'hui le signe du nombre
pluriel, cette lettre n"otoil anciennement qu'un
caractère très-ordinaire de ressemblance entre la
terminaison latine et la françoise. C'est ainsi, par
exemple, que d'après le mol latin arabilis, on écri-
voit au singulier arables. (Voy. Gloss. du P. Labbe,
page 489.)
Il y a sans doute moins de raison que de caprice
à préférer l'expression terres labourables, à l'an-
cienne expression terres arables, qu'on trouve dans
Cotgrave, Oudin, Nicot et Monet, Dict. iD. Lobineau,
Hist. de Paris, ï. V, pr. p. G32, col. 1, etc.) Un de
nos anciens Poêles, comparant la Vierge mère à une
terre féconde sans labour, disoit qu'elle éloil terre
non arable. (Voy. Arer.)
Tu es la terre non arable,
Vierge sacrée et vénérable :
En toy s'est fait œuvre admirable,
Oultre usaige de Nature, etc.
Crêlin, Poés. p. 32 et 33.
Dans le second sens, on nommoil bœuf arable,
un bceuf de labour, un bœuf propre au labourage.
« Fit publier... que homme de guerre... ne fust si
« hartly de tuer ny faire tuer bœuf arable ny vache
« laiclière. » (Mathieu de Coucy, Ilist. de Charles
VII, p. GIO. — Voy. Ar.^toire.)
VARIANTES :
ARABLE. D. Lobineau, Hist. de Paris, T. V, pr. p. 632.
Ar.vbles. Gloss. du P. Labbe, p. 489.
Ar.\ule. D. Carpentier, S. Gl. 1. de Du C. T. I, col. 268.
Arage, subst. masc. Terre labourable. Terrage.
Campagne. La signification de ce mot arage étoit la
même que celle de l'expression terre arable,
lorsqu'on disoit : « Arages seans en ban et ou
« finage de ladite ville, etc. » (D. Carpentier, ubi
sujyra ; Tit. de 13-24. — Voy. Arable.)
On doute qu'il signifie la même chose dans un
Titre de 1255, où on lit : » Ont donné et octroyé...
« quant que ils avoient... en tailles, en bans, en
« justices grandes et petites, en plaiz généraux,
« en araiges, eu prez, en corvées, en terres gaigna-
« blés, etc. » (Perard, Rec. pour l'IIist. de Bourgo-
gne, p. 483.) Peut-être ces «r«/(/es sont-ils des droits
de teirage, de l'espèce de celui qui paroit indiqué
dans une Charte d'alfranchissement en faveur des
habitans de Bourlemontetde Frebecourt. « Devront
« et paieront les habitans au Seigneur autant
« à'araige comme de denré , de toutes labours
« qu'ils feront es bans et linage de Boullaumonl et
« de Frebecourt. » (Ord. T. VI, p. 631.) On sait que
l'obligation de payer ce droit à'arage (1) qu'en cer-
taines Coutumes on nomme terrage, étoit une con-
dition ordinaire des concessions de terres arables
que les Seigneui-s faisoient ii leurs vassaux.
11 est possible que par extension de l'acception
terre labourable, ce même mot arage ait signifié en
général campagne où on laboure, et qu'en opposant
la campagne à la ville, on ait dit :
Li traïsons tout par tout meuce ;...
Par coi no vile, n'o nrage
Nus ne veut faire mariage
Por grant avoir ne por argent ;
Ains le fait on por honir gent.
Ane. Poèt. Fr. MSS, avant 1300, T. IV, p. 1321.
Peut-être que soubmettre Vairage, c'étoit asservir
leshabitans delà campagne, les soumettre à quelque
espèce de servitude aussi odieuse à l'humanité que
nuisible à l'Agriculture.
Qui Seignourir veult amiableraent,
Et en grâce tenir son héritage ;
De tel douçour doit gouverner sa gent,
Non pas conlr'eul.K user de divers langaige.
Eulx retranchier, et soubmettre {2)Vairage,
Leur fait haïr tel dominacion,
Le lieu fuir, etc.
Eust. Desch. Poës. MSS. p. 30, col. 1.
Peut-être aussi que l'expression « soubmettre
« Vairage, « désigne en ces vers les attentats de la
tyrannie féodale contre la propriété des héritages.
On a la preuve qn'airage, de même origine que
hérage, a signifié héritage. (Voy. Hérage.)
variantes :
ARAGE. D. Carpentier, S. Gl. 1. de Du C. T. I, col. 268.
Airage. Eust. Desch. Poës. MSS. p. 30, col. 1.
Araige. Ord. T. VI, p. 631.
Aragne, sabst. fém. Araignée. Toile d'arai-
gnée. Espèce d'étoffe claire et légère. Treillis de
fil-d'archal. Quelque différente que soit la termi-
naison des noms aragne et aragnée, il est possible
qu'il n'y ait aucune réalité dans la distinction que
Monet semble indiquer, en opposant aragne, en
latin araneus, à aragnée, en latin aranea (3). (Voy.
Monet, Dict.) Il résulteroit de cette distinction appa-
rente, que le nom françois aragne . originairement
masculin, auroit été fait du genre féminin, par une
erreur dont la terminaison ù'aragne peut être la
cause.
.... Uirmiinc ménagère,
Filant ses rez à l'entour
De la mouche passagère, etc.
D. Florès de Grèce, Épil. p. 8, col. 1.
Pour signifier que la Justice n'est inflexible et
rigide que' l'our le coupable sans argent et sans
faveur, on a dit :
. . . .Tustice est la toile de Vyrahujne
Qui ne retient que les poures chetis :
Les grans larrons laisse aler et aplaine,
En tous Estais et par tous les Pais.
Eust. Desch. poës. MSS. p. 251, col. 3.
L'espèce de métonymie par laquelle le nom de
l'araignée a signifié l'ouvrage même de cet insecte,
une toile d'araignée, paroît d'autant plus naturelle,
que le verbe hébreu dans lequel Ménage croit voir
l'origine assez vraisemblable du nom aragne ou
aragnée, en latin araneus ou aranea, en grec
dqàxfi,, désigne l'opération de l'araignée qui tire de
son corps la' substance gommeuse dont elle forme
(1) ou champart. — (2) Veut dire mettre au dernier rang le labourage; arage vient d'une forme araticum, devenue plus
tard aragium. (N. E.) — (3) Anigne est l'animal même et vient d'aranea, avec l'accent sur ra ; araignée était primitivement
la toile de l'insecte et vient de araneata, avec l'accent sur at. (n. e.)
M
AR
— 97
AR
le tissu merveilleux de ses filets, (toy. Ménage,
Dict. élym. au mot aragnée. — Monet, Dict.^ On sait
que les filandres, ces fils blancs et longs qui volent
en l'air dans les beaux jours d'automne, sont l'ou-
vrage d'une espèce d'araignées vagabondes, plus
petites et plus noires que les autres. Les fils que
ces araignées n'abandonnent pas au vent, elles les
étendent sur les chaumes, ou sur l'herbe des prai-
ries, en forme de tissu, de crêpe qu'on nommoit
aragne. « La praerie... estoit ourdye et tissue
« d'arignes que avoient ouvré les arignées, h la
« doulceur de la nuyct et de l'aube du jour. »
(Percef. Yol. V, fol. 72. — (Voy. Abantelles.)
Il est probable que dans un ancien compte de
fournitures pour habillement de Chevaliers et
d.'Ecuyer&,\'iiraing ne [i] est une espèce d'étoffe claire
et légère, comme le crépon, le crêpe ou le voile, et
dont on comparoitle tissu à celui de Varagne, delà
toile d'araignée. « Pour 151 aunes de brunelte, en
« plusieurs pièces, de la petite moison de Louvain,...
« pour 4 escarlates vermeilles de Bruxelles,
« 2 ijmingnes de la grant moison de Louvain, etc. »
(Du Cange, Gloss. lat. T. IV, col. 7iO.)
Enfin, la toile de l'araignée des jardins est un
lissu à claire voie, une espèce de réseau auquel on
a comparé un treillis de fil d'archal, « une contre-
o vitre en treillis de fil d'archal, » lorsqu'on a dési-
gné ce treillis par le nom de Varagne. » Si le
« Maistre à qui est la muraille en laquelle l'on veut
« appuyer, a en icelle muraille fenestrages portant
0 bort, ferrures, ou yraig)ie,.... l'on ne pourra
« appuyer, n'autrement empescher la veuedes dits
« fenestrages. » (Coût. gén. T. II, p. 478. — Lau-
rière, Gloss. du Dr. Fr. — Ménage, Dict. Etym. ~
Monet, Dict. - - Voy. Aragkee.)
VARIANTES :
ARAGNE. Monet, Dict.
AiBAiGNE. Cotgrave et Oudin, Dict.
AiREiGNE. Merlin Cocaye, T. II, p. 379.
Araigne. Riibelais, T. IV, p. 205.
Araine. Doctrinal de Sapience, fol. 35, R».
Aricne. Percef. Vol. V, fol. 72, V» col. 1.
Arreigne. Coût, de Metz, au nouv. Coût. gén. T. II, p. 433.
Eraigne. Borel, Dict.
Iragne. Contes d'Eutrapel, p. 184.
IRAIGNE. Cotgrave, Dict.
Yraigne. Cotgrave et Borel, Dict.
Yraixgne. Eust. Desch. Poës. MSS. p. 521, col. 3.
Aragnée, siibst. féin. Araignée; Toile d'arai-
gnée, etc. En latin aranea. Ces deux premières
significations ne sont pas les seules qui soient
communes au mot aragnée avec celui A' aragne. Ils
désignoienl, l'un comme l'autre, « une contre-vitre
<i en treillis de fil d'archal, » un treillis de fil
d'archal comparé au lissu, au réseau de l'araignée
des jardins. « Baltes et assiette de ventilions,
" grilles, araignées du dehors de la feneslre... sont
« signes et marques de servitude de jour. » (Coût.
de S- Mihiel, au nouv. Coût. gén. T. II, p. 105G. —
Voy. Aragne.)
11 paroit inutile de multiplier les preuves qu'au
moyen de la comparaison, l'on a pu nommer
araignes ou araignées, les choses qui offrent à l'œil
et à l'esprit quelque ressemblance avec la toile de
l'araignée, ou avec la figure de l'araignée. (Voy.
Ménage, Dict. étym. — Aubin, Dict.dela Marine,elc.)
VARIANTES :
ARAGNÉE. Monet, Dict. - Ménage, Dict. étym.
Araignée. Orth. subsist. - Nouv. Coût. gén. T. II, p. 1056.
Arignée. Cotgrave, Oudin, Rob. Estienne et Nicot, Dict.
Arragnée. Nouv. Coût. gén. T. II, p. 1167, col. 2.
Iraignée. Villon, p. 8.
Iregnie. Rom. dAudisïier, MS. de S' Germ. fol. 66.
Ybaig.nie. Gloss. du P. Labbe, p. 489.
Aragnète, subst. fém. Petite araignée. Dimi-
nutif d'aragne. (Voy. Monet, Dict.)
Aragneus, adjectif. Plein d'araignées. Plein de
toiles d'araignée. Propre ;^ l'araignée. Semblable à
la toile d'araignée. Qui se nourrit d'araignées. On
trouve la première et la seconde signification de
l'adjectif araignens, en latin araneosus, dans
Cotgrave et Oudin, Dict. (Voy. Aragne.)
Il signifioit une chose propre à l'araignée, lorsque
pour toile d'araignée on disoit toile yraigneuse.
(Poës. de Loys le Caron, fol. 13. — Voy. Araignier).
Dans le tableau qu'un Poëte du xvi' siècle a tracé
de la surprise de Mars et de Vénus épiés par Vul-
cain qui les enveloppe d'un filet invisible, le mot
iraigneur exprime la ressemblance fabuleuse de ce
filet avec la toile, le filet dont l'araignée se sert
pour arrêter sa proie.
Celuy qui a veu le tour
De l'iraigne mesnagère
Filant ses rez à l'entour
De la, mousche passagère ;
Il a veu Mars et Venus
Encliaisnez à membres nuds,
Et Vulcan guygnant auprès
De son embusche iraigneuse
Qui la couple vergongneuse
AUoit serrant de si près.
II. Florès de Grèce, Epil. p. 8, col. 1.
On a nommé figurément rets «rfli5'»é;!fj", ce qu'en
parlantd'unecourlisane, on nommeroit aujourd'hui
ses filets, aussi dangereux pour l'homme que le
sont pour la mouche les filets de l'araicnée. (Voy.
Merlin Cocaie, T. 11, p. Gl.)
Enfin, la souris araigneuse, autrement la musa-
raigne, en latin mus araneus, est un peiit animal
quadrupède qu'on a ainsi désigné, comme se nour-
rissant d'araignées, et ressemblant à la souris par
la grosseur et un museau alongé et pointu. (Col-
grave, Dict.)
VARIANTES :
ARAGNEUS. Monet, Dict.
AiRAiGNEUX. Cotgrave, Dict.
Araigneux Cotgrave et Oudin, Dict.
IRAIONEUX. D. Florès de Grèce, Epit. p. 8, col. 1.
Yraigneox. Poës. de Loys le Caron, fol. 13, R».
Araignier, adj. masc. adj. et subst. fém. Pro-
pre à l'araignée. Semblable à l'araignée. Semblable
à la toile d'araignée. Membrane cristalline , Arach-
noïde. Le premier sens de l'adjectif araignier, est
(1) C'était un drap de luxe, fabriqué ordinairement à Ypres, fort à la mode sous les trois premiers Valois, (n. e.)
II. 13
AR
- 08
ÀR
le même que celui à'ciraigneus, dans l'expression
toile (trayneuse. (Colgrave, Dict.)
Dans le second sens, on désignoit par ce même
adjectif certaines choses qui avoient de la ressem-
blance avec la ligure de l'araignée. (Colgrave, Dict.)
Il signifioit aussi la ressemblance d'une chose
avec une toile d'araignée. (Voy. Aragneus.) C'est par
la raison de celle ressemblance que la tunique ou
membrane dont quelques Anatomisles croient l'hu-
meur cristalline de l'œil immédiatement envelop-
pée, a été nommée membrane ou tunique arai-
gnère. (Voy. Colgrave, Dict.)
De là, l'adjectif «r«/;7H('r<' signifioit, avec ellipse
du substantif, tunique ««//;;»(')■(', cette membrane
cristalline qu'en terme d'Anatomie l'on nomme
Arachno'ide. (Voy. Oudin, Dict.)
VARIANTES :
ARAIGNIER. Colgrave, Dict.
Araignère. Colgrave et Oudin, Dict.
Araim, subst. niasc. Airain. On reconnoît le
mot latin œrumeu, formé de œs , œris , dans l'an-
cienne ortho'graphe araim : orthographe qu'on
n'avoit pas encore trouvée, lorsqu'on a réuni sous
Mrin, les variations érain et arain. (Voyez .Erin
et Araine.)
VARIANTES :
ARAIM. Livres des Rois, MS. des Cordai, fol. 72, R» col. 2.
AREI.M. Ibid. fol. 88, V col. 1.
Araine, subst. /"f^'m. Espèce de trompette ; Trom-
pette. (Voy. Araim.) Les trompettes qu'on nommoit
araines, parce qu'elles étoient A'arain, de cuivre
jaune, paroissent avoir été distinguées des trompes,
comme l'on dislingue aujourd'hui le clairon de la
trompette. « Firent . . . huier trompes et arènes
« sonner. » (Chron. S" Denys, Rec. des Hist. de Fr.
T. III, p. 311.)
. . . Lors oist tentir araines
Qu'en fait par les deux oz sonner,
Tabours croislre, corz bondonner,
Flagiex piper et trompes braire.
G. Guiart,MS. fol. 313, V.
Cette espèce de trompette, connue de nos anciens
Historiens et Romanciers, éloit probablement un
clairon semblable à celui que les Portugais ont
emprunté des Maures, faisant le dessus des cors,
des buisines et des trompes ou trompettes qui son-
noient en taille ou en basse-contre, et que parcelle
raison l'on aura quelquefois nommé grosse araine.
« Firent sonner maintes trompettes et maint arai-
«■ nés, et assemblèrent pour combattre. » (Hist. de
B. du Guesclin, par Ménard, p. 357.)
A fait ses cors bondir.
Ses buisines soner, ses araines tentir.
Rom. d'Alexandre, MS. du R. a- 6987, fol. 180, V- col. 2.
1 ot cornés et douçaines,
Et trompes et grosses araines.
CléoBiadès, MS. de Gaignat, fol. 66, V' col. 3.
On conçoit au reste combien il est naturel que
toute espèce de trompette de même métal que celle
dont on a distingué souvent l'espèce particulière,
ail été désignée en général par le mot araine.
Ses arainnes fist haut sonner
Pour les Flamens à estourner.
Vh. Mouskes, MS. p. 586.
Lors si a fait sonner ses trompes
A grans alainnes et à longes.
Moult sonnèrent bien les arainnes.
Id. p. 584.
variantes :
ARAINE. Ph. Mouskes, MS. p. 587.
Arainne. g. Guiart, MS. fol. 131, R».
Areine. Fabl. MS. du R. n» 7615, fol. \9\, R» col. 2.
ARENE. Chron. S' D. Rec. des Hist. de Fr. T. III, p. 311.
Araire, subst. Instrument de labourage; Char-
rue ; Machine à labourer. (Voy. Afaire.) On soup-
çonne que les instrumens de labourage, qu'en
Bresse on nomme araires, sont lesinstrumensdont
les Lyonnois et les Languedociens composent leur
araire, c'esl-à-dire leur charrue ou autre machine
sans roues propre à labourer. (Voy. Laurière, Gloss.
du Dr. Fr. — Dict. de Trévoux. — Colgrave et JNicot,
Dicl. — D. Carpentier, Suppl. Glossaire latin de Du
Gange, T. I, col. 270.)
Ce mot araire encore usité dans plusieurs pro-
vinces, avec la signification de charrue ou autre
machine à labourer, peut être aussi ancien dans
notre langue que le verbe arer. (Voy. Arer.) On dé-
signoit l'inutilité des etîorts amoureux d'un jeune
homme pour s'insinuer dans un cœur dur et insen-
sible par fierté, en disant figurément :
Tu as en dure terre enroyé ton areres ;
Tu deusses amer fille d'une commère.
Fabl. MS. du R. n" 7218, fol. 345, V col. 2.
Il est très probable que relativement à l'idée de
contre, partie essentielle de Varaire, de la charrue,
on aura dit que l'araire vaut peu sans le contre (1),
pour signifier une expédition impossible sans le
secours essentiel d'un Chef. On croit qu'au lieu
i'afaires il faut lire araires dans ce vers :
Peu vaut Yafaires sans le coutre.
Ph. Mouskes, MS. p. 796.
VARIANTES :
ARAIRE. Cotgrave, Nicot et Monet, Dict.
Arere. Fabl. MS. du R. n° 7218, fol. 345, V col. 2.
Areyre. d. Carpentier, S. Gl. 1. de Du C. T. I, coL 270.
Araisiiement, subst. masc. Action de parler,
d'adresser la parole ; entretien, conversation. Signi-
fication analogue ù celle du verbe araisonner ou
araisner, parler, s'entretenir, converser. (Voyez
Araisonner.)
variantes :
ARAISNEMENT. S' Rern. Serm. fr. MSS. p. 149.
Arraisonnement. Cotgrave, Oudin, Nicot et Monet, Dict.
Araisneour, subst. masc. Raisonneur, parleur.
Celui qui perd à raisonner, à parler, un temps qu'il
emploieroit mieux à agir. Telle éloit la signification
d'araisneour, lorsqu'on faisoit l'éloge de la valeur
active d'une Nation, en disant :
Onques en lor contrée n'ot un araisneour :
Ains se fièrent de près, o les brans de coulor (2).
Rom. d'Alexandre, MS. du R. n" 6987, fol. 176, R" col. 3.
(1) L'ai-cii're, en effet, n'a pas de roues, (n. e.) - (2) avec les épées étincelantes. (n. e.)
AR
— 99 -
AR
Araisniement, adv. Avec opiniâtreté d'idées ;
avec une volonté opiniâtre. (Voy. Araisonner.) Signi-
fication relative à celle du verbe amisonner dans
l'expression ?,' amisonner à une chose , la vouloir.
Cilh ne sot pas qu'il covenist
Rechivoir son commandement ;
Si li dist araisnieinaiit
Ke mie ne le laisseroit.
Les IV Filles le Roy, MS. de Turin, fol. 38, R*.
Araisonner, verbe. Questionner, interroger,
demander des raisons. Parler, converser, s'entre-
tenir, donner des raisons, les détailler. Sommer,
accuser. Intenter et poursuivre une action. Appré-
cier. Etre ou devenir raisonnable. Vouloir une
chose, s'y préparer. On ne peut juger, ni parler
raisonnablement des choses transmises à l'âme par
le moyen des sens, qu'autant qu'elles y existent en
idée, telles qu'elles existent en réalité dans la Na-
ture. La conformité de celte existence idéale des
choses avec leur existence physique, est ce qu'on
nomme raison, en latin ratio : terme abstrait dont
on trouve l'origine dans ratus, participe du verbe
latin reor formé du substantif générique res , en
françois chose. Ainsi, notre verbe françois raison-
ner, de même origine et même acception que le
latin 7'eri, signifiera littéralement réaliser en idée,
faire qu'une chose existe en idée, comme elle existe
en réalité; assimiler à l'existence physique des
choses, leur existence idéale, la voir et la juger
conforme ; exprimer cette conformité d'existence,
la faire voir, la rendre sensible , la faire connoitre
aux autres par la parole , qui représente plus ou
moins fidèlement les idées, comme les idées repré-
sentent les choses. (Voy. Raison et Raisonner.)
De là, l'ancien verbe composé araisonner, par
contraction araisner, arainer, signifioit question-
ner, interroger, etc. presser quelqu'un de parler,
de faire connoitre en parlant, en répondant à une
question, aune interrogation, quelles idées il se
fait des choses, quelles sont les raisons de sa façon
de sentir, de penser ou d'agir. « Sis mariz Belehana
« le areisuna, si li dist: pur quel plures? « (Livres
des Rois, MS. des Cordel. fol. 2, R- col. 1.) (1)
Ne se vielt ore plus celer ;
Ains va le Roi amtisoner.
Rois, fait-il, c'as-tu enpensé?
Vie de S" Calherine, MS. de Sorb. chiff. LX, col. 59.
Quant je la veoie,
Le pooir des membres perdoie.
Qui me vousist aresoner,
Ne li peusse mot soner.
Fabl. MS. du R. n- 7-218, fol. 356. V* col. 2.
De toutes pars je fuz environné
Des assistans, et d'euLx arraisonné
Que je queroys, et qui vers eux me meine.
Faifeu. p. 18.
Lorsqu'on étoit moins empressé de connoitre les
idées des autres que de leur faire connoitre les
siennes, araisonner une personne, ou s'araisonner
avec elle, c'étoit lui parler, lui adresser la parole ;
raisonner avec elle, lui exprimer une sensation, en
parlant, en conversant, en s'entretenant avec elle,
lui peindre l'idée qu'on se faisoit de la chose qu'on
sentoit, et dont on lui parloit. (Voy. Araisnement.)
« Nous arainons ceos ki vrai Geu (2) sunt, ceos qui
« sunt semence Abraham. » (S' Bernard, Serm. fr.
Mss. p. 57.) « La pucelle... avoit grant merveilles
« pour quoy le Bachelier ne Yarraisonnoit ; car à
« son advis il devoit premièrement emprendre la
» parole. » (Percef. Vol. VI, fol. -42, R° col. 1.)
« S'fl?T«iso;ina«iavecle Prince, lui demanda, etc. »
(Nuits de Strapar. T. II, p. 209.)
Ne desprisiez pas poure gent ;
Mes aresniez les doucement.
Qui rien ne lor done del sien,
Si lor fet li biaus parlers bien.
Fabl. MS. du R. ir 7-218, fol. 130, R" col. 2.
Dans la signification de parler d'une chose à
quelqu'un, on disoit l'araisonner d'une chose.
Durement me doi merveiller
Que m'oses de cou araisnier.
Fabl. MS. du R. a' 7939, fol. 67, R' col. 1.
Il seroit heureux en amour de toujours croire
aux sermens des femmes ; on croiroit toujours à
leur fidélité.
Qui d'amors les araisonnast,
Ni a cèle qui ne jurast,
S'il fust qui croire l'en vousist,
Que onques n'i mesprist.
Fabl. MS. du R. n- 7615, fol. lU, R" col. 1.
Cet ancien verbe araisonner ou arraisonner, dont
Mézeray faisoit encore usage, a longtemps subsisté
dans notre langue avec la signification de parler (3).
« Faunus, le prince des bocages,... m'ha souvent
« arraisonné d'amours, sans effect de sa prière. »
(J. Le Maire, illuslr. des Gaules, L. I, p. 77. — Voy.
Nicol et Monet, Dict. — Dicl. de Trévoux.)
Quelquefois araisonner un choix, araisonner un
fait, c'éloit exprimer le rapport de ce fait, de ce
choix, à ridée qui l'avoit déterminé, en faire con-
noitre les raisons, les détailler. « Les occasions font
« aucunes fois les causes piteuses, qui amolissenl
« les.Iugesquifontles/■rtù•^x■rt/•ra?so?^Mcr. » (Percef.
Vol. VI, fol. G9, V" col. 2.) « Charles le Sage ayant
« fait mettre sur un carreau de veloux un sceptre et
« une couronne d'or, et sur un autre un armet et
<< une espée. commanda à son fils, Dauphin de
« France, de choisir l'un ou l'autre ; lequel promp-
« tement courut à l'espée et à l'armet, avec ceste
« repartie araisonnant son choix, que c'estoit l'espée
« qui conqueroit et maintenoit les couronnes et les
« sceptres. « (Savaron , Espée françoise, p. 8 et 9.)
En sommant une personne de faire, ou de réparer
une chose qu'on exige d'elle, ou qu'on lui reproche,
en la sommant de comparoitre devant le .Juge, en
l'accusant, on la presse de parler, de faire connoitre
les raisons avec lesquelles elle prétend se défendre,
et l'on fait connoitre celles avec lesquelles on persiste
à la poursuivre. Il est donc possible que, relalive-
(1) Dans la Chanson de Roland : «. Mult fièrement Carie en araisunet (vers 3536). » (n. e.) — (2) ,Iuifs. — (3) Saint-Simon
l'employait encore: « Tandis que i'arraisonnais M. le duc d'Orléans, le roi consultait et sa famille et son conseil. » (Edition
de 1842; ch. 247, p. 209.) (n. e.)
AR
— 100 -
AR
ment aux acceptions indiquées, le verbe araisonner
ou aru'micr ail sifçnilié sommer de faire une cliose,
sommer de la réparer, sommer de comparoilre
devant le Juge, accuser, etc. " Ne fu nus qui les
« osast contraindre, ne rtrra/Hicr de rendre treu. »
(Glu'on. S' Denys, Hec. des Ilist. de Fr. T. III, p. 157.)
'< Ou doit araisonner son Seigneur, avant que on
<' ait bon apel contre la défaute de droit. « (Beau-
manoir, Coût, de Beauvoisls, chap. lxu, p. 319.) Une
preuve évidente qw' araisonner désigne ici une som-
mation en réparation de la défaute de droit, c'est
qu'à la fin de ce même chapitre, on lit qu'il « ensaigne
« comment on doit sommer son Seigneur avant que
« l'en le puistapeler de défaute de dVoit. >> (Id. ibid.
p. 322.1 « Quant je veiz le grant oultraige qu'il me
<' faisoit, si le feiz arraisonner devant le Roy. »
(Lanc. du Lac, T. II, fol. !)(j.) « Qui l'oseroit araisnier
« de ceste chose. » (S' Bern. Serm. fr. .mss. p. 381.)
Les araisonne (i)
De meffait, et les ochoisonne.
Dits do Baudoin de Condé. WS. do Gaignat, fol. 320, R' col. 3.
Dans les anciennes loix d'Anglelerre, l'assise ou
bref en verlu duquel on pouvbit intenter et. pour-
suivre une action en Justice, faisoit connoître les
raisons de cette action. De là, on disoil, « arraigner
« assise de nouvelle dessaisine, arrainer assise de
« mort d'ancestres, etc. » pour intenter, poursuivre
une action de nouvelle dessaisine, de mort d'ancê-
tres, etc. « Puis le lessée (2) arraigne assise de novel
« disseisin de la terre, envers le lessor lequel plede
« que il fist nul tort ne nul disseisin , et sur ceo
« l'assise soit prise, en cest case les Recognitors del
« assise poyent dire, etc. » (ïenures de IJttleton,
fol. 8."), V°.) .' Si le frère pusné soit entré en l'héri-
« tage son piere et hors de sa seisine eyt feffé ascun
« estrau nge, sur qui le frère ey né eyt arrainé assise
<• de mor ifaiincestre, et cel tenaunt voche à garaunt
<■ le frère pusné son feffour , et celuy veigne
« garaunter,... pur ce ne reineyne mie l'asise. »
(Britton, des loix d'Angl. fol. 200, V°, et 201, R-.
Il est évident que c'est relativement à l'idée qu'on
se fait ou doit se faire des choses, qn'araisonner la
marchandise signifioit mettre un prix raisonnable
à la marchandise, l'apprécier conformément à l'idée
de sa valeur réelle. (Voy. Cotgrave, Dict.)
Lorsque la volonté d'une personne, les mouve-
mens de son âme, ses passions, étoienl ou devenoienl
conformes aux idées qu'elle devoit avoir des choses
qui l'affectoient, aux vraies idées de prudence et
de sagesse , on disoit que sa volonté estoit araison-
née, iiue celte personne s araison)ioit on s' araisnoit.
« Les jeunes pucelles ne regardoient pas fort à leur
" voulenté qui n'estoit pas encore araisnnnée. »
(Percef. Vol. II, fol. -128, R° col. 2.) « Tous hommes
« hors des premiers mouvemens, lesquels... durent
» et tiennent aux uns plus, aux autres moins, se
« peuvent modérer et «rraïsoHHfr plus aisément. »
(Montbourcher, des Gages de bataille, fol. 28, R°.)
Tant pécha
Li mondes et folia,
Ke Diex el siècle envola
Le diluve ki noia
Fors Noë ki eschapa...
Par lui donc s'aresna.
Recrut et recommença
Li mondes dès -lors en cha.
Ane. Poél. fr. .MSS. av. 1300, T. H, p. 87i et 875.
On veut une chose, on se prépare à la réaliser
d'après une idée, une raison qui dirige la volonté
ou régare. De là, « s'cn'rt/.so/uicr à faire une chose, »
aura signifié vouloir faire une chose, s'y préparer
conformément à ses idées. (Voy. Araisniemf.nt.)
Cil qui se armisoitite ou se fonde
A parler d'amours tout au long.
Simple est : car hom tout ne veit onc.
Chasse et départ d'Amours, p. 115, col. 2.
Et cils qui au parler s'arine.
Les fist venir en un tropel (3),
Et dist ; Dimence a bonne estrine, etc.
Froissart, Poês. MSS. p. 293.
Il est au moins vraisemblable qu'en ces vers
l'orthographe ariner est une contraction du verbe
ara/sonner, comme l'orthographe urainer qui, dans
S' Bern. (Serm. fr. .mss. p. 57,) répond au latin
alloqui , interprété par arresiner dans le Gloss. du
P. Labbe, où il faut lire aresnier. Si l'orthographe
arranguier, en latin ajfari, n'étoit pas dans lemême
Glossaire une faute pour nrrang)iier, on croiroit
voir dans arrainer, arraigner, arranguier, contrac-
tions et altérations (ï araisonner, l'origine de notre
verbe haranguer (4). (Voy. Haranguer.)
VARIANTES :
ARAISONNER. Cotgrave et Nicot. Dict.
Araigner. Rom. de Perceval, MS. de B. n» 354, fol. 223.
Araignier. Etat des Offic. du D. de Bourgogne, p. 307.
Arainer. S' Bern. Serra, fr. MSS. p. 57.
Araisner. Eust. Desch. Poës. MSS. p. 236, col. 1.
Araisnier. Cléomadès, MS. de Gaignat, fol. 3S, 'V" col. 2.
ARjUsoner. Laurière, Gloss. du Dr. fr.
Arasoner. Anseis, MS. fol. M, V" col, 2.
Aregnier. Ane. Poës. fr. MS. du Vatican, n» 1522, fol. 162.
Arei-SUNer. Livres des Rois, MS. des Cordel. fol. 2, R».
Arenier. Chron. S' D. Rec. des Hist. de Fr. T. III, p. 157.
Aresner. Athis, MS. fol. 120, R" col. 1.
Aresnier. Ane. Poët. fr. MS. avant 1300, T. I, p. 304.
Aresoner. Fabl. MS. du R. n° 7218, fol. 361, V» col. 1.
.Aresonner. Athis, MS. fol. 71, R» col 2, etc.
Ariner. Froiss. Poës. MSS. p. 293, col. 1.
Arisner. Anseis, MS. fol. 59, 'V» col. \.
Arraigner. Tenures do Littleton, fol. 85, V".
Arrainer. Britlon, des Loix d'Angl. fol. 192, V».
Arrainier. Chron. S> D. Rec. des Hist. de Fr. T. III, p. 157.
Aruaisoner. Vie de S<= Calh. MS. de Sorb. chif. lx, col. 59.
Arraisonner. Percef. Vol. VI, fol. 42, R» col. 1.
Arranguier (peut-être Arraurpiier.) Gl. du P. Lab. p. 487.
Arranner. Britton, des Loix d'Angl. fol. 112, V".
Arrayner. Id. Ihid. fol. 148, R".
Arraysonner. Rom. de la Rose, vers 2394.
Arresiner (lisez Arvesnier.) Gloss. du P. Labbe, p. 488.
Arresneu. Fabl. MS. de S' Germ. fol. I, V» col. 2.
Arantelles, subst. fém. plur. Filandres. On
croit, d'après l'auteur du Spectacle de la Nature,
que les filandres qui volent en l'air dans les beaux
jours de l'automne, et qu'en Poitou l'on nomme
(1) blâme. — (2) Possesseur d'un franc tenement laissé à vie et à charge d'une rente. — (3) en une troupe, c'est-à-dire
les rassembla, (n. e.) — (4) Il n'y a aucun rapport entre ces deux mots : harangue vient de l'allemand rhing, cercle ; parler
à une assemblée rangée en cercle, (n. e.)
AR
— 101 -
AR
arantelles, c'est-à-dire toiles d'aragne, sont l'ou-
vrage d'une espèce d'araignée vagat)onde. (Voyez
Aragne.) Dans le cas où il seroit plus vrai de dire,
avec ie Seigneur du Fouilloux, que « les arantelles
« ne sont point filées des areignées, » la ressem-
blance de ces filandres aux fils d'araignée, seroit la
raison pour laquelle on les ■ànommés arantelles (1).
" Ne faut pas s'arresler à un las de resveurs qui
« disent que, quant on trouve des arantelles dedans
« la forme du pied de cerf, c'est signe qu'il va de
« hautes eri'es ;.... car incessamment les arau^e/Zt's
« tombent du ciel et ne sont point filées des arei-
« gnées : ce que j'ay vu par expérience d'un cerf
« qui passoil à cent pas de moy, là où j'allay sou-
« dainement voir ; je n'y sceu jamais estre à temps
« que les filandres ou aranlelles ne fussent tombées
■' dedans la forme du pied. » (Du Fouilloux, Vén.
fol. 29.— Voy. Mén. Dict. étym. — Dict. de Trévoux.)
VARI.iNTES :
ARANTELLES. Du FouUloux, Vén. fol. 29, R».
-Vrantèles. Dict. de Trévoux.
Arap, subst. masc. Acte de violence ; rapt, vol.
On fait violence à la femme ou à la fille qu'on ravit,
à l'homme dont on ravit le bien. Ainsi, arap peut
avoir signifié rapt, vol, en général acte de violence.
(Voy. Gloss. sur les Coût, de Beauvoisis. — Du
Gange, Gloss. lat. T. I, col. 623.) . Qui veaut appeller
« homme d'ara/) ou de brisseure du chemin, ou de
« force quel qu'elle soit, ou d'un marc d'argent ou
" de plus, ou d'autre chose de quoi l'on pert vie ou
" membre qui en est attaint ou prové, il doit, etc. »
(Assises de Jérusalem, chap. cv, p. 8i.) « Se feme
" qui ait baron veaut faire apeau de murtre, ou
« d'omecide, ou d'arap, ou de brisseure de chemin,
<' ou de chose en que ait bataille, etc. » (Ibid. chap.
r.vi. — Voyez Araper.)
Araper, vei'be. Prendre avec violence, avec
force. Tenir, se tenir avec force et violence. Il est
évident qu'araper est un verbe tel qu'est en latin
arripere, composé du verbe simple rapere , en
françois ravir ; qu'en le prononçant on exprime
autant qu'on le peut avec l'organe de la voix, une
idée de violence, de force, etc. " Le Suppliant rtm/jff
« ledit Pierre au col et lui donna de la canivete ou
« coustel qu'il tenoit en sa main. >• (D. Carpenlier,
Suppl. Gloss. lat. de Du Gange, au mot Arrapare;
tit. de 1456.)
De là, « s'arraper à une chose » signifioit tenir
fortement une chose, s'y tenir avec force et violence.
" Guillaume.... s'arrapa à l'un des bras de la dilte
« femme, en tirant à soy. » (Id. ibid. tit. de 1382.)
L'analogie de la signification de ce verbe araper
avec celle d'agrapper, agraffer(2), est d'autant plus
naturelle, que l'expression vocale et imitative des
choses et des idées est le principe général de la
formation d'une infinité de mots communs à diffé-
rentes langues. (Voy. Agr.^ffer.)
VARIANTES :
ARAPER. D. Carpentiar, S. Gl. lat. de D. C. T. I, col. 306.
Arraper. Id. ibid. tit. de 1382.
Aratoire, adj. Propre à labourer, qui est de
labour. Dans plusieurs Coutumes, les bœufs ara-
toires sont les bœufs qu'on nommoit quelquefois
arables ou bœufs d'arc^'. (Coût, de Marsan, au nouv.
Coût. gén. T. IV, p. 907. —Goût, de S" Sever, ibid.
p. 928. — Du Gange, Gloss. lat. T. I, col. 1246. —
Voyez Arable et Arée.)
Arbaleste, subst. /'ej/î. Arbalète (3) ; Baliste. Por-
tée d'arbalète. Arbalétrier. On décomposoit le nom
d'arbalesle ou d'arbalestre, formé d'arcus et balista,
en françois arc et baliste, lorsqu'on escrivoit arc à
baleste, ou arcq à balestre. « Soubs le nom de
>' bâtons d'armes emolues, sont compris arcq à
" balestre, arcq à la main, etc. » (Coût, de Hainaut,
au nouv. Coût. gén. T. II, p. 60.)
L'arbalesle portative étoit un arc de bois, de
corne ou d'acier, monté sur un fût que la corde de
l'arc débandé coupoit à angles droits. On peut voir
la figure de cette espèce d'arbalesle que le P. Daniel,
(Mil. Fr. T. I, p. 407,) a fait graver d'a;irès un mo-
nument du xu' ou du xiii' siècle, où étoit représenté
un piéton arbalestrier avec son armure. Il paroit
que la corde de Tare se tendoit avec la main, et que
pour l'amener plus facilement au point où il falloit
l'arrêter, on mettoit le pied et quelquefois les deux
pieds, dans l'espèce d'étrier qui est à l'extrémité
supérieure du fust de l'arbalesle. (Voy. le P.Daniel,
ubi supra. — Fauchet, Milice Fr. p. 121. — Philipp.
L. VII, p. 312.)
Telles furent sans doute les premières arbalestes
portatives , dont l'usage en France remonte au
commencement du xii" siècle (4). C'est avec une nom-
breuse troupe d'Archers et d'.\rbalestriers, en latin
« cum magnà militari Sagitlarià manu et Balista-
« rià, » que Louis VI attaque Drogon de Monchy.
On retrouve ces Archers et Arbaleslriers à l'attaque
et défense du château de Gournay assiégé par ce
Prince, qui occupa les premières années de son règne
à réprimer les violences de ses Vassaux rebelles.
« P>epellentes repellere insistunt, balistarios et
« sagittarios jacere compellunt. " (Du Chesne, Hist.
Franc. Script. T. IV, p. 284, 291, etc.)
Il résulte de ces passages, relatifs à l'histoire des
premières années du règne de Louis VI, parvenu à
la couronne en 1108, que l'usage des arbalestes
étoit connu dès le commencement du xii' siècle, et
(1) .irantetles signifie encore toile d'araignée en Berry, et vient de aranea et tela. Quoi qu'en dise du Fouilloux, les cerfs
ont ordinairement aux pieds des filandres en forme de toile d'araignée, (n. e.) — (2) Arapper a le sens et rétymologie
d'agrapper, agripper, agrafrr; on avait déjà en bas- latin grappa (Voir L. Quicberat, Addenda le.cicis latmis), qui sans Joute
vient du celte ou du haut allemand, (n. e.) — (3) Nous écrivons maintenant arbalète par un accent grave ; l'accent circonflexe
vaudrait mieux, puisqu'on écrit têle pour leste, (n. e.) — (4) On les connaissait à la fin du xi' siècle, comme le prouve le
vers 2265 de la Chanson de Roland ; « D'un {corr. plus qu') arch'xleste ne poet traire un quarrel. a Le moine Richer en parle
et elles sont représentées d^ms des miniatures du temps de Louis d'Outremer ; l<;s armées romaines du Bas-Empire en
firent aussi usage. (N. E.)
AR
102
AR
que par conséquent l'époque de ce même usage en
France, touche à celle de la première Croisade qui
finit en 1099. Peut-être que la forme de Varbniesie
portative, moins simple que celle de l'arc, étoit une
invention des Infidèles ; et qu'en se défendant
contre les Chrétiens, ils leur apprirent de quelle
utilité pouvoit être à la guerre cette arme offensive
et meurtrière, dont le second concile de Latran,
tenu l'an 1139, sous le pontificat d'Innocent II,
anathématisa l'usage, deux ans après l'avènement
de Louis VII au trône. < Artem illam mortiferam et
« Deo odihilem Ballistrariorum et Sagittariorum
« adversùs Christianos et Catholicos éxerceri de
« celero sub anathemate prohibemus. " (Harduini
concil. T. VI, part, n, col. I21i.)
Quelque prompte qu'ait été la soumission des
Franrois à l'autorité de ce Concile, qui semble
réserver pour les Infidèles une arme dont il n'in-
terdit l'usage odieux qu'entre les Chrétiens, il est
peu probable que quarante ou cinquante ans après le
décret du pape Innocent II, au commencement du
règne de Philippe-Auguste, cette arme fût inconnue
en France; et tellement inconnue, que dans ses
armées il n'y avoit pas un seul homme qui sût faire
usage de Vavbaleste. Ce témoignage de Guillaume
le Î3ielon , Poète historien de Philippe- Auguste ,
prouve seulement qu'alors les François respectoient
encore l'autorité apostolique, à laquelle ils avoient
sans doute obéi sous le règne de Louis VII, depuis
1139 jusqu'en 1180, année de la mort de ce Prince.
Mais au retour de la Croisade entreprise l'an 1188,
la guerre ayant duré quelques années entre la
France et l'Angleterre, Philippe-Auguste parut forcé
de partager la désobéissance de Richard, Cœur-de-
lion, qui sans crainte de l'anathème fulminé par le
Pape, avoit renouvelé l'usage de Varbaleste qui lui
fut futaie à lui-même. Il mourut en 1199, d'un coup
de flèche tiré par un Arbaleslrier. C'est une de ces
remarques qui ne prouvent rien, et qu'on aime à
faire parce qu'on aime le merveilleux. (Voy. le P.
Daniel, Ilist. de la MO. Fr. T. II, p. 424-'4'2G.)
Le commencement du xur siècle est donc l'épo-
que à laquelle on peut fixer l'usage constant des
arbalestes; usage que les François avoient pris,
laissé et repris dans le cours du siècle précédent.
Il paroit que le zèle d'Innocent III, pour la conser-
vation du peuple Chrétien, n'étoit pas moins ennemi
des Arbalestriers que celui de son prédécesseur
Innocent II, qui les avoit frappés d'anathème. Dans
le quatrième concile de Latran tenu l'an 1215, il les
appelle des hommes de sang. « NuUus quoque
« Clericusruptariis(l), autbalistariis, authuiusmodi
« viris sanguinum prœponatur. « (Harduini concil.
T. VII, col. 3.">.) On voit dans ce Concile une preuve
que Philippe-Auguste continuoit, au commencement
du xiii" siècle, l'usage de Varbaleste, qu'à la fin du
xn" il avoit renouvelé à l'imitation de Richard, roi
d'Angleterre. Cet usage (2) devint chaque jour plus
commun, puisqu'en 1230, Thibaud VI, comte de
Champagne, vouloit que « chascunsde la commune
« de Vitré qui auroit vaillant vingt livres, eust
« atibeleste en son ostel et quarriaux jusque cin-
« quante; » et que vers l'an 1250 ou 1251, du temps
de la première Croisade de S' Louis, » Symon de
" Monceliart estoit Mestre des Arbalestriers le Roi. »
(Voy. Du Cange, Gloss. lat. T. I, col. 275. — Join-
ville, Ilist. de S' Louis, p. 115; édit. de 1761.) Il
paroit qu'alors l'arc et Varbaleste étoient d'un égal
usage. « Nos Serjans à pié. . . . commencierent à
« hardier à eulx et d'arcz et d'arbalestres. « (Id.
ibid. p. 114.) Mais « on se servit dans la suite beau-
« coup plus des arbalètes que des arcs, par ce que
« les flèches étoient lancées avec plus de force par
« Varbalête ; que l'on miroit plus juste avec cette
« arme qu'avec l'arc ; et que le mouvement de la
« délente qui faisoit partir la flèche étoit bien plus
>< sûr que celui de la main qui débandoit l'arc. »
(Le P. Daniel, Mil. Fr. T. I, p. 426.) Ainsi l'usage de
Varbaleste subsista constamment depuis la fin du
règne de Philippe-Auguste, jusqu'au règne de Fran-
çois I" qui l'abolit presque entièrement en France,
excepté parmi les Gascons. (V. Id. ibid. p. 426 et 427.)
Les arbalestes portatives du xu' siècle et du com-
mencement du xur n'étoient pas aussi composées
qu'elles le furent, après qu'un long et continuel
usage les eût perfectionnées. On peut enjuger par la
comparaison de la forme d'une arbaleste que le P.
Daniel décrit [ubl supra, p. 423), avec la forme de
celle du Piéton-arbalêtrier qu'on voit représenté
(ibid. p. 407), et dont on a déjà parlé (3). L'une ne
ressemble à l'autre que pour les parties essentielles.
Ces premières arbalestes portatives étoient sans
doute très-semblables à celles dont il est mention
dans Fauchet, (Mil. Fr. p. 121 ;) « à ces arbalestes
« qui au hault de l'arbre avoient un fer en façon
« d'eslrier, pour, en mettant le pied dedans et en
« tirant à mont... le bout du bandage encorné, plus
« aisément bander l'arc. ■> Peut-être que Varbaleste
nommée arbaleste simple dans les Chron. d'Outre-
mer, (ms. de Berne, n° 113, fol. 1681) étoit une de
ces premières arbalestes, une arbaleste dont l'arc
se tendoit avec le pied et la main, ou seulement à
force de bras, sans le bandage qu'on nommoit pied
de chèvre, cranequin, à-l'armatot (4).
Ce bandage nommé pied de chèvre, parce qu'il
étoit fourchu du côté qu'il appuyoit sur Varbaleste
et la corde, étoit de bois, de corne ou de fer, comme
le cranequin que les Arbalestriers d'Allemagne, les
Cranequiniers portoient à leur ceinture. Il est pro-
bable que ce bandage étoit nommé cranequin, à
(1) Routiers ; c'était leur beau temps ; Philippe- Auguste en prit à son service pour conquérir la Normandie ; l'un de leurs
chefs, Cadoc, fut créé bailli de Gisors. (n. e.) — (2) L'arbalète alors en usage fut Varbalcte à étriev. (Voir p. 101, col. 2.)
Avant Saint-Louis, on employait Varbalùte à tour, mécanisme disposé le long de l'arme et qui dispensait de la renverser,
quand on tendait la corde, (n e.) — (3) On peut voir à la page 241 de l'Histoire du Costume, de M. Quicherat, un arbalétrier
de 1375 environ (B. N. ms. fr. 281.3), armant une arbalète à étrier. (n. e.) — (4) hu. xv siècle, on employait les arbalètes à.
tilloles, mot qui paraît signifier poulie; c'était Varbcdéte à tour transformée. 0'°''' Quicherat, 1. c, p. 306.) (n. e.)
AR
— 103 —
cause de quelque ressemblance avec le bec de la
mnH nn"i' ^"'''"'', ^T''''^'' Pe"l-èlre aussi le nom-
moû-on a- 1 armât ot, p;irce qu'au moyen du ban-
dage qu on adaptoit au fût de Yarbalelte, on avo t
bientôt mis cette arme en état de lancer une flèche
Dans un duel entre un Italien et un Gascon, celui-
ci ayant le choix des armes, envoya à son adversaire
" une bonne grosse arhaleste de passe, avec son
« bandage qu on appeloit ù-1'armatot et qu'on pen-
" doit a la ceinture. » L'Italien, forcé de combattre
avec une arme dont l'usage lui étoit étranger fut
vaincu par le Gascon à qui cette arme étoU fami-
fm'.ln 'T"' ''"^ ''■:Î"'^*' ^' rebandé, et tiré deux
. fois dans le corps du pauvre Italien, qu'il n'eut
«le loysir ny l'adresse de bander son arballeste. »
(Brantôme, sur les Duels, p. 81 et 82 — Vov Fm.
chet. Mil. Fr. - Le P. Daniel, Mil. Fr. T. 1, p 423)
On trouve dans cette anecdote une' preuve
év dente qu il y avoit des « arba/estes de passe por-
dP Si';; ''T"'''y'';''''/'^'^''«^«''''^'^«nt Catherine
£ f^û ^>™?' /o'^t à tirer, et tiroit fort bien.
Quand elle s alloit promener, faisoit porter son
.. ^'^^aleste a tallet;el quand elle voyoit quelque
« beau coup, elle tiroit. .. (Voy. Brantôme Dames
Illustres, p. 48.) Sans doute qu'il f^nuTlHaS
a jallet, espèce darbaleste avec laquelle on jetoit
des pierres rondes nommées jalet, auiourlrhu
galet, et au dé aut de ces pierres des petites 1 ouïes
de terre cuite. \ oy. Dict. de Trévoux, au mot Jalet)
JS'l'i/'"' e,^"t «'-^'^'s/^ à allais pour arba/csie
jaet dit que 1 arbalesle a gctai, étoit la même uue
kni oiu/p' 1 ^"Vf' ^i^^.^-arbalc.tc avec laquelle on
Kinçoit des boulets de pierre. (Voy. Cotgrave, Dict )
Or larbalese a ,/V//f^ qu'on assure avoii é^ a
même que Varbaleste à boulet, étoit portative • el
spécialement celle dont Catherine de Medicis aimoi
exercice. Il y avoit donc parmi les arbalcstes à
^Si^^;:s'' ''''''"'' '^«"^^ p^™"-
Il semble qu'on ait désigné toute espèce d'rt?-6«-
lesteportative,soaàjalet, soit« boulet ou de passe
en disant qu'on .. pouvoit la bander aus reins .na,'
conséquent sans tour, sans moulinet ni poulie
« Dehusseront... toute la grosse artillerie et autre
« qui n est point portative à cheval et ù pied et
« par especial ar;;«/cs/ts qu'on ne peut bander àus
« reins. »(J.Chartier, Hist.de Charles VII p 033 ^
Quoiqu on ait pu faire usage du tour pour les
arbalestes portatives et faciles à bander aux reins
Il sera toujours vrai de dire en général ni e?es
arbalestes qu-on ne pouvoit bander aux Sus
etoient celles qu'on nommoit arbalestes à tour'
dénomination sous laquelle pouvoient être réunies
nLn'J'f'T 'f *'"'^'' '^^ «'•'^a/estes de /msTlll
arbalestes (leehantelle, et toute autre espèce d'«?-
pSulS' ''^ ''"' '"^P^^^'^'e de bander sans tour ni
L'espèce d'arbalète avec laquelle Monet dit mr^n
lancoitdes boulets de cent livres, dés boulets ëm
celles avec lesquelles les Turcs lançoient anciemTe^ J
AR
foM)cP,''''iH'i"^/v"' riiistoire de Froissart, (Vol. II
t^iJïïHnSrs'iîSiïS^tsS
« a«rS ^^^f,'^^^-^^^ on k^fkoit'S;
chSSn o n riP 1. '^ // jusquau pied des murs du
l'iS rJ "* ;'"*^ " ^'"^l"e"e on vouloit donner
1 assaut. Chaque étage du passavant, ou du passe
étoit garni darbalestes, que par cette raison l'on
aura nommé arbalestes dépasse; . et lés Arïa es"
1' ssn nf/ '^"«f "iPO'^'- faire, quand on vSulo U
D ?, ■• ^^(^°>• froissart, V. III,p. 71 72 el 7S
eijm. J. , p. //. On a déjà observé qu'il v nvnif
rmpnf î'^r -'''1 '^' J""'' Portatives, e?llv consé
uet différentes de celles que Fauchet (Mil Fr
P^ 120 ) assimile aux ribaudequivs, qui, pour leur
pesanteur, demeuroient sur les murs des forte
resses, et qu'on bandoit à l'aide d'un to 1, mÏÏié
par un ou deux et quatre hommes. Lesarl>Steî
de 1 espèce de celles qu'on assimiloit aux r S£!
fjuuis ei qu'on distinguoit des arbalestes de DassP
portatives et faciles à bander aux reins eS les
nommant grandes ou fortes arbalestes de passf
etuient des arbalestes à tour. Aussi trouve-t-on mf^
tendre avec les mains une arbaleste "toui-, ou bS-
la''pîSuve'd'unp"r'?'''7''''^'''^'^ ^'^ passe,'c'étoit
daiSGarointn .-. ""^ de corps plus quhumainfe
uansbaigantua, a qui Rabelais, (T. I n l(î-, Uiif
et !S;. r -^ T:'^'' ^«'^tes «;^i/.i de p .ssè
et dans Gérard de Roussillon, qui, si l'on en croit
Ouf rpPf^r/H*^' demy a de longueur sa toise ".'
a"eval ifnt "v^^'^l ^ ^^^ "'^'"'^ estendoit,
Llieval et Chevaliers tout armés porfendoit •
Et tinllfà'" ''"°'' '"^ '■°^«^' en attour, '
tt tendoit a ses mains une arbalesle à tour.
Rom. de Ger. de Roussillon, MS. p. 8.
En effet, il n y a, dit Brantôme, « homme ni
» gean qui pût de la main, ou aux reins, c'estS dire
« sans tour m poulie, bander une de ces batistes
« de ces arbalestes à tour ou de passe : mais a ec
.' le tour nomme engin, du latin higenium rien de
« plus facile. » Aussi le Grand capital eGonsnKp
de Cordoue, à la gloire duquel l'esprit servit ?n?in?
et plus que la vaillance, prit-il pour ïeVs'e une
grande arba este de passe avec ces mots - ingenium
« superat vires, » pour signifier „ qu'il n'y a ?^
« belle force que l'esprit et l'industrie de l'hlmmè
: tanràPS.nf''*^';''^ P«"'-'^"t n'estouTofnt
AR
— 104 -
AR
La gfrosse arbalcsle de chantelle, ainsi nommée
peul-cire à cnused'une pii''cedel)Ois,d'inu'Iievalet,
en latin cantciius, sur lequel on la posoil comme
en cliantier, 6\o\[ sans doute une balisie de l'espèce
des grandes et fortes cirbalcstcs de passe, qui
étoient des nrbalestes à tour, avec lesquelles on
lançoit des traits qui bien souvent perfoient trois
et quatre hommes tout d"un seul coup, comme
Faucliet (Mil. Fr. p. 120,) l'atleste. « Feist le duc de
« Bourbon metti'c avant les grosses arbalcstres de
0 chanlelle au devant de la bataille des Anglois
« et lendemain par malin vint le comledeBourgui-
« gnan et ses Anglois en bataille rangée... devant la
« bastiedu duc de Bourbon ; et lui estant en bataille,
« Thomas le Genevois et Domiges feirent tirer la
« grosse arbalesle de chantelle en la bataille du
« Comte, qui lua deux hommes; dontfeurent esbahis
« les Anglois : car onques n'avoient veu si gros
« traict. » (Ilist. de Loys III, duc de Bourbon, p. OG.")
Quoique les canons et bombardes aient fait dis-
paroître les balisles et arbalètes, on trouve que
pendant plus de deux siècles l'usage des armes de
trait a subsisté en même temps que celui des armes
à feu ; armes non moins ennemies de prouesse que
les arbalestes et batistes, abhorrées de nos anciens
Chevaliers, comme « armes traiteresses avec quoi
« un coquin se tenant a couvert peu tuer un vail-
« tant homme de loin et par un trou. » (Yoy. le P.
Daniel, Mil. Fr. T. I, p. 411. - Fauchet, Mil. Fr.
p. 121 et 12-2. — M. Gaillard, Hist. de la Rivalité de
la France el de rAngletorre, T. II, p. 87.)
11 seroit facile de multiplier à l'infini les preuves
que pour la baliste et Yarbalête, il y avoit une
espèce particulière de flèches, que rarement on
lançoit avec l'arc. Ces flèches, dont le fer étoit
quarré se nommoient quarreaux; ou viretons,
parce qu'elles viroieni, tournoient en l'air, au
moyen des pennes qu'on y ajustoit pour l'équilibre.
On "lit dai;s la vie de Louis VI, par Suger, que Raoul
de Vermandois eut un œil crevé d'un quarreau
d'arbalète. (Voy. Duchesne, Hist. Fr. T. IV, p. 317.
— Le P. Daniel, Mil. Fr. T. I, p. 417, 418 et 419.)
« Au son du siblet saillirent bien de la sente de la
« galie quatre vingts Arbalestriersbien appai'eillés,
« les arbaleslvcs montées, et misirent maintenant
« les carriaux en coche. " (Joinville, Hist. de-
S' Louis, p. 80; édit. de 1701.) <■ N'avoient point
« remis n'appoincté autres quarreaux au poinct de
« leurs arbalestres. » (Monstrelet, Vol. I, chap. 24,
fol. 19.) « Les Arbalestiers Genevois ne failloyent
« là où ils visoyent; si en y eut de frapés.... de ces
« longs viretons parmy leurs testes. » (Froissart,
Vol. m, p. 68.)
On connoit les différentes mélonymies par
lesquelles arbaleste a signifié 1° portée ù'arbalête :
« Estoil li forest près ù deux arbales^trcs. » (Fabl.
ws. du R. n° 7989, fol. 77. — Voy. Arbalestée.)
2° Arbalétrier : « Menons avec nos.... deux mil
« Arbalestriers qui ont arbalestres à lor, et trois
« mil arbalestres simples. ■> (Chron. d'Outrem«r,
ws. de Berne, n° 113, fol. 1(58. — Voy. Arbalestier.)
3° Peut-être meurtrière, ouverture, fente par
laquelle on pouvoit, étant à couvert, tirer de Yarba-
lête. " Se retira en une tour en bas, oîi il y avoit
>< de petites rt/'ftrt/cî^f.s et fenestres bien estroi-
« tes. Toutes fois on lui percea les deux cuisses
" d'une lance, par une des lucarnes. » (Hist. de la
Pucelle d'Orléans, p. 499. — Voy. Arbalestiere.)
VARIANTES :
ARBALESTE. Gcr. de RoussUlon, MS. p. 8.
Arbalesthe. ViHehardouin, p. 66.
ARBALETE. Monet, Dict.
Ahballeste. Brantôme, sur les Duels, p. 81.
Arrastre (cor. Ai-ba!eslre.) Athis, MS. fol. 66.
Arbei.este. .Toinville, p. 39.
Aubeleste Du Cange, Gloss. lat. T. I, col. 275.
Aubelestre. Id. ibid. Rom. de Garin, MS.
Arbalestée, siibst. fém. Portée d'arbalète.
L'espace que parcourt le trait d'une arbaleste étant
en proportion du plus ou moins de force avec
laquelle il étoit lancé, on ne peut déterminer avec
précision quelle longueur, quelle distance on dési-
gnoit par un trait (\' arbalestée, par une arbalestée.
« Li dux de Venise.... ot ses nés, el ses uissiers, et
« ses vaissiaux ordenez d'un front; et cil front
« duroit bien trois arbalestrées. « (ViHehardouin,
p. 06.) » Quant ilz vindient au fret d'une arbales-
« trée, ilz ferirent des espérons, etc. » (Modus et
Racio, MS. fol. 299 V".)
I.e pas que j'ai ci devisé,
Où cil sont de guerre atisé,...
lert bien à trois arbalentées,
S'au certain dire me déport,
Loin de Gravelingues le port.
G. Guiarl, MS. fol. 279, Rv
On concluroit sans doute du particulier au géné-
ral, si l'on disoit que la distance d'une arbalestée,
d'une portée d'arbalesle étoit de deux arpens, par
la raison qu'être ii un arpent ou à demie arbalestée
paroit avoir désigné une égale distance. ■■ Je vous
" pry que, sitost comme nous serons à un arpent
« près d'eulx, nous descendons tous à pié;....et
« quand ilz furent près d'eulx comme à demie
« arbalestée, illec descendirent à pié et se rengé-
» rentemmi le pré. « (Hist. de B. du Guesclin, par
Ménard, p. 416 et 417.)
VARIANTES :
ARBALESTÉE. ViHehardouin, p. 63.
Arbalestrée. Hist. de Loys III, D. de Bourbon, p. 46.
Arbelestrée. Chron. S' Denys, T. II, fol 197, V».
Arbalestel, stibst. mase. pliir. Arbalètes.
On croit que ce mot est le même qu'arbaleste dont
on alléroit la terminaison en faveur de la mesure
el de la rime.
En la plus maistre tor sont cent arbaleslel ;
El se getent ensanle quatorze mangonel.
Rom. d'Alexandre, MS. du R. n- 61187, fol. 212, R- col. 1.
11 est probable que l'expression barbeoite d'arba-
lestiax, est une allusion aux baibes des plumes
avec lesquelles on garnissoit quelquefois les traits
d'arbalète. (Voy. Fabl. ms. du R. n" 7989, fol. 45,
V° col. 1 ; Var. du ms. de Berne, n' 351.)
Par une métonymie semblable à celle d'après
laquelle arbaleste a signifié arbalétrier, le mot arba-
lestel ou arbalestiaus pourroit avoir la même signi-
AR
— 105 -
ification dans quelques-uns de nos anciens Poètes
Tel est par exemple, celui qui, comparant àlVxPr
çice de l'arbalète ou de Farbal^^trier iSvité d'un
jeune homme plus robuste que délica? en amour"
Li novices petit sent
Damour, ne de ses reviaus •
Li gieus des arbalestiaux '
Soufist si fais emplumés
... . .Li saiges qi est amés,
Kl bien connoist kamours li puet valoir
A plus soufisaument joious voloir '
Ane. Poes. fr. MS. du Valic. n- J490, fol. 107. R-,
ARBALKSTRAus. Fabl. MS. du R no TQsi^ubt'supra.
AR
Arbalestier, stibst. masc. Arbalétrier On
observera que par la raison qu'aujourd'hu il'on hpp
fère à l'orthographe arbalètre celle d'arb'lète n"
En cherchant à fixer les époques auxauellP^ ^
commence et cessé pour un temps reconXencée^
cesse pour toujours l'usage de l\^rba!tHe ^5? '
qu 11 tut aboli, « on ne se servoit plus euère d'Ar
« baletners en France vers le milieu du rè^ned;
« traneois I" : je dis en France ; car on s'en servni^
" "rî^'T f.? Angleterre sur là tin du rèoïe ÏÏ
(Voy T1 'Dànie^t'r"^'^'■|^"'^ deLouls.xflI.'!
V*uy le 1-. Daniel, Mil. l-r. p. 42G et 4t>7 i
S. 1 on en croit Brantôme, les Anglois apprirent
aux Gascons 1 exerces de l'arbalèfe • m^ic if
mmmm
msmm
mâêmm
Philippe de Valois . en envoya quérir jusnue. à
■wvni nf Arbalestriers Genevois, dit Froissart
S nf^r"' P""' ^^P't^""'^ généraUiarquePde
sous le rè'-ne de PhVriAc vt ' • ^- ***"'•) *^" '™"ve
« Convient avnrri, ■ ' ('°y- A"1!aleste.
croc. etc. » (Le Jouvencel, ms. p. '291 ] '
n 9sr. "^ ,V.', 'f-^es Ulfic. des D. de Bour^oo-np
« dit Fauchet (Mil F- n Vi^ '■ '' ^ *^" ^™it'
eto'ttïitsru7irrSe'dret''^ ' ^^-^'
son fils aîné Charles Lie.ftennn '^f^^b P"'''^"^
accepta par ses Let'ris' du 'mo' 'de 1évru7'l r ,■ '
1 otïre que les Etats du Languedoc n t nt'd lîl
mvarbart d- -^" "" -""g"c"w lui nrent de 1 ai-
14
AR
— 106 -
AR
der d-un corps à' Arbalétriers dont moitié seroit à
%;itô^ris^:a^=-'--^T'^
Sm à che^^l, qui eonçourujeut au succès d^^
„ appelloilCranequiniers »(\oy. bauUiei,Hu. ^
^TJfrbalestriers h pied comme les ^rbaZesfWers
T I n S8'»et6Gl. — Ibid. l.ilU P- "— • "
cliet Mifr'-P 121-) ces Gens-d-armes ou sergents
WsÊiséMm
: fourSroltJ Ès paroisses ou aUleurs, s. cens
., des paroisses n-estoient souffisanz . . •,• •/\,"f
=ix il vpii aura deux il r/^a/csinm. » ^Ord. T. I,
; 38i insensiblement les non Nobles, toujours si
rpiiibie 1355, dans lesquelles on lil . « Pour ce que
f Sucuni de'noz Subgiez se «venturero.ent vo on-
„ tiprs "i o-rever noz ennemis en coi ps et en meub
l pf de ceie lefraingnenl aucune fois, pour ce que
nofueultenans, gonnestables, Admiraulx, Mais-
« l^£^Arbalesriers, Trésoriers des guerres e
Sresde noz Officiers demandent et rec ameiU
« aucuns droits, parts ou portions es geignes ou
. es pilles faites sur noz ennemis nous orde-
, nan^ fiiip chascun puisse prendre, gaignier et
S- sur noz diz ennemis, senz ce que aucuns
de noz Officiers dessusdiz, ou autres, y puissent
deiSderoureclamerpailoupourcion,ouaucui
S? se ainsi n'est qu^^eulz ou leurs genz soient
.. •> la besoingne. • (Ord. T. 111, p. 35 et 36.)
La saoesse de Charles V, son (ils et son succes-
seu? ^t dans ce patriotisme les moyens de reparer
e malheur de l'Etat, et les calcula. Par ses Lettres
fin 10 iuillet 1367. « 11 enjoint et commande à tous
\\lS^sllArbalestriÀs demourans en ses bon-
nes villes qu'ils se mettent en estât ; et que pai
es Gouverneurs en chacune d'icelles villes soil
sceu queTnombre d'Archiers et Arbalestriersy
a et combien on en pourroit avoir, se besoin
estoit • et de ce facent registre en cliascune viiie
I sur'lSut le certifient au P'uslost qu ds pour-
ront; et avecques ce enjoignent et induisent
toutes jeunes gens à exerc.ter, continuer ^l ap-
„ nrendre le fait et manière detran-e » (Oïd. i. iv,
p Ï6 1 est probable que le peuple devenu tout-à-
fait -uenier seconda en général la politique de ce
Priife en oubliant les jeux de hasard et en prefé-
rânà'tout exercice non-seulement de l'espri mais
du"tor s'celui de l'arc et de l'arbalète , çon ormé-
menl k l'Ordonnance du 3 avril 1309 ou on ht
Défendons tous geux de dez,de tables de Palmes,
de quilles, de palet, de soûles, de bil es et tous
autres telz geux, qui ne cheenl PO" .^.^^^^/f [
ne habiliter nos Subjez a fait et nsa.ge d armes, à
„ la delTense de nostre 'oyanme ;..... et o.denons
■■ nue noz diz Sub ez prennent.... leuis geux et
Ssbatemenl à eul.exfrcer et habiliter en faïc de
traict d'arc ou à-arbaleslrçs et ^^ent ^^eurs
dons aux mieulx traians. » Ord. T. V, p. 'iii-]
AÎÏrs on V t dans la plupart des villes du royaume
comme Paris, Rouen, Caen, Amiens, Laon , etc. se
forïef des cônfrairiès(l), descoUéges desconne a-
hiips (VArbalestr ers, auxquels le bomerain accoi
Soft des pSiléges et franchises, en reconnoissance
dps services qu'ils avoient rendus, et dans la vue
de les encourager à en rendre qui fussent plus
^^nSaîèment utiles. » Pour ce que dignes sont de
^'?£Suon ceulx qui.pour le bien du rogume
se exDOsent et offrent a exposer ebpetialement
fpufsDropres corps, si comme sont les Arbales-
?mqu?jà très agréables services nous on
a cSsideransquepar eulx pourront avenir
, nnllde biens à nous et au royaume ou fait des
Ses et que es bonnes villes de Rouen , d A-
; ISs, d'Arras, de Saint Omer les Arf,«/.sr.m
» nui V sont ont certains privilèges, no s »"■;
Vrbalcstiers de la confraerie de monsieur Saint
D le nostre dicte ville de Paris , . donnons
. Pt oclrovons . . privilèges , franchises et liber-
tez . (Ord T 111%. sGl.) -> Les Arbalestners du
cSiége de Rouen de la connestabl.e de Laon de
roniDiegne etc. s'obligèrent comme les Aibales-
: SSTaconfrairiedeParis, à servir en ous
;'„*i «"diSVce zèle une nouvelle acu.ite
aCbalétes de la page 290 à la page 292. (n. e.)
AR
— 107 —
AR
par une exemption semblable à celle que les Arba-
lestriers de la Rochelle obtinrent de Charles V.
« Oclroïons... à tous Arbalestriers... demourans et
« residans en ladicte ville de la Rochelle, que pour
« quelconques sièges, osts , chevauchées, ou ar-
« mées.... ne puissent estre contrains.... à saillir
« hors de ladicte ville.... se ce n'estoit par leur
« propre voulante et assentement. » (Ord. T. V,
page 636.)
Ces confrairies, ces collèges, ces connestablies
d'Arhalestriers, qu'on formoit de Télite des Arba-
lestriers des villes, avoient des chefs particuliers
qu'on nommoit Prevosts , Connestables , Maistres
d' Arbalestriers. (Vov. Ord. T. III, p. 360. — Ibid.
T. V, p. 22. — Ibid."T. VI, p. 540. - Coût. gén.
T. I, p. 108.) Les Arbalestriers qui n'étant pas admis
dans ces compagnies, n'avoient point de chefs sous
les ordres desquels ils pussent comme les autres se
rassembler en temps de guerre, étoient sans doute
du nombre de ces « Piétons et Gens-d'armes qui
« sans maistres ne chevetaine se rendoient à l'armée
« par menues parties. Alors le Connestable , les
« Mareschaux, les Maistres des Arbalestriers , ou
« autres à qui il appartenoit, choisissoient un Che-
« valiersouffisantetlui bailloientetaccomplissoient
« une route de vingt cinq ou de trente hommes
« d'armes. On meltôit touz les Piétons par connes-
« tablies et compaignies de même nombre d'hom-
« mes. .. (Ord. T. IV, p. 69 et 70.)
Il est probable que les Prévôts, Connestables, ou
maîtres particuliers d'Arbalétriers marchoient ;'i la
tète de leurs compagnies, sous la bannière d'Offi-
ciers généraux qu'on nommoit aussi Maistres des
Arbalestriers, et auxquels les maîtres particuliers
obéissoient, comme les Capitaines des Arbalétriers
Génois obéissoient îi un Capitaine général. (Voy.
Ord. T. V, p. 651.) « Les Maistres des Arbalestriers,
« sans estre Barons, ne Benneretz , de tant qu'ilz
« étoient Officiers par dignitez de leurs offices ,
« pouvoient porter benniere. » (Voy. La Salade,
fol. 51. ) Peut-être qu'en réunissant plusieurs com-
pagnies d'.lî'/>fl/c7r/É'?'S en corps, on mettoit à la
tête de chaque corps un Maislre général des Arba-
lestriers. On croit avoir quelque raison de soup-
çonner que dans les armées il y avoit plusieurs
Maistres généraux des Arimlestriers, lorsque dans
deux Ordonnances du Roi Jean, on lit : « Nous vou-
« Ions et ordenons que par nostre Connestable ,
« Mareschaux, Maistresdes,lrb«/cs//v>?"s, ou autres
« à qui il appartiendra, soit regardé , etc. » fOrd.
T. IV, p. 69.) « Que aucuns, soit du lignage du Roy,
« ses Lieuxtenans , Connestable, Mareschaulx ,
« Maistres des Arbalestriers, Maistres du Parle-
« ment, etc. » (Ibid. T. II, p. 406.)
Si notre conjecture sur la pluralité de ces Maistres
des Arbalestriers est fondée, l'on reconnoîtra qu'ils
n'ont pas plus de droit que le Capitaine général des
Arbalétriers Génois, à une place parmi les Maistres
des Arbalestriers qu'on a sans doute voulu distin-
guer des autres, en les nommant quelquefois Mais-
tres des Arbalestriers le Roy, Maistres des Arbales-
triers de France, Grands-maistres d&s Arbalestriers.
(Voy. Joinville, llist. de S' Louis, p. 115; édit. de
1761. — Froissart, Vol. I, pages 182, 3.50 et 381 —
Monstrelet, Vol. I, fol. 29 et 154. — Du Tillet, Rec.
des Roys de France , leur Couronne et Maison ,
p. 282. — Brantôme, Cap. Fr. T. IV, p. 42.) Il est
possible que faute de cette même distinction pres-
que toujours omise, quelques Maistres des Arbales-
triers qui n'étoient cas Grands-maislres, aient été
inscrits dans la liste des Grands-maitres des Arba-
létriers de France, comme l'on y a inscrit Marc de
Grimant, Ecuyer, créé Capitaine' général des Arba-
lestriers Génois, par Lettres de Charles V, datées
de Vincennes, le 6 décembre 1373. La preuve que
ce Capitaine général n'éloit pas Grand-maître des
Arbalétriers et qu'on peut se défier de l'exactitude
de la liste de ces Grands-officiers , depuis Symon
de Monceliart, Mestre des Arbalestriers ie Roy, sous
le règne de S' Louis, jusqu'à Aimar de Prie, dernier
Grand-maître des Arbalétriers, sous celui de Fran-
çois I"; c'est qu'en 1374, Hugues de Chastillon,
seigneur de Dampierre, placé dans la liste comme
prédécesseur de Marc de Grimaut, seigneur d'Anti-
bes, étoit encore en possession de cette charge.
Dans une Ordonnance du mois d'octobre 1374, il
est nommé après les Maréchaux et Amiraux, et
avant le Panetier de France, pour assister, comme
Maistre des Arbalestriers, au Conseil de la tutelle
des enfans mineurs de Charles-le-Sage. (Ord. T. 'V,
p. 651. — Ibid. T. VI, p. 52. — Joinville , Hist. de
S' Louis, p. 115; édit. de 1761. — Du Tillet, Rec.
des Rois de France, leur Couronne et Maison, page
283. — Le P. Daniel, Mil. Fr. T. I, p. 198 et 199.)
On trouve partout les preuves de la prééminence
des Maréchaux sur les Maîtres des Arbalestriers. Si
le Maréchal nommoit quatre Lieutenans pour rece-
voir les monstres de toutes manières de gens , le
Maislre des Arbalestriers n'en pouvoil nommer que
ung pour recevoir les gens de son hostel seulement.
(Voy. Ord. T. V, p. 658 et 659.) Néanmoins leurs
fonctions paroissent avoir eu dans le xiv siècle des .
rapports qui, à certains égards , supposoient une
espèce d'égalité. Philippe-le-Long, par ses Lettres
du 10 juillet 1319, ordonne que " l'en ne paie nuls
» deniers à gens d'armes jusques à tant que le
« Mareschal ou le Mestre des Arbalestriers lesayent
« reçeus deuement. » (Ord. T. I, p. 661.) Dans une
Ordonnance du Roi Jean, datée du 30 avril 1351, on
lit : « Von I ans que les Mareschaux, les Mestres des
« A7'balestriers e[ ixulres h qui il appartendra, en
« leurs personnes,.... voient et reçoivent les mons-
« très, afin que les Gens d'armes, etc. » (Ord.
T. IV, p. 70.)
Les Clercs des Arbalestriers étoient, relativement
aux Maistres des Arbalestriers , ce qu'étoient aux
Mareschaux les Trésoriers de la guerre. « Fera
» chascun l'office qui Mui appartient; c'est assavoir
« le Trésorier de la guerre, ce qui li appartient par
« devers les Mareschaux, et le Clerc des Arbales-
« îm?'s, ce qui touche le Mestre des. l/'(*rt/es<?v'é'?'s. »
(Ord. T. I, p. 661.) Charles V, toujours occupé de
ÀR
— 108 —
AR
prévenir les abus ou de les réformer, ordonna, n'é-
tant encore que Régent du Royaume, qn'h l'avenir
il n'y aiiroil qu'un Clerc en l'office de la clergie des
Arbalestriers, et pourvut de cet office Jehan de
rOspital. (Voy. Ord. ï. III, p. 387 et 31)1.)
On conçoit qu'en autorisant une espèce de con-
currence entre les Maistres des Arbalestriers et les
Mareschaux, dans l'exercice de leur cliarge, on
occasionna les débats qui furent enfin terminés, à
l'avantage des Maréchaux, sous le règne de Charles
VI. « Les Arbalestiers, Archers et Canonniersayans
« les Maistres des Arbalestiers et de l'Artillerie
« leurs supérieurs, débatoient n'estre sous la charge
« des Mareschaux. Le Roi Charles VI sur ce débat
« meu entre le mareschal Bouciquault et Jehan
« sieur de Ilangest Maistre des Arbalestiers de
« France, le '22 avril liH, déclara que la congnois-
« sance desdils Arbalestiers, Archiers et Canonniers
« appartenoil et appartiendroit perpétuellement, et
a la réception de leurs monstres et reveues ausdits
« Mareschaux. » (DuTillet, Rec. des Roys de France,
leur Couronne et Maison, p. 282. — Voyez le P.
Daniel, Mil. Fr. T. I, p. 193.)
Quand on sait que parmi les Arbalestriers il y
avoit des Arbalestriers à cheval ; que la charge de
Colonel de l'Infanterie n'avoit point de jurisdiction
sur aucune Cavalerie; que tout ce qui regardoit
l'ancienne et la nouvelle Artillerie n'a jamais eu
aucune dépendance du Colonel général ; enfin que
l'ancienne Artillerie étoit toute sous le Grand-
maitre des Arbalétriers de France ; on ne peut être
de l'avis du savant Du Tillet, qui croyoit qu'au
Maistre des Arbalestiers avoit succédé le Couronnel
de l'Infanterie. Cette opinion que Brantôme adoptoit
comme la plus vraisemblable, l'est pourtant moins
que celle qu'il rejetoil , en contrariant ceux qui
avoientditque « leGrand-maistredes.lr&a/t;s;)7C/'s
Il étoit ce que de son temps on disoil le Grand-
« maistre de l'Artillerie. » (Voy. Du Tillet, ubi
supra, p. 282. -Brantôme, Cap. Fr. T. IV, p. 42 et 43.)
Anciennenientonnommoitartilleiie,les machines
de guerre à l'usage desquelles on a insensiblement
substitué celui dès canons et autres armes à feu,
tant pour les sièges que pour les batailles. Il y avoit
même des arbalestes qui faisoient partie de la grosse
artillerie ; et la signification d'Artillier étoit la même
que celle d'Arbalestrier, selon Cotgrave, un faiseur
d'arbalètes. « Délaisseront en icelle place toute la
« grosse artillerie et par espécial arbalesles
« qu'on ne peut bander aux reins. » (J. Chartier,
Hist. de Charles VII, p. 233.) « Jehan li Ermin qui
<■ estoit Artillier le Roy, ala lors à Damas pour
« acheter cornes et glus pour faire arbalestres. »
(Joinville, Hist. de S' Louis, p. 93; édit. de 1761.)
On peut voir dans le P. Daniel (Mil. Fr. T. I, p. 195
et 196,) la preuve que ces Arlilliers ou Maîtres par-
ticuliers de l'artillerie d'une ville, d'une forteresse,
ou d'un château, faisoient non-seulement les arcs,
les arbalètes, les flèches, mais qu'ils construisoient
toutes les machines nécessaires pour l'attaque et la
défense des places ; qu'on leur conlioit l'entretien
et la garde de cette ancienne artillerie, sous l'ins-
pection du Grand-maitre des Arbalétriers. Il parolt
même qu'au moins pendant quelque temps encore
après l'invention de la nouvelle artillerie, les
Artilliers en général reconnurent sa jurisdiction,
puisque sur la fin du xiv siècle, ce Maistie des
Arbalestriers avoit cognoissance des Maistres d'en-
gins, de Canonniers, de Charpentiers, de Fossiers,
et de toute l'artillerie de l'Ost. Voici quelles étoient
ses anciennes prérogatives et ses fonctions. " Le
« Maistre des Arbalestriers, de son droit a toute la
" cure, garde et administration avec cognoissance
« des gens estans à pied en l'ost ou chevauchée du
« Roy ; de tous Arbalestriers, Archers ; des Maistres
« d'engins, de Canonniers, de Charpentiers, de
« Fossiers et de toute l'artillerie de l'ost, à toutes
« les monstres: a l'ordonnance sur ce ; à la bataille
« premier assiet les escoutes, et envoyé querre le
" cry de la nuict. Et se ville, forteresse ou chasteau
n est prins, à luy appartient toute l'artillerie quelle
« qu'elle soit qui trouvée est ; et se de l'artillerie
« du Roy est commencé à traire sur les ennemis,
« le remanant de l'artillerie est à luy. Item a de
« son droict les oyes et chèvres qui sont prinses en
« fait de pillage sur les ennemis du Roy. » iBouteil-
1er, Som. rur. liv. n, p. 898.) Il est évident que
dans l'Histoire des Grands Officiers de la Couronne
(T. H, p. 1058,) et la Milice Françoise du P. Daniel
(T. I, p. 192,) l'Extrait du registre des titres de
Rochechouart-Chandenier, est une copie de cette
énumération des fonctions et anciennes prérogatives
du Grand-maître des Arbalétriers ; et qu'au îieu de
ces mots « a toute la cour, » il faut lire dans
l'Extrait comme dans la Somme rurale, « a toute la
« cure. » On s'en convaincra par la comparaison.
En résumant ce qu'on a dit relativement, soit à
la différence entre le Colonel d'Infanterie et le
Maître des Arbalétriers, soit à la ressemblance entre
le Maître des Arbalétriers et le Maître de l'Artillerie,
on trouve que le Colonel de l'Infanterie n'ayant
jamais eu d'inspection sur aucune Cavalerie, ne
peut en avoir eu sav les, Arbalétriers achevai ; qu'il
n'en eut jamais aucune sur l'ancienne et la nouvelle
Artillerie ; qu'au contraire l'ancienne Artillerie et
même la nouvelle, ont été sous la dépendance du
Maître des Arbalétriers; que par conséquent il y a
eu un rapport réel entre sa charge ef celle du .Maître
de l'Artillerie; et que ce rapport est une raison de
croire que « la dignité de Grand-maitre de l'Artille-
« ne d'aujourd'hui, représente beaucoup mieux
« celle de Grand-maître des Arbalétriers que la
« dignité du Colonel de l'Infanterie. » (Voy. le P.
Daniel, Mil. Fr. T. I, p. 195.) Peut-être prouveroit'
on encore celte ressemblance en observant que
dans l'Histoire de S" Louis, p. 101, publiée en 1668,
d'après les éditions de Claude Mesnard, et d'Antoine-
Pierre de Rieux qui sous prétexte de polir le texte
de son manuscrit l'avoit défiguré, le titre de Maistre
de l'Artillerie le Roi répond l'i celui de Mestre des
Arbalestiers dans la même Histoire, p. 113, édition
de 1761, conforme à un Manuscrit du xiv siècle.
AR
— 109
AR
Enfin, l'on pense avec le P. Daniel, que toute
l'Artillerie, « même la nouvelle depuis l'invention
« delà poudre, fut dans le district du Grand-maitre
« des Arbalétriers au moinsjusqu'au règne de Louis
« XI, el que sous le règne de ce Prince la charge
« de Mailre de l'Artillerie, c'est-a-dire du canon,
» des armes à feu, des Mineurs et des Officiers qui
« servoient à cette nouvelle artillerie, fut déinem-
« brée de la charge de Grand-maitredes.4 rbalêtriers,
« et soustraite à son intendance (1). ■> (Voy. Mil. Fr.
T. I, p. 197 etl'JS.)
variantes:
ARBALESTIER. Fauchet, Mil. Fr. p. IH.
Arbalestrier. Ord. T. I, p. 383.
Arbaletieh, Arbalétrier. Monet, Dict.
Akbeletrier Ord. T. III, p. 298.
Arbestiek (corr. Arbalesticy.) Ord. T. VI, p. 538.
Hahbeletrieb. Ord. T. III, p. 435.
Arbalestiei-e,s;/bs^/'t!?«. Espèce de meurtrière.
(Voy. Arbaleste.) Fente par laquelle on lant^'Oit, à
couvert, les traits d"arbalête.
Là endroit séoit un moulin,...
Dont les ais n'ièrenl pas entières,
Mes garnies d'arbalestieres.
G. Guiarl, MS. fol. 295, Vv
VARIANTES :
ARBALESTIERE. G. Guiart, MS. fol. 295, V°.
.Arbalatiere. Brantôme, Cap. Fr. T. II, p. 18.
Arban (2), subst. masc. Amende pour défaut de
service militaire, de service exigible par le Seigneur
souverain. Service ou devoir tel que la corvée,
exigible par un Seigneur féodal. Comparaisons
relatives h l'idée des corvées. Service militaire et
personnel, exigible par un Seigneur féodal. Convo-
cation par le Seigneur féodal, de ses vassaux, pour
le service du Seigneur souverain. Convocation
itérative par le Seigneur souverain, des Nobles et
Non-nobles sujets au service féodal el coutumier,
pour service extraordinaire. Convocation générale
par le Seigneur souverain, pour service extraordi-
naire. Réunion, assemblée des personnes générale-
ment convoquées pour service extraordinaire.
Forces réunies, dernier effort. On observera que
dans les principes de l'ancienne constitution de la
Monarchie, tout homme libre, ù raison de sa pos-
session bénéficiaire ou allodiale, devoit le service
militaire. « llomnis //^er /(OHio qui quatuor mansos
« vestitos de proprio suo, sive ùealiciijus beneficio
« habet, ipse se pneparet, el ipse in hoston pergat,
« sive cum seniore suo. » (Baluz. Capitul. Reg. fr.
T. I, col. 489.)
La portion de fonds et terres, pour laquelle on
exigeoit ce service, n'étoit pas toujours la même.
Elle paroit avoir varié relativement à la nécessité
plus ou moins grande de multiplier les défenseurs
de la Patrie. « Quicumque liber mansos quinque
« de proprielate habere videtur, in hostem venial.
« Et qui quatuor mansos habet, similiter facial.
« Qui Ires habere videtur, similiter agat. » (Id.
ibid. col. 457.)
Quant aux hommes libres, possesseurs des deux
tiers, de la moitié, d'un tiers, d'un quart, d'un
sixième de cette portion de fonds el terres, pour la
totalité de laquelle le service d'un homme libre
étoit exigible, on les associoit en nombre suffisant
pour former une portion totale ; et le service mili-
taire auquel cette portion ainsi formée les assujet-
lissoit, se faisoil par un seul homme libre, que son
associé ou ses associés dévoient aider. » Qui verè
<• très mansos de proprio habuerit huic adjungaiur
« unusqui unum mansum habeatetdet illi adjuto-
" rium ut ille pro ambobus ire possit. Qui autem
« duos mansos tanlùm de proprio habet, jungatur
« illi aller qui similiter duos mansos liabeat ; et
« unusexeis,allero illi adjuvante, pergal in hoslem.
« Qui etiam unum tantum mansum de proprio
« habet, adjungantur ei très qui similiter habeant, et
« dent ei adjulorium , et ille tanliim pergal
« Ubicunque autem Ires fuerint invenli quorum
« unusquisque mansum unuin habeal, duo ierlium
« prœparai e faciant ; ex quibus qui melius polest,
« in hoslem venial. Illi verô qui dimidios mansos
« habent, quinque sextum prœparare faciant. »
(Baluz. Capitul. Reg. fr. T. 1, col. 457. 458, 489 et
490.) Il y avoil même telle circonstance où la
jouissance seule de la liberté , sans propriété de
terres , sans possession allodiale , obligeoit les
hommes libres à contribuer en argent à la défense
du Royaume. « Qui sic pauper inventus fuerit qui
" nec mancipia nec propriain possessionem terra-
■< rum habeat, tamen in pretio valente quinque
« solidos, quinque sextum prœparent. » {Id. ibid.
col. 458.)
On a la preuve que sous les règnes de Louis-le-
Debonnaire et de Charles-le-Chauve, la loi du service
militaire étoil la même que sous le règne de Char-
lemagne. « Comités, vel Missi nostri diligenter
« inquirant quanti homines liberi in singulis comi-
» talibus maneant qui per se possunt expedilionem
« exercilatem facere, vel quanti de his quibus unus
« alium adjuvet, etc. » (Id. ibid. T. II, col. 187.)
Lorsque par un Capitulaire déjà cité, Charlemagne
oblige au service militaire tout homme libre, pro-
priétaire ou usufruitier d'une portion de fonds et
terres, déterminée par la loi, il semble que par
rapport à l'obligation de servir, il n'y avoit aucune
différence entre la possession bénéficiaire et la
possession allodiale. Mais lorsqu'en obligeant à une
aide mutuelle les hommes libres, qui ne possédoient
pas en totalité celle portion légale de fonds et
terres, pour laquelle un seul devoit le service, il
parle uniquement des homi^ies libres propriétaires
ou possesseurs d'alleus; lorsqu'après avoir ordonné
ailleurs, que tous usufruitiers ou possesseurs de
bénéfices le suivront à l'armée, il détermine pour
(!) Le dernier grand-maître fut Aimar de Prie, seigneur de Montpoupon, de 1515 à 1527: la bataille de Pavie (l.")25) avait
prouvé l'inutilité des arbal^'lriers ; il n'était plus besoin d'un chef sans soldats. (.N. E.) — (2) Nous renvoyons le lecteur qui
voudra contrôler ce Ion? article sur Varbnn, au livre déjà cité de M. Bautaric, livre II, chap. II (p. 09 à 99), livre IV,
cbap. m (p. 223 à 240), et livre V, chap. V (p. 349 à 358). (N. E.)
AR
— HO -
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les seuls propriétaires ou possesseurs cl"alleus ,
la portion de fonds et terres à raison de laquelle il
les assujettissoit au même devoir ; il semble que le
possesseur usufruitier, sa possession fût-elle moin-
dre que celle du possesseur propriétaire, devoit seul
et sans aide, satisfaire à l'obligation de servir la
Patrie. « Quicunque bene/icia habere videntur,
« omnes in hostem veniant. Quicunque liber mansos
« quinque de proprietate habere videtur, similiter
« in hostem veniat. Et qui quatuor mansos
« habet, etc. » (Baluz. Capitul. Reg. Fr. T. I, col.
457. — Id. ibid. col. 489.)
Si l'on ne proportionnoit pas à la possession
bénéficiaire, comme à la possession allodiale, l'obli-
gation du service qu'on exigeoit d'un homme libre,
c'est probablement que cette obligation, réelle pour
les propriétaires , les possesseurs d'alleus , étoit
personnelle aux usufruitiers , aux possesseurs de
bénéfices, comme l'étoit aux hommes libres sans
propriété, l'obligation de s'associer plusieurs en-
semble, pour aicîer en argent l'un d'eux à faire le
service militaire. Ainsi l'obligation d'obéir au ban
du Prince et de s'armer pour la défense du Royaume,
pouvoit n'être pas la même pour le possesseur d'un
alleu que pour le possesseur d'un bénéfice, quoi-
qu'elle fût commune à l'un et à l'autre. Dans les
Capitulaires, le possesseur d'un alleu est souvent
désigné par la seule qualité d'homme libre. « Qui-
« cunque liber homo in hostem bannitus fuerit, et
« venire conteaipserit, etc. » (Capitulare 11, an.
812, lib. I, leg. Longob. tit. xiv, cap. 13.) « Quicun-
« que homo nostro habens honores in hostem ban-
« nitus fuerit, et ad condictum placitum non vene-
« rit, etc. » (Capit. II, an. 812, cap. 3.) « Quicunque
« exhisqui beneficium Principis habent , parem
« suum contra hostes communes in exercitu per-
« gentem dimiserit, etc. » (Ibid. cap. 5.)
On croit donc que l'obligation du service mili-
taire, contractée par l'homme libre, à raison d'un
usufruit qu'on nommoit honneur ou bénéfice, parce
que la concession de cet usufruit étoit un bienfait
ou une récompense honorable, dilTéroit de l'obli-
gation imposée à l'homme libre ù raison de sa
propriété ; que l'une étoit réelle et l'autre person-
nelle; que pour l'homme libre qui réunissoit à la
possession allodiale, la possession bénéficiaire,
elle étoit personnelle et réelle tout-à-la-fois. Autre-
ment les concessions d'honneurs ou de bénéfices ,
non-seulement inutiles à la Patrie, mais même à la
Souveraineté, auroient été trop désintéressées. Ce
désintéressement est d'autant moins vraisemblable,
qu'il répugne à l'idée de la bienfaisance royale, qui,
lors même qu'elle récompense, doit avoir un objet
utile et politique.
D'ailleurs, plus on fait réflexion que les Francs,
et même les Gaulois, étoient Germains d'origine;
que les Germains naissoient tous soldats de la
Patrie; qu'ils s'honoroienl d'être les compagnons
d'un Chef auquel ils se dévouoient; que ce même
Chef anoblissoit par des distinctions, et justifioit
par des actes de libéralité, un dévouement qui fai-
soit sa propre siireté en temps de guerre , et en
temps de paix sa gloire : plus on trouve raisonnable
de croire que les Leudes d'un Roi Franc avoient
les mêmes idées de noblesse, d'honneur et de
patriotisme que les compagnons d'un Chef de
Germains; que nos premiers Rois, Germains eux-
mêmes, connoissoient ces idées nationales; qu'a-
près leur établissement dans les Gaules, ils songèrent
à fortifier ces mêmes idées , surtout celles qui
étoient relatives îi leur gloire et à leur sûreté , par
des concessions à titre d'honneurs et de bénéfices.
Tel paroît être le motif politique de ces conces-
sions, au moyen desquelles l'obligation d'obéir au
ban et de servir la Patrie, semble avoir été person-
nelle aux Leudes, comme aux hommes libres sans
propriété l'obligation de s'aider à faire ce service.
On ajoute qu'un homme libre possesseur d'un
bénéfice auroit été ingrat, si comme l'homme libre
en général, il n'eût vu que la défense de l'Etat dans
la défense de la personne de son Souverain et de son
bienfaiteur. 11 devoit à la Patrie et au Roi , ce que
l'autre ne devoit qu'à la Patrie. Enfin, nos Rois par
leur bienfaisance, obligèrent sans doute les Leudes
à des services qui leur étoient personnels. Il étoit
naturel qu'à raison de ces services , exigibles
comme hommages de la reconnoissance, les Leudes
fussent les premiers à obéir au ban, et à s'armer
pour la défense du Roi et du Royaume. En l'an 640,
le roi Sigebert se disposant à châtier la révolte de
Raoul, duc de la Thuringe, appela d'abord à son
secours les Leudes d'Austrasie. « Cum Sigibertus
« regnaret, et Radulphus dux Thoringice vehementer
" Sigiberto rebellare disposuisset,"jussu Sigiberti
« omnes Leudes Austrasiorum in exercitu gradien-
« dum banniti sunt, etc. » (D. Ruinart, Fredeg.
Chronic. append. ad. Gregor. Turon. Hist. col. 656.)
L'homme libre qui n'étoit point Leude, devoit
aussi le service militaire : mais comme on vient de
l'observer, il ne le devoit qu'à la Patrie. C'étoit elle
seule qu'il servoit, soit qu'il marchât à une con-
quête, soit qu'il s'opposât à l'invasion d'un ennemi
étranger, ou à la révolte d'un sujet, qui, en s'ar-
mantcontre son Roi, s'armoil contre elle-même.
Cliarlemagne veilloit à la conservation de ses
défenseurs , lorsqu'à dessein d'empêcher qu'un
homme libre, plus lâche que dévot, ne se fit Prêtre
pour être dispensé de servir, il interdisoit aux
hommes libres en général, l'entrée dans les Ordres
ecclésiastiques, sans sa permission. « De liberis
« hominibusqui ad servitium Deisetraderevolunt,
a ut prius hoc non faciant quàm a nobis licentiam
a postulent. Hoc ideo quia audivimus aliquos ex
<i illis non tàm causa devotionis hoc fecisse quàm
« pro exercitu seu aliâ functione regali fugiendâ. »
(Baluz. Capitul. Reg. Fr. T. I, col. 725 et 726.)
11 est probable que sans la crainte de se désho-
norer aux yeux d'une Nation prompte à soupçon-
ner de lâcheté quiconque se dispensoit de faire la
guerre, nos Prélats auroient eu plus de respect
pour les décrets de l'Eglise, et moins d'ardeur pour
la défense du Royaume. Cette ardeur guerrière.
AR
- 111 —
AR
naturelle sans doute à plusieurs d'entre eux , étolt
si générale sous le règne de Cliarlemagne , que le
peuple tremblant pour ses Ministres, dont la mort
ou le danger sembloit lui présager une défaite,
supplia ce Prince d'ordonner qu"à l'avenir les Evo-
ques ne le suivroient point à l'armée. <■ Flexis
X omnes precamur poplitibus Majeslatem vestram
« ut Episcopi deinceps, sicut haclenus, non vexen-
« tur hostibus; sed quando vos nosque in hostem
" pergimus, ipsi propriis residcant in parochiis
« Quosdam enim ex eis in hostibus et prœliis vulne-
« ratos vidimus et quosdam périsse cognovimus
« Novit Dominus, quando eos in talibus videmus,
« terror apprehendit nos, et quidam ex nostris
« timoré perterrili propter hoc fugere soient. »
(Baluz. Capitul. Reg. Fr. T. I, col. 405.)
Par la loi des Francs, tout homme libre , que les
décrets de l'Eglise ou ses privilèges n'e.xemptoient
pas du service militaire, étoit condamné à une
amende de soixante sous, toutes les fois qu'il refu-
soit ou négligeoit d'obéir au ban du Roi. « Si quis
« liber, contemptà jussione nostrà, ceteris in exer-
« citum pergentibus, domi residere prœsumpserit,
« plénum hêribannum secundùmlegem Francorum,
« id est solidos sexaginta sciât se debere compo-
« nere. » (Capitula ad. leg. Longob. addita, an. 801,
imperii Karoli-Magni 1 .) On croit voir dans cette ex-
pression, secitndiuii h'ijon Fraiiconint, une preuve
que l'obligation de servir, et la peine imposée à
l'homme libre qui n'y avoit pas satisfait, étoit
aussi ancienne que les premières loix faites par
les Francs, lorsqu'ils s'établirent dans les Gaules.
Cette opinion semble d'autant plus probable qu'en
578, c'est-à-dire, soixante-sept ans après le règne
de Clovis, le roi Cbilpéric abusoit de cette même
loi, en y assujettissant des hommes que la Religion
ou l'humanité devoit en affranchir. « Cliilpericus
« rex de pauperibus et junioribus ecclesiœ vel
« basilicœ bannos jussit exigi , pro eo quôd in
« exercitu non ambulassent. Non enim oratconsue-
« tudo ut hi ullam exsolverent publicam functio-
« nem. » (D. Ruinart, Gregorii Turon. Hist. tit.
xxvn, col. 237.)
La peine prononcée contre l'homme libre qui
n'obéissoit pas au ban, sous les Rois de la première
et de la seconde race, étoit la même sous ceux de
la troisième, contre l'homme coutumier qui devoit
le service militaire. « Se les Gens le Roy truevent
« les ]ions couslumiers par les chastelleries qui
« fussent remès, fors ceus qui devroient remaindre,
« li Roy en porroit bien lever sus chacun soixante
« sols d'amende , et li Bers ne les en pourroit
" garantir. » (Etal3lissemens de S" Louis, livre I,
chapitre lxi.)
En attaquant la propriété ou possession allodiale
de l'homme libre, on l'auroit mis dans l'impossibilité
de faire à l'avenir le service auquel il étoit tenu
comme propriétaire ou possesseur d'alleu. Cliarle-
magne s'assuroit donc la continuation d'un service
dans lequel consistoit la principale force de l'Etat,
lorsqu'il protégeoit contre la vexation et l'injustice,
la propriété de l'homme libre ; lorsqu'il défendoit
d'y attenter, même pour le payement de l'amende
due par celui qui n'avoit pas obéi au ban ; lorsqu'il
vouloit que celte amende fût perçue en or et en
argent, en habits, en armes, etc. « De oppressione
« pauperum liberorum hominum, ut non fiant à
« potentioribus per aliquod malum ingenium contra
« justitiam oppressi, ita ut coaclirese'orum vendant
« aut tradant. Ideo hœc, et supra et hic, de liberis
« hominihus diximus, ne forte parentes contra
" justitiam fiant exheredati, et regale obsequium
" minuatur, etc. ■> {Baluz. Capitul. Reg. Fr. T. I,
page 427. — Id. ibid. col. 487.) » Ileribannus non
« exactetur neque in terris , neque in mancipiis ;
« sed in auro et argento, palliis atque armis, et
« animalibus atque pecudibus, sive talibus speciebus
« quœ ad utilitatem pertinent. » (Id. ibid. col. 767.)
On exigeoit au reste l'amende dont il s'agit avec
tant de rigueur, que dans le cas d'insolvabilité ,
l'homme libre étoit réduit à se mettre en la servi-
tude du Prince, et d'y rester jusqu'à ce qu'il l'eiit
payée en entier. « Si non habuerit unde illam sum-
« mam persolvat, semetipsum pro wadio in servi-
« tium Principis tradat , donec per tempera ipse
<' bannus ab eo fiât persolutns ; et tune iterum ad
« statum libertatis suœ reverlatur. » (Id. ibid.
col. 493 et 7G6.)
Quant à l'homme libre usufruitier ou possesseur
d'un bénéfice, d'un honneur, on punissoit en lui le
refus de service, par la perte de son usufruit , de
sa possession bénéficiaire. S'i^ n'étoit coupable que
de lenteur, il en étoit quitte pour faire abstinence
de viande et de vin , autant de jours qu'il avoit
différé d'obéir au ban du Prince. « Homo nostros
« habens honores in hostem bannitus quot
« diebus post placitum condictum venisse compro-
« batus fuerit, tôt diebus abstineat a carne et vino. »
(Baluz. Capitul. Reg. Fr. T.I, col. 7G7.) « Quicunque
« ex his qui beneficium Principis habent, parem
« suum contra hostes communes pergentem dimi-
« serit, et cum eo ire vel staie noluerit, honorem
« suum et beneficium perdat. » (Id. ibid.)
L'opinion commune, dit l'Auteur de la Glose sur
le Chapitre lx de la Coutume d'Anjou, est que sous
le règne de S' Louis, les Bers et Arrière-vassaux,
qui refusoient d'obéir au ban, perdoient leurs fiefs,
comme les Leudes perdoient leurs honneurs et
bénéfices sous le règne de Charlemagne. (Voyez
Ord. T. I, p. 154, note (r).
On chercheroit en vain dans les Capitulaires des
Rois de la première et de la seconde race , une
distinction entre les mots bannus et heribannns ,
semblable à celle qu'on trouve entre les mots ban
et arrière-ban, dans les Ordonnances des Rois de
la troisième race. On y voit qu'en général bannus
signifioit publication d'une loi, d'un ordre du Sou-
verain ; en particulier, publication d'un ordre relatif
à la nécessité du service militaire.
De là, on nommoit bannus, bannus dommicus,
la peine à laquelle on condamnoit les infracteurs
du ban ou de la loi publiée par ordre du Seigneur
AR
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souverain; banniis, heribannns, la peine à laquelle
on condaninoit les hommes libres sans bénéfices ni
honneurs, lorsqu'au mépris du ban ou de Tordre
publié de la part du Seigneur souverain , relative-
ment à l'obligation de servir, ils avoient refusé ou
négligé de le suivre ù l'armée, ou de faire quel-
qu'autre service utile ù la Patrie. Il ne s'agit ici que
de la dernière signilication du mot simple bannus,
sigiiilication qui étoit particulière au composé
luh-ibannns. « Nec pro wactà, nec de scarà, nec de
" wardà, nec pro heribergare, nec pro alio banno,
a heribannum Comcs exactare prœsumat, nisi
« missus nosler, etc. « {Baluz. Capital. Reg. Fr.
T. I, col. 767.) « lUi qui in hostem pergere non
« potuerint, juxta aniiquam et aliarum gentium
« consuetudinem ad civitates novas, et pontes , ac
« tiansilus paludium operentur, et in civitate atque
« in marcha waclas faciant, ad defensionem Patriœ
a omnes sine ullà excusatione veniant. Et qui...
« hostem dimiserint, /((?rif)a?i/n<m persolvant. »
(Id. ibid.T. II, col. 187.)
La distinction que dans les Capitulaires on aper-
çoit entre Imnnus et heribannns, consiste en ce que
le mot composé signifie particulièrement la peine,
l'amende pour défaut de service militaire, et que le
mot simple signifie généralement « peine, amende
i< pour infraction de la loi du Seigneur souverain ;
« la peine, l'amende, qu'on nommoit souvent ban-
« nus dominicus. » (Voy. Baluz. Capitul. Reg. Fr.
T. I, col. 3-47, 393, passim. — Id. ibid. col. 197,
198, 207, 254, passim. — Id. ibid. col. 349, 371,
passim.) C'est sans doute en conséquence de cette
acception générale, que bannus, bannus dominicus,
signilioit quelquefois la môme chose que heriban-
nus. ^■^ De Mundoburgio ecclesiarum, viduarum,
« orphanorum et de minus potentum personarurn
a atque et de exercitali placito instituto, ut hi qui
<" ista irruperint, bannum dominicum omnimodis
« componant. » (Baluz. Capitul. Reg. Fr. T. I,
col. 403.) « De heribanno diligenter inquirant
« Missi : qui hostem facere potuit et non fecit, ipsum
« bannum componat. » (Id. ibid. col. 474, etc.)
On ajoute que dans le sens de peine, amende,
non-seulement l'acception de heribannns étoit aussi
particulière que celle de bannus étoit générale;
mais que cette acception est la seule qui paroisse
justifiée par les Capitulaires. En effet, on n'y a ren-
contré aucune itreuve qu'il ait signifié /^a», publica-
tion en général ; pas même en parliculier ban de
l'ost, en latin hostiiis bannus, le to)(,la publication
d'un ordre pour se rendre à l'armée, ou pour faire
quelqu'autre service militaire. C'est néanmoins
d'après f idée contraire qu'on a prétendu que la plus
ancienne signification de heribannus, en fran^'ois
heriban, hereban, étoit le cri public fait de par le
Roi à ses vassaux pour l'aller servir à l'armée, et
qu'ensuite le même mot avoil signifié l'amende que
payoient les mêmes vassaux pour n'avoir pas obéi
a la convocation. Les Etymologistes sont en géné-
ral d'autant plus attachés à cette opinion, qu'elle
leur semble autorisée par la signification du mot
allemand heer, qui, réuni à ban, forme selon eux
le composé hereban, en latin heribannus. (Voy.
Fauchet, Mil. Fr. p. 114. - Rabelais, T. IV, p. 218;
note de Le Duchat. — Ménage, Dict. Etym.)
Il est vrai qu'en allemand heer signifie armée ;
mais comme le droit d'assembler une armée et de
la commander, est un droit de Seigneur, il seroit
possible qu'une armée eût été nommée heer,ie cet
autre mot allemand hei'r, /ie77<senlatin,enfrançois
Seigneur. Quoi qu'il en soit, les Savans, qui ne sont
pas de l'opinion générale des Etymologistes sur la
composition de hereban, le croient formé, non de
lieer, mais de herr réuni au mot ban. (Voy. Coquille,
Hist. de Mvernois, p. 121. — De la Roque, Traité
du Ban et Arrière-ban, chap. xvii, p. 43. — Borel,
Très, de Rech. et Antiq. Gaul. p. 508.) Cette seconde
Etymologie peut être préférable à la première ; mais
on n'en conclura point avec Coquille, que dans les
Capitulaires hereban, en latin heribannus, ait signi-
fié l'ordre publié de la part du Seigneur souverain
pour s'armer et faire le service militaii'e. On a déjà
remarqué qu'il y désignoit spécialement et peut-
être uniquement l'amende due au Seigneur souve-
rain, par tout homme libre qui n'avoit pas obéi à
cet ordre.
Il paroit que cette amende étoit si essentiellement
le droit du Seigneur souverain, qu'on refusoit d'en
compter à toul autre qu'à ses Envoyés, même aux
Comtes. « Dicunt ipsi Comités quod alii eorum
<" pagenses non illis obediant, nec bannum domni
« Imperatoris adimplere volunt ; dicentes quod
« contra Misses domni Imperatoris pro heribanno
>< debeant ratiouem reddere. » (Baluz. Capitul. Reg.
Fr. T. I, col. 486.) Ce refus de la part des hommes
libres, fut autorisé par les loix de Charlemagne.
« Ut haribannum, aut aliquod collectum, pro exer-
« citali causa. Comités de liberis hominibus reci-
« père non prœsumant; excepte si de palatio
« nostro Missus veniat qui illum haribannum
« requirat. " (Id. ibid. col. 532.) Quoique les Comtes
eussent le tiers de cette amende, la concession
qu'on leur en faisoit, étoit une concession de partie
d'un droit qui n'appartenoit sans doute qu'au Sei-
gneur souverain, puisqu'ils ne pouvoient recevoir
le don qui leur en étoit fait, que par les mains de
ses Envoyés. « Herilinnnum Cornes exactare non
« prœsumat, nisi Missus noster prius lieribannuni
« ad partem nostrani recipiat et ei suam tertiam
« partem exinde per jussionem nostram donet. »
(Id. ibid. col. 767.)
Lorsqu'on fait réflexion d'ailleurs, que l'homme
libre à qui il étoit impossible de servir la Patrie en
suivant le Roi ;i l'armée, étoit tenu de la servir et
de travailler pour son utilité ou pour sa défense,
soit en gardant les frontières, soit en aidant à bâtir
de nouvelles cités, à construire des ponts, à rendre
les marais praticables ; lorsqu'on a la preuve que
l'amende pour défaut de travail aux ouvrages
publics, comme l'amende pour défaut de service à
l'armée, pour défaut de service militaire en général,
se nommoit heribannus; on est de plus en plus au-
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il3
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torisé à croire que cette dénomination étoit moins
relative à l'idée particulière du service à Farmce,
qu'à l'idée générale du service que le Seigneur sou-
verain avoit seul le droit d'exiger d'un homme
libre. On a remarqué plus liaut que bannus domi-
niciis signifioit quelquefois amende pour défaut de
service même à l'armée.
Tant que la puissance souveraine fut en état de
protéger la liberté et la propriété contre l'usurpa-
tion et l'oppression des Grands, l'homme libre ne
servit que le Roi et la Patrie. « Liberi homines nul-
« lu m obsequium Comitibus faciant nec Vicariis,
« neque in prato, neque in messe, netiueinaraturà
■1 aut vineà; et conjectum ullum vel residuum eis
« resolvant, excepte servitio quod ad Regem perti-
« net, et ad heribannatores, vel bis qui legationem
« ducunt. » (Baluz. Capitul. Reg. Fr. T.I, col. 400.)
Mais à l'anéantissement presque total de cette puis-
sance, la propriété devint servile, et on vit la
liberté expirer sous les efforts redoublés de la
tyrannie féodale. Le Seigneur féodal exigea pour
lui les services que le Seigneur souverain avoit
exigés pour l'utilité, ou pour la défense du Royaume.
11 appela son homme, celui qui jusqu'alors avoit été
comme lui l'homme du Roi et de la Pairie, et l'as-
servit à des devoirs qu'on nommoit bans, baiis-
arùans, ou tout simplement arbans : mot dans
lequel on reconnoit le \a.['m heribanniis, qu'on écri-
voit liarlbannus, hairbauniis,airbanmis,arbanniis,
e7'baii)uts, etc. (Vov. Du Cange, Gloss. lat. T. III,
col. 1107-1111. — Baluz. Capi\ul. Reg. Fr. T. I,col.
532. — Formulœ vet. Bignon. Form. xxxi.)
Ainsi le mol irtxnçois arban, formé de l'alléralion
du latin heribannus, qui signifioit l'amende pour
défaut de service, exigé de l'homme libre par le
Seigneur souverain, signifia le service même,
exigé de l'homme serf par le Seigneur féodal : dans
la Coutume de la Marche, « les corvées à bras, ou
« de bœufs et charettes que les subjects tenans hé-
« ritages servement ou mortaillablement doivent à
« leurs Seigneurs: » dans la Coutume de Poitou,
« certains devoirs et charges dues sur héritages. »
(Laurière, Gloss. du Dr. Fr. T. 1, p. 02. — Id. ibid.
T. II, p. 9. — Cotgrave, Dict.)
On nommoit arbans ces corvées, ou autres ser-
vices, parce qu'ils se faisoient en vertu d'un ban,
d'un ordre publié de la part du Seigneur. « Outre
« la taille annuelle, l'homme serf tenant feu ellieu
« est encores biennable ; c'est assavoir qu'il doit
« une journée d'homme à bras, depuis soleil levant
« Jusques au couchant, tel jour de l'année qui luy
« est commandé par son Seigneur ou son Sergent
« baillial ; de laquelle semonce ou commandement
0 le Sergent baillial est creu, pour faulcher, faire
« vignes, ou autres œuvres; ou pour le bian, autre-
« meut arban, doit payer à son Seigneur quinze
« deniers tournois, au choix du Seigneur. » (Cou-
tumes locales de la ville et baronnie de Chàleau-
neuf, art. iv.) Dans celles de la ville et comté de
Chàteau-Meillan (art. xxvet xxvi}, on lit : » Leshom-
« mes serfs doivent un chascun mois à leur Seigneur
« un arban à bœufs et charrette, s'ils en ont; sinon,
« une corvée de leur corps. Item, tous les hommes
« et femmes serfs des vassaux demeurans en ladite
" terre, doivent audit Seigneur chascun an, un
« chascun d'eux, un arbdn à bœufs, etc. » (La
Thaumassière, Coût, de Berry , p. -160 et 191.)
Renoul, chevalier, sire de Culant, affranchit en 1273,
les bourgeois de Veydun, « et quita tout arban aux
« hommes et aux femmes de la franchise, » avec
une restriction qui prouve que sous la dénomina-
tion d'arban, étoient compris différens services ou
devoirs exigibles par les Seigneurs. « Je quite tout
« arban aux hommes et aux femmes de ladite fran-
« chise, fors que tant que je relien mon charroi en-
« tierement au besogne de mon chaslel et de mes
« maisons de Veydun, et de vins, et de foingz tant
« seulement ; et je ne les puis fourcer de nul arftare
« ne de charroy aller fors la parroche de Veydun
« por nesun besoin. .. (Id. ibid. p. 103. — Voy. Ban
ci-après.) 1! est évident que dans l'ancienne Coutume
de Poitou, art. xcxv, le mot arbaux, ou berbaux,
dans la nouvelle, art. cm, n'est autre que le mot
arbans ou berbans dont on a altéré la terminaison.
« Tailles, berbaux et autres charges, ensemble
>' toutes rentes roturières foncierts, sont indivisi-
" blés. » (Coutumes de Poitou, au Coût. gén. T. I,
page ô78. — Voy. Laurière , Glossaire "du Droit
français. — Du Cange, Glossaire latin, T. III, col.
moet lin.)
Ce n'est peut-être pas sans raison qu'on a cher-
ché dans le nom de ces corvées, insupportables aux
malheureux qui en étoient surchargés, le principe
d'une comparaison d'après laquelle on disoit pro-
verbialement, « se jeter sur quelqu'un comme
« herbaut sur pauvres gens, pour se jeter avec
« violence sur quelqu'un, lui tomber sur le corps
« aussi lourdement qu'hcrbaut ou le fardeau des
« corvées et autres redevances, tombe sur les pau-
•• vres gens. » Il est possible aussi, que relative-
ment à l'idée des violences faites aux corvéables
par ceux qui les commandoienl, tel chien qu'un
instinct particulier porte à se jeter sur les pauvres,
ait été nommé herbaut. (Voy. Rabelais, T. IV,
p. 218 et 219; note de Le Duchat.) Enfin le Dieu de
misère et de pauvreté, se nommoit Herban, relati-
vement sans doute à l'idée de l'étal pauvre et misé-
rable auquel les hommes sujets aux corvées étoient
réduits. « Si allons querre la chetivelé, que Herban,
« le Dieu de misère et de poureté ne nous faille. »
(Percef. Vol. II, fol. 50, V" col. 1.)
On sait que ces corvées, proscrites par les loix de
Charlemagne comme autant d'attentats à la liberté
de ses sujets, commencèrent à être autorisées vers
la fin de la seconde race, lorsque les Ducs, les
Comtes, les Barons, les Châtelains et autres Officiers,
parvenus à rendre héréditaires les charges et les
terres qu'ils possédoient à vie, en obtinrent enfin la
propriété seigneuriale, avec les moyens de s'asser-
vir des hommes sur lesquels ils n'avoient jamais eu
qu'un pouvoir émané du Souverain, ou d'assujettir
leurs possessions bénéficiaires et même allodiales,
15
Aft
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AU
changées en possessions féodales, :\ d'autres ser-
vices que ceux dûs au Roi et à la Patrie.
Avant l'établissement du système féodal, toute
possession, même la possession d'un bénéfice qu'on
ne tenoit pas immédiatement du Roi, n'obligeoit à
aucun service distinct de celui que devoit le vassal
immédiat du Seigneur souverain. En suivant à
l'armée le Comte ou le Seigneur dont on tenoit un
bénéfice, dont on étoit le vassal, on ne servoit que
la Patrie, et l'on n'obéissoit qu'au ban du Roi.
Aussi a-t-on vu qu'à lui seul étoit due l'amende
pour défaut de service militaire. « Omnis liber
« homo qui quatuor mansos... dealicujusbeneficio
« habet,... ipse in tiostem pergat, sive cum seniore
« suo. » (Baluz. Capitul. Reg. Fr. T. I, col. 489.)
« De vassis dominicis qui intracasam serviunt,
« et tamen bénéficia habere noscuntur, slatutum est
« ut quicunque ex eis cum domno Imperatore
« domi remanserint, vassallos suos casatos secum
« non retineant, sed cum Comité cujus pagenses
« sunt, ire permiltant. « (Id. ibid.col. 495.) « Vassi
« nostri et vassi Episcoporum, Abbatum, Abbatis-
« sarum et Comitum, qui in lioste non fuerunt,
« heribannum rewadient. » (Id. ibid. col. 618.)
Mais la propriété seigneuriale des vassaux immé-
diats du Seigneur souverain une fois légitimée, on
vit naître et s'élever une nouvelle puissance qu'on
nomma suzeraineté; mot, dit Loyseau, « qui est
" aussi étrange que cette espèce de Seigneurie est
« absurde. » "Alors une servitude presque générale
succéda à la liberté; l'homme de la patrie fut un
homme de fief; le possesseur d'un fief qui ne rele-
voit pas immédiatement du Roi, fut le vassal d'un
Seigneur suzerain et intermédiaire, et ce vassal par
sous-inféodation, acquit un autre vassal qui étoit
par rapport à lui ce qu'il étoit lui-même par rapport
à son Seigneur, et ce qu'étoit ce Seigneur par rap-
port au Souverain. Le service militaire auquel les
Seigneurs propriétaires obligèrent leurs hommes et
leurs vassaux , en cas de guerres particulières,
a été désigné comme les corvées et autres devoirs
féodaux, par le mot arbaii ou erban. On croit qu'il
faut lire erband dans une charte de l'an 984, par
laquelle Emenon, seigneur d'Yssoudun, affranchit
de ce service militaire les habitans du bourg
S' Martin. « Concedimus omnes consueludines....
« ita scilicet ut nemo illorum pergat ad pugnam
« quœ alio nomine vocalur eijbanid, neque botta-
* gium vini alicui reddat. » (La Thaumassière,
Coût, de Rerry, p, 697. — Voy. Du Cange, Gloss.
lat. T.m, col. 1109.)
Ou ne confondra point ce service militaire, per-
sonnel aux Seigneurs qui forcèrent en conséquence
leurs hommes et leurs vassaux à prendre les armes
contre le Roi même, avec le service militaire qu'ils
en exigeoient, toutes les fois que le Seigneur sou-
verain faisoit publier son ban, ou l'ordre de s'armer
pour sa défense et celle du Royaume.
Probablement que d'après l'opinion générale et
peu vraisemblable des Etymologistes, qui veulent
qu'arrlère-ban ait été formé comme arban, du mot
heribannus, composé de ban et hère en allemand,
lieras en latin, en franç,'ois Seigneur, l'on aura dit
que V arrière-ban étoit pour les Seigneurs, pour les
Nobles ou lenans tiefs, et le ban pour les roturiers.
On a déjà observé que dans les Capitulaires, ce mot
heribannus signifie toujours l'amende exigible par
le Seigneur souverain pour défaut de service mili-
taire, et jamais la publication de l'ordre relatif à ce
service ; encore moins la publication d'un ordre
particulier à une classe supérieuie d'hommes, tels
que les Seigneurs, les Nobles ou les possesseurs de
fiefs, pour qui l'obligation de servir la Patrie fut
une espèce de prérogative, sous les Rois de la
troisième race. Sous ceux de la première et de la
seconde race, c'est-à-dire, jusqu'à l'époque de
la seigneurie féodale, tout homme, quel que fût son
état, pourvu qu'il fût libre, servoit ou aidoit à servir
le Roi et la Patrie. La publication de l'ordre auquel
il obéissoit en concurrence avec l'homme que la
fortune et le méiite élevoient au-dessus des autres
sujets du Roi, se nommoit ban; et ce ban étoit pour
le Comte, pour le Leude illustré par la faveur,
comme pour le possesseur obscur d'un bénéfice ou
d'un alleu, pour l'homme libre en général. Il n'y
avoit point alors de ban pour les Seigneurs, qu'on
distinguât du ban pour les hommes libres, en le
nommant hériban. Quand il seroit vrai que de ce
mot hériban l'on eût fait arrière-ban, il faudroit
encore prouver qu'on a eu raison de dire ([ue sous
les Rois de la troisième race, V arrière-ban étoit
pour les Seigneurs, pour les Nobles ou possesseurs
de fiefs en général, et le ban pour les roturiers.
(Voy. Laurière, Gloss. du Dr. Fr . au mot Arrière-ban.)
On imagina sans doute le mot arrière-ban ou
riereban, en latin retrobannus, et on le distingua
du ban, lorsque les Seigneurs propriétaires com-
mencèrent à avoir des vassaux, qui, relativement
à l'obligation du service militaire qu'ils dévoient
au Roi, n'éioient plus placés sur la ligne des vas-
saux immédiats du Seigneur souverain; puisque ce
n'étoit plus le Roi, mais ces Seigneurs intermédiai-
res qu'ils suivoient à l'armée, puisque c'étoit
arrière eux qu'ils marchoient et combattoient pour
la défense du Royaume. De là, on aura nommé
arrière-ban, la publication de l'ordre auquel les
vassaux d'un Seigneur intermédiaire obéissoient
en le suivant à l'armée, par opposition au ban, à la
publication de l'ordre adressé aux vassaux immé-
diats du Seigneur souverain. « Le ban éloit la con-
•< vocation des vassaux du Roi sans moyen ;
" Yarrière-bati, la convocation de ceux qui tenôient
<■ du Roi médiatement. » (Voy. Laurière, Gloss. du
Dr. Fr.) On caractérisera encore mieu.N. cette pre-
mière distinction du ban et de Varrière-ban, en
disant avec Charondas : « Le ban estoit la convoca-
" tion que faisoit faire le Roy et souverain prince ;
« et Y arrière-ban, la publication que le Seigneur
« appelle au ban de son Roi ou Prince, faisoit faire
« pour assembler ses vassaux et arrière-vassaux,
« pour l'accompagner à l'ost et armée. » (Voy.
BouteiUer, som. rur. art. lxxxui, annot. p. 486.)
AR
— H5 —
AR
Le service militaire qu'en ce cas les Seigneurs
appelés au bail du Roi exigeoient de leurs vassaux,
ëtoit le service auquel les avoit obligés eux-mêmes
l'inféodation du Seigneur souverain. Quoique leurs
fiefs ou plein-fiefs, au moyen de la sous-inféoda-
tion, fussent, relativement au Roi, changés en
arrière-fiefs, ce changement n'anéanlissoit pas
l'obligation primitive qu'ils avoient contractée.
Mais pour y satisfaire, ils s'associèrent des vassaux
qui en paroissant les servir, ne servoient réellement
que le Roi, comme Seigneur suzerain de toute pos-
session féodale. Il est probable que nos Rois sans
cesse occupés du soin politique de rétablir les droits
de la souveraineté, en faisant valoir ceux de leur
suzeraineté universelle, accoutumèrent insensible-
n\ent les vassaux de ces Seigneurs intermédiaires,
à voir comme une formalité assez indifférente, un
arrière-ban que devoit précéder le ban ou Roi, ban
auquel ils obéissoient en paroissant n'obéir qu'h
l'arrière-ban de leurs Seigneurs. Aussi a-t-on dit
que le ban étoit •< un mandement fait l'i tous Gen-
« tilshommes et tenans llefs et arrière-fiefs, d'assis-
tt ter à la guerre du Prince. » (Voy. De la Roque,
Traité du Ban et Arrière-ban, p. 2.) Si les tenans
arrière-fiefs partageoient la Noblesse avec les
tenans liefs, comme ils partageoient avec eux
l'obligation de faire service personnel avec armes
es guerres; il faut en conclure qu'ils étoient du
nombre de ceux qu'on a désignés comme sujets au
ban, en disant que les Nobles seuls estoient sujets
au ban. (Voy. Ord. T. I, p. 152, note (a.) — Coquille,
Hist. de Nivernois, p. 110.)
On pourroit, d'après cette définition du ban, ima-
giner que Varrière-ban fut alors une convocation
des Non-nobles à la suite des Nobles, comme il avoit
été la convocation des vassaux médiats du Seigneur
souverain, à la suite de ses vassaux immédiats. Il
est vrai qu'au temps où l'on paroit avoir confondu
avec le ban du Roi, un arrière-ban qui en étoit la
conséquence nécessaire, on distinguoit encore
Varrière-ban du ban. Mais cette distinction n'étoit
point relative à celle des Nobles et des Non-nobles,
les uns convoqués à la suite des autres; puisque
par son ban le Seigneur souverain convoquoit tout
homme noble ou non-noble qui lui devoit un service
militaire. En prouvant qu'il y avoit des Non-nobles
obligés à ce service, que les hommes coutumiers,
les bourgeois et habitans des villes, les hommes
des Seigneurs servoient en l'ost du Roi avec les
possesseurs de fiefs et arrière-fiefs, avec les Sei-
gneurs, les Cientilsbommes, les Nobles en général,
on prouve qu'ils obéissoient à son ban, en concur-
rence avec les Nobles et les Seigneurs, lors même
qu'ils marchoient sous leur ban'nière. « Nobles et
« Non-nobles qui à nous et à nos successeurs, en
« nos guerres et osts, doivent certains services,
« etc. » (Ord. T. 1, p. 588.) « Li Barons et li bons
« le Roy doivent le Roy suivre en son ost, quand il
« les en semondra, et le doivent servir soixante
<■ jours et soixante nuits Li bons coustumier
a doivent être en l'ost le Roy quarante jours et
« quarante nuits; et se il en venoit avant, et il en
« fussent prouvé, la Justice le Roy en porroit bien
« lever soixante sols. » (Établissemens de S' Louis,
chap. Lxi.) On ne dispensoit du service de l'ost les
Non-nobles qui y étoient assujettis, qu'autant qu'ils
se soumettoient à l'imposition de certains droits
d'aide. « Les gens des villes, ne les subgiez des
« Nobles, ne seront contrainz à aller en nostre ost,
« durant le temps de nostre imposition. » (Ord.
T. II,p. 39'(,etc.)
Dans le cas oii le Souverain jugeoit que le pre-
mier ban devoit être suivi d'un second ban, par
lequel il exigeoit des Nobles et Non-nobles un autre
service que celui prescrit par les loix féodales et cou-
tumières, on nommoit ce ban, relativement h celui
qui l'avoit précédé, arrière-ban. C'est en ce sens
qu'on a eu raison de dire qu'il n'y a\oil arrièi'e-ban,
lorsque nul ost n'estoit allé devant; (luele ban étoit
pour le service ordinaire, et Varrière-ban pour un
service extraordinaire. (Voy. Chron. Fr. de Nangis,
Ms. an. 1338.— Laurière, Gloss. du Dr. Fr. — De la
Roque, Traité du Ban et Arrière-ban, p. 2.)
On définira donc Varrière-ban ainsi distingué du
ban, en disant que c'étoit une convocation itérative
des Nobles et Non-nobles sujets au service féodal et
coutumier, pour un service extraordinaire : défini-
tion justifiée par les Ordonnances, entre autres par
celle de Louis X, en date du 22 juillet 1315, dans
laquelle on lit : « Que iceux Nobles et Non-nobles
« qui à nous et à nos successeurs, en nos guerres
<• et osts, doivent certains services et homages,
« iceux services payez, demeurent quilles et francs,
« sans ce que par nous, ne par nos successeurs
« puissent estre contrains à autre service d'ost
« faire h nous, fors en cas de Varrière-ban qui con-
« vient eslre raisonnable et de cause apparissant. »
(Ord. T. I, p. 588.) Lorsque le droit de faire publier
cet arrière-ban, fut un droit du Souverain, exclusi-
vcmenl aux Seigneurs qui avoienl pu se l'arroger,
le Souverain s'obligea par amour pour son peuple,
que Varrière-ban exposoit à des vexations, à ne le
faire publier que dans le cas de nécessité évidente
et après bataille; conséquemment après que les
Nobles et Non-nobles auroient acquitté le service
ordinaire. Rien de plus positif à cet égard que l'Or-
donnance du Roi .lean, en date du 28 décembre 1355,
et celle de Charles son fils aîné et son Lieutenant,
datée du mois de mars 1350. « Que desores-mais
« nuls ne pu isse faire arriereban en nostre Royaume,
« fors tant seulement nous en nostre personne et
« nostre ainsné filz ; et ycelluy ne pourrons faire,
« fors seulement en cas de pure et évident néces-
« site, et bien conseilliez sur ce. » (Ord. T. IIl,
p. 31.1 « Que aucuns ne puisse doresnavant faire
« arrierebans, fors tant seulement noslre très-chier
" Seigneur et père et nous ; et icelluy ne pourrons
« faire fors après bataille, et en cas de pure et évi-
« dent nécessité, et bien conseillé sur ce, et eu
« advis et délibération avec les Esleuz de par les
■1 troiz Etats, se bonnement les pouvons avoir. »
(Ibid. p. 138.)
AR
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AR
Il paroît que pour les Non-nobles sujets au ser-
vice militaire, l'exemption de servir au moyen de
certains droits d'aide, ne s'étendoit pas au-delà du
ban, puisqu'ils ne l'obtenoient qu'avec la restric-
tion : si ce n'est h cause à'arrière-baji, si ce n'est en
cas de nécessité évidente ; par conséquent, en cas
de Varricn'-ban, que cette même nécessité rendoit
légitime. •< Les gens des villes ou de nos subgiez,
« ne seront contrains à aller en nostre ost, durant
« le temps de ladicte imposition, si ce n'est h cause
« àeaireban Ml pour bonne et juste cause, sanz
« feinlize. » (Ord. T. II, p. 530, etc.) 11 éloit juste
que pour les Non- nobles, les habitans des villes, et
autres ainsi affranchis de service, l'obligation
d'obéir h Y arrière-ban, fût la même que pour ceux
qui ayant réellement fait le service ordinaire et
exigible par le bandit Roi, n'eu dévoient pas moins
le service extraordinaire et exigible par son
arrière-ban. On a déjà prouvé par l'article ni de
J'Ordonnance de Louis X, datée du mois de juillet
1315, que les Nobles et Non-nobles, après avoir
acquitté le service auquel ils étoient assujettis par
les loix féodales et coutumières, pouvoient, en cas
à'arrière-bnn, être contrains à faire un autre ser-
vice, lorsqu'il étoit jugé essentiel à la défense du
Roi et du Royaume. Dans l'article vu de la même
Ordonnance, l'arrière-ban est désigné par l'évidente
utilité, par la nécessité urgente qui le légitimoit.
Philippe de Valois interprèle ce même article par
lequel, s'il n'y avoit évidente utilité, ou nécessité
urgente, Louis X n'exigeoit des hommes de son
duché de Normandie que les services à lui dûs, en
disant que ces services étoient les seuls auxquels
ils fussent obligés; à moins que la publication de
Y arrière-ban, après celle du ban, ne fût nécessilée
par l'impossibilité de s'opposer aux ennemis qui
envaliissoient le Royaume, ou aux rebelles qui en
troubloient la tranquillité. •< In casu quo per
« primam semonsam seu convocacionem generali-
« ter factam, nos seu nostri successores, et illi qui
« tune essent nobiscum aut cum successoribus
« nostris, non essemus aut ipsi non essent salis
« fortes ad obviandum seu resistendum hoslium
» potencie, aut ad reducendum ad obedienciam
« subditos rebelles, absque faciendo retroban-
« num, fieret et fieri posset retrobannum,
« etc. » (Ord. T. VI, p. 550 et 551.)
Si les Nobles et Non-nobles qui dévoient le ser-
vice militaire, étoient les seuls qui dussent obéir
au ban du Roi, la première semonce ou convocation
généralement faite, par laquelle Philippe de Valois
paroit désigner le ban, n'étoil donc générale que
par rapport aux Nobles et Non-nobles sujets à ce
service. 11 falloit qu'il y eût nécessité de service
extraordinaire, et par conséquent arrière-ban ou
convocation itérative des hommes qui avoient obéi
au ban et fait le service ordinaire, pour que ceux
dont on n'exigeoit pas ce service, ou qu'on en dis-
pensoitau moyen de certains droils d'aide, fussent
tenus de suivre le Roi à l'armée et de le servir en
concurrence avec les autres. La preuve est qu'im-
médiatement après avoir dit que « les Nobles et
« Non-nobles qui auroient fait les services par eux
« dûs, ne pourroient être contraints à faire autre
« service d'ost, fors en cas de l'arrière-ban, »
Louis X ajoute que dans le cas de cet arrièreban,
les hommes même qui ne dévoient aucun service,
seroient tenus d'y obéir. « Queiceiix homes qui ne
« sont tenus envers nous en aucuns certains servi-
« ces, ne puissent estre contrains à aucun service
« estre fait à nous, fors en cas dessus dil et derrai-
« nement déclaré. » (Ord. T. I, p. .588 et 589.) En
ordonnant que l'arrière-ban publié, tous y obéis-
sent, Philippe de Valois réunit sans doute ces hom-
mes qui ne dévoient pas le service exigible par le
ban, à ceux pour qui ce service éloit un devoir
féodal ou coutumier. « In casu quo fieret
" rt;/robfl«/n<m, omnestenerentureidem obedire. »
(Ord. T. VI, p. 551.)
On ne voit pas que les hommes non sujets au ser-
vice ordinaire et exigible par le ban, aient toujours
été tenus d'obéir à l'arrière-ban, à la convocation
itérative des Nobles et Non-nobles pour .un service
extraordinaire. Il paroit au contraire que l'arrière-
ban dont Cliarles VI, par ses Lettres du 8 février
1413, ordonne la publication, n'intéresse que des
hommes sujets au service féodal et coutLunier;
puisque le commandement d'obéir ne doit être
fait qu'aux Nobles, aux Possesseurs de fiefs et
arrière-fiefs , aux Dourgeois et habilans des
bonnes villes. Une preuve évidente que ces
bourgeois et habitans des villes dévoient un service
coutumier, c'est que comme on l'a déjà observé, pour
en obtenir l'exemption, ils payoient certains droits
d'aide. « Enjoignons qu'incontinent ces pré-
" sentes veues, vous faites proclamer solemnelle-
« ment à haute voix et ù son de trompe, en vostre
« bailliage, nostre arrière ban de par nous, en
" faisant commandement... à tous les Nobles....
« qui ont accoustumé d'user et ensuivir les armes
1 et qui sont en état de poursuivir, et Aultres qui
« tiennent fiefs et arrière-fiefs vallans par an vingt
« livres tournois, et outre aux Rourgeois et habi-
« tans de toutes bonnes villes et ressors de vostre
ic dil bailliage; c'est à sçavoir, ausdits Nobles qui
« ont accoustumé d'user et ensuivir armes, sur la
« foy et loyauté et aussi le service qu'ils nous
» doivent, et sur la peine de confiscation de leurs
« biens, fiefs et arrière-fiefs et tenement, ils vien-
« nent lantosten diligence et sans demeure, à tout
« le plus grand nombre et puissance de Gens
« d'armes et de traicl qu'ils pourront, et ausdits
« Bourgeois et habitans des bonnes villes qu'ils
" envoyent le pluslosl qu'ils pourront, des Gens
<■ d'armes et de li'aicl devers nous, montez à cheval,
« et armez, souffisamment accompaignez. » (Ord.
T. X,p. I9-i.) S'ils n'envoyoient pas ces Gens d'armes
et de traict, ils étoient personnellement tenus d'obéir
à l'arrière-ban. (Voy. Ord. T. II, p. 320, etc.)
Il n'y avoit donc réellement convocation générale
pour le service extraordinaire , que lorsque les
hommes qui n'avoient fait ou n'avoient dû faire le
AR
— 117 -
AR
service ordinaire et exigible par le ban , étoient
convoqués avec ceux pour qui ce service ayoit été
un devoir indispensable. Mais alors Varriêrc-lian
ou convocation itérative par rapport aux uns, étoit
par rapport aux autres un ban ou première convo-
cation. Il seroit possible que les mots ban et arrière-
ban réunis, eussent expliqué cette double significa-
tion A' arriére-ban. Peut-être aussi la réunion de
ces deux mots a-t-elle été occasionnée par l'igno-
rance ou par l'oubli de la raison pour laquelle on
les avoit distingués Fun de l'autre. Il paroit même
que l'idée de la distinction du ban et de Varrière-
ban avoit quelquefois été très confuse; puisque
dans une Ordonnance de Philippe de Valois, on lit
qu'au moyen d'une aide qui exemptoil seulement
du service exigible par le lian, » les Bourgeois et
« habitans de la ville de Paris, ne seront tenuz
« d'aller ou envoyer en l'ost pour arrereban ou
« autrement, si ce n'est en cas de évident néces-
.< site. » (Voy. Ord. T. II, p. 320.)
On sait qu'à l'établissement des Compagnies
d'Ordonnance par Charles YII , la Noblesse brigua
l'honneur utile d'y servir ; et qu'en servant dans
ces Compagnies à la solde de nos Rois, en temps de
paix comme de guerre , elle s'affranchit du service
exigible par le ban et arriére-ban. » Ledit Roy
« Charles VII mit sus premièrement les Ordonnances
« de Gendarmerie.... et pour les entretenir en
» temps de guerre et de paix, fit les tailles ordinaires
« sur le peuple.... En ces Compagnies des Ordon-
« nances n'estoient et ne sont receuz que Gentils-
<• hommes qui par ce moyen ont esté exemptés de
« Varricrc-ban ; ce qui ne semble pas raisonna-
« ble quant à la contribution de la bourse. Car
'< c'est une charge réelle que les fiefs doivent ; et
•' es dites Ordonnances ils reçoivent solde pour le
« service qu'ils font à la guerre, et le reçoivent en
'< temps de paix aussi bien comme de guerre ; dont
•' le peuple du Tiers-estat est foullé de tant plus ;
» car il paye les tailles pour l'entretenement de la
-• Gendarmerie » (Coquille , Hist. de Nivernois ,
p. H9.) Alors on négligea sans doute plus que jamais
la distinction du banei de Varrière-ban. Enfin le
ban ou la convocation pour le service ordinaire, fut
confondu avec Varrière-ban, la convocation itéra-
tive , la convocation générale pour un service
extraordinaire; et ces deux mots souvent réunis si-
gnifièrent en général « convocation pour service de
" l'ost. >■ (Voy. le P. Ménest., de la Chevalerie, p. 199.
— DelaRoque. Traité du Ban et Arrière-ban, p. 45.)
C'est relativement à l'idée d'fljvvn'f-fcaii, convoca-
tion générale pour service extraordinaire, qu'on a dit :
(i) En résumé, la propriété fut la base du service militaire sous les deux premières races : les hommes libres propriétaires
d'un missaticinn voisin de l'ennemi étaient convoqués par le missus, et partaient après la proclamation du ban au prône de
Jeur paroisse. Les réfractaires payaient 17ié/'j6n.;, amende montant souvent à 60 sous et pouvant atteindre 600 sous.
Le mot héi-ihaii reparait au temps de Philippe-le-Bel, mais on ne le comprend plus ; on le rapproche à'urban et on le
transforme en arriéve-ban. Ce mot composé est toujours joint au mot simple ban, dont il a la signification; c'est le ban
mérovingien et carlovingien, levée en masse {tunudtus) s'appliquant aux nobles et aux roturiers ; pour guerroyer en
Gascogne et en Flandre, le roi a besoin dune armée et d'argent : la convocation de l'arricrc-ban lui donnait l'un et l'autre.
Il offrait de partir ou de payer : le plus souvent on pavait. Ce fut là l'orii^ine d'abus qui amenèrent la décadence de
Yan-iére-ban : on n'y consentit plus que dans les circonstances graves, et Louis XI l'aurait réuni pour la dernière fois.
A partir du xv siècle, le ban et Yarriére-ban n'est plus que la convocation des possesseurs de fiefs qui doivent le service
militaire gratuit, (n. e.)
Li loa ses consaus
Que mandés fut Varierebatis
Des gens menues et des grans.
Ph. Mouskes, MS. ji. 256.
Se il m'estoit nus mestiers
De Sergans ne de Cevaliers ;
Tous li arrierebans venroit.
Lues que mon mesage veroit.
Id. p. 147.
En doubtance fut qu'il feroit,
Et se à .\rtus se combatroit,
Ou s'ariereba>i atendroit.
Riim. de Brut, MS. fol 9S, V° col. 2.
On voit que dans ces vers, le moi arrière- ban
signifie la réunion, l'assemblée des personnes géné-
ralement convoquées pour un service extraordinaire.
En regardant cette assemblée , cette réunion
comme un dernier effort pour la défense du Roi et
du Royaume, on aura dit figurémentd'un Chevalier
qui réunissoit toutes ses forces et les rassembloit,
qui faisoit les derniers efforts pour vaincre un rival
et réussir dans une entreprise, « qu'il monstroit
■< Varrière-ban de sa force ou de sa prouesse ; que
« l'arrière-ban de sa prouesse « venoit à son
secours. « Voyant le Chevalier sauvage qu'il avoit
« atTaire à ung si preux Chevalier, il pensa bien
« qu'il lui convenoit monstrer Varrière-ban de sa
« force. » Percef. Vol. III, fol. 9.) « Lyonnel du
« Glar pensa que à ce jour monstrer luy con-
« venoit Varriereban de toute sa proesse. » (Ibid.
fol. 126.) « Au besoing de vostre emprise, viendra
« au secours Varriereban de vostre prouesse. »
(Ibid. Vol. V, fol. 103.)
Il est encore possible <iue par allusion à l'espèce
d'hommes qui n'étant sujets qu'à Varrière-ban ,
venoient les derniers à l'armée, on ait désigné le
courage et l'intrépidité de quelqu'un toujours prêt
à marcher des premiers à l'ennemi , en disant qu'il
ne faisoit pas le riereban.
De S' Pol est là Gui le Conte :
0 lui, pour Flamens à mort rare,
Raoul de Neele son frère.
Cil ne sont pas le riereban.
G. Gui.in, MS. fol. 234, R- el V.
Li quens d'Artois est à main destre...
Lez lui, qu'à péril ne li tourge,
Jehan de Henaut son serourge,
Auquel il ot celé journée
L'ordre de Chevalier donnée.
Cis ne fait pas le riereban .
Id. ibid. fol. 254, V el 255, R-.
On n'ignore pas sans doute que pour les Vassaux,
les Hommes d'un Seigneur à qui il étoit dû un
service militaire et personnel, il y avoit le ban et
Varrière-ban comme pour les Vassaux, les Hommes
du Seigneur souverain (1). (Voy. D. Lobineau, Hist.
àïl
— 118
AR
de Bretagne, T. II, col. 947; lit. de 1420. — Ane.
Cûut. de Normandie, fol. G6, R% etc.)
VARIANTES :
ARBAN. La Thaumassière, Coût, de Berry, p. 103.
Arbaux (plur.) Du Gange, Gloss. lat. T. III, col. 1109.
AniEREBAN. Rom. de Brut, MS. fol. 93, V» col. 2.
Arueban. Ord. T. Il, p. 530.
Aruereban. Ibid. p. 320.
AiîRiEREBAN. Ph. Mouskes, MS. p. 147.
Erband. Du Gange, Gloss. lat. T. III, col 1109.
Eybamd (lisez Erband.) La Thaumass. G. de Berry, p. 697.
Herban. Percef. Vol. H, fol. 50, V» col. 1.
Herbault. Rabelais, T. IV, p. 219.
Herbaut. Id. ibid. p. 218 ; note de Le Ducliat.
Herbal-x (plur.) Coût. gén. T. II, p. 578.
Hereban. Coquille, Hist. de Nivernois, p. 121.
Heriis.vn. Fauchet, MU. fr. p. 114.
Herisha.n'. Borel, Dict. p. 260.
HiEREBAN. De la Roque, Traité de l' Arrière-ban, p. 45.
Riereban. D. Lobineau, Hist. de Bretagne, T. II, col. 947.
Arbitrage, S!</vsL wasc. Pouvoir déjuger comme
arbitre. Avis, jugement, volonté. La signification
avec laquelle ce mot subsiste, n'est pas moins
ancienne que l'acception d"après laquelle il désignoit
« le pouvoir de juger comme arbitre ; la volonté ou
« puissance donnée à aucun qui entreprendre le
« vouloit, à déterminer et prononcer sur le débat
« des Parties, ce que raison en donneroit. « (Voy.
Bouteiller, Som. rur. liv. Il, tit. m, p. 693.) Il dési-
gnoit en même temps le jugement qu'en conséquence
de ce pouvoir les arbitres qui prenoient connois-
sance de l'affaire soumise à leur avis et inspection,
prononçoient ou dévoient prononcer ; puisque le
même Jurisconsulte ajoute, qu'ayant accepté, ils
étoient « contraints à procéder avant à Varbitrage
« durant le temps de leur pouvoir ; lequel expiré,
a Yarbitrage estoit failly, et n"avoient plus de pou-
o voir, ne plus contraindre on ne les pouvoit ne
o devoit en outre, se terminé n'avoient à sentence
« diffiritive, ou appointement entre les Parties. »
{Voy. Id. ibid. p. 094.)
On a restreint à cette dernière acception l'usage
d'un mot qui, relativement h l'acception générale
du latin flj'b/7/v»?H,signifioitavis, jugement, volonté
que détermine l'inspection ou la connoissance des
choses. C'est en ce sens qu'un criminel à la volonté
de qui on laissoit le choix du genre de mort qu'il
aviseroit, qu'il jugeroit le plus doux, étoitdit mourir
à son arbitrage. >< Celluy milourl(l) Anglois auquel
« fut fait commandement, pour les crimes desquels
« estoit convaincu , de mourir à son arbitraigc,
« estent mourir nayé dedans ung tonneau de
« malvesie. » (Rabelais, T. IV, p. 14G.)
VARIANTES :
ARBITRAGE. Orth. subsist. - Bouteiller, Som. rur. p. 693.
Abbitraige. Rabelais, T. IV, p. UG.
Arbitrateiir, sitbst. viasc. Arbitre. Quoique les
amiables compositeurs ou appaiseurs, les arbitra-
teurs et arbitres eussent tous le droit de connoitre
d'une affaire soumise à leur avis et inspection, ils
différoient cependant les uns des autres en ce que
le pouvoir de la juger, plus limité pour « l'amiable
« compositeur ou appaiseur que pour l'arbitre, »
étoit presque absolu dans \' arbitrât cnr. (Voyez
Apaiselr et AniiiTRE.) En jugeant, l'arbitre observoit
nécessairement l'ordre de droict : » l'amiable com-
« positeur ou appaiseur » ne jugeoit que du con-
sentement des Parties qu'il mettoit en accord. (Voy.
Bouteiller, Som. rur. liv. 11, tit. m, p. 693 et 694.)
Mais Varbitrateur étoit un juge qui pouvoit ne
consulter que sa conscience el ne s'assujettir à
d'autre règle que celle de l'équité naturelle.
« Arbitrateur, si est celuy qui de la cause est
« chargé à sa conscience, ordre de droict gardé ou
« non gardé, et peut les Parties appoincter selon
a que bon luy semble. » (Id. ibid. p. 69i.)
On conçoit la possibilité que, même avec l'idée
de ces distinctions, idée qui sans doute fut souvent
confuse, la personne nommée pour connoitre d'une
affaire et la juger, fût tout-à-la fois arbitre, arbitra-
teur et amiable appaiseur ou appaisenteur. Alors
la forme du jugement indiquoit en quelle qualité il
étoit prononcé. « Monseigneur Jehan Aubignet,
« abbé de S' Jehan de Laon, arbitre, arbitrateur,
« et amijable appaisenteur, prins et esleu par noble
« homme Charles de Longueval, etc. » (D. Carpen-
tier, Suppl. Gloss. lat. de Du Cange, T. I, col. 273;
tit. de 1489.)
Arbiti'ation, subst. fém. Avis, volonté. On
étoit puni à Varbitration de Justice , lorsque la Loi
laissoit à la volonté des Juges le droit de prononcer
telle punition qu'ils aviseroient être proportionnée
à un délit. « Requièrent les Gens des Estais estre
« remboursez de plusieurs sommes de deniers
« payées à aucuns Commissaires particuliers
« pour illicites exactions ; et que lesdits Commis-
« saires pour l'injuste exaction d'iceux soient
« punis à Varbitration de Justice. » (Godefroy,
Observ. sur THist. de Charles VIII, p. 415. — Voy.
Ardithage et Arbitrement.)
Arbitre, subst. masc. Arbitre compromission-
naire. Inspection, avis. Jugement, volonté, arbitrage.
Anciennement le mot arbitre, en latin arbiter,
dont la signification actuelle, en termes de Droit, n'est
pas moins générale que l'étoit celle du mot inusité
arbitrateur, désignoit spécialement un arbitre
eoinpromissionnaire, un arbitre que le compromis
obligeoit de juger conformément à la règle du
Droit. « Arbitre ne peut et ne doit en la cause à luy
« submise, procéder autrement que par ordre de
« droict gardé, selon qu'il est allégué ou prouvé
« devantluy : car nul traicté n'y peut ne doit faire
« non plus que feroit le Juge, ne plus ne doit avoir
« de faveur à une partie qu'à l'autre ; mais tout
« laisser aller selon la reigle de Droict. » (Bouteil-
ler, Som. rur. liv. II, tit. m, p. 693 et 694. — Voy.
Arbitrateir et Arbitreus.)
Ce même mot arbitre, en \aiin arbitrium, àan&
un sens relatif à l'étymologie latine, signifioit avis,
inspection; jugement, volonté que détermine la
(1) Le duc de Clarence, frère d'Edouard VI. (n. e.)
AR
— 119 —
^ IP,?, nh';^'^""^''^^'^ j"^'« ^t raisonnable.
Lej't bi bs.de ou aide sera levée et cuillie du
« ton . et gardée.... au proffit commun de touz
' \^fr^ P"!' ^}- ''-'^"lé par l'ordenance et arbitre
" des Genz desd.z pais. ,. (Ord. T. m, p. G8G
Ln termes de Jurisprudence, se mettre en arbitre
ce oit se mettre en arbitrage; soumettre à iS
due personne, ù son inspection, la chose dont on
L,S"if ^■'"f ''^'P'"^' en avoir pris connois-
! Los HVF.Ç.f ""' 1T " ^^^'' "^ J' convensde
« LOS, et h Eskevm et h communiiez de Biéthune
" K;/!"/''T ^'' '^ "^^'""^ assenleuS en
fC -P "°^n" H ''"'' Margherite conlesse de
« Handie. » (Duchesne, Hist. généal. de la M de
Bethune pr. p. 145 ; tit. de 1270. - Vov Arbitra-
TION et ARIilTREMENT.) ^ AKKITRA
etdifncilfr/.S^^ ''^ '' naturellement défiant
et dill ule à satisfaire, que toujours on croira rai-
sonnable 1 ancien proverbe : .< Fol est Tbomme aûi
.< de son mantel se met en arbitre; car clé le4r â
« la moyclie perdue. » (Percef. Vol. IV fol ifi)
«inV.'V'P?''^'^'',®'''"^^^"^'^ »^'ec quelle analogie de
signilicalion, la volonté par laquelle on se d^tpV
AR
en latin Arl^orosa (2). (Voy. llfnt^l^TAZil'r'
Arborateur, subst. masc. Planteur d'arhrpc-
Pepinienste. (Voy. Cotgrave, Dict.) fl^'hies,
Arborer, verbe. Planter haut et dmit ^ lo
d-après laquelle le'stSlant a.^rt InuS'Sor
designoit une enseigne, un éte.Ed \loy IÏr Ti
Si 1 on en croit Pasquier, c'est à Vamira 3e cmmV
• Ordonnances q\'é fi ^'adm ?al de ciZ^f^
se^??S^1^ts'lï;?L'Sc"£^^' "■^"-
a.Kdogue à celui ^u SbSîf'^^ï;,.^' ^,?'i ^^.
pesSâ levép-pf- ,' ^'^''' '''^-' ^^"«'"«"t eml
pestnce, ie\ee et close que on n'y oeut ailpp
" ''^, P'çd ny ù cheval; et qui plus est s'efforpp
« d y planter, arborier, et nourrir haj^ à lin 0^^
iii. xxii, p. 111. _ Voy. Arboirie.) '
Arboriser, verbe. Chercher à connoître H
nature et a vertu des plantes; chercherdes p antes
On ne croit point qu-arboliser et arbo S soient
des al erations ûlierboriser et herboriser yerhel
iïSf la.infpf/^.'"^' '''' f'^'"'"*^^ de/,?S(3rd ?n'!
r\v>. M- ^^' ^u'^'*^^ <^^"s arboriste et arboliste
Aoy Ménage, Observ. sur la Lang. Fr. p 31 e 32 )
Il est plus vraisemblable qu'en étendant l'accention
t '"^^»''f .arbre, en latin arbor. à tou e eTpèce
de plante boiseuse ou non boiseuse, on en a Sa
forme le verbe primitif «rôor/sé-r, qui sî?niSt
« chercher à connoitre la nature et la vertu les
" hShf ' 'V'' r^^"'^^'''"^' «^es arbustes et des
" herbes ; chercher à connoitre la nature et la vertu
." Pa;sa'us''n'nr''''''i''''" ""'' P'^"'^^ en'yineVaL
passants par quelcques prez ou aultrês lieux
« herbus visitoient les arbres et plantes e en
. emportoient leurs pleines mains au log s des-
« quelles avoit la charge Rhizotome, ensemble
" des. instruments requis à bien arboriSr^
' « S 11 advenoit que l'aer feust pluvieux et intem':
„^^^,^^^^^^^l^^,subsl. m«sc. Arbitrage Le verbe
arbitrer qui subsiste, n'est pas moins ancieS dans
notre langue que le substantif arbitretSlTln
eto.t forme, « Sur les amendes de ceux dan ai es s2
« m.strent-.l en le arbitrement Aq tiel et de tiel
«ll4^s riSî^?'iSie;i!i~
îrdS:^^^y!1^^5^-^^'^-'-S^:
Arboirie, subst. fém. Arbres et arbrisseaux-
,e mot arbome étoit un nom collectif d'aibres de
ÏS'S^^-^^ï""^?'p-PP-'^'^^-^eK;rs
parmi la terre desquels ces rivières passent «Leurs
« terres et seigneuries vont jusques en l'eaue pÎ
« ont la couppure des ronsses ilarboirtekne
: si'SnS" S£?"î^f^(i)"^PO""-oSu'passe •
"M g ana arboirie ny doivent laisser mrnn
« y puisse tramer ; et s'ils ne le fa so e [es traU
« leurs le pourroient faire et coupper si avant aûe
rinnli*^™'^^'^"" ^,^"^ '^e mot arboirie, formé sans
doute, comme arbrorie, du latin arbor, ^1 f"anyois
f s , i ui. a ou\ e la lome arboUsta, jardinier pour les arbres, (n. e.>
AR
120 —
AR
« péré,... au lieu à'arboriser visiloient les bouli-
« ques des Drogueurs, Herbiers et Apolhecaires. "
(Rabelais, T. I, p. 167, IGO et 171. — Voy. Cotgrave
et Oiidin, Dict.) Ainsi, le verbe herboi'iser qui
subsiste, pourroit être une altération de l'ancien
verbe arboriser. (Voy. ÂRnoiusTi;.)
VARIANTES :
ARBORISER. Rabelais, T. I, p. 171.
Arboliser. Ménage, Observ. sur la Lang. Fr. p. 31 et 32.
Arborizer. Rabelais, T. I. p. 168.
Herboliser. Ménage, Observ. sur la Lang. Fr. p. 31 et 32.
Herboriser. Orth. subsist. — Monet, Ménage, Dict.
Arboriste, subst. masc. Qui cherche à con-
uoitre ou qui connoît la nature et la vertu des
plantes. Il semble qu'on ait méconnu la possibilité
d'étendre l'acception du substantif arbre, à toute
espèce de piaule, lorsqu'à raison de ce que les
arbres, les arbrisseaux et les arbustes intéressoient
moins que les herbes ou les simples, la curiosité
des Botanistes, on a imaginé qu'au lieu à'arbortste
et d'arboriser, il falloit écrire herboriser et herbo-
riste. On prouve cependant, par une citation de
Rabelais, qu'arboriser, c'étoit visiter les arbres et
plantes ; par conséquent les heibes, les simples,
dont la connoissance est l'objet plus particulier de
la Botanique. (Voy. Auboriser.)
De là, arboriste aura signifié la même chose que
herbeur, herbier, et herbiste, mots formés du
substantif herbe ; mais dans herboriste, on ne voit
qu'une altération du mot primitif arboriste. « Her-
B boriste qui est aujourd'hui.... le seul mot d'usage
« ne s'est introduit que par la réflexion qu'on a faite
« que puisque c'étoient les herbes qu'on cherchoit
« et non pas les arbres, on devoit écrire herboriste
« et non pas arboriste : en quoi l'on n'a pas pris
« garde que les deux dernières syllabes du mot sont
« des preuves convaincantes de l'ancienne ortho-
« graphe. » (Rabelais, T. 1, p. 1G8; notedeLeDuchat.)
On trouve l'ancienne orthographe arboriste (1),
dans les Fables de la Fon laine (liv. v, édit. de 1678.)
Un loup, feignant de croire malade un cheval qu'on
a mis au vert, s'offre à le guérir en disant qu'il
connoît la nature et la vertu des simples de la
prairie : mais une ruade le force à se donner à lui-
même cette leçon :
Chacun à son métier doit toujours s'attacher;
Tu veux faire ici VArhorisie,
Et ne fut jamais que Boucher.
VARIANTES :
ARBORISTE. Ménage, Observ. sur la Lang. Fr. p. 31.
Arboliste. La Grant Nef des Fous, fol. 3G, édit. de 1499.
Hebboliste. Ménage. - Dict. Etym. au mot Herboliser.
Herboriste. Orth. subsist. - Nuits de Strap. T. II, p. 426.
Arbre, subst. masc. et fém. Bois. La substance
qui forme le corps des arbres et sert à bâtir.
Desous la tour descent el porce (2)...
Rien n'i avoit qui aine fiist d'arbre;
Car il estoit tos fai.s de marbre.
Siéiçe de Thèbes, MS. du R. n- 6987, fol. 38, R- col. 3.
En se conformant à la règle d'après laquelle on
rapproche, autant qu'il est possible, un mol de tous
ceux dont il est l'origine, on auroit dû pour la
rédaction de l'article entier, préférer à l'orthographe
abrc, l'orthographe primitive arbre; et d'un seul
coup-d'œil on en auroit vu naître arbreau, arbres-
seau, arbroisel, abrisel; arbret d'où le verbe
arbreter ; arbreus; arbri, ou abri d'où le verbe
abrier ; les substantifs arbrier ou abrier, arbriere,
arbroie, arbrorie, etc. (Voy. Abre, Abri, Abrier et
Abrisel.)
variantes :
ARBRE. Orth. subsist. - S' Bern. Serra, fr. MSS. p. 50.
Airbre. Chans. fr. MS. de Berne, n» 389, fol. 119.
Arbreau, subst. masc. Petit arbre ou arbris-
seau. (Voy. Cotgrave, et Rob. Estienne, Dict.)
Arbresseaii. subst. masc. Arbrisseau. Les
orthographes arbruissel elarbraissiau sont un sup-
plément à l'article abrisel, on le pluriel ar/^rcssctii/a;
est une faute pour arbresseaulx, qu'on trouve dans
Molinet (Poës. p. 177. — Voy. Abrissel.)
VARIANTES :
ARBRESSEAU. Molinet, p. 177.
Arbr.\issiau. Lettre du patriarche de Jérusalem, fragm.
MS. de la Clayette, p. 114, col. 1.
Arbruissel. D. Carp. S. Gl. 1. de Du C. au mot Arboreta.
Arbret, subst. mnsc. Petit arbre. Fût d'arbalète.
La signification d'arbret est la même que celle
d'arbreau, petit arbre, dans le passage suivant:
« Quand voslre faucon sera fait et reclamé, toutes
« les fois que vous le leurrerez, jettez luy le leurre
a en quelque arbret, ou petit buisson, afin qu'il
« aprennedesoiarresteretde prendre la branche. »
(Arteloque, Fauconnerie, fol. 91. — Voy. Arbreau.)
On a nommé arbrels, des branches de chêne pré-
parées en façon de petits arbres, pour y tendre des
gluaux et prendre les pinsons. « Ces arbrets au
" nombre de trois ou quatre, faits en trépied aussi
« comme à dix pieds l'un de l'autre, doivent être
« de branches de chêne et n'être mie si haulx que
« l'en ne puisse bien avenir au coupel (3) pour les
.< gluer. » (Modus et Racio, fol. 184-185. — Voy.
Arbreter.)
Quelquefois abret, comme altération de l'ortho-
graphe arbret, désignoit le fût d'un arbalète, nom-
mée plus souvent abre ou arbre, abrier on arbrier.
« Ainsi que le Suppliant ot tendue son arbalestre
« et couchée la vire sur l'abi'ier,.... ne scet se la
« dite vire estoit couchée sur le cours de Vabret de
« sa dite arbalestre- » (D. Carpentier, Suppl. Gloss.
lat. de Du Gange, T. 1, col. 274; tit. de 1429. —
Voy. Abre et Abrier.)
VARIANTES t
ARBRET. Modus et Racio, MS. fol. 184, V".
Abret. D. Carp. S. Gl. 1. de Du Cange, T. I, col. 274.
Arbreter, i>erbe. Tendre des gluaux. Préparer
en façon de petits arbres ou d'arbrets des branches
(1) Ce mot est à la fois un archaïsme et un néologisme : le peuple l'emploie encore pour herboriste, et quelques personnes
en font le synonyme de pépiniériste, (n. e.) - (2) Porche (.porticus), vestibule soutenu ou non par des colonnes, devant les
églises et les palais, (n. e.) - (3) En bas-latin cupci,, branches, sommet d'un arbre, (n. e.)
AR
— 121 —
AR
de chêne sur lesquelles on prend les pinçour en
leur tendant des gluaux. De là, l'ancienne expres-
sion arhreter aiix pinsons, qui signifie un de ces
amusemens qu'on nommoit Zts déduits aux pau-
vres. (Modus et Racio, ms. fol. IGl. — Voy. Arbret.)
Arbreus, adj. Planté d'arbres ; garni d'arbres.
C'est en ce sens qu'on disoit, vallées arbreuses,
arbrctises forêts, bocage arbreus. (Voy. Epilhètesde
M. de la Porte. — Poës. d'Amadis Jamin, fol. 21), V".
— Œuv. de Ba'if, fol. 52, V°.)
Arbrière, subst. fém. Arbres et arbrisseaux.
Nom collectif d'arbres et arbrisseaux formant une
haye. « Ti'ouva quatre escus d'or, lesquelz il enterra
« au pié d'un chesne, en V arbrière ou baye de bois
« de Pousiniere. » (D. Carpenlier, Suppl. Gloss. lat.
de Du Cange, au mol Arborela; tit. de 1457.)
Ai'brisselet, subst. niase. Petit arbrisseau.
Arbrisseau tel que le groseillier. On a désigné la
qualité aigre et acide du fruit du groseillier rouge,
en le nommant arbrisselet d'aigreur. (Cotgrave,
Dict. — Voy. AiiRisEL.)
Arbroet, subst. masc. Lieu planté d'arbres de
la nature de l'aune, du saule, etc. Peut-être faul-il
lire arboret, en latin arborctum ; mot qui, dans un
extrait du troisième registre des Coutumes de la
franche forêt de Mourmal, paroît signifier « un lieu
« planté d'arbres de la nature de l'aune, du
•• saule, etc. » comme dans une charte de l'an 1402,
citée par D. Carpenlier, (Suppl. Gloss. lat. de Du
Cange, T. I, col. 273,) le mot arboreta signifie
salicium, en françois saussaie'? « Pour avoir fait
« faire plusieurs laignes (1) d'aulnes, commen-
1 çant à l'aulnoye desseure la blanche fontaine,
« depuis les arbroets venants du long trouver
« Aletruyr et venant passer au bicquet Mallerir, et
« d'illec aux fossez des autels ; desquelles il en a
« vendu aucunes, et les autres mené à ses cau-
« fours, etc. » (Coût, de Landrecies, au Nouv.
Coût. gén. T. II, p. 269, col. 1.)
Arbi'oie, subst. fém. JNom collectif d'arbres
formant une forêt, un bois, un taillis, un bosquet,
un bocage, etc. On nommoit en ce sens rt?'/i)'0|/<? une
forêt, un bois, un taillis, etc. « Il vint.... à une
" forest que ceux du pays appelloient VArbroye. »
(Lanc. du Lac, T. II, fol. 65.) •• Les racines qui re-
" mestrent en la terre, engendrèrent d'eles-meismes
« granz arbroies autretelles comme perches. »
(Hist. de Charlemagne, ms. de la Clayette, p. 94.)
I,a lune luist parmi Varhroie.
Parton. de lilois, MS. de S. Gerra. fol. 163, V col. 3.
L'autre jour me chevauchoie
De lès une grant arbroie;
Si pi'arestoie un petit.
Si com dedens esgardoie,
Vi pucèle simple et coie
Qui disoit par grant despit :
Il jut anuit en mon lit,
Nuetement en mes bras,
Li chaitis, las !
A pou que je n'ai tout dit :
Mal feu (2) soit il ars ;
Trop est couars.
Chans. fr. MS. de Doubler, fol. 301, V° col. 1.
Parmi cèle a>-broie,
Cil oisèlon s'envoisent
Et mainerit grant baudor.
Quant j'oi là leur joie,
Por riens ne m'i tendroie
D'amer bien amors.
Ane. Poèt. Fr. MSS. avant 1300, T. IV, p. 1448.
Ces derniers vers font partie d'une chanson
attribuée au comte Thibaut par M. delà Ravalière,
qui a écrit arboie pour arbroie. (Voy. Poës. du Roi
de Navarre, T. II, p. 95.)
VARIANTES :
ARBROIE. Siège de Troye, MS. du Roi, n» 6987, fol. 92.
Arboie. De la Ravalière, Poës. du R. de Nav. T. II, p. 95.
Arbrove. Lanc. du Lac, T. II, fol. 0.5, R» col. I.
Arbroier, subst. masc. Nom collectif d'arbres.
Peut-être pépinière. « Courtieux où on fait
« plusieurs labourages de vignes, à'arbroiers, et
« d'autre semence. ■• (Bouteiller, Som. rur. liv. II,
tit. X, p. 794.)
Arbi'orie, subst. fém. Bois, forêt. Lorsque la
forêt, le bois ou lieu planté d'arbres étoit très cou-
vert, « c'étoit une arbrorieespesse de grans arbres. »
(Percef. Vol. I, fol. 99.)
Arhroys,, subst. masc. plur. Arbres et arbris-
seaux. Nom collectif d'arbres et arbrisseaux qui
croissent au bord des rivières, et dont l'eau baigne
les souches et les racines. Probablement dans
l'Ordonnance des Eaux et Forêts, que cite D. Car-
penlier, d'après un ms du Roi, la défense de battre
aux arbroys, est relative aux moyens usités par les
Pêcheurs, pour attirer dans leurs filets le poisson
auquel les souches et racines de ces aibres et
arbrisseaux servent de retraite. « Que l'en ne batte
« aux arches, ne aux gors, ne aux arbroys. »
(D. Carp. S. CI. lat. de Du Cange, au mot Arboreta (3).)
Il est évident que le mot ables, altération du
pluriel abres ou arbres, étoit de même signification
qu'arbroys, lorsque Charles VI, par son Ordonnance
du 1"' mars 1388, défendoit « d'abattre aux arches,
« ne aux gors, aux ables. « (Voy. Ord. T. VII, p. 779.)
L'article lxxh de l'Ordonnance de 1402, citée par
D. Carpenlier, réitère la même défense; mais
croiroit-on, sans l'autorité du ms. du Roi, qu'au
lieu de ces mots gors et arbres ou arbroys, un
copiste inattentif et ignorant ait écrit gros herbes
ou seulement herbes, comme on lit (Ord. T. VIII,
p. 535 ; et Gr. Coût, de Fr. p. 73, édit. de 1598.) On
sait que les gors ou gords (4) sont des pêcheries
construites dans les rivières.
Arc, subst. masc. Arc, arbalète. Arc de triomphe.
Arcade, voûte, cintre, enfoncement cintré. Partie
(1) Cordes de bois^ bois en corde ; en latin ligna. - (2) Malè falutus, le mal fortuné, le malheureux, (n. e.) - (3) C'est la
racine du mol étudie : de même suliccliini fait saussaie ; alnetum, aulnoy. (n. e.) - (4) En latin gurges ; ce mot est resté,
sous la forme younis en Nivernais, prés de Decize : il désigne des étangs profonds et poissonneux. (N. e.)
II. 16
AR
122
AR
du corps d'un clieval, d'un chien; les jambes ou
partie des jambes de devant. S'il est vrai que baliste
ou bah'ate soit formé du grec />'«;i;iQ), l'usage de l'arc
avec lequel on lançoil les' traits nommés llèches, ou
les pierres nommées jalets, semlile avoir été désigné
par l'expression arc à baleste, doù le mot composé
arbaleste. (Voy. Ahii^u-este.) On omettoit celte dési-
gnation assez "inutile, en disant arc à flèches, arc à
jalets. (Borel, Rob. Eslieune et Nicol, Uict. —
Voy. Arcajalet.)
Les arcs à tour, distingués des arcs de main et
de COI ps, étoient les arcs qu'on bandoit avec un
tour, uu moulinet, comme les arbalètes qu'on ne
pouvoit bander aux reins. « Pour double de mort
« s'enfuyrent en l'autre tour à garant, où ilz firent
« par force d'Archiers et Arbalestriers reculer : car
« ils avoient leanz plusieurs arbalestes et ars à
« tour. Si gariterenl leur dite tour, etc. » (Hist. de
B. du Guesclin, par Ménard, p. iSi.)
On nommoit les arcs faciles ù bander sans tour
ou sans moulinet, arcs de main, arcs îi main, et
plus anciennement arcs maniers.
Plus que ne giete un ars matiiers,
Les envoient fuiant ariers.
Alhis, US. fol. 79, R- col. 1.
« La longueur d'un arc de main, qu'on faisoit
« d'yf ou d'autre bois, éloit au moins de vingt poi-
« gnées, de l'une ousche où la corde se metjusques
« à l'autre. Quand Yarc étoit tendu, il y avoit entre
« l'arc et la corde qui étoil de soye, tout les cinq
« doigts et la paume large. La flèche ayant en lon-
" gueur huit poignées, dès la bosce de la coche
« derrière jusqu'au barbel, étoit garnie d'un fer
« long de cinq doigts, et large de quatre, au bout
<• des barbiaux ou pennons. » Ces proportions
n'étoient pas si invariables qu'elles ne pussent
avoir plus de longueur, puisqu'en parlant de ce
même arc qu'on tendoit à la main , on a dit qu'« il
« devoil avoir de long entre la coche du bout de
« hault jusques à celles du bout d'embas vingt-deux
« poignées, etc. «(Voy. Chasse de Gaston Phébus,Ms.
p. 324 et 325. — Modus et Racio, ms. fol. 72 et 73.)
L'expression « faire les buissons aux arcs, » signifie
les préparatifs de la « chasse îi l'arc de main, » ou
tout simplement de la chasse ii l'arc. (Voy. Modus
et Racio, ubi supra.) On a la preuve qu'à la guerre,
comme à la chasse, on se servoit d'arcs de main
ou d'arcs à main. «Commencèrent à tirer
« d'arbalestres et arcs à main très-fort contre leurs
« ennemis. >• (Monslrelet, Vol.I, ch.ccxvii, fol.287.)
Il est probable que l'arc de corps étoit l'arbalète,
espèce d'aj-c dont les Turcs paroissent avoir été les
inventeurs (1). Les Chrétiens, qu'on croit n'avoir
connu l'usage de cet arc et ne l'avoir emprunté des
Turcs qu'au retour de la première croisade, l'auront
nommé par celte raison arc turquois. On ajoute
qu'avec l'arc turquois, autrement Tare de corpSj on
lançoitdesiiuarreaux, espèce de tlèches plus particu-
lièivs à faibalèie qu'à toute autre espèce d'arc. « Les
" Seigeans prindrent leurs ars turquoijs (2) et s'en
« vindrent tous renger devant la porte du Chastel
<( GadilTer et le Tors, Lyriope et Lisane.... jouoient
« h tables.... Mais ainsi que Lyriope jecloit les dez
« sur le tablier, ung Sergent tira d'ung arc de
« corps par dedans la tour, et ferit contre le mur.
<•■ Lors cheurentquarreauxsurla main de Lyriope. »
(Percef. Vol. I, fol. 81, R» col. 1.)
Quant en Chippre furent venu,
Il recouvrèrent à planté
De vivres à leur volenté ;
Armes, chevaux, artillerie,
Pour mettre dedenz leur navie ;
Ars turquois, angins et briquoles, etc.
G. Macliaut, piise d'Alaxaudrie. MS. fol. 217.
Cet arc turquois, probablement le même que
l'arc de corps, différoit peut-être de f aî'c à main,
en ce que la force du bras ou de la main étant
insuffisante pour le bander, on y employoit toute
la force du corps. Il seroit possible aussi que par
la raison qu'un arc tendu avec la main est tendu
avec partie de la force du corps, on eûl nommé
indifféremment nrc de corps ou arc de main, toute
espèce d'arc qu'on bandoit sans tour ou sans
moulinet. Ainsi l'arc de main dont on a parlé, étoil
comme l'arc de corps, un arc turquois. « Puet-on
« prendre les bestes à traire aux arcs, et à l'arba-
« leste, et à Varc de main que on appelle turquoys. »
(Chasse de Gaslon Phébus, ms. p. 324.)
On nommoit ce même arc, un arc anglois;
dénomination qui semble désigner l'adresse avec
laquelle on se servoit en Angleterre de l'arc de
main ou de l'arc turquois, qu'on croit être l'espèce
d'arbalète propre aux Turcs, et dont les Anglois
furent les premiers à renouveler l'usage interdit
aux Chrétiens par les Papes. « L'a/"c de main que
« on appeWc. Anglois ou turquoys doit avoir de
« long, etc.... Des arcs ne scay-je pas trop : mais
« qui plus en vouldra sçavoir, si aille en Angleterre ;
« car c'est leur droit mestier. » (Chasse de Gaston
Phébus, MS. p. 324 et 329.)
L'arbalesle étant une espèce d'arc, on la com-
prenoit souvent avec l'arc de main, le même que
l'a?'c anglois ou turquois, sous le nom simple et
générique d'arc. « Les Archiers doivent avoir leurs
« arcs tenduz et estre vestuz de vert, et leurs
« arcs aussi verz ; soyent arbalestes ou autres. »
(Chasse de Gaston Phébus, ms. p. 332.)
On a comparé la santé dont on abuse, à un arc
qui rompt à force d'être tendu.
Santés est ars que fols entoise (3),
Qui à son besoing brisera :
Or peust (4) cascuns quels il sera.
Pofine de la Mort, MS. .lu R. n- 6987, fol. 336, R* col. 4.
Dans le sens figuré, on désignoit une personne
(1) Voir l'article Arbalète : il était déjà connu des armées romaines; le moine Richer en parle et il est représenté sur des
miniatures du temps de Louis d'Outremer, (n. e.) — (2) Cet arc turquoijs, qu'on ne connaît qu'au xav siècle, avait des
branches en os ou en corne, réunies par un ressort d'acier; les arsenaux du temps de Charles V contenaient encore des
provisions de cornes de bœuf pour répondre à cet usage. (N. E.) — (3) D'un fréquentatif intc{n)sare, de intendere. (n. e.) —
(4) Puisi, pèse, vaudrait mieux pour le sens. (n. e.)
AR
- 123 —
AR
toujours prêle à bien dire et h bien faire, en l'assi-
milant a un Arclier, qui tenant Vare tendu est tou-
jours prêt à lancer son trait.
De bien fere et de dire a toz jors l'ace tendu
Fabl. MS. du R. Il" 7218, fol. 202, R-col. 1.
Si l'on exigeoit de quelqu'un autre chose que ce
qu il avoit projeté de faire, on lui disoit :
D'autre arc vous convenra traire.
Fabl. M.S. de S' Germain, fol. 45, V" col. 2.
On blâmoit un homme trop timide pour oser ce
qu 11 s étoit promis d'exécuter, en disant proverbia-
Coart est qui ne trait, quant son arc a tendu.
Chaslie-Musan, MS. de S. Gerra. fol. 105, R" col. 2.
h' arc-en-ciel, ce Météore qui paroîl dans les nues
ligure en arc et diversement coloré, s'est nommé
are celestre; comme signe d'alliance entre Dieu et
es liommes a.rc fédéral, en latin arens fœderis
(Voy. Rom. de la Rose, vers 18900. — J. d'Auton
Annal, de Louis XII, an. I4!)9-ir)0I p '^0 )
Il semble que dans la satire dixième de Régnier
« se préconiser cousin de ïare-en-ciel signifie
« s exalter, s élever jusqu'aux nues. »
S'idolâtre, s'admire, et d'un parler de miel
be va préconisant cousin de Varc en ciel.
Cette expression, imaginée par Régnier a été
dn''vvn.Pi''I'^i"'l"v' d" r^orens, autre poëte satirique
245 ^ ^^' ^"^'^^' '^'•'•'O*'!- <■''• T. XVI,
En comparant à un arc l'espace que le soleil par-
court du levant au couchant, on a pu nommer W
rfHjo«r autrement are diurne, le jour artificiel qui
se prend depuis le lever jusqu'au coucher du solei
(\ oy Co grave, Dict. - Dict. des Arts et Sciences.) '
L arc, la plus simple des armes, et sans doute a
première que la nécessité de combattre de loin ait
tait inventer a 1 homme, même le plus sauvao-e fut
aussi le premier signe de la victoire (1). Les mo'nu-
menselevesàlagloiredesvainqueursreprésentèrent
\irc avec lequel ils avoient triomphé des ennemis
e ces monumens furent nommés arcs, ares triom-
phans, aujourd'hui arcs de triomphe. .. Les Reis
» soldent anciennement faire lever e voidre (2) ars ki
« fussent signe e à remembrance de lur victorie .'
vLivres des Rois, ms. des Cordel. fol, 04, R- col. 2.)
Face chasteaux qui voudra et théâtres,
4!lZ!'''l'T''"""' thermes, amphithéâtres,
lours et dongeons, colosses monstrueux
U or, bronze ou marbre, et palais sumntueux-
Tout cela tombe et déchet en ruine '
Les Marg. de la Marg. fol. 3 v
On ne pouvoit mieux désigner la figure de ces
monumens que par l'expression voidre «m en latfn
arciis volvere; d'où l'on a dit are r./„, « r S's
arc voulte : en un seul mot arvoulu, arvoi^ S'
arvout, e peut-être arbout, en latin «r,-o//«/co,: I
traction dm-cus volutus. Il paroit qu'en Architec
turc 1 arc valu ou Varvoulu, désigna génénlemeSt
tout ce qui étoit figuré en arc, voûté en arc ■ une
arcade une voûte, un cintre; une galerie ou autre
Sn'chitœ"" '"*' ^°™^'^'^ ai^ade! en vSe!
En un arool d'une cortine
De soie ù gisoit la mescine
.Se sont assis privéement.
Rom. de Flo.re et Blanchellor, MS. du R. n" 6987, fol. 252, V col 3
Josep qui enz fu herbergiez
Desouzr<(,Toi(?» et logiez
tn son ht sedormoitla nuit
Concop.ion de la Vierge, MS. de la Clayelle, p. 161, col. 2.
Quant Ulixes s'en est partis
■lus avalent les arvolis.
En lor palefrois sont monté etc
Siège de Troye, MS. du R. n- 6987, fol. 81 , V col 1
Fors des arvols del parleour /
Ut une place grant et lée
Ue haut mur tote avironée.
Ibid. fol. 70, R« col. 1.
Tos. V^' -^^ ^r '^ ^°'™*' «°'-e li sont coru •
Ii^tV Z""^*'"' avoir ochis et confondu. '
Ahxandre s'es trais devers un arc voulu, etc '
Rom. d Alexandre, MS. du R. n- 6987, fol. 182rv- col. 2.
Dans ces différentes citations qui prouvent F'ic
cep ion générale d'arc volu, d'an;««/ , en n seul
mot, d' arvolis et d'arvol, il n' est pns p lus fadle d'en
distinguer les acceptions particulières que cellS
« cSu fde'î.','''':f"'''''^^^'''^'°"' " J«-Vouvri?
cest nujsdela.... et vous serez en cest«rct)oî//«<î
for/oo'Tcnf ï'^'^"^''-^/')- " (L'-'"'^' du Lac T.t
101. 100, R»col. J. — Voy. Arvol-lu.
On designoit sans doute la forme cintrée d'une
espèce d'armoire pratiquée dans répaisseur d"în
mui-^ en nommant cette armoire un arcloum
« La muraille d'.celle tour avoit bien quatorze
par la main dextre.... le mena vers ung arc vanité
" qui es oit par dedans le mur, moytié en terîe et
" moytie dehors, et puis luy dist : Sire Conte vous
« povez veoir ceste armairie qui est dedans ce
« mur » (Percef. Vol. I, fol. 3, V» col 2.) ' ""^
I est probable que dans la Coutume de Blois, le
mot «rc signi le un enfoncement cintré, de même
arc voulte. « Si aucun veut faire cheminée ou arcs
« en un mur commun et moytoien, il ne pourra
« prendre que a tierce partie/dudit mur. .Tout
s,en 1. 11, p. it,4. — Voy. Arcade.) Le narticine
mute, voultis, ou volu étant retranche, on diso^l
tout simplement are pour arcade, voûte, etc. fVov
Gotgrave, Rob. Estienne, Nicot et Monet, Dict )
Un soupt'onne que par une allusion triviale et
révoltante du mot In-eneux au nom de bernard,fon
aura désigne par l'expression arc S' nernard la
pM'fj;°P.';f'^'^'""." '''''^'''^ d'une voûté obscure
et favorable aux besoins naturels des passans et
que de là on aura dit « passer sous ïarc S' èer-
.En.acambre....;»^..^L-î^^^^-(3)0n^^
AR
— 124 —
AR
« tourner un pet de sexe masculin en féminin,
sans passer sous Varc Seinct Ilernard. >• (Des Ac-
cords, Escr. Dijon, fol. 4, V". — Voy. Cotgrave, Dict.
— Oudin, Cur. fr.)
Peut-élre qu'en parlant du clieval et du cliien,
l'on aura nommé arcs dedevunl et tout simplement
an's, les jambes ou partie des jambes de devant,
parce que dans le mouvement pour marcher elles
se courbent en arc. « Leurs chevaulx furent en
« l'eaue jusciues es nrs; lors se mettent à nager. »
(Percef. Vol. I, fol. 51, V" col. 1.) « Estoyent... leurs
« clievaulx tous espaullez à cause qu'ilz avoient
« hurlé au puys, des arcs de devant. » (Ibid. Vol.
YI, fol. 19, V° col. 2.) « 11 faut... seigner le chien des
>< deux venes qui viennent par le dedans des
« espaules des jambes de devant qu'on appelle pour
» les chevaux, les arcs. » (Du Fouilloux , Vén.
fol. 80.) '< A chacune sorte de galle, il est néces-
« saifc de seigner le chien des deux jarrets de
« derrière des veines qui sont au dedans, et des
« arcs. » (Charles IX, de la Chasse, page 82.)
On terminera cet article en ajoutant que l'usage
seul a restreint l'acception d'un mot, par lequel on
auroit pu désigner toute espèce de chose dont la
figure ou la forme a quelque rapport à la courbui'e
et même à l'idée de la courbure d'un ai'C. (Voy.
Arche.)
variantes :
ARC Orlh. subsist. - L des Rois, MS. des Cordel. fol. 50.
AlRC. Chanson fr. WS. de Rerne, n» 389, part, ii, fol. 20.
Arch. Livres des Rois, MS. des Cordel. fol. 24, R" col. 1.
Arcq. Nouv. Coût. gén. T. Il, p. 60, col. 1.
Ark. Britton, des Loix d'Angl. chap. Lxvi, fol. 1U4, R».
Ars. (Plur. et sing.) Athis, MS. fol. 78, R" col. 2.
Xm. Fabl. MS. du R. n» 7615, fol. 102, V» col. 1.
Arz. (Plur. et sing.) Rora. de Perceval, fol. 272, V° col. 2.
Arcade, subst. féni. Arc, demi-cercle. Enfonce-
ment cintré, espèce d'armoire en cintre. Quelles
que soient les acceptions usitées et inusitées du mot
arcade, elles sont toutes relatives à l'idée de la
courbure d'un arc. C'est dans le sens d'arc, demi-
cercle, que par comparaison on a dit : « mettre les
« mains on arcade sur les costes. » (Voy. Cotgrave,
Dict.)
Il est probable que dans les Coutumes de Gorze
et de S' Mihiel, une arcade est la même chose qu'un
arc dans la Coutume de Blois ; un enfoncement
cintré, une espèce d'armoire en cintre, creusée
dans l'épaisseur d'un mur. « Parois commun et
« métoyen peut estre creusé jusques au tiers de
« son espaisseur pour y dresser tuyau de chemi-
" née, armoires, arcades, ou autres commodités. »
(iNouv. Coût. gén. ï. Il, p. 1090. — Ibid. p. 1057. —
Voy. Arc et Arche.)
VARIANTES :
ARCADE. Orth. subs. - N. Coût. gén. T. II, p. 1057, col. 2.
Archade. Cotgrave, Dict.
Arcage, subst. masc. Courbure en arc. (Voy.
Arceure.) Vraisemblablement, une porte à'arcage,
étoil une porte voûtée, courbée en arc.
Prendent lor volage
Vers la Cité qui estoit grans et large :
Ens sont entré par le porte d'accoge.
Anseis, MS. fol. 3i, R- col. 2.
Arcajalet(l), subst. masc. Espèce d'arc ou d'ar-
balète. L'arc ou l'arbalète avec lesquels on jetoit des
pierres rondes nommées jalets, et (lu'on désignoit
par l'expression are à )«/ef; d'où le mot composé
arcajalet, altéré àans, arcanjelet que .Monet définit :
« espèce d'arbalète à la main, tirant à baie et à
« trait. » (Voy. Arc et Arbaleste.)
VARIANTES :
ARCAJALET. Ménage, Dict. Etym.
Arcangelet. Monet, Dict.
Ai'ceau,s(//)sL masc. Petit arc. Arc de triomphe,
arcade, voûte, berceau. On courbe en petit arc la
partie supérieure d'un berceau d'enfant, les deux
pièces de bois qui jointes l'une à l'autre soutiennent
une selle de cheval, les rejetons des ceps de vigne
provignés. De là, les expressions arceau de bers,
arceau de selle, arceau de provin en la vigne.
(Monet, Dict.)
En termes d'Architecture, l'arc, la courbure d'une
voûte se nomme encore arceau. Mais il paroit que
sans égard ;'t la terminaison qui caractérise un
diminutif, la signification d'arceau étoit autrefois la
même que celle d'arc, arc de triomphe, arcade,
voûte, berceau. (Voy. Du Bellay, Mém. pièc. justif.
T. VI, p. 366. — Alector, fol. 136. — Rabelais, T. I,
p. 74.) En termes de jardinage, arceau désignoit
aussi une treille disposée en voûte, en berceau.
(Monet, Dict. — Voy. Arc.)
Arcelor, verbe. Creuser en demi-cercle; can-
neler. Il semble qu'on ait comparé à la courbure
intérieure d'un arc, d'un petit arc, la circonférence
concave d'un creux en demi-cercle, d'une canne-
lure creusée sur une colonne ou sur un pilastre,
lorsqu'on termes d'architecture on a dit, 1° dans le
sens de creuser en demi-cercle : « Perron de mar-
" bre, hault de sept piedz, de figure triangulaire,
« et les costez arcJiele% en dedans en hémicycles,
« faisans trois demi-rondes enfonceures. » (.\lector,
fol. 11, V°.)
2° Dans le sens de canneler : « Ronds pilliers
« bien arcclez, et tous faits à feuillages, selon la
« mode Lombarde. » (.1. d'Aulon, Annal, de Louis
XII, an. 1502, p. 107.)
VARIANTES :
ARCELER. J. d'Auton, Annal, de Louis XII, p. 107.
Arcmeler. Alector, fol. 11, V».
Arceure, subst. Arc, cintre. Pièces de menui-
serie qui entourent les meules d'un moulin. Arc,
portion de cercle. Forme arquée, courbure en arc.
Dans le premier sens on a dit : » Quant ilz vindrent
« a un portail.... le Roi passa devant.... et veil
« escript en Varceure, par dessus les deux huys.
« lettres d'or. » (Percef. Vol. II, fol. 120, R- col. 2.)
Les pièces de menuiserie qui entourent les meu-
les d'un moulin, étant nécessairement courbées en
(1) Mieux écrit arc-à-jalet. Voir, sur les arbatites, le résumé donné par M. Littré, add. au 1V« vol., p. 2573, 2« col. (n. e.)
AR
— 125 -
AR
arc, on en aura désigné l'assemblage par le mot
arcure, dans une pièce de vers où le Poëtc fait une
allusion continuelle de la vanterie à un moulin
à vent.
L'eureus Wagons a encovent
Qu'il fera un molin de vent
Or nos covient faire une suele
Ki bien puist soustenir le muele
Or me covient faire une arcure
De celui qui a mis se cure
En mentir, très cou qu'il lu nés.
Ane. Pofl. Fr. MSS. avant 1300, T. IV, p. 1351 et 1358.
Il paroit qu'en ces vers, arcure est de même signi-
fication qn'archure. (Voy. Colgrave, Dict. — Dict.
des .\rts et Sciences. — Du Gange, Gloss. lat. T. I,
col. 04-2, au mot Archeura.)
On sait qu'en Géoméliie l'on nomme arc toute
portion d'un cercle. Le Zodiaque est un grand cercle
de la sphère, imaginé par les Astronomes et divisé
en douze portions. Ainsi, les arcures du Zodiaque
sont les portions de cercle, les arcs qu'avant Coper-
nic on faisoit parcourir au Soleil, en lui attribuant
un mouvement relatif à l'ordre des signes du
Zodiaque. « Le cler Titan (1) passant par les arcures
■' du Zodiaque, par-devant la maison de la Vierge,
<• jettoit son regard en terre. » (J. Le Maire, lUustr.
des Gaules, liv. i, p. 78.)
La forme d'un beau sourcil étant comparée à la
courbure d'un arc, on a dit : « Considéra l'ampli-
« tilde et spaciosité de son cler front bien arrondy,
•< V arcure de ses sourciz noirs, etc. » (J. Le Maire,
lllustr. des Gaules, liv. i, p. 110. — (Voy. Arcage.)
VARIANTES :
ARCEURE. Percef. Vol. II, fol. 120, R° col. 2.
Archure. Cotgrave, Dict. — Dict. des Arts et Sciences.
Arcure. Ane. Poët. fr. MSS. avant 1300, T. IV, p. 1358.
Archaïsme, s!//^s^ maso. Ancien mot; expres-
sion ancienne. Mot ou expression de l'ancienne
Langue françoise. On en trouve de cette espèce
dans les Poésies de Malherbe. La dernière Ode qu'il
ait faite, est celle où il y a moins de ces expressions
anciennes, de ces anciens mots, que Ménage a dési-
gnés par le mot archaïsme; en grec a^xancfiis. (Voy.
Observ. sur les Poës. de Malherbe, liv. ii, p. 327. —
Dict. de l'Acad. Fr.)
Archal, subst. masc. Espèce de métal; cuivre;
laiton. En grec, le mot composé ÔQù^aXxoç signi-
fioit œs montanuni; le métal, le cuivre qu'on tire
des montagnes, et que les Latins, à l'imitation des
Grecs, ont nommé oriclialcum. C'est d'après une
idée dont Vossius indique la fausseté, qu'à cette
orthographe primitive ils préférèrent celle d'auri-
chalcum, contractée dans le mot françois arkal ou
archal. Ce mot étoit de même significalion que le
latin, lorsqu'on désignoit une monnoie de cuivre,
une horloge faite en cuivre, en disant monnoie
d'archal, horloge à'arcluil, etc.
Je me gageroie
Un denier d'argent ou d'archal,
Se Bertran et le llaréclial, etc.
Fabl. MS. du R. n- 7218, fol. 197, R- col. 2.
. . . . Li tramist, se jou n'i fal (2),
Uns moult rice orloge d'arkal.
Ph Mouskes, MS. p. 71.
On percevoit au profit du Roi, en 1315, un péage
de deux sols dix deniers pour cent de Varcha! et fil
A' archal trans;iorlé depuis le lieu où la Seine se jette
dans la mer, jusqu'au' Pont-de-l'Arche. (Ord. T. I,
p. 600.) Le cuivre passé par la filière se nomme en-
core fil d'archal; expression dont on abuse en
l'étendant au fil de fer. Quoique les éi/ingles soient
des brins de fil d'archal ou de cuivre, on ne diroit
plus aujourd'hui :
J'ai bêles espingues d'argent ;
Si en ai d'archal ensement.
Fabl. MS. de S' Geim, fol. 42, V' col. 2.
On substitueroit au mot archal celui de laiton ;
espèce de cuivre moins jaune peut-être que Varchal
dont le laiton paroit avoir été distingué.
J'ai fsrmaiUez (3) d'archal dorez,
Et de laiton sor argentez.
Fabl. MS. do S- Germ. fol. 42. R- col. 3.
VARI.\KTES :
ARCHAL. Orth. subsist. - Fabl. MS. de S> Germ. fol. 42.
Archail. Cotgrave, Dict.
Archant. Labbe, Gloss. lat. fr. au mot Aurichalcum.
Archat. Des .\ccords, bigarrures, fol. 30, R".
.\rich.\l. Bourgoing, de Orig. Voc. Vulg. fol. 65, V».
Arkal. Ph. Mouskes, MS. p. 71.
Archangle, suhst. masc. Archange. En latin
Archangelus. (Voy. Arche, principauté.)
Archarage, subst. masc. Service d'un Archer.
Ce mot qu'on trouve dans les titres féodaux, anté-
rieurs à la cessalion de l'usage de l'arc à la guerre,
signifioit le droit qu'avoit un Seigneur d'exiger d'un
certain nomb; e de vassaux, le service d'un Archer.
(Voy. Borel, Dict. — Dict. de Trévoux.)
VARIANTES :
ARCHARAGE. Borel, Dict. - Dict. de Trévoux.
.\rcair.\ge. Dict. de Trévoux, au mot Archarage.
Archairage. Borel, Dict. au mot Archarage.
.Arquairage. Id. ibid. — Dict. de Trévoux, iibi supra.
ARQUAiR-i^TGE. Borel, Dict. abi supra.
Arche, subst. fém. Arc de triomphe. Arcade.
Archipompe. Coffre, trésor, archive. Cellier ; cuve.
Bâtiment de mer ou de rivière.
Anciennement le mot arche, dont on a restreint
l'acception relative à l'idée générale de courbure en
arc, signifioit arc de triomphe. « Oid la nuvele que
« li Reis ont fait voldru une arche que fust signe
« e demustrance de sa victorie e de sa glorie. »
(Livres des Rois, .ms. des Cordel. fol. 19, R° col. 1.)
Les arches }[ariennes étoient les arcs de triomphe
élevés à la gloire de Marins. >< Ces arches avoient
« fait détruire les Sénateurs; mais César les fist
» redresser et réparer. » (Triomphe des neuf Preux,
page 294, col. 2.)
De là , l'expression arche triomphante , dans
P. Desroy(à la suite de Monstrelet, fol. 118, R°. —
Voy. Arc.)
L'arcade est une voûte en arc comme Varche d'un
pont. Néanmoins on ne diroit plus, en parlant
(1) Le Soleil, petit-fils de Titan, fils d'Hypérion. (x. e.) — (2) Si je no m'y trompe. — (3) Espèce d'agrafes.
AR
— 126 -
AR
d'édifices en général, qu'ils sont faits par arches et
piles. (Voy. Mcol, Dict.) Il semble que \ arche d un
moulin ctoit res[)6ce d'arcade sous laquelle tourne
la roue d'un moulin ii eau. » Le sault du moulin,
« restancbement qui porte le moulage, soit de hois
c< ou de pierre; Varche du moulin la maison dont
« le moulage est couvert, etc. » (Boutedler, Som.
rur. liv. 1, lit. Lxxiv, p. 431.) v , •
Dans un sens qui paroît analogue à celui
û-arccure, archure, le mot arche signifioit en
termes de marine, arcliipompe ; une enceinte de
planches, au milieu de laquelle les pompes d un
vaisseau sont élevées : « une clôture faite entour
« les escoutilles des pompes pour les garantir
« d'estre heurtées. » (Cotgrave et Nicot, Dict. -
Dict. de Marine. — Voy. Akceure.)
On a la preuve que la plupart des significations
du mot arche étoient communes au mol arc, et que
par comparaison l'on nommoit arc, un lieu voûte,
un enfoncement fait en voûte ou en cintre, dans
l'épaisseur d'un mur. Anciennement, les lieux, les
bàlimens faits pour lagarde et la sûreté des trésors,
des titres, et autres choses qu'on y enfernioil,
étoient assez généralement voûtes (1); les cotiies
bombés, etc. Il seroit donc possible que relative-
ment à l'idée de voûte, de courbure en arc, on eut
désigné par le mot arche, ces coffres, ces lieux ou
ces ijàtimens, et même avec extension ceux dont a
structure ou la forme n'avoit rien de relalit à a
figure d'un arc; maison trouvera peut-être celte
conjecture moins fondée que celle des Etymologis-
tes qui rapportent à l'idée de l'usage de 1 arc avec
lequel on éloignoit de soi l'ennemi dont on craignoit
d'être approché, cette signification générale du mol
arche, en latin arca, dérivé comme arc, en latin
arcus, du verbe arcere, en franç.ois éloigner. Quoi
qu'il en soit, les arches à garder des titres et
papiers, des trésors, des pierreries, des habits
et autres choses qu'on vouloit mettre en surele,
étoient des coffres, des archives. (\oy. INicot et
Monet, Dict. - Ord. T. III, p. 437.- Valois, notice,
page 453, col. 2.)
D'une Roi ly souvenoit qui tenoit si grands marches
Que feist, par bel sens, taire quatre petites arches...
Pleines furent d'espices, de pierres précieuses.
Rom. de Ger. de Roussillon, MS. p. 95.
En comparant la gloire établie sur l'opinion des
hommes, à une arche, h un trésor qui n'est pas en
sûreté, l'on a dit : « Celé glore est vaine ke cil
« prennent li uns de l'atre 0 ! tu fols qui el sac
« parlusiet (2) assembles tes merz, ki ton trésor
« estaulis, cuides ke cesle arche soit close el k èle
« ait serres (3). « (S' Bernard, Serm. fr. ms. p. 34.)
Les arches des Amans, espèce d'Officiers déposi-
taires des actes publics, étoient leurs archives.
« N'emporte hypothecque l'obligation passée devant
« Notaire, que du jour qu'elle est mise en arche
« d'Amant. " (Coût, de Metz, au iiouv. Coût. gén.
T. II, p. 399. — Voy. Amman.)
On nommoil arches communes, les archives
d'une communauté, d'une ville, le lieu où sont de-
posés les titres el l'argent des villes qui sont en
communauté. La révolte de la ville de Montpellier
lui fit perdre en 1379, « ses Consuls, Consulat,
« Maison, Arches communes, et cloches. » (Chron.
S- Deny.s, T. m, fol. 46, Vo.)
Les archives de l'Ordre de S' Jean de Jérusalem
à Malte, sont les Arches de la Religion dont parle
(Brantôme, Cap. Fr. T. IV, p. 171.)
On sait que Varche d'alliance, en latin arca
fœderis, mots qu'on reconnoît dans l'ancienne
expression arce fédri, étoit une espèce de coffre.
« Uarce fédri.... en la quelle fu la verge Aaron et
a les tables del Testament, etc. >> (Chron. d Outre-
mer, MS. de Berne, ir 113, fol. 166, R" col. 3.)
Il est possible qu'au moyen de l'extension, ou de
la signification générale qu'on vient d indiquer,
l'on ait désigné en françois par le mot arche,
comme par le mol arca en latin, certains meubles
et bàlimens dans lesquels on gardoit, on metloit en
sûreté, autres choses que des trésors, des titres,
des habits. On soupçonne même que le mo\aiiche,
comme altération d'arche, peut avoir signifie une
espèce de cuve. (Vov. Borel, Dict.) Quoi qu il en
soit, il est prouvé qu'en substituant / à ?• dans
archa, l'on a écrit eu latin alcha pour arca. Peut-
être qu'en françois, par le changement de r en n,
l'on aura écrit anche pow arche. Il paroitd ailleurs
que dans un litre de 1262, ce mol anche (4) es de
même signification que le latin alcha dans un litre
de 1253, el qu'ils y désignent l'un et 1 autre, un
cellier. >■ Li Abbés et li Convens ont quitel à Martin
« une anche qui siet derier sa maison. - (D. Car-
pentier, Suppl. Gloss. lat. de Du Gange, au rnot
^^Iciia. — Id. ibid. aux mots Arca et Archa. - Voy.
Anche et Anse.) . ^„ff„„ Aa
Enfin, il semble qu'on ait comparé à un coffre de
forme bombée, l'espèce de bâtiment de mer ou de
rivière, qu'on a désigné par le mol arche, sans
égard à l'usage qui paroît l'avoir consacre spéciale-
ment à signifier Varche de Noé.
Marchant qui par la mer marche
En nef, en calane ou en acc/te
Percef. Vol. II, fol. 84, V- col. 1.
VARIANTES : ^ j , r,jn
ARCHE. Orth. subsist. - L. des Rois MS. des Cordel., fo 19.
Anche. D. Carpentier, S. Gl. de Du C. au mot -ycha-
Arce. Chron. (f Outremer, MS. de Berne, n° 113, fol. 166.
Arque. Borel, Dict. au mot Arche.
Arche, subst. masc. Principauté. En grec dQxn,
principatus en \alïn. « Macédoine fut jadis nommée
a Emathie, après Emathion qui en fut le P'emiei
a Roi En celle région étoit une arche nommée
<1) On trouve ce mode de conslruction
signifierait donc coin et aurait pour diminutif «ji^iOms. (n. e.)
AR
— 127 —
AR
« Panlhome où régna Thessalus. » (Hist. des neuf
Preux, p. lOG.)
Il paroît évident que dans les mots composés
Archangel, Archiabbé, Archediakene, Archeprestre,
Archite'cleur, et autres dont rénumération seroit
trop longue ; la signification d'arche el archi , est
analogue à celle dii mot grec «c/ôf, en latin pr in-
ceps.\es idées de principauté, de primauté, de
supériorité, de maîtrise, sont tellement liées les
unes aux autres, qu'elles forment une seule et
même idée générale de supériorité qu'on exprime
en nommant, 1° Archangel, Archangeles, Archangle
ou Arcangle, un Ange supérieur, un prince des
Anges. (Voy. S' Bernard, Serm. fr. mss. p. 2. —
FaiJl. Ms. du R. n° 7218, fol. 58, V° col. 1. — Ane.
Poët. fr. MSS. avant 1300, T. II, p. 806. — Chasse de
Gaston Phébus, ms. p. 385, etc.)
Gantés, Arcangles S' Mikieus,
Devant Dieu, ma cançon nouvèle
Soit de vous mes esprits reçus,
Qant mors li taura sa cotele.
Ane. Poës. Fr. MS. du Valic. n" 1490, fol. 120, R".
2° Archiabbé, en latin Arcliiabbas, un Abbé mili-
taire, un Abbé laïque (1) qui s'arrogeoit la supériorité
sur l'Abbé ecclésiastique. « Les Grands et Gens de
« guerre jouissans des abbayes, non-seulement se
« disoient Abbez ; mais aussi Arcliiabbez-, comme
<• qui diroit premiers Abbez et commandans aux
« autres, pour différence d'avec ceux qui faisoient
» lesfonclions. »(Galland,duFranc-aleu,p.294-29C.)
3° Archediakene , en latin Archidiaconus , un
Supérieur ecclésiastique à qui l'on attribue une
espèce de juridiction sur les cures de certaine partie
d'un diocèse. (Voy. Archediakene.)
4° Archeprestre, un Prêtre ou Curé supérieur aux
autres Curés, en quelques diocèses. ;Y. Archeprestre.)
5° Architecteur, le Supérieur, le Maître des
ouvriers employés ù la construction d'un bâtiment
dont rArchilecteur ou l'Arcbitecle a donné les plans
et les dessins. « Commanda venir incontinent mais-
<> très ArchitecteiD's pour deviser sa sépulture. »
(D. Florès de Grèce, fol. 4i, \'°.)
Quel que soit le nombre de ces mots composés,
tous expriment une idée de supériorité dans les
dilîérens genres que désignent les mots simples
auxquels arclie et archl sont réunis. Il y a une
supériorité malheureuse que l'on condamne, ou
qu'on ridiculise en nommant archifripon, archi-
paresseux, archifou, archipédant, un homme d'une
friponnerie, d'une paresse, d'une folie ou d'une
pédanterie extrême. L'usage de ces mots composés,
auxquels on substitue souvent l'expression, maitre
fripon, maitre paresseux, etc. n'est pas nouveau
dans notre langue, et paroit remonter au w siècle.
Ai'chediakene, subst. masc. Archidiacre. Il est
si ordinaire aux Langues en général, de substituer
l'une à l'autre les lettres consonnes ?• et ?(, qu'on
trouve naturel qu'en françois on ait prononcé et
écrit indifféremment Diakne ou Dlahre (2). L'altéra-
tion d'arche et archi dans le mot composé Archedia-
cre ou Arcliediakene, en latin Archidiaconus, est le
principe évident des orthographes Ercliidiakin,
Arcediacre, Accediakre, etc. On a la preuve que
dans la latinité du moyen âge, on contractoit le mot
Archidiaconus en prononçant et écrivant Archiaco-
«»s;dans le langage des Bretons, Archiago)!. (Voy
Du Gange, Gloss. lat. T. I, col. 643.)
Quant à l'orthographe .Issedjflcjr, on la regarde-
roit comme l'elTet d'une prononciation commune
aux deux ss et au c suivi de la voyelle e dans Acce-
diakre, si l'on n'étoit autorisé à croire avec Cotgrave,
que pour ridiculiser le titre d'Archidiacre on écrivoil
Assediacre, ou Astiacre comme Henri Estienne. Cet
Auteur, après avoir parlé de l'indulgence de l'Archi-
diacre du Hardas, pour le libertinage des Prêtres
dont il analhématisoit le mariage en ces termes,
» qu'à tous les Diables soyent donnez ces vilains
« qui se marient, veu qu'on leur permet de paillar-
« der, ajoute ironiquement ; voilà la sentence de ce
« bon Astiacre ou Archidiacre. » (Apologie pour
Hérodote, p. 324. — Voy. Cotgrave, Dict.)
Peut-être que l'expression " se morver en Archi-
» diacre » est une satyre de la grossièreté indécente
avec laquelle certains Archidiacres, dans le cours de
leurs visites, aunoncoient leur supériorité (3). Mais
si l'on en croit Le Duchat, c'est une plaisanterie que
faisoit Rabelais sur l'effet physique de leur embon-
point, lorsqu'il représentoit Gargantua, <• crachant,
" toussant, sanglotant, esternuant, se morvant en
« Archidiacre, et desjeunant pour abbatre la rosée
« et mauvais air. » (Voy. Rabelais, ï. I, p. 132. —
Id. ibid. note de Le Duchat.)
Il est possible que dans le temps oh les Archi-
diacres faisoient en toutes saisons leurs visites à
cheval et même à pied, on se soit avisé de désigner
un homme bien croté, en disant proverbialement
qu'il étoit « croté en Archidiacre. » (Voy. Pasquier,
Rech. Liv. vm, p. 701.) La haine a fait un crime à
Pasquier de l'origine de ce proverbe, que le P.
Garasse regardoit comme une plaisanterie digne
d'un « Huguenot, » d'un « tiercelet de Calvin, »
comme une profanation du mot et Office des
Archidiacres. (Voy. Garasse, Rech. des Rech. p. 838.)
variantes :
ARCHEDIAKENE. Duchesne , Histoire généalogique de la
Maison de Béthune, p. 152, titre de 1257.
AccEDiAKNE. D. Lobineau, Hist. de Bret. T. II, pr. col. 409.
Accediakre. D. Morice.Pr. deTHist. de Bret. T. I, col. 1003.
Arcediacre. Perard, Rec. de pièces p. l'His. de Bourg, p. 501.
Arcediakene. Ph. Mouskes , MS. p. 97.
ARCHEDI.A.CRE. D. Touss. du Plessis, Hist. de Meatix, T. II.
(1) On pourrait les comparer aux laïques qui, au ix= siècle, convoitaient l'autorité des archidiacres et se substituèrent
aux clercs. Charlemagne s'oppose à cet envaliissement dans ses capitulaires ; Orderic Vital, en 1066, le représente comme
habituel ; Innocpnt III s'en plaint encore à la fin du xil' siècle, (n. e.) - (2) De diac'nus : de même tympanum, devenu
twnpniim, a donné timbre; co})hitnis, devenu coph'nus, a donné coffre; et orrfi/iem, devenu Ofd'nem, ordre. {N. E.) —
(à) Les archidiacres, en efîet, dépouillèrent les évêques de leur juridiction, de l'an 1000 à 1200, et devinrent plus passants
que leurs chefs spirituels, (n. e.)
AR
_ 128 - AR
p. 64, litre de 1 177. - Test, . n-, du O' d'Alencon, à la suite
de Joinville, p. 1?5- avantl300,X. lV,p.l349.
AssEDiACRE. Cotgrave, Dict
É^^;;^;;^^^?^:?:t:i,Ï^'^.?oJ^o.. VU. delcos.
Arclielet, subst. masc Petit arc. (Borel, Dict.)
Arohelettc, subst. fém. Petite arche. Petit
corne On t?ou?e clans Cotgrave, Dict ces deux s>gni-
ficaluiiis relatives à celles du mot arche. (Voy . AncE.)
AiThenrebstre, subst. masc. Arcliipretre.
Qudes^iue soient lesorlhographes diiïérenlesdece
mot el esne sont rien moinsquessenlielles; pui.-
Suno%ii du /* changé en t., et du i supprime dans
TfZS>Ttre (l), en latin Archiprcsbyter, se forme
fout Su e en eut Torthographe Archcprovoirc ou
aT^ î; om'", prononcé quelquefois Archcpvemie,
en substituant 'H à la lettre consonne r. ^\oy.
'X^InS^^Q^'lePoëte, auteur d-una,K;ion
Fab au inilulé Confession du Renard, songeoil a
Lvèn-'er de quelque désagrément personnel qu i
lUrSouvé^ la part ^-^J^^f^^^^S^^
flP^io-noii ràne associé au renard dans un p6ierina5,e
fKr, en le nommant Bernard lV4rc/-^.m|S^re ou
YArrhrmvoire (Vov. Fabl. ms. du R. n" i2i8, fol.
48 et 4' R» col 1 ) li seroit possible aussi que ce
fût une uSusîin salyrique ù rigaorance des bccle-
ïasîiques en général, dans les xu' et xi.r siècles.
VARIANTES :
ARCHipROVOiRE. Ibid. fol. 49, R» col. 1.
Archer, subst. masc. et fém. Qui tire de l'arc.
On lîe deffinoit pas toujours un homme de guerre
de iistice ou de police, lorsqu'en général on nommoi
jSer celui - qui tiroit de l'arc qui usoit d aie et
« de flèches. » (Voy. Monet, Dict.)
Ki voit venir son anemin corrant
Por traire à lui grans sietes d aicier,
Bien se devroit destorneir en fuiant,
S'il pooit guerantir, de Vairchier.
Chans. Fr. MS. de Berne, n- 389, pari. I. fol. 8U, R .
Dans le Roman de la Rose, Vénus irritée contre
Honte ei Raison, constamment opposées au bonheui
de V.Unant, combat pour lui avecl arc et les flèches
de l'Amour :
Puis ainsi comme bonne Archiere,
Par une moult petite archiere
nue nature eut par grant maislrise
Entre deux beauLx Vi^lZ'ITi!se!l^^.m,-^.i^^O.
Les œillades amoureuses sont '«^ "è'^'^^s dont on
fpint nu'Amour, à l'aide de son arc, blçbbe nos
Srs Dt^Ui, on a dit l^.gurément que es yeux
^Zni archers de cœur, Archers d'amours.
! Same à Damp Abbez et Damp Abbez à Madame,
ès'STx arc/-zms de cucur, peu à peu commen-
< rèrent l'ung des cueurs à l'aultre traire..... Damp
Abbez qui de ceste queste nouvelle esto.t sur tous
leSs ioveulx.... selieve.... et revient a Madame
et de iove vis-à-vis elle se siet. Lors recomman-
: cè.ïntleurs«rd</VrsdVnKOHrsplusforlatra,re. »
^'ïSS'of âSi en France l'usage de i;arc
à Ui "ueïe et celui de l'arbalète, les Archers for-
. îenune'c les Arbalétriers une ™> '^«Jj ^f^
cinni uarlie combaltoil a pied, et 1 autie sei\ou ae
Cavalerie légère. Le Roi Charles VIll, en insutuan
£ CompS^ies d'Ordonnance dont chacune fu
romnosée de cent Lances , c'est-a-dire de cent
homSes d'ames, voulut qu'à leur suite ils eussent
Ses l Sm à dièval. Ces Archers, les mêmes sans
doui aïe ceux à qui il ordonna de loger chacun
aîeileïÏÏance 2), étoient probablement les Arcbers
â'O donnance.\.''Le Roy ordonna que les A,j-rj;s
„ logeroient chacun avec leur lance. 'M^Jall'ieu de
roucv Hist. de Charles Vil, p. 610.) •• Des Cent, ae
«"uerie de l'Ordonnance du Roy, mourut environ
loTs cens7rc/u.rs de ladite Ordonnance sans
„ lés Francs-archers. » (Chron. scandai, de Loui.
"^l^S-ard^^i étoient ainsi nommés, par la
ra'stn qïfls étoient affranchis Je tout subs.d .
tx Lieux faisans; lesquels enfin esprouvez
: Snîexempts de la taille, ^.^^^^^^.^
„ rhpv auand 1 seroit question d aliei pai pays.^
Ces -ens pour cette exemption et la sorte d armes
nSe'p us communément ils manioient furent
ZlS!z Francs-archers. '^ ^^"-,f„ h.Î " for^
n 15 et 110 ) Cette milice des Francs-arLhns,\oT
p. iij ei Y,, ,.r;^ vil vers l'an 1448, s'aguerrit de
opWé au chorèv^que qull -PP>- ^„^^^y4°rchPprl?;le' on^^^^^^^ 1. plus ?o-ent avec le do,.nJ^^^
SurestafeTpfyll ^Im^^en tetpVdT^aîx^ feTfnstructeurs éta.entdes Suisses. (N. E.)
AR
— 129 —
« leur service celui des Adventuriers et des
« Puisses. » ^Voy. Fauchât, ubi supra, p 117 )
Il paroît qu-anciennement les Archers, comme
les Archers des toutes, étoient OHiciers de la
Vénerie de nos Rois. Dans le procès-verbal des
Coutumes de Vermandois, il est fait mention d'un
" Jul 1^ v'^^n"^* ' mesureur du greniei- à sel de la
ville de Vaily, seigneur de Toute-fille, el Archer
•^des toutes du Roy. » (Voy. Coût. gen. T. I, p. 553 )
m-JlvT^v'' i^'^K' '"' ^^'y etoitsans doute un
Of icier de 1 espèce des Archers placés entre « les
« Louveliers el les Vallels à chiens, sur les estais
« des Roys Phihppes III, Philippes-le-Bel et Philippe t
Frî:i;iS'Sc.'p.'3SJ:) '^' '•"*^'' ''''■ ''' ^-'^^
Quoique l'arc ne soit plus l'arme des hommes qui
accompagnent les Prévôts, soit pour les honorer
SOI pour exécuter quelque ordre relatif ù l'adminis-
trafon de la .îust.ce ou de la Police, on a conli ,é
de les nommer «Archers, parce que les Rois et
" SiL""^^ souverains, et les Prevosts de leurs hos-
mP^;,P "l/n-^'f"" ''*? '^"''= personnes ou autre-
{voT Ni'cot^S.T """ " '""' ''''''' ''''■ '•
VARIANTES :
p. 1652 °''*^" ^"^^- ~ '^"''- ^°^^- '■'■• ^'S- av- ^300, t. IV,
AmcHiER. Chans. fr. MS. de Berne , n« 389, part I fol 80 I
Archier. Lanc. du Lac, T. III, fol 4 V» col '/ '
ARCIEK. Hom. d'Ale.xandre, MS. du R. n. 6987"'fùl "01
Archiere. Hom. de la Rose, vers 19403.
Archerer, verbe. Tirer de Parc, chasser à Parc
On a employé ce mot pour désigner le droit de chas-
ser, dans un temps où Ton chassoit à Parc ■ « droit
^archerer sur une terre, » le droit d'y chasser à
â'ei.lxT ^a" ^''''V'' ^^ (-"-amesni^^dans le ir
siècle, (voy. Arçoieb.)
Archerie, subst. fém. Action de tirer de Parc
On peut voir quels etoient les « dix enseignements
dumestierd'^rc/^cm, » dans Modus et Racio îi
dthf^T^l'^^' ^'?^ traitoit de l'exercice de Parc
etoient des livres ù'Arclœrle. (Voy. Modus et Racb'
Enfin un lieu propre à l'exercice de Parc était une
Archerie. (Voy. Cotgrave, dict.)
/v;^^'A***^*■*'*',f"^^'■ "''*«^- Diminutif d'Archer
(Voy. ARCHEH.-Voy. Oudin elNicot.Dict.) Nos poètes
çonservoient à PAmour son arc et ses 11 Ses
lorsqu'ils le nommoient Archerot '
AR
■ . . D'un nain, d'un bastard, d'un Archcrol ssnq vo,,^
Font, non un Dieutelet, ains un maistre des Dièux^
vp^*'*^'^*^f' ^"^'^*- ""^«^'- Coffret ; trésor. On obser-
vera que les acceptions encore usitées de ce mot
«r^/;^ï sont relatives à l'idée de la couilure d'un
rc I est possible que relalivement .', la mêmeidéS
lait signifie colTrel, trésor, comme arche si< nifoit
K'r/'S ^e'.^T^ ^'^-^ Q"«' "" '• ^" «oit '^oÛt
uueiiet û& sa riche aumo re .. o'éloit en sfviÂ
poétique du xvr siècle, « ouvrir les trésors p S
« esprit, de son imagination. V ^ ^^"
Abbé d'Auton et maistre Jehan le Maire
Ouvrez Varchel de votre riche aumaire^' ' ' '
Lt composez quelque plaincte sommaire etc
et J< • Mv""' delïcndons marchepier à Var.
"fhet etc. » Mais, en rapprochant cette défense riP
celle faite aux Pécheurs par Part xlvh d'imp Orll
iiance de Charles VI, en clatc du mo s de ma'rs m
e re, eree par l'art, lxxh d'une autre 0 do ,S
en dale du mois de septembre 1402, on acnuiért h
preuve évidente qu'au lieu de .. niàrcle S Xi
Heureux ceux-là qui dans les retz surpris
De 1 A rchcrot, filz de la Cithérée, ^
i-euvent donner par leur plume dorée,
A leurs moitiez, des plus belles le prix.
Poés. de J. Taliureau, p, d06.
(1> C'est le diminutif d'arcAe : il en a tous les sens. (n. e.)
Ai-chiabbé, suhst. masc. Premier Abbé En la.
tni Archmbbas. (Voy. Arce, au sensde piSncip^mté.)
Archie, subst. fém. et masc. Portée d'arc L'es-
pace que parcourt une fièche lancée avec un w
; Il estoienl à deus archks de nos, dev ni Baruth »'
OV artene, Ampl. Coll. contin. de G. de Tyr TV col
J '■ ■\''" partent Lancelot et le Nayn en une forest
istt^'^sT^^'^r '^'"'^■- " ^'""""^
. . . Fut ensus de la rivière,
Ausi comme une archie entière.
G- Guiarl, MS. fol. 279 V-
Cest probablement pour le besoin de la mesure
La seconde bataille vient
Qui trois arcMers de front tient
Gace de la Signe, des Déduits, ilS. fol. 57, R-
Devant la porte a une place
Qui tient deux archiez d'espace
G. Machaul, prise d'Alexandrie, MS. fol. 225, V" col. 1.
A tant sont les os aprociés
Assez, à mains de deux arciés.
ri'- Mouskes, MS. p. 181.
Si l'on avoit la preuve que, dans la signification
Aarchoier,on eût dit archier pour lirn eSc
on pourrait croire que l'orthographe archier alté-
rée peu -être dans archie. étoît un verbe qui' pis
busbtantivement, signilioil portée d'un trait d'arc
blemPnf'nn'"f f "' «''^"«''■«Phe «r.ft/.r est v i-'
blemei t une faute pour archiée, dans la citation
Ô';'''ï -n' ' Tr '" ''■* ^"'■'^^f' '"* et ses cômpSf-
« gnons. Quand ilzsontentrez dedans, unearchien:
4T
ÂR
— 130 —
ÂR
« siliève entour eulxungcry. - (Une. du Lac, T. Il,
fol. 10, Y" col. '2. - Voy. Auchiee.)
VARIANTES :
\RCiK Ph. Mouskes, Mb. p. 181.
s . . 'eS lîastué une «rd.e. que, etc. .
(Llnc.duLac,T.l,fol.l41,V"col.l.)
Près des rens, à mains d'une avchwe,
Si comme on ma fait entendant,
se vont les François estendant.^^ ^^^ ^^^ ^.
VARIANTES :
ARCHIÉE G. Guiart MS ff-^^^i f °. ^^^ .^
Archée. Lanc. au Lac, i. .i, lui. i-**!
* i»:»,.*. <:)y//s/ fcm. Espèce de meurtrière,
Arcluere, ««^f -^f '^'^'^ , d^^^^ le premier sens,
l^^L'S;Jn?dèrn,ur^. (Cl.ro,.. de Sa,,,lDe„,s,
T 1, fol. "207, Y°.)
Aux archieres de la tour
Sont arbalestres^tout^entour. ^^^^ ^^^^ ^^ ^^^^
On a dit en parlant de la mort :
Elle est tout ausi en agait,
Probablement, le mot archiere signifioil voûte,
Dorte à V archiere.
Archif subst. masc. et fém. Chartrier; dépôt
nnbUc 11 V a différentes opinions sur 1 etymologie
tj'ii pst de même origine que le mol arcne, c est pai
L ml. irrS'o" que tous deux ont signi^iie coffre^
mSarchifve, coffres à tenir papiers. (Voy.
^Tu'iennement, on écrivoit ard»/' pour archives
. tdonnoTèn mandement à nos amez et féaux
t P^ràndSeneschal de Provence, Gensdenostre
: Conse^royàrMaistres rationaux et Archivaires
: §e nos re Chambre et Archif d'Aix, etc. » (Gpde-
frnv Observ. sur l'ilist. de Charles Ylll, p. ^39
Uorthograihe archil n'est sans doute qu'une alté-
ration de l'orthographe archi . " Si ne puis-je tiou-
! ver desduelz Roys ilz furent faictz Contes ne Ba-
rons ne par les livres et caterves de l'ardu/, ne
: de ?à seJlie de Naples, où se souloient trouver
„ tous les faicts dudit Royaume. » (La Salade,
fol. 45, Y" col. 2.)
VARIANTES :
ARCHIF. Godefroy , Observ. sur rHist. de Charles \ Ill,p. 530.
AncHiL. La Salade, fol. 45, V col. 2.
f.S;vE"MénSè,'obs. sur la Lang. Fr. part. II, p. 412.
Architecteur, subst. masc. Architecte. (Voy.
Arche, principauté.)
Architectonique, subst. (^m. Architecture.
L'art de l'Architecte, en grec «e^^r.xro,». « Meca-
« nique... esloil suivie par Agricultuie, Chasse,
„ PeSerie, Navigation, Marchandise, ^yOitecto-
: «îgSÎ et Laniflce. .. (Les triomphes de la Noble
Dame, fol. 5, Y°.)
Archivaire, subst. masc. Garde des archives.
(Voy. Archif.)
Arcipoles, subst. masc. Il semble qu'on ait dé-
sioi^é le pouvoir de Cupidon arme de son arc, en le
Simanr^rc/i;o/es, 'peut-être du latin aveu
pollens.
Arcipoles tient un arch taint en gramne.
Dont si doit tret qu'un coer perce parmi ,
Et ce sont ceuls quOiseuse ou vregier mainne.
Dont portier sont^le_sJ^ Mercuru.^^^ ^^^_ ^.
Arcoier, verbe. Tirer de l'arc, chasser ù 1 arc,
se courber en arc, plier. (Voy. Arçonner.)
On disoit au premier sens :
Un jour ala li Dus kacier
En sa foriest et arcouer. .,<. „ oju
Ph. Mouskes, MS. p. oa*.
Or devroie-jou rivoiier
Et par mes foriès arcotiei:
Id. ibid. p. 227.
Pc ornnc; fnrès aloient arcoier et berser.
''\^om. Awr?, mI. du R. u- 6987. fol. 201, R' col. 3.
Dans le second sens :
Lances ont droites que ne ploient ;
Ne si ne traignent, "e ,f^-t"7'^!-v. col. 1.
Les lances grosses si roidoient
Que sans brisier toutes^«rcfto,e»>^ ^, ^^ ^
VARIANTES :
ARCOIER. Athis, MS. fol. 107 R« col. 2
ARcnoiER. Anseis, Mb. fol- 2'- R° ^ol. 1.
Arçouer. Ph. Mouskes, MS. p. iîl.
Arçon, subst. masc. Arc. Archet. Demi-cercle;
^'£^f^!sem&Sment pour la rin;e et la me-
sure des vers qu'au lieu d'arc on ecrivoit arçon.
Commande à prendre au garçon
Ses sajetes et son arçon
AR
— 131 —
AR
Si me vault miex ainsi attendre
Que rompre mon arsoit au tendre.
G. Machaut, Poés. MSS. fol. 181. V col. 2.
La signification de ce mot arçon éloit la même
que celle d'archet, lorsqu'on disoit traire Yarçon
pour se préparer à jouer du violon ; traire de \'arço7i
pour jouer de ce même instrument.
Es-vous Nichole au peron,
Trait viele. trait arçon :
Or dist par là sa raison....
Plàiroit vous oir un son
D'Aucassin un fran Baron ?
Fabl. MS. du R. n- 7689, fol. 80, R* col. 1.
Devant que aucuns di.x ou neuf
M'eust donné por mon chanter.
Je me porroie bien vanter :
James de cliar ne mangeroie ;
Quar certes je ne troveroie
Qui tel présent me vousist fere,
Tant seusse bien d'arçon trere.
Fabl. MS. du R. n" 7-218, fol. 176, R- col. 1.
Quelle que soit la ressemblance de l'archet de
violon avec l'arc, on en désignoit une encore plus
sensible en nommant arço)ts ou archons, les demi-
cercles qui forment le tomberel ou la tonnelle, es-
pèce de filet à prendre les perdrix. « Les archons...
« y sont mis que la rois (1) court par dessus, quand
« on la tire ; et sont de ia moitié de deux cercles
« de tonnel, affin que la rois coure plus souef par
« dessus. » (Modus et Racio, .ms. fol 178, Y".)
C'est relativement à la même idée de ressem-
blance qu'arfo» auroit pu signifier en général chose
courbée en arc, comme une petite arcade, dans le
Dictionnaire de Monnet ; le dessus de nos anciens
chars bombés en forme de fourgon, etc.
Fort sunt les roes, et bien fait li limon ;
D'ebenus sunt deseure li archoii ;
De fin argent fu cleés environ.
Enseis, MS. fol. 59, R' col. 1.
II s'estent si qu'il fait croistre et brisier
Les flans del car, et les arçons brisier.
Ibid. fol.63, R-col. 1,
L'acception à laquelle on a restreint l'usage de
ce mot arçon, arçon de selle, est ancienne dans notre
Langue (2).
Par desor son archon devant
Le porte outre l'iaue courant.
Fabl. MS. du R. n" 7989, fol. 210, V col. 1.
Par opposition à Yarçon devant, on disoit arçon
derrier ou daerrain. (Voy. Rom. d'Alexandre, ms.
du R. ir 6987, fol. 181, R° col. 2. — Ibid. fol. 206.)
VARIANTKS :
ARÇOX. Ort. subs. - Cotgrave.Borel, Nicot et Monet.Dict.
Archon. Anseis, MS. fol. 21, R" col. 1.
Arson'. Modus et Racio, impr. fol. 87, R».
Arçoner, verbe. Se courber en arc, plier. Affer-
mir, rendre stable.
On a vu qn'arçon signifioit arc. De là, le verbe
arçoner de même signification qnarçoier, se cour-
ber en arc, plier. « Les lances furent fortes, et point
« ne brisèrent ; mais arconnèrent. » (Froissart,
Vol. IV, p. 44.)
Les lances ploient et arçonenl.
Rom. de Clygcl, MS. du R. n' 6987, fol. 277, R' col. 4.
11 est possible que relativement à l'idée d'un
Cavalier arçonné, c'est-à-dire, ferme entre les
arçons, le verbe arçonner ait signifié affermir,
rendre stable. Au reste, on n'a queCotgrave pour
garant de cette acception, bien moins ancienne que
la première.
VARI.\NTES :
ARÇONER. Rom. de Perceval, MS. de B., n" 3.54, fol. 268.
Arçon.ner. Froissart, Vol. IV, p. 4i. — Cotgrave, Dict.
Arçonneur, subst. masc. En termes de Chape-
lier, Yarçon est un instrument fait en archet de
violon , long de cinq à six pieds et garni d'une
corde, avec lequel on fait voler la laine? On trouve
dans l'ancien usage de cet instrument pour la pré-
paration des laines, la raison pour lai|uelie l'ouvrier
qui les préparoit, se nommoit Arçonneur (?>). (Voy.
Du Cange, Gloss. lat. T. l, col. 668.)
Arçonnenx, Adj. Qui s'attache et tient aux
arçons d'une selle. On a dit en ce sens, malctte ar-
çonneuse. (Voy. Cotgrave, Dict.)
Arçonnier, adj. Qui garnit et orne les arçons
d'une selle. Signification analogue à celle à'arçon-
neux, dont l'adjectif arçonnier ne ditféroit que par
la terminaison , et l'usage qu'on en faisoit lors-
qu'avec ellipse d'un substantif féminin, on désignoit
une chose attachée comme ornement aux arçons
d'une selle, en la nommant arçonnière. « Trois
" selles, l'une de coursier garnie de soye à parer
« Xq?: arçonnières... et en chacun cuigne't desdites
« arçonnières un Angelot d'ivire. » (Extraits des Reg.
du Très, des Chartes, p. H. — Voy. Du Cange, Gloss.
lat. T. VI, col. 1361. — Cotgrave, Dict.)
Arct, part. Astreint, obligé. Dans un sens relatif
à celui de l'adjectif latin arctus, et du participe
arctatus, on a dit figurémcnt : « Est tenus per tout
« le Court que tenant in laile ne serra arct d'al-
« turncr, etc. » (Tenures de Littleton, fol. 128, R"
— Voy. Arcté.)
Arcté, part. Étréci, resserré. En latin arctatus.
« Est le collège des Carmes plus noble que cil de
« Laon ; et ont ceux de Laon grand lieu et espacieux,
« et les Carmes petit et arcté, et si ne se puet ac-
» croistre. » (Félibien, Hist. de Paris, preuv. T. II,
p. 510 ; lit. de 1386. — Voy. Arct.)
Artlamment, adv. (Voy. Ardent et Ardentement.)
On subslituoit g h d, comme dans la formation des
substantifs et verbes françois manger, en latin,
mandere ; ronger, en latin, rodere ; orge, en latin,
ordeum ; ardille, en latin, argilla, etc. lorsqu'on
prononçoit et écrivoit arge pour arde, en latin,
ardent; argant ponr ardant, argamment pour ar-
(1) de rete, relis. — (2) On le trouve même dans la Chanson de Roland sous la forme arçuns (vers 1229, 1534) : « Pleine
sa hanste l'abat mort des arçuns. » (N. E.) - (3) On lit au registre du Trésor des Chartes ,IJ. 154, p. 443: « Ledit Guillaume
decoppa par grand despit à Cyrot arçonneur la corde de son arçon. » (n. e.)
AR
— d32
AR
dammenl(l). La signification de cet adverbe est figu-
rée dans ces vers :
Cuers qi anjanment
Aime, ne doit refuser q'il n'olrie
La volenlé, tant cou soit aconpUe,
De sa Dame haut et bas plainement.
Ane. VoH. fr. MS. du Vatican, n- U90, fol. 443, V'.
VARIANTES :
ARDAMMENT. Cotgrave, R. Estienne et Nicot, Dict.
Ardamm.vnt. Monet, Dict.
Arganment. Ane. Poës. Fr. MS. du Vat., n» 1490, fol. 143.
Ai'dant, part., adj. et sub&t. Qui brûle, qui est
en llamme, qui est en feu. Qui est de nature l^ brû-
ler, à s'eullammer, à prendre feu. Qui brûle, qui
enflamme, qui fait prendre feu. Qui est couleur de
feu.
On a désigné l'état passif d'un corps qui brûle,
qui est en flamme, qui est en feu, en disant qu'il
éloit ardent en (eu, ou tout simplement qu'il éioit
ardent. « Esloient villes, villaiges, chasteaulx,
« forteresses, champs et forests, toutes ardentes en
.< feu. » (Rabelais, T. V, p. 184.)
11 semble que pour le peuple ce soit un besoin
d'imaginer des prodiges qui annoncent la mort des
hommes extraordinaires qu'il a détestés ou aimés
durant leur vie. Que peu de temps avant celle de
Cbarlemagne, un pont de bois s'en vienne argant,
c'est-à-dire, qu'il soit brûlé par un accident dont on
ignore la cause, cet accident présage la mort de ce
Prince.
Or oéz com Karles fu dignes.
Et quels miracles et quels signes
Devant sa mort flst nostre Sire.
. . . Uns pons k'il ot fait de fust
A Maience, ù il mit sept ans,
Quar il ert Ions et haus et grans,
S'en vint artjunt par la rivière ;
Si ne sot on par quel manière.
Ph. Muuslics, MS. p. 303.
Dans ces vers, la signification du participe argant,
altération visible de l'orthographe ardant, est la
même ([ue celle de l'expression ardent en feu.
(\'oy. Ardam.me.nt.)
Il y avoit déjà longtemps que l'humanité récla-
moit en vain le secours de la îfédecine contre l'es-
pèce de maladie épidémique et pestilentielle qui,
sous les noms de feu Sacré et de feu S'-Antoine, a
désolé la France à plusieurs reprises ('2j ; lorsqu'avec
celui de la Foi, les ArdeMs, c'est-a-dire les Malades
qui étoient brûlés de ce feu, obtinrent de S"'-Gene-
viève, vers l'an 1130, une guérison surnaturelle,
par un miracle dont on a perpétué la mémoire en
le nommani miracle de S"-Geneviève des Ardens.
La même maladie, ou une toute semblable, s'étant
renouvelée en 1374, on l'appela le mal des Ardens.
(Voy. Du Gange, Gloss. lat. T. I, col. 671 et 672. —
Ménage, Dict. Etym. — Dict. de Trévoux.)
On a nommé enu ardant et vin ardant (3), l'esprit
de vin et l'eau-de-vie, comme étant de nature à
brûler, à s'enflammer, à prendre feu. (Voy. Cotgrave,
Dict.) Charles-le-Mauvais, Roi de Navarre, pour ra-
nimer en lui la chaleur naturelle amortie par l'âge,
faisoit meilre une bucine d'œrain dans son lit, avec
laquelle on lui « souflloit, à air volant, eau ardant. »
Mais cette façon de le réchauffer lui fut fatale un
jour, « ainsi que Dieu ou les Diables le vouloyent :
" car flamme ardant se bouta en son licl, entre ses
« linceux, par telle manière qu'on n'y peut oncques
<i venir à temps, ne lui secourir, qu'il ne fust tout
•■ ars, jusques à la boudiné;.... Ne Cirurgien, ne
« Médecin, n'y purent oncques remédier qu'il n'en
« mourust. » (Froissart, Vol. 111, p. 275.)
C'est encore à raison de la nature inflammable
de ces météores, de ces exhalaisons, de ces feux
folets qui s'élèvent et paroissent à la surface des
lieux marécageux, qu'ils ont été désignés par l'ad-
jectif ou participe ardent pris substantivement,
comme dans l'expression mal des Ardens.
Qtiebiue générale que soit aujourd'hui l'acception
figurée de l'adjectif ardent, qui peint l'homme
comme étant de nature à brûler, à s'enflammer, à
prendre feu, à la vue des objets qui affectent son
âme et réchauffent, on ne diroit plus en parlant
d'une femme qui seroit de nature à brûler, à s'en-
flammer d'un amour illégilime, qu'elle est ardente.
Il semble ([ue ce soit là signification d'argans en
ces vers :
Quant li Dame est iière et argans,
Ses cuers devient ausi cangeans
Com li faucons qui par orguel
Ne daigne nis veir de l'oel
Cel oisel ù on l'a rué.
Puisque feme s'en vait au cange,
Sen cuer met en un lieu estrange,
Ne daigne aler à son oisel ;
Ains s'asiet sour un Damoisel, etc.
Ane. Poét. fr. MSS. avant 1300, T. IV, p. 13-25.
On exprimoit l'idée d'un feu qui brûle et enflamme
l'objet sur lequel il agit, lorstiu'en faisant l'éloge
d'une femme on disoit :
Vos douçours est la fontenele
Qui sourt sous la plaisant gravele,
Qui rent talent as maladieus.
Les mors cuers pereceus et viens
Esprendés â'argitDt eslincele.
Ane. Poès. fr. MS. du Valic. n- li90, fol. 120, R'.
L'effet des passions étant comparé à celui d'un
feu qui brûle et enflamme, on ditfigurément que la
colère est ardente, que l'amour est ardent, etc.
. . . Feme qui done, art et enflame
D'orjajis amours : car j'ai oï retraire, etc.
Ane. Poes. fr. MS. du Vatican, n- 1490, fol. 157. R*.
Enfin, une soye ardente étoit une soye couleur
de feu. (Voy. Extr. des Reg. du Très, des Ch., p. 12.)
Jaune, vert, sort, ardani et perse.
G. Guiart, MS. fol. 345, V'.
(1) C'est mêler des phénomènes phonétiques bien différents: manger vient de maiiducare, devenu mand'carre ; ronger
vient de rumigare (ruminer dans Apulée), devenu rum'gare; ardille, comme ^irdillon, rf-monte à l'ancien français harde,
bâton, et, comme hart, est d'origine celtique ou germanique; orge, arge et argant rentrent seuls dans la même ciitégorie ;
ils viennent de liordium, ardiat, ardiantem, et le g est amené par le i, deveuu consonne. (N. E.) — (2) Elle paraît avoir été
une sorte d'érysipèle gangreneux, (n. e.) — (3) De nos jours encore, les paysans bas-bretons l'appellent giuin ardant, vin
ardent, (n. E.)
AR
— 133 —
AR
VARIANTES :
ARDANT. Fabl. MS. du R. n° 7615, fol. 188, V» col. 1.
Ardent. Orth. sub. — Rabelais, T. V, p. 184.
Argans. Ane. Poët. Fr. MSS. av. 1300, T. IV, p. 1325.
Argant. Ane. Poës. Fr. MS. du V., n» 1490, fol. 120, R».
Ardéeur, subst. masc. Brûleur, incendiaire.
Anciennement, les incendiaires, les brûleurs de
maisons se nommoient Ardéeitrs de maisons, et
tout simplement Ardéeurs. (Voy. Ord. T. I, p. 288.
— Rymer, T. I, part, ii, p. 13; tit. de 1256, etc.)
VARIANTES :
ARDÉEUR. Ord. T. I, p. 228.
Ardeor. Gloss. sur les Coût, de Reauvoisis.
Ardeur. D. Carp. suppl. Gl. lat. de Du C. T. I, col. 284.
Ardour. Rymer, T. I, part, ii, p. 13, tit. de 1256.
Ardenteiuent, adverbe. Ardemment. (Voy.
Ardamme.nt.)
Tant il alla et tant il en revint,
Qu'ardeiiteinent amoureux II devint.
Clém. Marot, p. 2i5.
Arder, verbe. Brûler. Briller. Rougir.
La signilication propre et figurée de l'ancien
verbe arder, ardoir, ou ardre, en latin, ardere,
éloit passive, lorsque dans le sens neutre du verbe
brûler, on disoit : « Il virent ces grans rues
« mareheandes ardoir en feu. » (Villehardouin,
page 81.;
.... Fut pour n)-rf/-eau feu livré,
Quant par pluye fut délivré.
Qui le grand feu fist tost esteindre.
Rom. de la Rose, vers 6851-6853.
Li uns le juge à escorchier,
Et l'autre le juge à noier.
Et ii tier à arder en cendre.
Fabl. MS. du R. n" 7615, fol. I8i, R" col. 2.
. . . Ii fèvre qui toz jors s'arcleiil,
Et qui moult poi sont à sejor ;
Ce qu'il ont gaaignié le jor
Despendent largement et bien.
Fabl. MS. du R. n" --218, fol. 198, R- col. 1.
C'est relativement à l'usage de comparer les pas-
sions à un feu dont on brûle, qu'on a dit : « Mieulx
" vauU mariage que ardoir au feu de luxure. »
(Chron. S' Denys, T. I, fol. 271, R°.)
. . . Quant plus air et espran,
Plus seu.x joious ; et si di.
Madame et Amors merci.
Chans. fr. MS. de Berne, n' 389, pari. Il, fol. 55, R'.
Quant li Rois l'ot, si a tel raige,
Avis 11 est que de duel arye.
Fabl. MS. de S- Germ. fol. 60, R- col I.
Il a tel doel, a poi qu'il n'art.
Siège de Tliébes, MS. du R. n" 6987, fol. 65, V col. *.
On disoit dans le sens actif du même verbe brû-
ler : « Ceaus qui son pople courrecoient arst tôt en
« feu. " (Livres des Rois, ms. des Cordel. fol. 158.)
« Cil de Sepharnaum arstrent lur fiz en l'onurance
« Adramalech. » (Ibid. fol. 143, R- col. 2.)
. . . Pria que son corps ardisse?!?,
Sitost comme ardoir ils le puissent.
Rom. de la Rose, vers 6811 et 6812.
Se ce pourpris ne puis garder,
Tout vif me puisse l'en arder.
Ibid. vers 3824 et 3825.
Le maxfex m'arâe à froide cendre,
Se jà me font à mari prandre, etc.
Parton. de Blois, MS. de S' Germ. fol. 150. R- ool. 2.
Au figuré :
Amours art, amours point ; amours esprent trop fort ;
Amours, sans deffiance, a maint preudome mort.
Fabl. MS. du R. n- 7615, fol. 138. V.
Toute princesse en qui prudence habite,
Aymé vertu, de vice se désiste ;
Justice tient, charité son cueur ard.
i. Marot, p. 78.
Ce même verbe, pris substantivement, a signifié
l'action de brûler, d'incendier, le crime d'un incen-
diaire. « Es cas de rapt, de murdre, de traïson, de
» ardoir, et de larrecein, etc. » (Ord. T. IIl, p. 361.
— Voy. Ardéeur.)
En termes de science hermétique, la signification
de brûler est la même que celle de l'ancien verbe
arder, cuire. » Faisoient fondre, ardoient et affi-
« noient leur suif. .. (Ord. T. III, p. 6'»0.) On dési-
gnoit alors un effet de l'activité du feu, comme
lorsqu'en parlant du feu du soleil qui brûle, qui
dessèche la terre et la rend aride, on disoit : « Le
« soleil.... hasle toutes les routes et ar^, eschauffe
« la terre et oste Tumeur. » (Chasse de Gaston
Phébus, MS. p. 22i.) « Aux champs il n'a point
« d'ombre; ainçoys a le soleil arse la terre. » (Id.
ibid. p. 226. — Voy. Ardant.)
C'est relativement à l'idée de la couleur brillante
et rouge d'un corps qui brûle, d'un corps enllammé,
que par comparaison l'on a dit, l" dans le sens de
briller :
.... Tout aussi comme l'or art
Et flamboie sus touz métaus
Que l'on vent et livre à detaus, etc.
G. Guiarl, MS. fol. 290, V.
2° Dans le sens de rougir, être rouge de honte :
Anseis l'ot ; de honte art com un fu.
Auscis, MS. fol. 61, R» col. 1.
CONJllG.
Air, ind. prés. Je brûle. (Chans. Fr. hs. de B.)
Airt, ind. prés. Il brûle. (Ibid. fol. G2, V°.)
Ar {]), ind. prés. Je brûle. (R. Est. Gr. Fr. p. 64.)
Arce, pari. Brûlée. (Fabl. ms. du R. fol. 60.)
Arch, ind. prés. Je brûle. (H. de Job. fol. 168.)
Ard, ind. prés. Il brûle. (R. Est. Gr. Fr. p. 64.)
Ard, participe. Brûlé. (Id. ibid.)
Arde, subj. prés. Qu'il brûle. (Rom. de la Rose.)
Ardent, ind. prés. Brûlent. (Rom. de la Rose.)
Ardent, part. Brûlant. (Rabelais, T. V, p. 184.)
Ardèrent, ind. prêt. Brûlèrent. (Siège de Troye,
Ms. du R. n° 6987, fol. 108, R» col. 1.)
Ardez-, ind. prés. Vous brûlez. (R. Est. Gr. Fr.)
Ardi (j'), indic. prêter. ,Ic brûlai. (Id. ibid.)
Ardi, ind. prêt. Brûla. (Villehardouin, p. 101.)
Ardirent, ind. prêt. Brûlèrent. (R. Est. Gr. Fr.)
Ardismes, ind. prêt. Brûlâmes. (R. Est. Gr. Fr.)
Ardis, ind. prêt. Tu brûlas. (Id. ibid.)
Ai-dissent, subj. imp. Brûlassent. (R. de la Rose.)
Ardist, subj. imp. Brûlât. (Les Marg. de la Marg.
fol. 178, V°.)
Ardistes, ind. prêt. Vous brûlâtes. (R. Est. Gr. Fr.)
Ardit, indic. prêter. Brûla. (Id. ibid.)
AR
— 13i -
iLX
Ardnns, ind. prés. Nous brûlons. (R. Est. Gr. Fr.)
Ardirnt, ind. prêt. Brûlèrent. (Villeliard. p. 195.)
Ards, parlicipe. Brûlé. (Rabelais, T. III, p. '268.)
Ardij, ind. prêt. Brûla. (Poës. de Molinet, p. 159.)
Avgc, subj. prés. Qu'il brûle ; en latin ardent. —
Fabl. Ms. de S' Germ. l'ol. G3.j
.1rs, ind. prés. Tu brûles. {R. Est. Gr. Fr. p. 64.)
Ars, participe. Brûlé. (Id. ibid.)
Arsent, ind. prêt. Brûlèrent. (Pli. Mousk. p. 482.)
Arsimes, ind. prêt. Brûlâmes. (Livres des Rois,
MS. des Cordel. fol. 39, R" col. 2.)
.'l)'s/,s, ind. prêt. Tu brûlas. (Dit de Cbarité.)
Arsisent, subj.imp. Brûlassent. (Ch. d'Outremer.)
Arsist, subj. imp. Brûlât. (Fabl. ms. du R.)
Arsse, parlicipe. Brûlée (G. Guiart, ms. fol. 92.)
Arst, ind. prêt. Brûla. (Livres des Rois.)
Arstrcnt, ind. prêt. Brûlèrent. (Livres des Rois.)
.4)-/, ind. prés. Brûle. (Modus et Racio, fol. 200.)
Art, ind. prêt. Brûla. (Livres des Rois.)
Art, subj. prés. Qu'il ])rùle. (Siège de Troye.)
Astrcnt, ind. prêt. Brûlèrent. (Livres de Rois.)
Il existe entre les terminaisons de l'infinitif des
verbes françois et la formation des autres modes et
temps, une règle générale d'analogie, d'après
laquelle on juge que relativement à la terminaison
fln/cr, on a formé l'indicatif prétéi'itard^'reH^; rela-
tivement à la terminaison rt)'rfn% l'indicatif présent,
ar, ars, ard ou art; relativement aux terminaisons
ardre et ardoir, l'indicatif prétérit, ardi, ardis,
ardit, ardi&mes, ardistes, ardirent et le subjonctif
imparfait ardist, ardissent. On recoiinoit au pre-
mier coup-d'œil les modes et temps dont la forma-
tion est également analogue aux différentes termi-
naisons de l'infinitif, ardre, ardoir o\i arder. Quant
à ceux qui paroissent exactement imitatifs de modes
et temps latins, tels que l'indicatif prétérit arst ou
art, en latin arsit; arsimes, en latin arsiinus;
arstrent, par contraction arsent, en latin arserunt,
on pourroit les regarder comme une preuve de
l'existence de rinfinîtif arsir, et dire que les modes
et temps de cette espèce, comme le subjonctif
imparfait arsist et arsîsent, le participe ars ou
arsis, appartenoient à la conjugaison de l'ancien
verbe arsir. (Voy. Arser.)
ARDER. Fabl. MS. du R. n" 7615, fol. 18i, R» col. 2.
Ardoir. S' Bern. Serra, fr. MSS. p. 76 et 372.
Ardre. Rom. de la Rose, vers 6851.
Ardeur, subst. fém. (Voy. Ardeure.) Ardeur du
feu. Quoique la signification propre, comparative
et figurée d'ardeur, ait toujours été la même,
depuis que ce mot existe dans la Langue, il semble
qu'en parlant d'un buisson ardent, on ne diroit
plus dans le sens propre :
Il sembloit qu'il arsist; n'niv/oc ne le raehaigne.
Je vueil, dist Moyses, veoir la vision,
Comment c'est qu'il me samble qu'il art sans arsion.
Dils et iMoralités, MS. de Gaignal, fol. 298, col. 1.
Au figuré, en parlant du feu de la colère :
Karles l'entent, s'en ot ire et ardor.
Anseis, MS. fol. 68, V- col. 2.
VARIANTES :
ARDEUR. Orth. subsist.
Ardor. Dits et Moralités, MS. de Gaign-it, fol. 298.
Ardeure , subst. fém. (Voy. Ardeur.) Effet de
l'ardeur du feu. Ardeur des passions.
La signification de ce mol ardure éloit la même
que celle de brûlure, effet de l'ardeur du feu, lors-
qu'on parlant de la pierre magnétique pulvérisée,
on a dit :
La puldre est bone sur ardure,
Et sur toute eschaldeure.
Marbodus.de Gemrais. art. XIX, col. 1656.
Au figuré, et par extension de l'idée particulière
du mal occasionné par l'ardeur du feu, à l'idée
générale d'un mal physique ou moral occasionné
par le tourment de la faim, de la crainte, de
l'amour, etc.
.... Se li sièges auques dure,
Test auroient de fain ardure.
Atliis, MS. fol. 89, R- col. 1.
Oiez par quel bonne aventure
Dex les garda de ceste ardure.
Ibid. fol. 81, R- col. 1.
Quant Amours m'a ce commandé
.Te luy ay adono demandé
Comment vit homme et comment dure
En telle paine, en telle ardure '?
Rom. de la Rose, vers 2610-2617.
En comparant à l'activité, à l'ardeur du feu. celle
des passions, on disoit figurément et dans le sens
de notre mot ardeur, qu'un cheval plein de feu,
étoit de grant ardure; qu'un homme ardent au
combat s'y mettoit par ardure; qu'une femme
brûlant d'amour séchoit û'ardure, etc. {Voy. Fabl.
MS. du R. n- 7218, fol. 193. R° col. 1. — G. Guiart, ms.
fol. 350, R" etc.)
Si com Echo qui sert de recorder
Se qu'autre dit : et par sa sorcuidance
Ne la daigna Narcissus regarder :
Aiiis sécha toute de ardeure,
Fors de la voix qui encores li dure ;
Aussi perdrai tout fors merci crier,
Et sécherai de dueil et de pesance.
Fauchcl, Lang. et Poês. Fr. p. U3.
VARIANTES :
ARDEURE. Fauchet, Lang. et Poës. Fr. p. 143.
AiUDURE. Chans. Fr. MS. de B., part. II, fol. 4.
Ardure. Fabl. MS. du R. n» 7218, fol. 3.
Ardi, subst mnsc. Liard. On s'est trompé en
croyant que // ardis ou li hardis étoient inconnus
avant le règne de Louis XI. La fausseté de cette opi-
nion est prouvée par deux titres latins, l'un de 1409
et l'autre de 1410, cités par Du Gange, (Gloss. lat. au
mot Ardicus ;) et par deux titres en françois, l'un de
1417 et l'autre de 1451, cités par son Continuateur.
« Le suppliant fist bailler au tavernier sept hardiz-,
« etc » (D.Carpentier, Sup. Gloss. lat. deDu Gange,
T. I, col. 285; lit. de 1417.) « Sera levé pour nous
« en la ville... le droit de l'asize, qui y est acous-
« tumé de lever, c'est assavoir de soixante hardiz,
« ung. " (Id. ibid. tit. de 1451.)
Le cours de cette monnoie, antérieur au règne
de Louis XI, auroit commencé sous celui de Philippe-
la-Uardi, s'il étoit vrai qu'on l'eût ainsi nommé,
parce que ce Prince fut le premier qui en ordonna
AR
— 135 —
AR
la fabrication. Probablement la ressemblance du
nom de celte monnoie avec le surnom de Phi-
lippe m, est la seule raison qu'on ait eu de croire
qu'il avoit fait frapper les premiers hardis ou ardis;
puisqu'afiu de pouvoir en attribuer la fabrication à
Richard I, roi d'Angleterre, comme à Philippe, roi
de France, on a supposé que tous deux avoient eu
le surnom de Hardi. On sait que Richard fut sur-
nommé C(i'ur-de-Lion, surnom qui atteste la har-
diesse de son courage, sans justifier la prétendue
origine de la dénomination des ardis ou hardis.
Lorsqu'on a la preuve que dans le moyen âge
l'expression latine argentum arsum, par une com-
paraison relative à la couleur noire d'une chose
arse, signifioit monnoie de billon, monnoie de cui-
vre, autrement monnoie noire, eu latiu argentum
niyrum ; il paroit bien plus raisonnable de penser
que les ardis étant une monnoie noire, une mon-
noie de billon, une monnoie de cuivre, on l'aura
désignée par un mot qui, à la terminaison près,
semble être le même que ard ou ars, en latin arsiis (1 ).
En elfet, les pièces de monnoie nommées en
Guienne et en d'autres Provinces méridionales, H
ardis, étoieut les mêmes que dans le Daupbiné et
les Provinces en-deyà de la Loire, on nommoit
liurds, en réunissant l'article pluriel H au participe
ards employé comme substantif. (Voy. Lurd.)
Les Ordonnances de l'ûO et l'i73, qu'on trouve
manuscrites en léte de l'ancienne Coutume de Nor-
mandie, envers, (fol. 17, V° et 18) et une autre
Ordonnance du 16 février 1485, citée par Du Gange
(Gloss. lat. T. IV, col. 928), concernant le cours des
Monnoies, fixent à trois deniers pièce, la valeur des
liards et hardis. « Cette monnoie qui valoit trois
« deniers, et qui par conséquent partageoit le sol
« en quatre, éloit appelée hardi en Guyenne, et
« liarden Daufmé et dans les autres provinces qui
" sont en deçà de la Loire. » (Le Blanc, Tiaité des
Monnoies, p. 250.) Peut-être rapportoit-on au sur-
nom de Pbilippe-le-//fl)'rf?, l'origine de la dénomi-
nation de cette monnoie en écrivant hardis, pour
ardis. (Voy. Du Gange, Gloss. lat. T. I, col. 673, au
mol Ardicus. — Id. ibid. col. 686, au moi Argen-
liini.)
VABIAKTES :
AUDI. Du Caiige, Gloss. lat. T. I, col. 673.
Ardic. Id. ibid.
Ardid. Cotgrave, Dict.
Ardit. Coût. gén. T. II, p. 723.
H.\RDi. Du Gange, Gloss. lat. T. I, col. 073.
H.\RDY. Des Accords, Bigarrures, fol. 60 R".
Ardilier, subst. masc. Buisson de ronces et
d'épines. Le substantif ardilier (2), formé du verbe
ahcrdre (|ue par contraction l'on écrivoil ardre,
comme dans les Poës. de Geoffroi de Paris, à la
suite du Rom. de Fauvel, (ms. du R. n" 6812, fol. 50,
R° col. 3,) désigne en îNormandie un buisson de
ronces et d'épines; peut-être parce qu'en voulant
passer à travers, on accroche, on ah.ert. (Voy. Da
Gange, Gloss. lat. T. I, col. 673, au mol Ardillaria.
Ce mot latin ardillaria, qu'on a cru de même ori-
gine et même acception que le franyois ardilier,
étant formé de ardilha, en francois ardille pour
argille, signifioit argillière. (Voy. D. Carpentier,
Suppl. Gloss. lat. de Du Gange, T. I, col. 285, au
mot Ardilha.)
Ardille, snhst (ém. Argile. En latin argilla, que
dans le moyen âge on écrfvoit ardilha, en substi-
tuant d à g, comme dans le francois ardille (3) et
ardrille. « Les Cerfs.... se brunissent leurs testes,
« les uns aux Charbonnières, les autres en Vardille,
« en terre rouge. » (Fouilloux, Vén. fol. 18.) C'est
par le changement de la lettre dentale en la sif-
flante s, changement commun à toutes les Langues,
qu'on a prononcé et écrit arsille pour ardille.
« Rompirent la paray qui estoit d'arsille, d'entre
« deux coulombes, pour osier, etc (D. Carpentier,
Suppl. Gloss. lat. de Du Gange, T. L col. 285, au
mol Ardilha. — Voy. Arcuil.)
VARIANTES :
ARDILLE. Fouilloux, Vén. fol. 18, V°.
Ardille. D. Carp. S. Gl. 1. de D. C. au mot Ardilha.
Arsille. Id. ibid. tit. de t397.
Ardilier, t'erftf?. Enduire d'argile. (Voy. Cotgrave,
Dict.)
Ardillier, adj. Argilleux. On a dit en ce sens,
terre ardilliere. (Voy. Golgrave, Dict.)
VARIANTES '.
ARDILLER. Cotgrave, Dict. au mot Ardilier.
Ardiller. Id. Ibid. — Médecines des Clievaux, p. 4.
Ai\DRiLLOux. D. Carp. S. Gl. 1. de D. C. à .Ardilha.
Ardillon, subst. mase. (Voy. Ardiuer.) Ce mot
qui subsiste est ancien dans notre Langue et peut-
être aussi ancien que le verbe aherdre, aerdre ou
ardre dont Gaseneuve l'a cru formé. Cette origine,
à laquelle on en oppose plusieurs autres indi-
quées dans le Dict. Elym. de Ménage, semblera
peut-être d'autant plus naturelle qu'aherdre signifie
l'usage de Vardillon d'une boucle, de la boucle
d'une ceinlure de Moine.
Si a lo Ardeillon trové;
Moult fieremant l'a atachié :
Puis est arrière repairié....
A ses compaignons a conté
Cernant lo moine avoit pendu
A la hart o li bacons (4) fu.
Fabl. MS. de Berne, n- 354, fol. 142, R- col. 1.
D'ailleurs, lorsqu'on sait qu'en certaines pro-
vinces, le Peuple prononce f/afd;7/o» \>ouv ardillon,
il ne paroit pas moins naturel de croire qu'ardillon
est le diminutif de dard, comme dardillon un peu
altéré dans l'orthographe usitée, par la suppression
de la première lettre.
VARIANTES :
ARDILLON. Orlh. subsist.
Ardeillon. Fabl. MS. de Bou. n» 354, fol. 142.
(1) On peut considérer en effet arditus comme une forme intensive de arsiis. Comme ce mot était surfont employé au
midi de la Loire (limousin ordi) et en Espagne (ardite), on a aussi proposé la racine basque ardila. (n. e.) — (2) Ce mot a
la même ori;jine que ardillon, c'est-à-dire l'ancien français arde, avec le suffixe urius, crius. (N. e.) — (3) C'est encore ainsi
que se prononce le mot uigile en Berry ; n'indique-t-eUe pas qu'à l'origine le y se prononçait dj, puis di ? (n. e.) - (4) lard.
AR
— 136 —
AR
Ardoise, suhst. fém. Pierre bleue et fossile.
On liltjue r;elte pierre, inconnue aux Anciens, a été
nommôe ardoise, en latin ardesia, ou lapis arde-
sius, later ardesius, parce que les premières ardoi-
ses ont été tirées d'Ardes en Irlande. « C'est du
a nom de ce pays, en latin Ardesia, que cette
« pierre transportée dans toute l'Europe fut
« appelée lapis ardesius, later ardesius, ardesia ;
« d'oîi nous avons fait notre mot ardoise. » (Mé-
nage, Dict. Elym.) Au reste, il y a sur l'origine de
cette dénomination, différentes opinions qu'on peut
voir ibid. au mot Ardoise (1).
Ardoiser, verbe. Couvrir d'ardoise. (Voy. Cot-
grave, Dict.) De là, l'expression clocher ardoisé.
(Epith.de M. delà Porte.)
Ardoiseux, adj. Qui est en ardoise. (Voy. Cot-
grave, Dict.)
Ardoizin, adj. Qui est d'ardoise. On a dit en ce
sens, pierre ardoizine. (Voy. Rabelais, T. Il, p. 24i.)
Ardu, adj. Haut, sublime, difficile. C'est l'ad-
jectif latin arduus, francisé par nos Auteurs du
.XVI' siècle, qui désignoient figurémenl et par compa-
raison la hauteur et la sublimité des choses, et par
conséquent la difficulté d'y atteindre, la difficulté
de parvenir à les comprendre et à les connoitre, en
disant qu'elles étoient ardues.
Nobles espritz, arduz, scientificques,
Que songez-vous, où avez -vous esté ?
F.iifeu, p. 1.
Tes poincts sont grans, tes mètres mesurez,
Tes dits tous d'or, tes termes azurez,
Voire si hauts et ardus, à tout prendre.
Que mon esprit travaille à les comprendre.
Clém. Marot, p. 157 et 158.
Les sciences, lesconnoissances auxquelles il étoit
difficile d'atteindre, étoient desconnoissauces, des
sciences ardues. « C'est une si'ience divine et bien
« ardue, que de scavoir jouir loyalement de son
« eslre. «(Sagesse de Charron, p. 314.) « Quelle
« chose peut eslre plus ardue et grave, qu'en si
« grande dissimililude d'amans et d'amantes pou-
« voir discerner tiuelle est la figure espèce de
« la vraye et parfaite amour. » (L'Amant ressusc.
p. 79.) Ce mot, dont M. Dubois alfecloit l'usage, a
vieilli dès le xtu' siècle. (Voy. Longueruana, T. I,
p. 95.)
Arduité, subst. fém. Difficulté. On a dit figuré-
menl : » L'Empereur ayant considéré Varduité de
« son entreprise, etc. » (Du Bellay, Mém. liv. X,
fol. 334. — Voyez Ardu.)
Are, adj. Aride, sec, desséché. Qui rend aride,
qui dessèche.
Ce mot are ou aire, formé par contraction du
latin aridus, signifioil aride, sec, desséché. « Le
« pays de Champaigue est si ayre cl infertile,
« qu'à peine les trois quarts des terres peuvent
« porter de l'herbe. » (Ane. Proc. vcrb. des Coût,
de Troyes, au Nouv. Coût. gén. T. III, p. 293.)
« Leurs viandes sont ares et aigres, et de peu de
« substance. » 'Du Fouilloux, Vén. fol. 18, V°.)
Dans un sens actif et analogue à celui du verbe
ardre, dessécher, rendre aride, on a dit: « Le vent
« de galerne est arre, froid, desséchant grande-
" ment. » (Du Fouilloux, Vén. fol. 4i. — Voy.
Arir.)
VARI.\^"TES :
ARE. Gloss. lat. fr. du P. Labbe, à Arefieri.
Aire. Ane. Proc. verb. des Coût, de Troyes.
Ares. Eust. Desch. Poës. MSS. p. 167.
Arez. Gloss. lat fr. du P. Labbe, au mot Aridus.
Arre. Chron. S' Denys, T. I, fol. 267, R».
Ayre. Ane. Proc. verb. des Coût, de Troyes.
Are, pari. Labouré. On observera qu'au moyen
de l'ellipse du substantif terre, ce participe au fé-
minin signifioil terre arée, terre labourée. Ancien-
nement, en opposant et réunissant les terres arées
ou les arées, aux bruières, on exprimoit l'idée de
lieu en général, comme aujourd'hui en disant « par
« monts et par vaux. » (Voy. Arée.)
Tant a là Sarjanz qui se plaingnent,
Espoventablement acertes,
Que de touz lez en sont couvertes
Bruières et terres arées.
G. Guiarl, MS. fol. 47, R'.
Areaii (2), subst. masc. Instrument de labourage.
Espèce de charrue sans roues, comme l' araire.
(Voy. Araire.) « Prinl... ung atjreau fourni de
« coustre, etc. » (D. Caipentier,Suppl. Gloss. tat.de
Du Cange, T. I, col. '270 ; lit. de 1457.) « Laissoient
» leur ureau el autres habillemens de labourage. »
(Id. ibid. tit. de 1498. — Voy. Aroy.)
. . . Pour soy n'est rangé le toreau
Desous le joug, pour y traîner l'aireau.
Perrin, Poés. fol. 40, V'.
VARIANTES :
AREAU. D. Carp., S. Gl. lat. de Du Cange, T. I, col. 270.
AiREAU. Perrin, Poës. fol. 39, V".
AYRE.A.U. D. Carpentier, uhi supra ; tit. de 1457.
Arée, subst. fém. Terre labourée, terre en la-
bour, terre de labour. Sillon. Labour, labourage.
Il est visible que ce mol arée est le féminin du
participe are, el qu'on faisoit ellipse du substantif
leire, lorsqu'il désignoit substantivement terre la-
bourée, terre en labour, terre de labour, comme
dans l'expression par arée et par brieroi : c'est-à-
dire, partout, en lous lieux. (Voy. Are.)
Tost est la nouvele espandue.
Par arce et par brieroi,
C'un François a ocis le Roi.
G. Guiart, MS. fol. 99, Y'.
Vilains guerpissent les arées.
U. ibid. fol. iU, V°.
Gardez que ne mi faciez mal ;
Car mon père est en Varùe,
Où il esploit'? à son jornal.
Ane. Poël. fr. MSS. avant 1300, T. IV, p. 1571.
(1) N'y aurait-il pas là le radical celtique arddû, noir, qu'on retrouve dans ardenne (forêt sombre)? De nos jours encore,
en Bretagne, les Montagnes Noires sont ainsi nommées des carrières d'ardoise qui assombrissent leurs flancs. (N. e.) —
(.2) Vient d'une forme areUus. (N. E.)
AR
— d37 -
AR
Dous buefs avomes en Varée.
Rom. de Floircmonl, MS. de R. n- 6973, fol. U, V col. 2.
Quelquefois une arée étoit le sillon tracé par le
soc, le contre de la charrue dans une terre en la-
bour, ou terre de labour. (Voy. Bourgoing, de Orio-
Voc. Vulg. fol. G7. — D. Carpentier, Suppl. Gloss.'
lat. de Du Gange. T. I, col. 270 ; lit. de 1400.)
Emprès Audigier cort, geule baée ;
Et la Vieille l'ateint en une arée
Par la teste le prant qu'il ot enfié'é';
Tout envers l'abati en une ai-ée.
Rom. d'Audijier, MS. de S' Gerji. fol. 68, R- col